IRRESILIENCE – 17/05/2011

Cette histoire est inspirée d'un fait divers récent, les lieux sont réels mais l'intrigue et les personnages sont totalement fictifs.

Elle se situe au début de l'année 1999, juste après l'épisode Tithonus de la saison 6, et les évènements des épisodes suivants ne sont donc pas encore arrivés.

Pour vous aider à resituer le contexte, Mulder et Scully ne sont plus affectés aux X-Files et Alvin Kersh est leur nouveau Directeur Adjoint. Leurs principales missions consistent désormais à réaliser des compléments d'enquêtes ou recueillir des témoignages par téléphone et de vérifier que les commandes d'engrais des agricultures ne cachent pas une activité terroriste.

L'histoire est racontée à la première personne selon le point vue de Scully, beaucoup d'événements se déroulent donc hors champ de la narration.

Il est nécessaire d'avoir vu l'épisode Tithonus et d'avoir une bonne connaissance de la série pour apprécier les références aux épisodes passés, surtout ceux relatifs à Scully.

Mulder est relégué au second plan dans les premiers chapitres, mais au fur et à mesure du déroulement de l'intrigue, il récupère un rôle principal (comme avec Scully dans "la guerre des coprophages" saison 3.) Beaucoup de personnages familiers de la série interviennent même les plus détestés et il y a aussi des créations originales.

Ce récit relate des faits de violence sexuelle qui sont réservés à un public averti et adulte. Toutefois, il n'y a pas de description explicite des agressions, uniquement leurs constatations. L'histoire comporte également des scènes en rapport avec la sexualité sans verser dans la pornographie. Paradoxalement, il y a aussi de l'humour, de l'émotion, de la romance, de l'action, des rebondissements…, mais rien de paranormal ou presque (Comme "Irrésistible" de la saison 2.) Ce n'est pas un X-Files, mais plutôt une enquête policière.

Pour finir, le titre "Irrésilience" est une invention de ma part issue du mot "résilience" auquel j'ai ajouté le préfixe "ir" pour lui donner un sens opposé.

Je suis curieuse de connaître vos avis bons ou mauvais sur cette fanfiction, qui je l'espère vous donnera autant de plaisir à la lire que j'ai eu à l'écrire.

Je promets de répondre à tous les messages et d'expliquer les titres de certains chapitres.

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Chapitre 1 : Les martyres de la Saint Valentin

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Dimanche 14 février 1999,

8h02,

Comme à mon habitude, je me suis couchée hier soir sans tirer les rideaux devant ma fenêtre. J'habite un quartier résidentiel de Georgetown où l'éclairage public modéré permet une relative obscurité dans ma chambre le soir. J'aime m'endormir dans cette douce pénombre et me réveiller ensuite par la lumière naturelle du soleil qui perce doucement à travers mes voilages. Le chant des oiseaux rend l'instant bucolique et je m'étire lentement jusqu'à ce les muscles de mon abdomen me rappellent soudain que tout ne va si bien dans le monde réel.

Je retire le drap avec l'édredon qui me couvrait et je soulève le pan gauche de mon haut de pyjama pour la regarder. Elle est toujours là, immonde et écarlate, comme une anguille recourber sur elle-même. J'effleure de mon doigt sa peau rugueuse et turgescente et je constate avec regret qu'elle ne s'est pas résorbée durant la nuit.

Cela fait plus d'un mois, quarante jours précisément que la mort a croisé mon chemin, dans cet appartement sordide de New-York, mais elle n'a pas voulu alors de moi. En contre-partie de sa mansuétude à mon égard, elle m'a laissé sa marque pour que je n'oublie pas notre rencontre. Avec ingratitude, j'ai néanmoins prévu de la faire disparaître d'ici quelque temps, sous le bistouri d'un plasticien aux honoraires pris en charge par la mutuelle fédérale.

En attendant, je dois m'en accommoder par conséquent, prendre les dispositions nécessaires pour que ma cicatrice reste dans le domaine de l'intime. Je dois dire que la situation actuelle de ma vie privée est plutôt un facteur à mon avantage.

Je soupire en remarquant avec ironie qu'aujourd'hui c'est justement la Saint Valentin et une nouvelle fois je suis seule, à me prélasser dans mon lit. Je sais que Mulder ne m'appellera pas de la journée par crainte que j'assimile son geste à l'évènement. Depuis que je connais Mulder, j'ai remarqué qu'il a un comportement différent pendant cette journée particulière : il est tendu, il ne blague pas, il ne lance pas de remarque à sous-entendu sexuel et s'il lui prend, dans un instant d'égarement, de flirter avec moi, la gêne le gagne aussitôt et il trouve alors un prétexte dérisoire pour s'éloigner de moi. Puis, comme par enchantement, le lendemain, je retrouve mon bon vieux Mulder. Mulder, je soupire à nouveau.

Je reste de longues minutes à contempler mon plafond qui n'a rien à envier à la vacuité de ma vie et j'ai soudain envie de faire ce que ma religion réprouve. Je résiste un peu puis, comme toujours, je me laisse aller, je passe alors ma main droite sur mon sein gauche et je caresse le mamelon qui ne tarde pas à se raffermir. Ma respiration commence à devenir profonde et alors mon cerveau gauche, celui de la raison reprend comme toujours le dessus.

Même si je sais que la science a ramené la théorie de l'asymétrie du cerveau au rang de mythe, j'aime y croire, surtout dans ces instants-là. Je laisse alors la partie gauche de ma conscience me rappeler que je suis catholique et que c'est un pêché comme me l'a enseigné sœur Benedicte à une époque où je ne savais même pas de quoi elle causait. D'ailleurs, je suis sûre qu'elle non plus. De plus, le Docteur Grimbert qui m'a sauvé la vie à New-York, m'a recommandé d'éviter toute activité physique intense y compris des rapports sexuels pendant encore un mois. Mais l'hémisphère droit intervient pour objecter que le Docteur Grimbert n'a pas interdit la pratique en solitaire. Il n'en a pas parlé certes, mais s'il y avait contre-indication, il l'aurait précisé. La partie gauche ne rétorque rien à ces arguments imparables et baisse les bras, alors ma main droite se fraye un passage sous l'élastique de mon slip jusqu'à mon entre-jambe et…

"Oh !"

La sensation est agréable, et je me demande à quand remonte la dernière fois que je me suis accordée ce plaisir. J'imagine que l'homme avec qui je partage ce moment, me prodigue lui-même ces caresses. Je commence à gémir sous l'action de ces doigts agiles sentant que la vague va bientôt arriver quand la sonnerie du téléphone me fait tressaillir.

"Oh Mulder !"

L'instant retombe aussitôt et je regarde le combiné érigé sur ma table de chevet, songeant à ne pas le décrocher. Finalement prise de scrupules, je tire un Kleenex de la boîte posée à côté de l'appareil pour m'en saisir avec.

"Bonjour Dana." Ce n'est pas Mulder, c'est ma mère.

"B'jour m'man". Je me rends compte que mon souffle est encore rapide et ma mère doit aussi l'entendre.

"Tu es occupée ? Je te dérange ?"

"Non, non pas du tout, j'étais dans la salle de bains quand tu as appelé et j'ai couru pour décrocher." Le mensonge qui ne tromperait personne sauf ma mère. Je mens très mal en général, surtout à ma mère, mais je reste sa fille et elle ne remet jamais ma parole en doute. Il y a bien eu l'histoire de ses cigarettes, mais c'est oublié depuis.

"Oh, je suis désolée, tu veux que je te rappelle plus tard ?"

"Pas de problème, je t'écoute."

"J'appelais juste pour savoir si tu faisais quelque chose aujourd'hui?"

Bien sûr, quelle question, j'ai prévu d'aller au restaurant pour fêter la Saint Valentin avec mon amoureux et finir ce week-end romantique dans ses bras. "Rien de spécial, je me repose avant de reprendre le travail demain."

"Dans ce cas, je pourrais passer te voir, tu te sentiras moins seule ?" Typiquement ma mère, à chaque Saint Valentin depuis le décès de mon père, elle déprime et cherche du réconfort auprès de ses enfants. Puisque Bill est à San Diego et Charlie à l'autre bout du monde, il reste sa fille, toujours célibataire à 35 ans, d'ici 9 jours. Je me demande tout à coup si mes parents ont pu 'célébrer' la Saint Valentin de 1964 et si oui, comment ? Je préfère penser que mon père était en mer à cette époque.

J'ai de la peine pour elle et bien entendu j'accepte volontiers son offre : nous déjeunerons ensemble à midi puis nous irons nous balader dans le vieux Georgetown. Ma mère me propose de ramener des courses et de me faire la cuisine pour ne pas me fatiguer trop. Restant soucieuse de ma santé, elle me précise avoir toujours la liste des aliments que je suis autorisée à manger le temps que mon conduit intestinal se remette de l'intervention chirurgicale.

A ma sortie de l'hôpital, j'ai passé les dix premiers jours de ma convalescence chez elle et je dois reconnaître qu'elle sait mieux se débrouiller que moi pour rendre les repas appétissants même sans sel, condiments, légumes crus, tomates, et cetera, et cetera… J'ai depuis, repris une alimentation presque normale à l'exception de certaines boissons. Je préfère ne rien dire pour l'aider à oublier l'absence de mon père, en me concoctant un délicieux repas avec les contraintes du régime préconisé par le bon Docteur Grimbert.

Je raccroche enfin et j'entreprends de m'extirper de mon lit. J'ai acquis une technique pour me lever en épargnant mes muscles abdominaux encore sensibles : je passe mon bras gauche sous la cuisse du même côté pour la ramener contre mon ventre puis, en posant l'autre jambe au sol je fais basculer mon centre de gravité et je n'ai plus qu'à m'appuyer sur mon bras droit pour redresser mon buste sans trop de difficulté.

Assise sur le bord de mon lit, j'ébauche un sourire de satisfaction qui s'estompe bientôt. Je reconnais que mes capacités physiques actuelles sont encore loin des critères minimum exigés pour un agent spécial du FBI mais c'est mon choix de reprendre mon activité professionnelle dès demain. Mon doctorat en médecine a favorisé l'indulgence du médecin expert du Bureau pour me déclarer apte au terme de l'examen médical que j'ai passé jeudi. Bien sûr, je ne suis pas encore autorisée à retourner sur le terrain mais comme j'ai été réaffectée dans un service de back-office, l'expert médical a finalement estimé que je pouvais remplir ma mission de gratte-papier fédéral sans autre restriction que celle-ci.

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12h00,

A midi sonnante, ma mère frappe à ma porte et je découvre avec surprise que Mulder l'accompagne en tenant un paquet garni de provisions. Tandis qu'elle m'enlace chaleureusement, je fixe, par-dessus son épaule, mon collègue d'un regard interrogateur. L'étreinte mère-fille prend fin quelques secondes plus tard et après moult compliments sur la bonne mine, ma mère s'empresse de débarrasser Mulder du sac de victuailles pour s'éclipser vers la cuisine.

Je me retrouve seule en compagnie de mon collègue et je constate une nouvelle fois son manque d'assurance pour m'aborder en ce jour si particulier. Mulder et moi n'avons pas l'habitude de pratiquer l'accolade affectueuse, ni la bise amicale et encore moins la poignée de main traditionnelle pour nous saluer. Un regard, un sourire ou une boutade sont suffisants entre nous. Finalement, Mulder, un peu gauche, s'avance vers moi et aussi empotée que lui je ne sais que faire de mes bras le temps que j'opte pour l'accolade affectueuse.

"Comment ça va, Dana ?"

Dana ? J'ai toujours l'impression qu'il s'adresse à quelqu'un d'autre lorsqu'il utilise mon prénom. Si Mulder se comporte bizarrement à chaque quatorze février, je reconnais que je ne suis pas non plus à mon aise ce jour-là. Me retrouver ainsi dans ses bras me rend tout aussi nerveuse que lui. Rapidement, nous nous écartons l'un de l'autre et d'un sourire niais, je réponds à sa question.

"Je vais bien."

"Evidemment." Au ton de sa remarque, je devine que je l'ai blessé avec ma réponse habituelle quand je ne veux pas montrer que je souffre. Sauf, que cette fois-ci c'est vrai.

Décidée à apaiser la tension qui s'est déjà installée entre nous, je prends sa main avec tendresse et je le regarde dans les yeux. "C'est la vérité, je vais mieux, crois-moi."

Quand je vois son regard s'illuminer et un large sourire éclairer son visage, si sombre voici quelques secondes à peine, j'éprouve à mon tour une certaine joie d'être avec lui. Mon sourire niais réapparaît. "Et si tu me disais ce que tu viens faire là ?"

"Oh, je ne voulais pas t'ennuyer aujourd'hui mais ta mère m'a appeler pour me proposer de venir déjeuner avec vous. J'ai essayé de résister mais elle arrive toujours à ses fins avec moi. Tu te doutes que j'avais aussi interdiction de te prévenir."

"Et depuis quand tu respectes un interdit ?"

"Uniquement quand ils viennent d'un Scully. Alors, permission de monter à bord moussaillon ?" De sa main Mulder me fait un piètre salut militaire qui prouve qu'il n'a jamais servi dans la Navy.

"Permission accordée. Mais à la moindre incartade c'est la planche aux requins, Mulder. Allons rejoindre ma mère dans la cuisine, sinon elle va se faire des idées."

Je débarrasse Mulder de son manteau et pendant que je me dirige vers le placard pour l'y suspendre, je l'entends derrière moi.

"En plus, ça tombe bien qu'on se voit aujourd'hui, je voulais te parler de quelque chose."

"D'une fumeuse affaire de fumier ?"

"D'un X-Files."

"Mulder… c'est dimanche, ça ne peut pas attendre demain ?" Mes lamentations n'y changent rien et Mulder m'entraîne par le bras vers la cuisine où ma mère est déjà affairée à préparer le déjeuner. Je le vois chercher du regard quelque chose, puis il se dirige vers le sac en papier kraft qui contenait les courses, posée sur le plan de travail. Il en retire une chemise cartonnée blanche à liseré rouge, le modèle spécifique utilisé par le Bureau.

"Je voudrais juste avoir ton avis dessus."

Ma mère s'est retournée et nous observe intriguée et intéressée de connaître notre façon de travailler. Réticente à ouvrir le dossier devant elle de peur qu'une photo d'horreur apparaisse à sa vue, j'invite Mulder à me rejoindre dans le salon après que ma mère m'a assuré qu'elle n'avait pas besoin de mon aide.

Une vingtaine de minutes à survoler les différents documents contenus dans le dossier et j'ai à présent une idée générale de l'affaire :

Deux morts par incendie à quelques semaines d'écart, survenues dans la même ville, en Alabama. La police locale a conclu dans les deux cas à un incendie accidentel provoqué par une cigarette mal éteinte. Les rapports d'autopsie sont suffisamment détaillés pour que je me rallie à mon tour à cette explication. Seul Mulder reste persuadé qu'il pourrait s'agir de combustions spontanées.

"Vraiment Mulder, il n'y a rien pour étayer ton hypothèse, les autopsies ont été réalisées par deux médecins légistes différents et n'ont révélé aucune trace de violence. Les victimes sont décédées par asphyxie comme c'est souvent le cas dans les incendies." Je retire mes lunettes de lecture et les range dans leur étui. Par ce geste, je montre à mon collègue que je n'ai pas l'intention de poursuivre davantage.

"Justement, c'est là que je ne suis pas d'accord avec toi, il y a des preuves évidentes qui prouvent que j'ai peut-être raison." Mulder pointe son index sur un rapport d'autopsie pour affirmer sa conviction que cette affaire relève du paranormal.

"Et qui seraient ?" Je le regarde dans les yeux avec défi, attendant qu'il me prouve qu'il s'y connaît mieux en sciences médico-légales que deux spécialistes expérimentés et moi-même réunis.

"Les autopsies ont montré qu'aucune substance n'a été découverte sur les victimes."

"Ce sont des preuves pour toi ?" Je le regarde en haussant les sourcils, perplexe.

"Des preuves indirectes. S'il n'y a pas eu de combustible utilisé alors comment expliques-tu la combustion complète des corps ?"

"S'il n'y a aucune trace de combustible, ni de violence, alors il n'y a aucun crime. Affaire classée, on peut aller manger." Je referme le dossier et je le rends à Mulder. Sans attendre qu'il essaie de me convaincre à nouveau, je suis déjà partie dresser la table.

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12h45,

Mulder nous a rejoins un peu bougon et après une entrée légère composée d'une salade de maïs aux œufs durs, sans assaisonnement, ma mère nous sert le risotto au poulet qu'elle vient de mitonner.

"Alors Fox, comment vous le trouvez ?"

"Délicieux, mais il manque juste un peu de sel."

A peine Mulder a-t-il fini sa phrase que ma mère lui jette un regard réprobateur. Comprenant sa maladresse, je vois le masque de la culpabilité s'afficher sur son visage et je décide d'intervenir aussitôt.

"Je trouve aussi, je vais chercher le sel."

"Dana !"

Tandis que je me lève pour prendre la salière rangée dans un des placards, ma mère tente de me ramener à la raison.

"Tu ne dois pas prendre de sel avec tes médicaments, c'est absolument contre-indiqué."

"Maman, ne t'inquiète pas, j'ai fini la cortisone depuis vendredi." Comme pour lui prouver mes dires, je sale généreusement mon plat avant de passer la salière à Mulder. Ma mère nous regarde tous les deux et finalement cède à son tour.

"C'est vrai que ce risotto manque de sel."

Nous rions gaiement tous les trois et le reste du déjeuner est tout aussi convivial. J'ai le sentiment de passer la meilleure Saint Valentin depuis des années, c'est dire mon niveau d'exigence.

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16h10,

Mulder est reparti juste après déjeuner et comme je l'avais promis à ma mère, nous sommes parties nous balader bras-dessus bras-dessous dans le centre historique de Georgetown, en cette belle après-midi de février.

"Comment ça va avec Fox ?"

Je suppose que c'est certainement à cause des ballons en forme de cœur, gonflés à l'hélium que les touristes s'arrachent aux vendeurs ambulants, que ma mère me parle tout à coup de Mulder.

"On a perdu les X-Files, mais on est toujours collègues, alors il tient le coup."

Délibérément, j'esquive le sujet caché derrière la question de ma mère : sommes-nous devenus amants ? Je pense que la situation parle d'elle-même : ma mère est avec moi tandis que Mulder nous a quittées en début d'après-midi parce que ces copains loufoques qui se font appeler les Lonegunmen, avaient 'un truc' à lui montrer. J'ignore la nature du 'truc' en question mais je connais leurs passions communes : les complots cachés et les vidéos pornographiques. Je préfère ne pas en dire davantage sur Mulder à cet instant car je risque d'être blessante.

Ma mère sent que je me renferme et essaie une autre tactique d'approche. "Tu veux qu'on prenne un chocolat chaud ?"

"Je préfère ne toujours pas tenter, mais si tu en as envie, ça ne me dérange pas." Machinalement je pose ma main sur mon abdomen tout en souriant pour donner le change, mais je vois bien dans ses yeux qu'elle a quelque chose d'important à me dire.

"Malgré ce que ton père en pensait, je t'ai toujours soutenue dans tes choix, même quand tu as abandonné tes études médicales pour entrer au FBI. Si tu savais par où je suis passée durant ta disparition."

"Maman..."

"Et le mois dernier, le cauchemar a recommencé. Dana, j'ai tellement eu peur de te perdre pour toujours, comme Melissa."

Comme Melissa, sa grande sœur, tuée à ma place, par ma faute et dans mon appartement.

"Maman, je suis là". Je pose tendrement ma main sur sa joue et je vois des larmes commencer à emplir ses yeux. "Et Melissa, et papa sont là aussi, dans mon cœur et dans le tien. Et quoi qu'il m'arrive, j'y serais également, je te le promets."

Un long silence s'installe puis c'est l'explosion. "Pourquoi tu ne quittes pas le FBI puisque ce n'est pas pour Mulder !"

Ma mère est une personne douce et attentionnée mais lorsqu'elle se fâche, je redeviens une petite fille devant elle. Je baisse les yeux pour regarder mes chaussures, le temps de dissimuler mon inconfort. Je relève alors la tête pour braver le regard réprobateur de la femme qui m'a donné la vie et qui estime que je n'en prends pas suffisamment garde.

"Il commence à se faire tard et tu risques d'être prise dans les embouteillages du dimanche soir. Il vaut mieux que nous rentrions."

Ma voix est posée au prix d'un effort important pour ne pas laisser transparaître la colère qui vient de me gagner. Ma mère semble alors regretter ce qu'elle vient de me dire et tente de poser sa main sur ma joue en signe de contrition mais j'ai déjà pris le chemin du retour vers mon appartement.

"Dana."

Je ne réponds rien mais lui tends ma main qu'elle empoigne avec soulagement et affection, pour me raccompagner jusqu'à chez moi.

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19h30,

J'ai installé ma planche à repasser dans le salon et devant CNN, je m'affaire à défroisser le chemisier en soie ivoire que j'ai prévu de porter demain avec un tailleur-jupe vert foncé. Sobre mais chic. Les reportages sont exclusivement consacrés à la découverte macabre de plusieurs corps de femmes sur une plage de Long Island, à proximité de New-York. Le bandeau d'annonce au bas de l'écran est digne d'une production hollywoodienne de série B : 'les martyres de la Saint Valentin'.

Malgré ce titre racoleur et les horreurs décrites avec suffisamment de détail pour maintenir le téléspectateur captif entre deux séquences de publicité, je n'arrive pourtant pas à m'extirper du souvenir de ma dernière enquête à New-York. Comme un cauchemar récurrent, je me sens prise au piège du scénario dramatique dont j'ai été la victime. Je décide alors d'éteindre le téléviseur et je pars me passer de l'eau fraîche sur le visage pour dissiper la nausée qui me gagne.

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A suivre.