Crédits : tous les personnages, à quelques exceptions près, appartiennent à Maki Murakami, nous nous contentons simplement de les emprunter.
PROLOGUE
Les mains d'Hiroshi couraient le long de son corps en même temps que des baisers brûlants pleuvaient sur sa peau enflammée. Submergé par un plaisir si intense qu'il avait l'impression qu'il allait défaillir, Suguru renversa la tête en arrière et laissa échapper un long gémissement langoureux.
« Monsieur… Nakanoooo… »
Le garçon ouvrit les yeux. Il faisait encore sombre dans la chambre, et il soupira. Un rêve ? Mais alors que ses sens lui revenaient les uns après les autres, il prit conscience qu'il n'était pas tout seul dans son lit ; un bras solide et chaud était passé autour de ses minces épaules, et c'est avec un demi-sursaut qu'il se retourna vers l'intrus qui avait investi son lit à son insu.
« Bonjour, Sunshine. Tu as bien dormi ? »
Suguru demeura pétrifié une bonne seconde : que faisait Hiroshi dans son lit ?
Tout revint subitement en mémoire au petit claviériste : la soirée de fête pour célébrer le million d'exemplaires vendus du deuxième album de Bad Luck, une soirée assez… arrosée, la proposition d'Hiroshi de le raccompagner chez lui à moto, puis les baisers d'au revoir qui s'étaient faits plus ardents et passionnés et… Suguru sentit ses joues le brûler. Depuis près de sept mois qu'ils sortaient ensemble, ils avaient enfin fini par consommer leur relation, et le garçon vira lentement au cramoisi au souvenir de ces heures délicieuses entre les bras de son petit ami.
Ce dernier pouffa et lui ébouriffa les cheveux.
« Tu ne regrettes pas, j'espère ?
– Oh non ! C'était vraiment… excellent !
– Oui, c'est ce qu'on me dit à chaque fois… »
Suguru se coula tout contre le guitariste et, d'un coup de dent, lui pinça vivement un téton.
« Aïe ! Ça va pas ?
– Ça vous apprendra à parler comme un macho de base. Dorénavant, personne d'autre que moi n'a le droit de vous dire ce genre de choses !
– Jaloux et possessif, en plus du reste ?
– Mmouiii… ronronna Suguru en encerclant la taille du jeune homme. Et c'est bien pour ça que vous m'aimez, pas vrai… »
Ils seraient volontiers restés plus longtemps ainsi, mais le week-end ne commençant pas avant le lendemain il leur fallait s'arracher à leur étreinte et gagner, vaille que vaille, les locaux de N-G Productions.
« Je dois passer chez moi me changer et donner à manger à Ikkyoku. Elle va me faire la tête, elle n'aime pas que je découche, expliqua Hiroshi en s'habillant. Tu veux m'accompagner et on ira au travail ensemble ? »
Suguru refusa, prétextant que « les autres pourraient les voir et en tirer des conclusions ». Les deux musiciens n'avaient dit à personne qu'ils sortaient ensemble, et ce depuis presque sept mois. Le guitariste n'insista pas et partit peu après.
Demeuré seul, Suguru dut lutter de toutes ses forces afin de retenir le cri de pur bonheur qui ne demandait qu'à franchir ses lèvres. Ils avaient enfin concrétisé ! Certes, l'alcool n'avait sans doute pas été étranger à l'épilogue de leur soirée, mais… à présent qu'il avait vu le loup, le jeune garçon n'avait plus qu'une envie, le rencontrer à nouveau.
Rêveur, il alla lui aussi se préparer, puis partit à son tour pour N-G.
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Comme à l'accoutumée, c'est Shûichi qui arriva le dernier au studio, toujours à la limite du retard qui angoissait tant Sakano et exaspérait Suguru. Mais ce matin-là, Shindô aurait tout aussi bien pu ne pas venir de la journée que le claviériste n'aurait pas relevé, encore tout immergé dans son petit monde de sensations… inédites et fort délicieuses.
« Excusez-moi… Yuki a détruit le réveil hier matin et du coup je ne me suis pas réveillé… » expliqua le chanteur en refermant la porte, haletant, les joues rougies par sa course depuis la station de métro jusqu'à la maison de production. Il se débarrassa de son sac et se laissa tomber sur la banquette en faux cuir noir où étaient déjà assis ses deux camarades, tandis que leur producteur discutait avec leur manager à l'autre bout de la pièce tout en sirotant une tasse de thé.
« Salut Hiro, Fujisaki ! Comment ça va ?
– Bien, à présent que vous êtes tous là, laissez-moi vous parler de votre prochain travail », déclara K d'un ton solennel en reposant sa tasse, sans même laisser le temps aux deux autres garçons de répondre à leur chanteur. Il adopta un air recueilli, croisa les bras et annonça :
« Aujourd'hui est un grand jour. Réjouissez-vous, car vous allez avoir l'opportunité de participer à une émission au concept novateur dont le lancement, auquel vous allez prendre part, fera sans doute date dans l'histoire de la télévision japonaise. »
Ces paroles ne manquèrent pas de semer l'effroi dans l'esprit de chacun des membres de Bad Luck qui savaient depuis longtemps à quoi s'en tenir sur les jobs que seul K paraissait avoir le génie de leur dénicher.
« C'est une émission musicale ? hasarda Shûichi.
– Et comment ! Tout ce qu'il y a de plus musical, c'est même N-G qui la produit, c'est dire !
– Et… ça consiste en quoi ? s'enquit à son tour Hiroshi.
– Rien de bien difficile. Vous n'aurez qu'à écrire, composer et enregistrer une nouvelle chanson, en direct.
– En direct ! s'émut Suguru. Mais c'est impossible, monsieur K, vous savez très bien qu'il faut des semaines pour ça, ou du moins plusieurs jours – comme ç'a été le cas lors de notre fameux duel contre les Grasper. Nous n'aurons jamais le temps en une heure ou deux !
– Deux heures, non. Mais en deux mois, vous aurez largement le temps de concocter un hit susceptible de rester en tête de l'Oricon plusieurs semaines ! s'enthousiasma le grand Américain.
– Deux mois ? Mais…
– Oui, deux mois ! Pop Academy va durer deux mois et là, sous les yeux de millions de téléspectateurs, vous allez créer une chanson ! Et pas moyen de tirer au flanc puisque vous serez enfermés sans pouvoir sortir dans une maison et filmés vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! »
Shûichi avala sa salive.
« Comment ça, filmés vingt-quatre heures sur vingt-quatre ?
– Hé bien, je ne vous l'ai pas dit ? Pop Academy est une émission de télé-réalité, et elle débute lundi prochain. Vous avez le week-end pour préparer vos valises. »
Un haut mur de béton gris percé d'une porte métallique, pour l'instant largement ouverte, mais qui allait demeurer close huit longues semaines. Suguru était enraciné au sol, incapable de faire un pas pour en franchir le seuil. En cet instant, passer deux mois en prison lui aurait été moins pénible.
Au moins, en prison, on n'est pas filmé quand on va aux toilettes…
Bien évidemment, ses protestations, tout comme celles de ses camarades, n'avaient servi à rien.
« Attends, K, c'est une blague, dit Shûichi une fois revenu de sa surprise. Je sais bien que tu as l'habitude de nous faire participer à tout un tas d'émissions stupides, mais là ça ne prend pas !
– Détrompe-toi, Shûichi, je suis très sérieux. Les émissions de télé-réalité marchent fort en ce moment, aussi Seguchi a-t-il décidé de se lancer dans ce secteur. C'est même lui qui a pensé à vous, c'est dire ! Donc, je vais vous expliquer en quoi…
– Pas question. »
K haussa les sourcils et considéra l'auteur de l'interruption d'un air interrogateur et quelque peu agacé.
« Tu as quelque chose à dire, Suguru ?
– J'ai dit pas question. Jusqu'ici j'ai participé sans rien dire à toutes les émissions grotesques auxquelles vous nous avez envoyés prendre part, mais là c'est trop et il est hors de question que j'aille me compromettre dans une bouffonnerie pareille. Vous n'aurez qu'à transmettre ça au directeur, déclara le garçon d'un ton sec.
– Tu ne m'as même pas laissé le temps de vous dire…
– Il n'y a rien à dire. Si ça vous amuse tant, vous n'avez qu'à y aller vous-même, mais pour rien au monde je ne me déshonorerai, ainsi que ma famille, en me laissant filmer tout nu sous la douche !
– Et… et moi, je refuse de passer deux mois entiers loin de Yuki, intervint Shûichi avec fougue. Huit semaines sans voir Yuki, sans toucher Yuki, sans…
– Oui, j'ai bien compris. Mais le contrat est déjà signé, répondit leur manager en exhibant des feuillets couverts d'un imprimé indigeste, et il est écrit que, au cas où l'un des candidats viendrait à se désister sous couvert d'un motif dont la gravité ne remettrait pas en cause sa vie même, il serait contraint de rembourser tous les frais déboursés par la production pour lancer ce projet, y compris les rentrée prévisionnelles de la publicité. »
Hiroshi se joignit au chœur des protestations.
« Minute, c'est complètement illégal ! Nous n'avons rien signé du tout, nous !
– Vous êtes bien en contrat avec N-G ? Avec vous lu chacun des articles de A jusqu'à Z, plus les alinéas ? Tout est parfaitement légal là-dedans, croyez-vous un seul instant que Seguchi soit du genre à laisser quelque chose au hasard ?
– Ça m'est égal, je passerai ma vie à rembourser s'il le faut mais on ne me filmera pas nu sous la douche !
– Et moi, personne ne me séparera de Yuki ! »
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Mais qui avait jamais obtenu gain de cause face à Tôma Seguchi ? Et c'est ainsi que deux jours plus tard, les Bad Luck au complet attendaient devant une sévère porte grise, qu'ils ne devaient refranchir que huit semaines plus tard.
« Monsieur Nakano… Alors que nous venions tout juste de concrétiser… murmura Suguru, écrasé par la fatalité.
– Ça va être difficile pour moi aussi, Sunshine, souffla le guitariste, tout aussi démoralisé. Il… il va être terrible de ne plus pouvoir te toucher… de ne même plus pouvoir goûter à tes lèvres sucrées… »
Suguru déglutit nerveusement afin de déloger la grosse boule qui venait de se former au fond de sa gorge.
« Vous me manquez déjà… articula-t-il avec difficulté.
– Les Bad Luck, vous pouvez entrer, appela quelqu'un.
– Hé, Shû, il faut y aller ! »
Le visage livide et fermé, c'est d'un pas mécanique que le jeune chanteur franchit la porte, précédant ses camarades.
« Bienvenue dans l'univers de Pop Academy ! »
Dans leur dos, la porte se referma avec un claquement sourd.
À suivre…
