Argia
Auteur: Niladhevan
Genre: vacances pépères, humour, friendship, etc...
Rating: K
Note: Ca, ça date de l'année dernière, pendant les vacances d'août (plein hiver, donc on rêve de chaleur, huhu). C'est un regroupement de scenettes narrant les vacances des chevaliers un peu partout dans le monde. Argia, c'est vacances en grec moderne :))
La radio crachotait depuis un bon moment déjà, entre deux séries de grésillements éreintés, la voix à la fois douce et rocailleuse de Louis Armstrong. Cette fois-ci, c'était « what a wonderfull world » qui s'égrenait dans l'air chaud et calme de ce début d'après-midi. Sa préférée, d'ailleurs…mais il ne se formalisait que très peu des coupures occasionnelles de l'antique poste noir laissé à même le sol, non loin de la porte d'entrée.
« I see skies of blue, and clouds of white
The bright blessed day… »
Saga marchait, pieds nus sur un carrelage tout juste assez frais pour lui être agréable, ses mains accrochées aux pans de la serviette blanche et humide entortillée autour de sa nuque. Ses longs cheveux bleus étaient encore humides, et quelques gouttes venaient perler à l'extrémité des fines mèches qui envahissaient son visage. Ils sentaient la menthe, et encore ce petit parfum d'embruns salés. Son regard vert tendre se promena un bref instant sur la pièce ; c'était la pièce principale d'un très petit bungalow qu'ils s'étaient loués pour la durée de leurs vacances –imposées par Athéna, cela va sans dire. La porte d'entrée s'ouvrait sur une large véranda, au-delà de laquelle s'étendait une magnifique plage de sable blanc, et encore plus loin, l'océan turquoise crételé d'écumes éphémères. Ils étaient en Italie, au bord de la Méditerranée. Un magnifique endroit, très calme et idéal pour se reposer –d'autant plus qu'en fin de période scolaire, ils avaient peu de chances de se noyer dans un océan de vacanciers fébriles.
Même Saga s'était laissé aller à la détente, après quelques « jours de flottement ». Kanon lui, s'était très vite adapté.
L'aîné des Gémeaux posa son regard sur le long canapé qui faisait face à un petit poste de télévision éteint. C'était là que dormait, ou plus précisément se vautrait l'ex-Marina, se faisant vraisemblablement bercer par les rythmes jazzies de la petite station radio locale. L'une de ses jambes pendait au dossier du canapé, et ses bras étaient nonchalamment croisés derrière sa tête. Saga sourit en apercevant un minuscule filet de salive perler à la commissure de ses lèvres entrouvertes. Gentil petit Kanon…
Ce dernier avait passé les deux premiers jours de leur installation à aller s'amuser dans l'eau, très accoutumé il faut le dire à cet élément. Il portait encore sa combinaison de surfeur d'ailleurs, et ses cheveux étaient certainement encore plein de sable et de sel. Aujourd'hui, il n'avait pas vu son jumeau bouger de son canapé ; trop fatigué pour repartir à l'assaut des vagues, sans doute. Quoique Saga le soupçonnait de vouloir échapper à la horde de jeunes italiennes et touristes qui l'espionnaient fort peu discrètement derrière leurs lunettes de soleil, toutes sourires dès qu'il sortait de l'eau ruisselant, planche sous le bras, et retenant à peine des soupirs extatiques quand il faisait glisser la fermeture de sa combinaison. S'il s'en était beaucoup amusé et enorgueillit au début, maintenant il semblait craindre ces harpies en bikini. Saga compatissait, bien entendu. Certaines l'avaient accosté quand il était allé se baigner ce matin même, le prenant certainement pour le « super beau gosse si sexy mama mia ». Il leur avait gentiment expliqué qu'il était son frère jumeau, et cette annonce avait été accueillie par un concerto en si majeur de glapissements ravis. Non, honnêtement, il ne pouvait que comprendre et approuver la soudaine timidité de Kanon.
Le Chevalier des Gémeaux s'étira sans un bruit, et se dirigea vers le poste de radio pour lui donner un léger coup de pied. Les grésillements diminuèrent d'intensité, et Kanon marmonna quelque chose dans son sommeil.
Au-dehors, le grondement continu des vagues sur les rivages sablonneux était pour lui la plus douce des musiques ; plus encore le soir, lorsqu'il cherchait le sommeil. Saga s'adossa à l'encadrement de l'entrée, les bras croisés sur son torse nu, un léger sourire aux lèvres. Tous les Gold Saints avaient été invités –forcés, vous dis-je – à prendre un temps de repos, dans l'endroit qu'ils souhaitaient, aux frais de la Fondation Graad. Il savait à peu près où chacun de ses frères d'armes avaient choisi de passer leurs vacances ; lui-même avait laissé carte blanche à son jumeau, étant peu inspiré pour leur trouver une destination plaisante. Tout ce qu'il voulait au fond, c'était rester avec lui.
« And I think to myself…What a wonderful world … »
Saga ferma les yeux. Serein, il était pleinement serein.
Il n'aurait jamais imaginé que « changer d'air », comme l'avait dit Seiya, serait aussi bénéfique. Ils n'étaient pas partis bien loin de la Grèce, mais c'était tellement…tellement bien de se retrouver au milieu du commun des mortels, des gens qui vivaient paisiblement leur vie sans se préoccuper des divinités qui menaçaient la Terre sans arrêt. C'était si bien de paraître normal. D'être enfin le frère de son frère. D'être avec lui, tout bêtement. Il ne savait pas si Kanon en était aussi heureux que lui ; il osait penser que oui.
Le vent, porteur d'embruns et d'autres parfums agréables, vint glisser ses doigts dans les mèches humides du Saint. Il entendait le roulis des vagues, la voix envoûtante d'Ella Fitzgerald entonner « Summer Time » entre les crépitements de la malheureuse radio, et la respiration frisant le ronflement de son frère.
C'était sans doute les plus belles vacances de sa vie qu'il était en train de vivre. Et à ce constat, son cœur se tordait de bonheur.
Vint alors un grognement, suivi d'un long et sonore bâillement.
« Saaaaaaga ?
-Moui ?
-J'ai la dalle du siècle, on va au restoooooo ? »
Saga jeta un bref coup d'œil à l'horloge qui ornait le mur intérieur. Il était quinze heure vingt de l'après-midi.
Gentil petit Kanon…
