Cet OS est une tentative. J'ai essayé d'imaginer ce que pourrait être la première rencontre entre Draco et Teddy. J'espère qu'elle vous plaira. J'ai hésité sur le moment auquel couper mon OS, ne sachant si j'en avais écrit trop ou trop peu. Il y a encore tellement de choses à dire sur eux que j'en ferai peut-être un autre OS, plus tard, quand ils auront grandi (et vieilli)...
Disclaimer: les personnages et l'univers appartiennent à JKR.
Bonne lecture !
Edit: merci à Jyanadavega qui m'a fait part d'une petite erreur qui s'était glissée dans ma formulation !
Il commençait à neiger sur Londres. On était en janvier et l'hiver s'annonçait rude. La Guerre était terminée depuis quelques années. Ceux-ci avaient été riches en événements, pour tout le monde. Il avait fallu tout reconstruire. Les vies. Les bâtiments. La confiance, surtout.
On avait monté en urgence un nouveau Ministère de la magie. Kingsley Shacklebolt, ancien responsable des aurors, avait été nommé Ministre. Il avait choisi John Dawlish comme chef du bureau des aurors à sa place et celui-ci avait rassemblé les troupes restantes pour traquer les derniers Mangemorts en liberté. Ils avaient alors organisé les Procès Noirs, dont les sessions étaient publiques. Certains s'étaient distingués plus que d'autres. Si on avait prêté peu d'attention à la condamnation au baiser du détraqueur d'un certain nombre de mangemorts, le procès de la famille Malfoy avait fait grand bruit.
Lucius Malfoy avait été enfermé par prévention à Azkaban avant son procès, tardif. Il était apparu comme l'ombre de lui-même. La prison ne lui allait pas au teint, avait ironisé certains. Il était encore plus fantomatique qu'habituellement. Il avait échappé de peu au baiser du Détraqueur grâce à un avocat hors pair, qui avait également défendu le reste de la famille. Narcissa Malfoy avait été condamnée à résidence pendant sept ans et le jeune Draco Malfoy s'était vu affubler d'entretiens hebdomadaires avec un psychomage et de l'interdiction de transplaner ou d'utiliser sa baguette pendant trois ans. N'ayant pas la marque des ténèbres ni l'un ni l'autre, ils avaient évité Azkaban.
Après les Procès et l'enfermement des Mangemorts à la prison magique, on était enfin descendus à nouveau dans les rues. On avait reconstruit ce qui pouvait l'être, réparé ce qui pouvait être réparé, et rouvert les magasins qui avaient été fermés. Le glacier Fortarôme avait trouvé un remplaçant et l'Allée des Embrumes avait été nettoyée de ses boutiques étranges et dangereuses.
Les gens sortaient à nouveau et recommençaient à rire et à parler fort dans les rues, sans avoir crainte de quoi que ce soit. Ils se rapprochaient les uns des autres, retrouvaient les membres éloignés de leur famille avec lesquels ils s'étaient brouillés pendant des lustres sans savoir exactement pourquoi.
Les jeunes étudiants de Poudlard reprenaient leurs études pour la plupart, certains terminaient leur septième année à l'école de sorcellerie pour obtenir les fameux ASPICS, les autres avaient obtenu une dérogation pour commencer dès à présent leurs études supérieures. Les écoles se remplissaient à nouveau, sans crainte d'être attaquées ou que leurs programmes soient remplacés par de plus sombres.
De temps en temps, bien sûr, des anomalies apparaissaient. Des phrases qui faisaient mouche alors qu'elles n'auraient pas dû. Des propos mal interprétés. Des disputes qui n'avaient pas lieu d'être. Les incidents étaient vite arrivés.
Draco en avait fait les frais. Chaque sortie était devenue pour lui une épreuve. Son psychomage se trouvait dans le centre du Londres sorcier, il devait à chaque fois traverser de grandes artères, et chaque trajet pour les visites était un calvaire. Evidemment, sans baguette et avec la Trace sur lui pour éviter qu'il ne déroge à sa peine, il pouvait difficilement se dissimuler. Il avait été jusqu'à teindre ses cheveux pendant un temps, pour qu'on le reconnaisse moins, mais son visage en lui-même avait été exposé partout. Il n'était plus le bienvenu, loin de là.
Cette constatation, bien qu'évidente, lui avait fait un choc au départ. Lui, qui avait été si reconnu, si apprécié, si respecté durant ses années à Poudlard, qui avait joui du statut de son père et de son nom, était à présent honni pour les mêmes raisons. Il avait perdu tous les soutiens durement acquis, les alliances formées à l'époque de la Guerre, les quelques amis qu'il avait. Il ne restait de tout ça que Pansy Parkinson, qui venait le voir de temps en temps pour prendre de ses nouvelles. Elle était la seule à faire semblant que tout allait bien, et à ne pas s'apitoyer sur son sort ou l'insulter.
Au début, il n'avait même plus osé sortir du Manoir. Mais il s'était vite senti étouffé par l'atmosphère morose qui y régnait. Sa mère n'était plus que l'ombre d'elle-même. Elle avait vécu pendant des années sous les volontés de son mari, et à présent qu'elle était seule, que son nom était aussi sali qu'il pouvait l'être, elle n'arrivait pas à refaire surface ni à vivre pour elle-même. Il la sentait lui échapper doucement, dépérir, sans qu'il ne puisse faire quoi que ce soit et cette vision était devenue insupportable. Alors il avait fui.
Il n'était pas question de sortir du côté sorcier de Londres, là où tout le monde l'évitait ou lui crachait dessus. Il avait alors commencé à explorer le monde moldu. C'était la première fois qu'il s'y rendait, et il y avait fait des découvertes impressionnantes. Ils n'étaient pas si idiots que ça, avec leurs inventions qui reproduisaient les effets de la magie. Bien sûr, il les trouvait naïfs quelque part, dans leurs idées de révolutionner le monde alors qu'ils n'en connaissaient que la moitié et ne pouvaient pas expliquer un grand nombre de phénomènes.
Mais c'était agréable, de ne plus être pris pour un paria. D'être anonyme au milieu de cette foule. Il se surprenait à apprécier cette solitude. Il pouvait vagabonder dans les rues, observer les vitrines, prendre un verre dans un quelconque bar moldu, le tout sans anicroche. Enfin. Au départ, il avait quand même eu quelques soucis avec leur monnaie. Il se souvenait encore de l'air ahuri du commerçant à qui il avait voulu instinctivement donner un gallion. Il avait dû faire croire à une farce d'un quelconque neveu, pour que le moldu ne se doute de rien. De même, ses robes n'étaient pas passées inaperçues et il avait donc enfilé quelques vêtements moldus à la suite de remarques fort désobligeantes.
Un jour, il avait même pensé louer un appartement. Cette idée avait fait son chemin dans sa tête pendant quelques mois. Il en avait même parlé à son psychomage qui avait trouvé que c'était une excellente idée. Une histoire de prise de conscience de l'égalité de tous les sangs. Le plus difficile, avait-il pensé, serait de l'annoncer à sa mère. Pourtant, celle-ci était tellement enfermée dans ses souvenirs qu'elle avait à peine réagi. Il en avait eu mal au cœur. Une certaine culpabilité lui collait à la peau. Les elfes de maison s'occupaient bien d'elle, et elle avait toujours quelques amies qui venaient prendre le thé au manoir, mais il avait l'impression de ne pas remplir son devoir filial. Bien qu'il ne puisse rien faire pour elle.
Il avait fini par trouver un logement tranquille, au-dessus d'une boutique d'antiquités. Les pièces n'étaient pas très grandes, bien loin des proportions du manoir, et les fenêtres donnaient sur les rues passantes, mais c'était chez lui. Il le louait avec son propre argent, converti en monnaie moldue, et avait tout acheté. Il ne voulait rien emporter de la demeure familiale, exception faite de ses vêtements et livres. Il avait dû signaler sa nouvelle adresse au Ministère et avait fait semblant de ne pas se formaliser de l'air pincé de la secrétaire.
Deux ans déjà étaient passés depuis le procès. L'eau avait coulé sous les ponts et dans un an, il pourrait enfin retrouver sa magie. Draco n'avait pas encore décidé de ce qu'il ferait. Il avait appris à vivre comme un moldu, et ça n'était pas si désagréable. Il n'était pas sûr que les facultés sorcières l'accueillent à bras ouverts. Pourtant, le droit était une option attrayante. Et l'avocat de sa famille, qu'il avait aidé dans la rédaction du plaidoyer pour son père, lui avait promis un stage à ses côtés s'il avait besoin. Enfin, il avait encore le temps d'y penser, songea-t-il en buvant une tasse de son café, attablé pour le petit-déjeuner.
Soudain, un hibou frappa au carreau. Draco reposa sa tasse avec fracas, surpris. Peu de gens connaissaient son adresse, et il ne recevait pas beaucoup de courrier. Quelques lettres de Pansy, qui lui donnait également des nouvelles de Théodore Nott, dont elle s'était amourachée, et des cartes postales de Blaise, parti en tour du monde. Il se précipita à la fenêtre, pour faire entrer le volatile qui allait interloquer ses voisins. Il fouilla dans sa commode, trouva le miamhibou et lui en donna un peu tout en détachant la missive.
Malfoy,
Ton psychomage affirme que tu as changé. Je ne suis pas sûr d'en croire un mot. Cependant, je pense qu'il est important pour Teddy que tu le rencontres. Il est le fils de Nymphadora Tonks, ta cousine, et Remus Lupin. Il a deux ans. Il sera chez moi ce week-end, au Square Grimmaurd. Je crois que tu connais. Tu peux passer, disons vers 16h, samedi ?
A samedi,
Harry Potter
Dire que cette lettre était étonnante n'était pas assez fort pour décrire le sentiment dans lequel le jeune homme se trouvait. Un… petit-cousin. Il avait un petit-cousin. Lui qui ne savait même pas qu'il avait une cousine. Nymphadora. Un drôle de prénom. Et Potter qui voulait qu'il le rencontre. Il n'en avait donc pas assez de son rôle de Sauveur, il fallait encore qu'il réunisse la veuve et l'orphelin ? Il soupira et mit le parchemin de côté. Il n'était pas sûr de vouloir obéir aux ordres de Potter, ni de vouloir rencontrer cette nouvelle famille.
Le samedi suivant cependant, il se présenta à la porte du Square Grimmaurd. Il ne savait pas trop à quoi s'attendre. Peut-être fallait-il s'en aller ? Il n'était pas sûr d'avoir une bonne influence sur le petit garçon. Il ne le connaissait même pas, et détestait les enfants. C'était bruyant, malodorant, et ça vomissait partout. Sans parler des questions imbéciles auxquelles on ne savait jamais quoi répondre. Non, vraiment, c'était tout sauf une bonne idée. Alors qu'il s'apprêtait à tourner les talons, la porte s'ouvrit.
« Ah, Malfoy ! Je t'en prie, entre ! » S'exclama Granger. Que fichait-elle là, il n'en savait rien.
« Tu t'assures que Potter et moi n'allons pas nous étriper ? Je suis venu sans baguette. » Ironisa-t-il en écartant les bras.
« Harry et Teddy sont dans le salon. Première porte à droite. Je file, j'ai quelques courses à faire. » Fit-elle en transplanant directement.
Après l'avoir vue disparaître sous ses yeux, Draco soupira, et entra tout de même. Il ne perdait pas grand-chose. Il pourrait toujours partir rapidement si le marmot était trop barbant. Il s'avança dans l'entrée, et manqua de faire tomber le porte-parapluie jambe de troll. De très mauvais goût, grimaça-t-il. Dans le salon, il aperçut en effet Potter, à genoux par terre, faire tourner un petit train, qui ressemblait fort au Poudlard Express, sur un circuit avec sa baguette, pendant qu'un petit garçon riait aux éclats.
Ce devait être le fameux Teddy. Il paraissait assez grand, pour deux ans seulement. Et ses cheveux étaient d'une couleur… étonnante. Qui diable pouvait bien teindre les cheveux d'un enfant en bleu ? Assurément, celui qui avait fait ça n'était pas très net.
« Salut Malfoy. » le fit sursauter Potter. Il avait cette manie de se planter devant les gens sans qu'ils ne s'y attendent.
« Salut Potter. C'est lui ? » Fit-il inutilement en désignant le gamin du menton.
« Oui. Teddy ? Peux-tu venir ici deux minutes, s'il te plaît ? » Répondit Harry.
Le petit garçon se releva péniblement et trottina jusqu'à eux. Il s'accrocha immédiatement à la jambe d'Harry, et leva ses yeux légèrement ambrés vers cet inconnu qui le dévisageait. Draco était curieux. Il avait en effet les mêmes yeux que Lupin. Il y avait un air de ressemblance avec son ancien professeur, c'était indéniable. Il ne savait même pas que celui-ci avait un enfant, ni même une compagne. Il fallait dire qu'avec ses vêtements élimés et son air constamment désespéré, sans parler de sa condition de loup-garou, ça n'était pas évident. Est-ce que le petit avait hérité de ça aussi ? C'était un risque monstre d'avoir fait un enfant sans savoir s'il hériterait des gènes de loup, pensa-t-il. Ils avaient été totalement inconscients.
L'enfant le regardait avec des yeux emplis d'innocence. Des yeux qu'il avait sans doute eus à une époque. Il y avait bien longtemps. A l'époque où il avait encore le droit d'être innocent. Ça n'avait pas duré longtemps. Ce petit garçon ne vivrait pas pendant la Guerre, c'était déjà ça. Il avait de la chance. Draco ne put s'empêcher de s'accroupir pour regarder l'enfant en face.
Il était reconnaissant à Potter de ne rien dire, de ne pas le railler. Le jeune homme avait l'impression que ce moment était important. Qu'il allait déterminer l'avenir de sa relation avec le petit garçon. Alors il le regarda sans chercher à cacher quoi que ce soit. Il fouillait les yeux de Teddy pour y trouver de la peur et du dégoût, mais il ne trouva rien d'autre que de la curiosité. Potter ne lui avait donc rien dit sur lui. Il ne lui avait pas encore bousillé le cerveau avec ce qu'il avait fait par le passé. Il lui avait laissé une chance. De lui raconter lui-même plus tard peut-être, d'essayer de lui faire comprendre.
« Bonjour » dit-il doucement, « je m'appelle Draco. Sais-tu qui je suis ? »
Le petit garçon hocha la tête en murmurant un vague « oui ». Ça tombait bien. Parce que lui n'avait aucune idée de comment ils pouvaient être cousins. Il supposait que sa mère le lui avait caché, puisque son père avait toujours été fils unique. Cependant, il ne voyait sûrement pas Bellatrix faire un enfant, et encore moins la laisser se marier à un loup-garou. Non, il y avait quelque chose qui clochait, c'était certain. Il en aurait mis sa baguette au feu. S'il l'avait encore. Il passa un doigt sur la joue du petit garçon, pensivement, et se redressa.
« Potter ? On peut discuter ? » Fit-il, d'un ton pressé.
L'autre hocha la tête et envoya le petit garçon s'amuser seul avec le train. Celui-ci protesta contre le fait qu'il n'y avait désormais plus de magie, et que c'était bien moins amusant, mais il ne rechigna pas longtemps, poussé par le regard sévère d'Harry.
Les deux adultes se dirigèrent instinctivement vers l'entrée. Après avoir observé méticuleusement le bout de ses chaussures, qui lui avaient quand même valu une fortune avec ses pieds délicats, et être passé par la honte et la gêne, Draco se décida enfin à poser la question qui lui brûlait les lèvres :
« Tu m'expliques ? » lâcha-t-il.
« T'expliquer quoi ? Je crois avoir été suffisamment clair dans ma lettre. Je ne t'aime toujours pas mais je pense qu'il est important que Teddy connaisse ce qu'il lui reste de famille. C'est important. Tout le monde n'a pas cette chance. » Ajouta-t-il d'un ton amer.
« Mais… quelle famille ? Je ne connaissais même pas sa mère… » Murmura Draco, perturbé. « Et il ne fallait pas te donner cette peine, Saint Potter. Je suis sûr que tu aurais préféré que je n'aie pas d'influence sur ce môme, il est encore temps… »
« Oh. Je vois. Tes parents ont dû te cacher cette partie de ta famille. Ça ne devait pas être assez reluisant pour eux. » Cracha l'autre.
« Si c'est pour ça que tu as voulu que je vienne, pour m'insulter, ça n'était pas la peine. Je l'ai déjà dit à mon procès, Potter : je n'approuve pas les idées et les méthodes de mon père, mais il reste de ma famille. Ma mère aussi. Je ne te parle plus de tes parents alors évite les miens, à l'avenir, si tu veux vraiment que je connaisse ce gamin. » Répondit Draco, blessé. « Bon, qui est sa mère, alors ? »
Harry l'approcha de la tapisserie qui ornait les escaliers. Il n'avait pas eu le courage de l'enlever. Il avait cependant, à force de manipulations compliquées et de beaucoup de magie, réussit à y faire réintégrer Sirius, Tonks, Remus et même Teddy. Tous avaient à présent leur place sur son mur. C'était la première chose à laquelle il s'était attelé en arrivant au Square Gimmaurd. Ça, et l'horrible portrait de Walburga Black qui avait fini ses jours dans la cheminée.
« C'est l'arbre généalogique des Black, sur plusieurs générations. Regarde, tu es là. » Fit-il en désignant le petit cadre ovale brodé sur la toile, à l'intérieur duquel se trouvait son nom. « Il y a aussi tes parents. Et à côté tes tantes. »
« Mes tantes ? Je n'ai jamais eu que Bellatrix comme tante. Et crois-moi Potter, c'était bien assez. » Ironisa le jeune homme. Il s'approcha cependant de plus près et lu le second nom : « Andromeda Black… » Il sonnait comme une étrangeté dans sa bouche.
« C'était la sœur cadette. Ta mère ne t'en a sans doute jamais parlé parce qu'elle a été exclue de votre famille. Elle est allée à Serdaigle, et surtout, elle a épousé un né moldu, Ted Tonks. Ils ont eu une fille, Nymphadora. Ta cousine. Elle était auror. Et métamorphomage. Tu as dû remarquer que Teddy avait les cheveux bleus. » Expliqua calmement Harry, montrant les ovales correspondant au fur et à mesure.
« Difficile d'y échapper… » Sourit malgré lui Draco.
« Oui, je sais, j'ai essayé de le faire changer d'avis en lui disant que du brun ou du blond serait plus approprié pour sortir dans la rue, que sa grand-mère et moi en avions marre de nous faire interpeller dans la rue pour maltraitance capillaire, mais ça n'a pas l'air de le déranger outre mesure. » Rit l'autre.
Draco ne put s'empêcher d'esquisser un sourire à nouveau. « Et donc… Ils sont morts pendant la Guerre, c'est ça ? »
Le visage d'Harry se ferma douloureusement : « Tous les deux, oui. Teddy venait de naître. Je suis son parrain. C'est sa grand-mère, Andromeda, qui s'en occupe. Mais je le prends avec moi de temps en temps, le week-end et pendant les vacances scolaires, quand j'ai un peu de temps pour m'en occuper. Avec l'école des aurors, je ne peux pas faire plus… » S'excusa-t-il presque, gêné, une main sur la nuque.
« Je comprends… » Murmura le blond. « Je peux rester avec vous un moment ? Pour mieux le connaître ? » Demanda-t-il.
« Ce n'est pas pour rien que je t'ai fait venir. » Commenta simplement Harry en les ramenant au salon.
L'enfant était encore assis par terre. Il avait déplacé une partie des arbres en bois pour en faire une forêt au centre du circuit. Un animal quelconque que Draco ne distinguait pas se retrouvait à présent sous le fauteuil le plus proche et le train… Eh bien le train gisait, wagon par wagon, presque entièrement démantelé à côté de la piste. Le jeune garçon tenait entre ses mains la locomotive et les derniers wagons restants. Il tentait, maladroitement, de les séparer.
« Teddy, mais… mais qu'est-ce que tu as fait ? » S'affola à moitié Potter. « Tu as tout cassé, comment veux-tu qu'on joue maintenant ? » ajouta-t-il en s'agenouillant à côté du garçon, lui prenant le jouet des mains.
Des larmes de crocodiles dégringolèrent alors sur les joues du petit garçon. Ses cheveux se tintèrent en gris et il frotta ses poings contre ses yeux. Draco, qui était jusque-là resté nonchalamment appuyé contre le chambranle, s'avança. Il s'agenouilla délicatement à côté de son petit-cousin – il n'allait quand même pas froisser un de ses plus beaux pantalons de lin pour un môme – et posa une main sur son épaule.
« Voyons Potter, il y a plusieurs façons de s'amuser. Ne sois pas si guindé. Je suis sûr que Teddy ne pensait pas à mal. N'est-ce pas bonhomme ? » Répliqua-t-il à son ancien ennemi.
Teddy leva ses yeux mouillés vers lui avant de secouer vigoureusement la tête. Ses poings s'agrippèrent à la veste du blond et il se blottit contre lui. Le jeune homme resta décontenancé un moment. Avant de doucement rendre son étreinte au petit garçon. Il lui caressa les cheveux, démêlant les mèches qui redevenaient doucement bleues – Merlin ça n'était pas possible, il avait dû hériter de Potter pour avoir un tel nid d'oiseau sur la tête – et lui chuchota des paroles sans queue ni tête au creux de l'oreille. Il ne savait pas très bien ce qui lui prenait mais cet enfant le touchait. Il lui rappelait l'enfant qu'il avait été, ou qu'il aurait pu être, s'il avait pu se laisser aller un peu plus sans craindre les foudres de son père.
Il jeta un coup d'œil à Potter, qui semblait embarrassé, se grattant la nuque d'une main, rassemblant sans grande conviction quelques jouets de l'autre. Il fut presque pris de pitié pour le jeune homme qui ne savait apparemment pas beaucoup plus y faire avec les enfants que lui. Presque. Un sourire narquois orna son visage quelques instants avant qu'il ne le remplace par un plus doux pour demander au petit garçon :
« Dis-moi… Teddy. Tu ne voudrais pas me montrer ta chambre ? Nous pourrions jouer dedans, pendant que ton parrain range le petit train ? »
Il eut la satisfaction de voir le petit garçon sortir la tête de ses vêtements pour hocher à nouveau la tête, enthousiaste. Par Merlin, ce gamin avait perdu sa langue. Il se releva à la force de ses jambes, gardant l'enfant blotti contre lui, les mains désormais autour de son cou.
« En route, mauvaise troupe ! » S'exclama-t-il un peu trop joyeusement, avant de sortir du salon. « Teddy, tu es chargé de me guider. »
Du coin de l'œil, il pouvait voir Potter le laisser s'éloigner avec impuissance. Quelque part, cette situation lui plaisait. Bien sûr, leurs querelles d'écoliers sur les bancs de Poudlard étaient loin – quoiqu'en y réfléchissant, il ne s'était écoulé que deux ans, le temps semblait être passé particulièrement lentement. Mais certaines choses ne changeaient jamais. Et faire fulminer Potter lui procurait toujours autant de plaisir. Après tout, son ancien camarade ne pourrait pas s'en plaindre, c'était lui-même qui lui avait demandé de sympathiser avec le petit garçon.
Ils n'étaient pas encore arrivés à mi-chemin de l'escalier que le petit commençait à se tortiller dans ses bras. Apparemment, il en avait déjà marre d'être câliné et préférait descendre. Draco se débattit pour garder son équilibre et interrompit sa marche. Il tint le petit à bout de bras en face de lui.
« Eh, doucement la crevette, tu vas tomber. Tu sais monter les escaliers au moins ? » Demanda-t-il avec un air circonspect, un sourcil relevé.
Ladite crevette approuva résolument entre ses bras, battant des pieds pour les poser au sol. « Je suis un grand ! » fit-il, lâchant ses premiers mots depuis qu'il était arrivé.
« C'est ce qu'on va voir… » Sourit le jeune homme, le déposant enfin à terre.
Le petit garçon s'accrocha aussitôt d'une main aux barreaux de la rampe, avant de gravir consciencieusement les marches une à une. Draco laissa échapper un discret soupir. A ce rythme-là, ils n'étaient pas arrivés en haut avant la Saint Merlin. Il prit cependant son mal en patience. De temps à autre, il devait rattraper le petit qui chancelait, posant une main dans son dos pour le rééquilibrer. A chaque fois, il sentait son cœur faire un bond dans sa poitrine. Jamais il n'aurait de gamins. C'était beaucoup trop stressant. Il ne savait même pas comment faisait Potter pour garder cette terreur aussi souvent.
Petit à petit pourtant, il s'attendrissait à voir le gamin prendre de l'assurance, monter les marches avec plus de détermination, en tapant du pied sur celles qui craquaient un peu, avant de se tourner vers lui avec un grand sourire. Il pourrait peut-être bien s'habituer à le voir un peu plus souvent. Peut-être. Il devait encore y réfléchir. Il n'eut d'ailleurs pas le temps d'approfondir un peu plus ses pensées qu'ils arrivèrent enfin au premier étage de la bâtisse.
Draco détailla le palier devant lui. Potter avait fait des travaux finalement, mais il avait commencé par le premier étage. Il observa les murs de crème, le parquet ciré et le tapis moelleux beige. Quelqu'un avait dû l'aider, sans doute Granger. Jamais il n'avait fait preuve de bon goût auparavant. Il suivit rapidement le petit garçon qui s'engouffrait dans une des chambres. Les murs étaient bleu ciel, et la décoration enfantine. Des malles débordaient de jeux pour enfants, et un cadre de Lupin et sa femme était posé sur une commode. Cette chambre semblait avoir été créée spécialement pour les séjours de Teddy. Qui sautait sur son lit, surexcité.
« Ça m'étonnerait que ton parrain te laisse faire ça… » Glissa-t-il, amusé.
Aussitôt, le petit garçon s'assit, battant des pieds dans le vide, un air contrit sur son visage.
« Mais je n'ai jamais dit que j'étais comme ton parrain. Merlin, Potter est si coincé parfois. » Sourit-il plus franchement. Il allait marquer des points avec le môme, ça allait faire enrager Potter.
Il eut en réponse le plus beau sourire qu'il ait jamais vu. Bon, ça n'engageait pas grand-chose, puisqu'il n'avait pas rencontré beaucoup de petits garçons dans sa vie. A part Goyle quand ils étaient enfants, mais on ne pouvait pas dire que son ami s'enjouait beaucoup à cette époque. A vrai dire, il était plutôt… amorphe. Tout le contraire du bonhomme plein de vie qui s'agitait devant lui, semblant vouloir lui demander quelque chose.
« Tu veux jouer à quelque chose en particulier ? » Lui demanda-t-il, tournant sur lui-même dans l'espoir d'apercevoir un jeu qu'il connaissait.
Mordred, les modes changeaient beaucoup trop vite. Il ne reconnaissait rien de qu'il y avait là. Des machins qui clignotaient, des trucs qui avaient l'air de vouloir tourner, sans parler d'un livre qui fit pouet quand il le retourna pour voir son titre et le fit sursauter. Quel pouvait bien être le jeu préféré du gamin ? Sans doute un truc qui faisait beaucoup de bruit, de lumière, et qui était impressionnant. Les mômes adoraient être impressionnés. Et ils étaient bruyants. Il se tourna à nouveau vers l'enfant, se rendant compte qu'il n'avait pas obtenu de réponse. Teddy regardait le bout de ses chaussons avec des niffleurs dessinés sur les côtés. Manifestement, ça n'était pas ce qui le tracassait. Il se laissa tomber à terre, le dos appuyé contre son lit.
« Bon, et si tu me racontais ce qui ne va pas ? » Demanda-t-il doucement.
Il vit un combat intérieur agiter les yeux marron clair. Sa bouche s'ouvrit, avant de se refermer immédiatement. Elle se rouvrit à nouveau… puis se referma. Draco en aurait presque ri s'il ne sentait pas que cela risquait de vexer le petit garçon. Il plaqua un air sérieux sur son visage, refoulant son amusement, et attendit patiemment que la phrase sorte. Elle ne devait pas être facile, pour qu'il hésite comme ça.
« Pourquoi est-ce que tu es fâché avec mon parrain ? »
Ah. Bien. Alors. Comment disaient les moldus qu'il fréquentait, déjà ? Houston, on a un problème. Il lui semblait bien que c'était ça. Et par Morgane, il avait un sacré problème. Que lui avait dit Potter ? Lui avait-il expliqué les années de disputes qui les avaient liés ? Lui avait-il raconté la Guerre et leurs rôles ? Lui avait-il parlé de leurs discordances d'opinion ? Lui avait-il brossé un portrait noir du dernier Malfoy ?
« Qu'est-ce qui te fait penser ça ? » Se décida-t-il finalement à demander. S'il lui fallait vraiment répondre à cette question, autant qu'il sache sur quels œufs de doxys il mettait les pieds.
« Tout à l'heure, quand t'étais pas là, parrain s'est disputé avec Tante Hermione. Il disait… il disait qu'il pensait que tu étais toujours méchant. Comme à l'école. Dis, tu connaissais mon parrain quand tu étais petit comme moi ? » Demanda le petit garçon, dardant ses petits yeux pensifs sur l'adulte qui lui faisait face.
Draco sourit tristement : « Pas quand j'étais aussi petit que toi, crevette. J'ai rencontré ton parrain quelques années plus tard. Quand j'étais un peu plus haut que trois pommes. Quand nous sommes entrés à Poudlard. Nous… nous n'étions pas vraiment amis. Et ça n'a pas beaucoup changé, tu as raison… » Expliqua-t-il, vaincu.
Il ne savait même pas pourquoi il racontait ces histoires à un enfant qui ne devait pas avoir plus de deux ans. Il n'était même pas sûr que Teddy comprenne ce qu'il disait. A vrai dire, il en était même certain. Il était tellement jeune. Presque un bébé, même s'il était certain que le marmot n'aurait pas apprécié qu'il le qualifie de tel. Pourtant, il aurait oublié sa venue d'ici quelques jours. Il retournerait dans son innocence et son ignorance, jusqu'à la prochaine fois où ils se rencontreraient. S'ils se voyaient à nouveau. Draco n'était même pas sûr que Potter le laisse approcher l'enfant encore une fois. Il n'avait aucune obligation de le faire. Et on ne pouvait pas dire qu'ils étaient en très bons termes. Il avait fait l'effort une fois mais il changerait peut-être d'avis ensuite.
« C'est parce que tu étais méchant ? »
La question, pourtant innocente, sembla lui planter un poignard dans le cœur. Ainsi, c'était donc à cela qu'il se résumait.
« Je n'ai pas fait les meilleurs choix, à une certaine époque. Je n'étais pas un gentil comme ton parrain. » Avoua Draco, avec une pointe d'amertume. « Mais je n'ai pas eu le choix. Mon… mon père trouvait que c'était bien que je sois méchant. Je voulais lui faire plaisir, tu comprends ? »
Le petit garçon hocha la tête et joua avec ses doigts, encore mal à l'aise. « Et maintenant ? »
« Teddy, je te promets que je ne suis plus méchant. Je regrette beaucoup ce que j'ai pu faire. Si jamais tu penses que je te fais du mal, que j'ai une mauvaise influence sur toi, tu pourras le dire à ton parrain et il m'empêchera de venir te voir, si tu as peur, d'accord ? » Fit Draco, se mettant à genoux pour fixer des yeux l'enfant, prenant ses petites mains dans les siennes.
« D'accord. Je te crois. » Décida le garçon, rassuré, un air décidé sur le visage. « Tu vas faire des efforts avec parrain alors ? Pour que vous ne soyez plus fâchés ? »
« On a une longue histoire lui et moi, je ne suis pas sûr que ça soit si facile… » Hésita le blond.
« C'était il y a longtemps. Mamie Méda dit toujours qu'on ne doit pas s'occuper de ce qui est trop vieux, sauf d'elle. » Affirma en retour l'enfant mécontent, fronçant des sourcils.
Devant son aplomb, Draco ne put que sourire largement, et acquiesça. « Je ferai des efforts. C'est promis. »
« Ne t'inquiète pas, je dirai à parrain d'être gentil avec toi. » Le rassura le petit, posant une main sur son épaule.
Il n'arrivait pas à croire qu'il se faisait consoler et conseiller par un enfant. Et cela lui coûtait de l'admettre, cependant Teddy n'avait sans doute pas tort. Leurs rancunes étaient tenaces, mais elles étaient anciennes. Depuis combien de temps n'avaient-ils rien de vraiment concret à se reprocher l'un l'autre ? Bien sûr, Draco aurait pu lui en vouloir d'avoir joué au Sauveur en témoignant à son procès et à celui de sa mère, mais cela serait assez malvenu vu les peines qu'il leur avait fait éviter. Il aurait pu aussi sans doute se plaindre de sa formation d'auror qu'il intégrait sans aucune difficulté, sans doute sans même avoir passé ses ASPICS, juste parce qu'il était le Survivant. Mais cela aurait été nier qu'il était meilleur que la plupart des sorciers, même les plus entraînés. Et puis après tout, qu'en avait-il à faire, lui ? Rien du tout. Il aurait pu aussi être énervé contre son manque de goût en matière de fringues, son apparence sans cesse négligée, son air gentil, accroché au visage comme un postiche, qui avait le don de l'exaspérer, mais qu'y pouvait-il ? Et en quoi cela le concernait-il ?
Non, à dire vrai, Draco n'avait plus grand-chose à reprocher à Potter depuis longtemps. Et il le savait. Il ne pouvait plus l'accuser de le bousculer dans les couloirs, de polluer sa vue et sa vie, ou encore de fomenter de sales coups contre lui. Et même les excuses qu'ils utilisaient autrefois ne cachaient finalement que de la jalousie et certainement du mal-être. Leur petite guerre était ridicule. Mais jusqu'à présent, il avait toujours cru que c'était ce qui le maintenait en vie. Ce qui lui permettait d'être encore lui. Après avoir perdu ses repères, son rang, ses convictions, sa famille, ses amis, que lui restait-il sinon la haine ? Que lui restait-il quand le monde sorcier le regardait avec dégoût ? Quand son seul refuge était devenu le monde moldu qu'il exécrait auparavant ? Sa haine contre Potter était puérile, indigne des adultes qu'ils étaient en passe de devenir, elle ne les faisait sans doute pas avancer. Pourtant, elle le protégeait. Alors était-il prêt à l'abandonner ? Etait-il prêt à arrêter de détester Potter ? A arrêter de lui reprocher tout et surtout n'importe quoi ?
Il regarda le petit garçon qui courrait déjà dans sa chambre pour attraper un de ses jouets préférés. Un truc qui couinait et qui faisait de la lumière, comme il s'en doutait. Teddy était un petit garçon adorable. Sans doute une des seules personnes du monde sorcier à ne pas avoir de préjugés sur lui. Il l'acceptait. Et Draco avait envie d'apprendre à le connaître. Il était la seule famille qu'il lui restait après tout. Et il lui semblait un peu plus plaisant à rencontrer que sa tante Bellatrix. Peut-être qu'il n'avait pas tout perdu pendant cette Guerre, finalement.
Il devenait sans doute un peu stupidement sentimental, et très certainement Poufsouffle, mais si cela faisait plaisir au petit qu'il ne se dispute plus avec Potter, il pourrait peut-être bien être capable de cesser ses querelles. Peut-être. Un peu. A condition qu'on ne lui ôte pas son ton sarcastique, ça, il ne pourrait s'en défaire. Même pour Saint Potter. Surtout pour Saint Potter. Il ne fallait pas pousser.
Il secoua la tête pour chasser ses idées et s'agenouilla sur la moquette pour découvrir le jeu que son petit-cousin avait sorti. Un truc qui le faisait se sentir complètement dépassé et vieux. Il appuya sur un bouton au hasard et un son affreux en sortit, le faisant sursauter et rire aux éclats le petit garçon. Dans son dos, il sentait le regard de Potter qui n'avait pas dû résister bien longtemps au besoin de les rejoindre. Sans doute pour vérifier que tout allait bien. Il n'y prêta pas attention, concentré sur les principes que lui expliquait la crevette. Il sentait déjà poindre le mal de tête. Merlin, il sentait que cette fin d'après-midi allait être longue…
