CHAPITRE 1 : RENAISSANCE

Un terrible hurlement déchira les tympans de toutes les personnes présentes dans la pièce. Dans un bain de sang, le pouls d'une jeune femme ralentissait seconde après seconde. Elle sentit venir la fin. Deux yeux bleus plein de larmes la fixaient. C'était tout ce qu'elle voyait, la pièce se troublait de plus en plus.

« Ca y est, il est là » fit une voix douce.

Bien, il n'était plus la peine de résister dans ce cas. Elle soupira de satisfaction. Cela lui fit mal, mais au moins le bébé était vivant. La chair de sa chair. Elle aurait tellement aimé pouvoir s'en occuper, mais sa grossesse avait été à risque, sa croissance à elle n'était pas finie, il était encore un peu tôt pour avoir un bébé... Elle sentit ses yeux se fermer, il ne lui restait plus beaucoup de temps. Une seconde ! Rien qu'une seconde encore ! pensa-t-elle. Il fallait qu'elle lui dise..

« Aime-le … Plus … que … tout … » chuchota la jeune fille faiblement.

Les yeux bleus à qui elle s'adressait n'étaient plus que détresse, panique. Non ! Elle ne pouvait pas le laisser !

« Non ! NON ! Lucy ! Reste avec moi, je t'en prie ! Ne nous laisse pas ! » hurla-il de désespoir.

Une femme s'avança vers lui et posa une main sur son avant bras qui s'accrochait toujours à celle qu'il aimait plus que tout.

« Monsieur, on ne peut plus rien faire. C'est trop tard. Mais c'est ce qu'elle voulait, regardez le bébé va bien » fit-elle en désignant le nourrisson au creux de son second bras.

Le regard de l'homme se dirigea vers sont fils.

« Le bébé… Donnez-lui le bébé »

« Mais, monsieur… C'est trop tard, elle est.. »

« ELLE N'EST PAS MORTE. DONNEZ-LUI LE BÉBÉ » hurla-il encore.

Bizarrement le bébé en question ne pleura pas en entendant ces cris. Au contraire, il ouvrait de grand yeux curieux. Un bleu, un brun. Il était magnifique. Plutôt surprenant pour un nourrisson, songea la sage femme. Préférant s'éviter les foudres de l'homme, elle posa délicatement l'enfant sur la poitrine de la jeune maman. Malgré son aspect cadavérique, elle restait remarquablement jolie, mais ses lèvres étaient trop bleutées, et elle ne pouvait empêcher ses yeux bruns de se fermer. Dure lutte pour la vie.

Soudain, une vague de chaleur envahit la pièce.

Et la jolie rousse ouvrit les yeux. Elle sentait son corps reprendre des forces. Avec douceur, elle pris le bébé et le serra contre elle. Elle leva les yeux vers l'homme de sa vie et lui fit un sourire resplendissant. Ce dernier n'en croyait pas ses yeux. Il avait cru la perdre, pour toujours, et soudain elle revenait à lui, plus belle que jamais. Il relâcha enfin la pression et toutes les larmes qu'il s'efforçait de contenir avec.

« Oh mon Dieu.. Lucy ! Oh Seigneur ! »

« Matt, je suis si heureuse ! »

Sans un mot de plus, il se pencha vers elle. Leurs lèvres se rencontrèrent. Leurs langues, leurs salives se mélangèrent et Matthiew Cooper se rappela de la certitude qu'il avait eu, bien des années plus tôt : jamais il ne pourrait vivre sans elle.

Une toux discrète les fit s'écarter l'un de l'autre.

« Savez-vous déjà comment vous allez l'appeler ? »

Le couple échangea un sourire et répondit d'une seule voix :

« Jack Harry Cooper »


Les mois étaient passés remarquablement vite pour Lucy Rose Austen et début décembre approchait à grand pas. Son fils fêtait tout juste ses dix mois et elle avait commencé à travailler en faisant de l'aide à domicile, du ménage, des courses, à la fois pour les personnes âgées et plus jeunes, qui avaient besoin d'aide à cause d'un travail trop prenant. Ce n'était pas comme si elle et son chéri roulaient sur l'or. Bien au contraire. Agés de respectivement 14 ans et presque 18, aucun des deux n'avaient de travail fixe. Matt, lui, après avoir passé son diplôme en candidat libre deux ans plus tôt car il ne supportait plus les cours, faisait des études de médecine et avait en plus, un job étudiant. Lucy, quant à elle, après l'annonce de sa grossesse, avait pris la décision de suivre des cours par correspondance afin de passer les examens de fin de secondaire à la fin de cette année scolaire et, en attendant, de travailler. Elle s'était faite émanciper une dizaine de mois auparavant et pouvait ainsi disposer d'un emploi en toute légalité.

La soirée était bien avancée et elle n'attendait plus qu'une chose : que Matt rentre du fast food où il travaillait. Roulée en boule sur son canapé, Lucy songeait à la chance qu'elle avait. Un fils, un mari - ou presque ; une famille. Son rêve le plus cher. Ce qu'elle avait toujours tant désiré. Bon sang ! Qu'elle aimait ses deux hommes ! Les baisers de Matt, ses caresses, l'éclat dans son regard quand il la contemplait et qu'il pensait qu'elle ne le voyait pas. Et son fils… Oh Dieu, son fils ! Ses rires, ses jeux, ses premiers mots, son sourire. Ses petits cheveux bruns aussi bouclés que ceux de son père, ses lèvres fines rose foncé, celle de sa mère, et ses yeux : un de Lucy, un de Matt. Il était adorable. Oui, elle n'aurait être plus heureuse.

Lucy entendit avec plaisir la clé tourner dans la serrure.

« Bon sang, que j'aime rentrer à la maison et te voir, ma chérie… » souffla Matt en voyant Lucy se hâter de venir l'accueillir. Il la prit dans ses bras. Ses cheveux sentaient la pomme.

« Bonsoir mon amour, allez, viens te réchauffer. J'ai préparé une bonne soupe au potiron pour ce soir. Heureusement que je l'avais découpé et mis au congélateur en octobre, je savais que cela nous ferait plaisir d'avoir une bonne petite soupe, une fois l'hivers arrivé… »

Matt sourit et se lava les mains dans l'évier pendant que sa petite femme s'affairait dans la cuisine. C'était une petite pièce, comme le reste de la maison. L'entrée était très petite. D'ailleurs, il n'y avait pas vraiment d'entrée : à peine deux pas, et l'on était déjà dans le salon. La cuisine se trouvait sur la gauche et s'était tout. La déco était sobre et les meubles récupérés à droite à gauche, chez des amis, chez Mariette… Mais Matt adorait sa maison. Peut-être parce qu'elle sentait toujours la nourriture - Lucy était une très bonne cuisinière, le propre aussi. Ou peut-être parce qu'il pouvait voir sur tous les meubles et presque tous les murs des photos qui lui rappelaient combien il était chanceux. Si elles représentaient pour la majeure partie le petit Jack et ses parents, ils y en avaient aussi de Matt et ses amis, du couple et Mariette, et puis des enfants de l'orphelinat… Et puis, du salon partait un escalier allant jusqu'à l'étage où se trouvaient deux chambres, une salle de bain et une toute petite pièce qui servait pour le moment à stoker ce qu'ils ne savaient pas encore où ranger. Ce deviendrait probablement un bureau, où une petite bibliothèque. En réalité, la seule pièce où le couple n'avait pas lésiné sur les dépenses était la chambre du bébé. Ils n'avaient pas eu les moyens de se faire plaisir pour le reste de la maison, mais la chambre, elle, était parfaite. Lucy avait peint les animaux de la jungles sur les murs verts pastel. Les meubles étaient simple : un lit à barreaux blanc, une commode blanche qui faisait table à langer, et un placard qui était déjà encastré dans le mur et qu'ils avaient simplement repeint en blanc. Les jeunes parents avaient voulu faire très simple, tout en achetant de la bonne qualité, et ils savaient que d'ici quelques années, il faudrait changer le lit de Jack. Et puis il y avait eu toutes les affaires de bébé à acheter, et puis quelques jouets… Là encore, cela avait été un coup dur pour leurs finances, mais c'était leur fils, et il le méritait !

Lucy versa la soupe dans deux grands bols et coupa deux tranches de pain.

« Tu peux venir t'assoir. » fit-elle avec un sourire.

Matt sortit alors de ses pensées et soupira de contentement.

« Tu as passé une bonne journée ? Comment va Jack ? Il doit être couché depuis un bon moment déjà. » demanda-t-il.

« Oh, oui, bonne journée… » répondit la jolie rousse évasivement. Un peu trop au gout de Matt. Depuis quelque temps, il avait l'impression que sa presque-femme était préoccupée. Qu'elle lui cachait quelque chose.

« Quant à Jack, il a passé une très bonne journée à la crèche. Il a bien mangé, bien dormi. Quand je l'ai cherché à 17h, nous sommes allés au parc, il y avait la petite Zoé.. Tu sais, ses parents sont avocats. Ils travaillent énormément. La mère me disait justement qu'elle avait eu du mal à se libérer pour chercher sa fille plus tôt et que ça l'embêtait que sa fille doivent passer de si longues journées en collectivité. C'est vrai que la socialisation, c'est important, mais à un an et demi, la petite est surtout fatiguée… Enfin bref, elle me demandait si ça me dirait de chercher les enfants à la crèche et d'aller au parc, puis de venir à la maison jouer au calme et donner le repas de temps à autre… Apparement, cela les dépannerait beaucoup, mais je ne voudrais pas qu'elle ait pitié de nous… Mon âge joue rarement en ma faveur… Enfin, je ne sais pas trop. »

Matt réprima un sourire attendris. Sa petite femme était très bavarde. D'une intelligence rare, d'une douceur exemplaire. Mais très bavarde. Il passa doucement une main dans ses cheveux roux foncé.

« Est-ce cela qui te perturbe ? Ma chérie, si quelque chose ne va pas, tu sais que tu peux tout me dire, et ces derniers temps j'ai eu l'impression que quelque chose…»

« Non, tout va bien ! » répondit Lucy. Vite. Trop vite.

« Lucy… Écoute, mon coeur, pour la proposition de la maman de Zoé, prends le temps d'y réfléchir. Il ne faut pas que ça t'embarrasse de la chercher tous les soirs. Peut-être une ou deux fois par semaine, ce serait bien. Mais surtout, il faut que tu saches que tu es une excellente mère, vraiment. Depuis toujours d'ailleurs. A l'orphelinat, je pouvais déjà voir que tu étais faite pour être maman. Tu as toujours été très mature et il ne faut pas que tu perdre confiance en toi quand tu es avec des mères d'une trentaine d'années. Mais tu ne dois jamais oublier que tu n'as que 14 ans, tu n'es peut être pas une maman comme tout le monde, mais tu n'es pas plus mauvaise que les autres, bien au contraire. Et je te promets que je serai toujours là pour t'épauler, te protéger. Pour tout. Et puis, soit dit en passant que je ne connais aucune autre jeune fille de ton âge capable de me faire une si bonne soupe !»

Lucy rougit sous les compliments, puis fit un petit sourire et regarda son homme tendrement.

« J'oublie très facilement mon âge tu sais. De toute façon, j'ai l'impression que nous n'avons jamais vraiment eu le temps d'être des enfants tous les deux, et je ne veux surtout pas que Jack passe à côté de ça. C'est juste que, parfois, quand je croise le regard d'autres mères à la crèche, je ne peux qu'y lire des préjugés, de la condescendance, comme si je m'occupais mal de mon fils, et du coup, je doute. Mais j'aime tellement être là pour toi et Jack, vous êtes ma vie, ma force.»

« Elles ne te connaissent pas. Mais moi, je sais ce que tu vaux et tu n'as rien à changer. »

« Merci Matt. »

« C'était tout ce qui te perturbait ? » répliqua-t-il avec tendresse.

« Quoi ? .. Oh, oui, je t'assure que tout va bien »

Mais malgré cette réponse, Matt ne put s'empêcher de noter le regard fuyant de la jolie rousse.

Lucy se retourna entre les draps chauds de son lit. Elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. Matt avait passé toute la soirée à la regarder, à essayer de comprendre ce qu'elle lui cachait. Mais si elle lui cachait quelque chose, c'était précisément parce qu'elle ne pouvait pas lui dire ! Enfin si, elle aurait pu, mais elle n'était pas sûre que Matt aurait très bien réagit si elle lui avait dit quelque chose comme « Au fait, ce matin, en allant au travail, j'ai failli me faire percuter par un camion, du coup je me suis téléportée dans le parc, un peu plus loin. » Bien sûr. Quoi de mieux pour égayer cette soirée. Le pire était que ce genre de phénomène s'accentuaient ces derniers temps. Par exemple, pourquoi, lorsqu'elle avait fait le ménage dans l'appartement de la famille Wilson et qu'elle avait percuté avec l'aspirateur un petit guéridon duquel un vase était tombé, pourquoi, et comment ledit vase s'était-il mis à flotter dans les airs ? Etait-ce seulement possible ? Non, elle ne pouvait décemment pas en parler à Matt, c'était trop stupide, invraisemblable ! Mais dès qu'elle avait peur de quelque chose, un phénomène étrange se produisait. Et puis il y avait ces rêves. Ça avait commencé cet été. Elle s'en souvenait mal, à présent, mais… cet homme, enfin non, cette créature apparement appelée « Maitre », et ce serpent, qui semblait suivre la conversation, et puis ce jet de lumière verte et un « intrus » qui s'était écroulé au sol. Ce rêve avait été si étrange, et elle s'était sentie tellement en danger ! Mais ça n'avait pas été le seul rêve étrange qu'elle avait fait. Un peu plus tard en aout, elle avait vu une attaque dans un terrain de camping, elle avait cru courir pour échapper aux hommes cagoulés. Des « Mangemorts » ? Dieu que tout lui avait semblé si réel ! Et puis, plus récemment, alors qu'elle ne dormait même pas, elle avait soudain eu mal à la tête et, fermant les yeux, elle s'était retrouvée face à un dragon. Incroyable. Alors oui, Lucy était perturbée ces derniers temps.

Le pire dans tout ça était qu'elle se sentait surveillée. En effet, un certain Mr Doge, vieillard dont elle s'occupait, la dévisageait étrangement ces derniers temps. Comme s'il avait senti quelque chose. Terriblement âgé, d'au moins cent ans ! songea Lucy en souriant, il semblait marqué par la vie. Et puis, sa façon de s'adresser à elle, d'une manière un peu pinçante mais gentille tout de même, l'avait mise à l'aise et elle avait décidé de tout faire pour le dérider un peu. Il lui faisait penser à certains de ces nouveaux venus à l'orphelinat, qui gardaient toute leur souffrance en eux et qu'il fallait presque dresser pour qu'enfin ils se rappellent qu'ils n'avaient pas à culpabiliser, ni à se cacher, et qu'avec elle ils pouvaient s'exprimer librement et jouer avec les autres enfants. Ce vieil homme, Elphias, avait besoin de retrouver sa vie et Lucy s'acharnait à lui rendre le quotidien plus amusant. À chaque fois qu'elle se rendait chez lui, elle lui apportait invariablement quelques petites douceurs à déguster avec le thé, et puis elle jouait avec le chat, parlait de son fils adoré, et puis posait des questions. Plein de questions. Elle avait ainsi découvert que Mrs Doge était morte pendant une guerre il y avait une quinzaine d'années et que son mari avait alors tout quitté et renoncé à sa vie d'avant pour vivre plus sobrement. Mais depuis quelque temps, Elphias la dévisageait vraiment étrangement.

Ne trouvant pas le sommeil, Lucy décida de se relever. À pas de félin, elle se rendit dans la chambre de Jack. Le petit dormait profondément. Il était toujours très calme, mais amusant quand même. Lucy avait toujours eu l'impression qu'il était plus vif que les autres enfants. Un peu comme son père et elle, songea-t-elle. Tous les deux « mentors » des autres enfants de l'orphelinat, largement en avances à l'école, jamais totalement adaptés. Combien de kermesses avaient-elle organisées pour rapporter de l'argent en primaire ? Et au collège aussi ! Et combien pour l'orphelinat ? Au moins une ou deux par an. À quatorze ans, elle disposait déjà d'une certaine influence au Conseil d'Administration des écoles qu'elle avait fréquentées, elle et ses camarades de l'orphelinat. Il fallait dire qu'elle avait résolu tellement de conflits, aidés tellement d'étudiants en soutient scolaire. Son parcours était sans aucun doute atypique et, pour tous ceux qui la connaissaient, il était évident qu'il valait mieux être ami avec elle plutôt qu'ennemi. Elle avait même des relations dans différentes structures humanitaires d'aide aux défavorisés londoniens et elle se destinait à une carrière au Ministère de la Justice. Défendre la veuve et l'opprimé, oui, c'était ce qu'elle voulait faire. Et surtout s'occuper du social, des procédures d'adoption trop lentes, des assistances sociales surchargées de travail qui n'avaient pas le temps de venir vérifier que les familles d'accueil n'abusaient pas des enfants à leurs charge.

Lucy avait 6 ans. Habits trop grands de petit garçon, elle cherchait dans le jardin des trèfles à quatre feuilles en compagnie de ses cinq frères et soeurs de coeur. Tous plus jeunes qu'elle, sauf Théo, d'un an de plus. Un cri brisa soudainement ce moment calme et amusant.

« Où êtes vous, bande de vandales ?! » hurla une voix d'homme.

Les enfants échangèrent un regard terrifié. Ils savaient ce qui les attendait.

Lucy inspira bien fort pour se redonner du courage et répondit le plus calmement possible :

« Ici, monsieur. »

Un homme fort, grand, au teint mat passa par la baie vitrée. Sur sa chemise beige se dessinait des auréoles de transpiration. De la sueur perlait également sur son front. C'était mauvais signe. Lucy tentait d'analyser la situation. L'homme avait l'air furieux. Bien. Absence d'alcool donc. Au moins elle ne se ferait pas tripoter à des endroits qui ne lui plairaient pas. En revanche, elle espérait de tout coeur qu'il restait de l'Arnica dans la petite boite qu'elle cachait sous son lit.

« Et que faite vous ici exactement ? » demanda l'homme. Ses yeux lançaient des éclairs.

« Nous jouons, monsieur » répondit-elle, toujours aussi calmement.

« Vraiment ? »

Et sans que Lucy ne comprenne quoi que ce soit, elle se retrouva propulsée par terre. Les gifles du monsieur faisaient vraiment très mal.

« Petite impertinente » souffla-t-il. « Rentrez tous. Immédiatement. »

Les quatre enfants obéirent instantanément, mais Lucy, toujours dans le coton, mit plus de temps à réagir. L'homme t'attrapa par le haut de son T-shirt et la jeta sur le carrelage du salon.

Le lendemain, elle était couverte de bleus.

Lucy lâcha un long soupir. Elle passa une main dans les cheveux bouclés de son fils endormi. Ne jamais l'abandonner, comme l'avait apparement fait ses parents. Ne jamais lui faire de mal. Matt et elle se l'étaient promis. Leur bébé n'avait pas à souffrir.

Elle ne sut pas combien de temps elle resta là, à regarder son enfant, mais au bout d'un bon moment, elle sentit deux bras s'enrouler autour de sa taille et se retrouva prise dans la plus douce des étreintes. Elle ne l'avait pas entendu entrer.

« Le lit était bien froid sans toi. Tu ne t'es pas encore endormie n'est-ce pas ?» chuchota Matt.

Lucy hocha la tête mais ne répondit pas.

« Tu te souviens du jour où on lui a choisit son prénom ? »

La jolie rousse eut un sourire. Oh oui, elle se souvenait très bien…

Matt était installé dans le canapé du salon. Le futur papa était en pleine réflexion. Comment diable allaient-ils appeler leur bébé ? Celui-ci devait naître dans un mois et demi et il était grand temps de commencer à réfléchir. Pour s'aider, il était allé s'acheter plus tôt dans l'après-midi un livre intitulé 1000 prénoms pour bébé. Mais ce livre avait eu l'effet inverse : devant chaque prénom il ne pouvait s'empêcher de se dire « Tiens, pourquoi pas ? » et cela ne l'aidait absolument pas. Il se leva les yeux en entendant sa petite femme pouffer depuis les escaliers. Elle le fixait d'un air attendri, un grand sourire dévoilant ses dents blanches. Mais qu'elle était belle avec son ventre tout rond !

« Ça t'amuse que ton bébé n'ait pas encore de nom ? » râla Matt, légèrement vexé de l'amusement de sa femme. Ah son grand désespoir, Lucy rit de plus belle en entendant sa question.

« Non. En fait, il y a bien longtemps que j'ai une idée de prénom, si tu veux tout savoir. » lui apprit-elle.

« Oh ! Mais qu'attends-tu ? Dis-moi ! » s'exclama le jeune homme, surpris.

« Hmmm… Je ne sais pas… » répliqua-t-elle avec bonne humeur.

« Lucy ne me fait pas ça. Ça fait des heures que j'ai le nez plongé dans cet affreux bouquin ! »

« Très bien… Comme premier prénom, je pensais à … Jack. » lâcha-t-elle, incertaine, attendant sa réaction.

Celle-ci ne se fit pas attendre. Les yeux de Matt s'écarquillèrent et s'humidifièrent très rapidement.

« Jack… Mais c'est… c'était le nom de mon père » béggaiya-t-il avec émotion.

« Eh bien oui, je pensais que ça te plairait, et j'aime beaucoup ce prénom… » expliqua la jolie rousse au yeux bruns, « mais si ça ne te plait pas, pas de problème… Je sais que c'est difficile pour toi… »

« Oh non ! Au contraire, c'est merveilleux ! Validé, mon bébé s'appèlera Jack ! »

Et sur ces mots Matt se leva et prit sa future épouse dans ses bras. « Merci. » chuchota-il doucement.

« Pas de quoi » répondit-elle. Puis elle ajouta : « Et pour le deuxième prénom, je pensais à Harry. »

« Le prénom de ton ami imaginaire ? » demanda Matt en haussant les sourcils.

« Ce n'est plus mon ami imaginaire depuis longtemps » répliqua Lucy, « au contraire, je suis persuadée qu'il existe, qu'il est très important. Il a les yeux verts. »

« Oui, je sais, comme la petite peluche que tu avais faite en primaire. Avec les cheveux noirs. S'il est important pour toi, je ne peux qu'être d'accord. »

Puis il se pencha vers le ventre de sa femme et puis chuchota : « Et voilà bonhomme, maintenant, tu t'appelles Jack Harry Cooper. »

Matt sentit la jolie rousse s'alourdir contre lui.

« Enfin endormie ! » dit-il à voix basse. Avec délicatesse il la prit dans ses bras et ajouta « Bonne nuit mes deux amours. »


Si Matt avait espéré que sa petite femme lui parlerait le plus rapidement possible, il avait dû tomber de haut. Non seulement elle ne lui avait rien dit, mais en plus elle devenait de plus en plus mystérieuse. Les mois étaient passés, ils avaient fêté les un an du petit Jack, mais Lucy avait vraiment l'air très perturbée. D'ailleurs Matt ne pensait pas se tromper en disant qu'elle avait certainement perdu du poids. Des cernes se dessinaient sous ses yeux, il avait remarqué de Lucy faisait de plus en plus de cauchemars, elle était sans cesse distraite… Mais, ce qu'il ne savait pas, c'était que ce phénomène allait encore s'accentuer.

Comme tous les jeudis matins, la jolie rousse passait par le parc pour se rendre à l'appartement de Mr Doge. Le temps était vraiment agréable. Si le mois de mai s'était avéré plutôt pluvieux, ce début de juin en revanche, était on ne peut plus agréable. Elle approchait de l'immeuble quand soudain un bruit lui fit lever les yeux et elle remarqua avec horreur qu'un chat était en train de tomber d'un balcon. Balcon du 7ème étage, celui de Mr Doge. Sans aucune hésitation, elle courut et leva les bras au ciel afin de tenter - vainement - de le rattraper.

Mais elle était trop loin. Beaucoup trop loin.

« Nooooon ! Rodogune ! » hurla-t-elle. Puis, sans qu'elle ne contrôle quoi que ce soit, elle sentit une chaleur se répandre dans son corps. La chute du chat stoppa brutalement et celui-ci se retrouva à flotter dans les airs. Elle courut jusqu'à lui et il continua à descendre jusqu'à se retrouver dans les bras de la jolie rousse. Lucy gratta la tête de Rodogune. Elle sentit un regard perçant à l'arrière de sa tête et se retourna. Mr Doge. L'air plus calculateur que jamais.

« Ce n'est pas ce que vous… » Mais elle n'eut pas en temps de finir, Elphias l'attrapa par le bras et l'emmena en quatrième vitesse jusqu'à son appartement - au 7ème étage. Il avait beaucoup de force pour son âge, songea la jeune demoiselle.

« Installe-toi. » fit-il en désignant le canapé. Lucy n'imagina même pas protester et s'assit sur le cuir brun et moelleux du canapé. L'homme prit place face à elle dans un fauteuil.

« Qui es-tu exactement ? Quelqu'un t'envoie-t-il ? »

Il y eu un blanc durant lequel Lucy chercha à comprendre exactement le sens de la question.

« Eh bien, Lucy Rose Austen bien sûr… Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler, Monsieur. Pour ce qui est du chat, je ne peux pas vraiment expliquer ce qui s'est passé, j'ai eu de la chance de le rattraper, c'est tout… » fit-elle doucement, ne désirant pas s'attirer davantage les foudres du vieil homme.

Mais celui-ci hocha la tête, satisfait de la réponse.

« C'est bien ce qui me semblait. Tu n'es au courant de rien. Tu ne sais pas ce que tu es n'est-ce pas ? »

« Mais de quoi parlez-vous à la fin ?! » s'exclama la jeune fille.

« Que sais-tu de la magie exactement ? »

Cette question resta suspendue dans l'air.

« Quoi ?! »

« Lucy… Tu es une sorcière … » tenta vainement d'expliquer le vieil homme.

« C'est n'importe quoi, ça n'existe pas ! » rétorqua la jolie rousse. Mais elle doutait. Parce que Mr Doge avait l'air très sérieux. Parce qu'il se passait beaucoup trop de choses étranges ces deniers temps.

« Ah oui ? Et comment expliques-tu que mon chat lévite dans la rue alors qu'il allait s'écraser par terre ? Comment expliques-tu que, manquant de te faire renverser par un camion tu apparaisses comme « par magie » dans le parc, juste devant chez moi ? » répliqua-t-il.

« Je ne… »

« Non, tu vas me laisser parler d'accord. Je sais que tu as toujours vécu parmi les Moldus, tu ne sais rien du monde des sorciers. Je sais tout ça. Alors tu vas me laisser t'expliquer certaines choses et je pense que tu me croiras ensuite. »

Lucy hocha la tête.

« Vois-tu, je suis moi même un sorcier. J'ai quitté ce monde pour venir m'installer parmi les Moldus - les gens qui n'ont pas de pouvoirs magiques - à la mort de ma femme, pendant la guerre qui faisait rage il y a une quinzaine d'années. Lorsque celle-ci s'est achevée, j'ai pris la décision de ne plus jamais me servir de mes pouvoirs, sauf cas d'extrême urgence, car je trouvais qu'ils causaient trop de dégâts. La guerre a été catastrophique et toutes les familles sorcières se sont retrouvées en deuil. Le monde sorcier était décimé. C'était vraiment une sombre époque. Ma femme et moi faisions partis d'une organisation visant à éradiquer la menace du mage noir qui menait cette terrible guerre. Il s'appelait Lord Voldemort. Avec l'aide de ses Mangemorts il éliminait tous les êtres qui jugeait inférieurs, comme les elfes, les centaures, les êtres aquatiques, et bien d'autres encore, et les Moldus.

« J'ai donc quitté ce monde à la fin de la guerre. Je n'ai plus aucun famille, je ne suis rattaché à personne chez les sorciers, et je désirais ardemment mener une existence plus simple. Mais il faut savoir que les sorciers vivant parmi les Moldus sont particulièrement rares. Aussi ai-je été vraiment surpris quand, lors de notre rencontre, j'ai senti émaner de ton corps une puissance magique colossale. Mais tu ne semblais pas être au courant, alors j'ai simplement décider de t'observer. Et je n'ai pu ne pas remarquer que des épisodes de magie accidentelle se présentaient de plus en plus régulièrement et j'ai moi-même décidé de jeter le chat par la fenêtre tout en sachant très bien que tu ferais tout pour le rattraper. Et je n'ai pas été déçu. Mais, selon moi, il est temps que tu t'entraines à utiliser ta puissance magique, car cela pourrait se révéler dangereux pour toi ou tes proches. Et je sais que tu as toi aussi remarqué le phénomène, c'est pur cela que tu n'as pas l'air particulièrement surprise par ce que je viens de te révéler.

« Vois-tu, normalement les jeunes sorciers ont sur eux ce que l'on appelle La Trace, qui permet au Ministère de la Magie de localiser les nouveaux sorciers et ainsi, de les inscrire à Poudlard, une des plus grandes écoles de magie du monde. La Trace permet aussi de détecter quand un sorcier mineur fait de la magie, car c'est interdit. Ce qui est étonnant est donc précisément que tu n'aies pas été contactée par le Ministère ou Poudlard bien plus tôt. »

Lucy aurait pu hurler, se lever et envoyer en l'air tous les objets plus ou moins fragiles de la pièces. Elle aurait sans doute fait si elle n'avait pas été aussi tétanisée. C'était trop pour elle, et forcément faux, idiot. Mais pourtant elle savait. Et Mr Doge n'aurait jamais perdu du temps à faire des blagues. L'idée était, en elle-même, tout à fait ridicule.

« Je ne sais pas. J'ai besoin de temps. S'il vous plait.. » chuchota-t-elle. Et, toute tremblante, la jeune fille se précipita rapidement vers la sortie. Partir au plus vite. Se changer les idées. Réfléchir. Voir Jack. Voir Matt. Et ce n'est que vaguement qu'elle entendit Mr Doge lui souffler : « Bienvenue dans ton monde, Lucy Potter. »

A SUIVRE…

Avis à la population : je ne veux m'attirer les foudres de personne. Normalement les jeunes filles de 14 ans n'ont pas de bébé.. Il convient donc de prendre en compte le caractère fictif de cette situation et de l'histoire personnelle de Lucy Rose. La naissance du bébé est indispensable pour la mise en place de l'histoire.

Il faut également savoir que je n'ai pas du tout touché à la partie pré quatrième tome, alors faites le calcul : Lucy doit avoir l'âge d'Harry, soit 14 ans ;)

En espérant que ce récit vous plaise !

Bisous bisous les poulets !