Il avait plu tout l'après-midi. Les gouttes s'étiraient en rideau le long des vitres opaques, les jardins sentaient la terre humide, les pavés ruisselants brillaient à la lueur des lampadaires.

Bureau du commissaire, 18h11.

D'un naturel peu avenant, il avait pris l'habitude depuis quelques temps de la raccompagner chez elle, une attention particulière venue soudainement et qui disparaîtrait probablement de la sorte. Elle prenait son temps pour ranger son bureau, faisait semblant de classer des dossiers, ouvrait le même tiroir inlassablement et alignait des mots incompréhensibles sur sa machine à écrire. Elle ne voulait pas avoir l'air d'attendre, c'était pourtant flagrant. Les aiguilles de sa montre faisaient un bruit assourdissant, elle commençait à se dire que ce soir, ces mots ne viendraient…

- Je vous raccompagne, Marlène ?

Avec un sourire et un hochement de tête elle acquiesça joliment, rassurée.

Voiture de Laurence, 18h27.

Le trajet était silencieux, l'atmosphère tendue, trop peut-être, elle se sentait gênée.

- Quelque chose ne va pas commissaire ? Vous avez l'air...soucieux.

- Non, juste un peu fatigué, Marlène.

- Ah…

Elle posa ses yeux dans cette nuit noire qui ne défilait pas et ne dit plus rien, la route semblait infinie.

Il gara la voiture devant son appartement, curieusement, il y avait toujours une place libre devant chez elle, ça le fit un peu sourire. Elle le regarda en ouvrant la portière.

- Merci commissaire.

Sans réfléchir, il posa la main sur son bras pour la retenir.

- Attendez, je...heu…

Elle le fixait de ses grands yeux tout étonnés, il se racla la gorge, plus très sûr de ses mots.

- Bonne nuit, Marlène.

Elle sourit poliment, un peu déçue sans même savoir pourquoi.

- A demain commissaire.

Elle s'échappa, immense, de cette petite voiture, sans se retourner.

Les rues inondées étaient désertes, seul un bruissement de feuilles et des gouttières claquantes semblaient donner un souffle au paysage figé.

Devant le reflet triste de son miroir, elle enroulait un dernier bigoudi, elle savait qu'à l'autre bout de la ville, il se servait un dernier verre, perdu dans les notes mélancoliques qui résonnaient entre ses murs.