Ça y était. C'était fini. Bel et bien fini. Helga était la dernière survivante. La seule fondatrice encore debout. Rowena venait de rendre son dernier soupir... et ce sans avoir revu sa fille qui lui avait causé tant de torts. Et dire que jusqu'à présent, elle n'avait soufflé mot à personne de la perte de son diadème. Pas même à ses plus proches amis. Que de cachotteries ils en étaient venus à se faire avec le temps. Mensonges, dissimulations, chacun pour son camp, chacun dans sa maison. Quelle folie !
Il fallait dire aussi que Rowena était fière. En dépit de toute logique. Elle était même la femme la plus fière qu'Helga ait jamais rencontrée. Mais elle avait toutes les raisons de l'être. Helga se rappelait de leur rencontre.
C'était Godric qui les avaient présentées mais elle avait déjà entendu parler d'elle auparavant. Le monde des sorciers était secret et disséminé mais les nouvelles se répandaient vite. Lorsqu'on voyageait, on pouvait rapidement repérer ses confrères qui laissaient des indices magiques à proximité de leurs maisons. Un pitiponk capturé en lanterne, des grottes à l'éclat surnaturel qui cachaient des palais, un corbeau qui croassait en langage codé... En général d'ailleurs, les humbles chaumières et les lacs que voyaient les Moldus renfermaient des châteaux fabuleux et de somptueux manoirs très fonctionnels.
Et celle qui avait dessiné la plupart de ces édifices, c'était Rowena la bâtisseuse. Cette sorcière artisane itinérante était devenue extrêmement connue au fil du temps. Parmi ses pairs, elle n'avait pas d'égal. Elle savait s'adapter à tous les budgets et les résultats étaient immanquablement sublimes. Elle savait tordre l'espace magique et jouer des matières et des textures pour cacher de minuscules pierres entre deux gouttes de pluie. Elle tissait de l'or dans les toiles d'araignée et ses escaliers de cristal touchaient, disait-on, l'empire céleste des spectres ardents.
Comment reconnaissait-on ses œuvres ? En général, elle les signait discrètement de son emblème, un aigle aux ailes déployées. D'ailleurs, son deuxième surnom était lié à cela. Elle était Rowena la bâtisseuse mais aussi "Rowena les serres d'aigle", en référence à ses outils les plus incroyables, ses mains, ses serres qui donnaient des ailes à tout ce qu'elle créait.
A chaque nouvel élément qu'elle apprenait sur Rowena, la jeune Helga était plus admirative. Quelle femme extraordinaire. Quelle invention ! Quel génie ! Elle se hissait aux côtés des hommes les meilleurs et faisait preuve d'une telle indépendance !
Lorsqu'elle l'avait rencontrée pour le première fois, donc, Helga était encore une des petites aides de cuisine du château Gryffondor. Cette famille appartenait à l'ancienne noblesse Moldue mais après une première union avec une sorcière, il y avait de cela six génération, on pouvait aujourd'hui dire que la famille était sorcière. Pourtant, les Gryffondor cohabitaient avec les Moldus de façon harmonieuse. Discrètement, sans les brusquer, ils faisaient bénéficier leurs gens du savoir-faire sorcier. On guérissait les blessures, on offrait des banquets somptueux et Lady Gryffondor s'arrangeait même pour que le temps soit toujours clément pour les récoltes. Le domaine était prospère et tous vivaient heureux. Un paradis sur terre.
C'est dans ce contexte que le couple Gryffondor avait fait rechercher des talents sorciers à travers le pays afin de pourvoir à l'amélioration du niveau de vie au domaine. Des guérisseurs, des duellistes pour protéger les limites du territoire, des enlumineurs, des scribes, des musiciens, des faiseurs de charmes, des ménestrels, des artisans... On avait trouvé des sorciers de tous poils à travers le pays et les accents se chevauchaient en un étrange babillage dans la cour des Gryffondor. Helga avait été choisie pour ses dons de cuisine. C'était Lady Gryffondor elle-même qui l'avait repérée. De passage dans le petit village du Dumfriesshire où se trouvait une communauté d'humbles sorciers, elle avait goûté à son ragoût de crapaud. Dès la première bouchée, elle avait fait appeler la cuisinière. Inquiète, la petite Helga Blaireau qui avait à peine quatorze ans, avait accouru après de cette grande Lady.
« C'est le miel ? J'en ai mis trop ? Je trouvais que ça donnait un petit goût qui relevait le jus de sangsue, s'était aussitôt inquiétée Helga sans laisser parler la Lady de passage ; outrepassant ici les convenances. »
Un silence anxieux avait suivi. Et voilà, la dernière des Blaireau avait encore gaffé ! Elle était vraiment impossible celle-là ! Heureusement la Lady avait éclaté de rire et avait insisté pour ramener Helga avec elle au domaine. Ça avait été une déchirante tristesse pour Helga de quitter son village. Sa famille nombreuse allait lui manquer bien entendu. Les Blaireau (ainsi les surnommait-on car ils logeaient dans des maisons enfouies, comme des terriers) étaient de braves gens simples, droits et affectueux. Et puis, le grand monde lui faisait peur. On y brûlait les sorciers et les Moldus dominaient. Comment saurait-elle se comporter avec eux ? L'univers était si vaste. Même avec les nouvelles que portaient les faucons et les hiboux, elle n'en percevait pas le début du commencement.
« Je te prendrai sous mon aile, lui assura la Lady après l'avoir invité à confier ses inquiétudes. »
Et elle l'avait fait. Au château, Helga était devenue son élève. Lorsqu'elle ne travaillait pas aux cuisines avec les elfes de maisons et le chef cuisinier Billy Grovel, elle rejoignait la Lady dans sa tour et suivait là son précieux enseignement. Avec elle, elle découvrait l'espace infini du ciel, les étoiles, les courants du vent et les mouvements des astres. Parfois, elle était aussi conviée aux cours que donnait l'abbé au jeune seigneur du château Godric, qui avait deux ans de moins qu'elle. Et bien sûr elle suivait tous les enseignements des Gleemen de passage. Helga adorait les veillées où tout le monde était invité à chanter. Elle ne s'en sortait elle-même pas trop mal. Son timbre frêle savait prendre de la puissance pour monter et, sans le vouloir, elle avait été remarquée plusieurs fois. Notamment le soir où elle avait vu Rowena la bâtisseuse pour la première fois.
De passage au château pour réaménager certaines pièces sur ordre de Lord Gryffondor, l'artisane avait été l'invité d'honneur du banquet le premier soir. Bien que sa réputation la précédât, elle n'avait en réalité que dix-huit ans à l'époque, c'est à dire trois de plus qu'Helga. C'était une belle sorcière aux longs cheveux noirs et au visage d'un ovale et d'un teint parfait. Elle prenait grand soin d'elle et si sa beauté n'était pas sa priorité, elle la travaillait presque autant que ses constructions. En la voyant, Helga avait senti son admiration pour elle croître encore, mais elle n'avait pas osé l'approcher pour autant, trop impressionnée qu'elle était. Hélas, le jeune Godric, qui plaisantait avec cette belle dame, l'avait introduite sans préambule auprès de cette invitée de marque :
« Eh ! Helga ! Rowena a beaucoup apprécié votre cuisine ! lui avait-il crié, venez lui dire un mot. »
Contrainte et forcée, Helga s'était avancée vers l'artisane dont le regard perçant l'avait glacée pendant quelques éternelles secondes d'observation.
« C'est donc vous qui avez inventé cette recette, m'a dit Godric, c'était vraiment divin. »
Helga avait rougi, incapable de répondre, ce qui avait fait beaucoup rire Godric. Heureusement, on l'avait bientôt tirée de son embarras en lui demandant de chanter pendant que Lady Gryffondor, elle-même, l'accompagnait à la harpe. Un autre sorcier la soutenait au chant. Il avait aussi été repéré par Lady Gryffondor lors de ses déplacements. C'était un extraordinaire ténor qui avait été remarqué pour ses dons avec les animaux. Au domaine, il les soignait et surveillait les troupeaux de loin. On disait qu'il était capable de communiquer avec eux et plus particulièrement avec les serpents même s'il ne faisait que rarement étalage de ce talent qui effrayait les Moldus.
Il en avait pourtant fait la démonstration à Helga qui, après avoir chanté plusieurs fois avec lui, avait fini par s'attirer la sympathie de ce jeune homme timide et réservé. Il l'avait un jour conviée pour une visite des fermes alentours et en chemin, alors qu'ils faisaient une pause et partageaient un peu de fromage, il avait émis un étrange sifflement. Helga lui avait ri au nez mais aussitôt, une farandole de serpents avait surgi de toutes parts. Intriguée, la jeune fille avait tâché de distinguer les espèces et s'était même risquée à s'approcher d'eux quand elle avait compris qu'elle n'avait rien à en craindre.
« Tu n'as pas peur ? s'était-il étonné, et moi qui espérais te voir pousser des petits cris d'effroi.
- Comment leur parles-tu ?
- J'appelle ça le Fourchelang. Je pense que d'autres sorciers ont déjà eu cette capacité avant moi. Héraclès par exemple. S'il a pu étrangler les serpents dans son berceau, c'est certainement qu'il a su les calmer avant mais je trouve dommage pour ma part de tuer ainsi des créatures de Dieu.
- Tu es tellement talentueux, avait soupiré Helga, et moi, la seule chose que je sais faire, c'est plumer les goules d'eau et assaisonner les ragoûts.
- Ne te dévalorise pas. Ta cuisine est un lien entre les gens. Tu apaises les esprits et les mets en d'heureuses dispositions. »
Il lui avait tendrement tapoté la tête :
« Une vraie politicienne ! »
Il s'était relevé et ils avaient repris leur route vers la ferme. En repensant à ses instants de bonheur, Helga avait toujours un goût amer dans la bouche. Quel être était-il devenu ce Salazar. Si elle avait su...
Beaucoup de sorciers savaient instinctivement résister aux flammes mais la magie, à l'époque, n'avait pas le degré de raffinement qu'on lui connaissait aujourd'hui grâce à Poudlard. Ainsi, les petits sorciers dispersés, isolés dans les campagnes, n'exploitaient-ils pas leurs pouvoirs jusqu'à leur plein potentiel. Face à la pendaison, la famille de Salazar, une famille d'immigrés, d'Egyptiens et d'Espagnols noirauds qui plus est... tous ces potentiels sorciers avaient été incapables de résister.
Si seulement Salazar leur en avait parlé plus tôt, peut-être aurait-on pu éviter la succession d'événements dramatiques qui allait suivre.
Le temps avait passé au domaine Gryffondor. Rowena aux serres d'aigle avait déployé ses ailes et était repartie vers le vaste monde. Elle repassait parfois au domaine mais ça ne durait jamais longtemps. Elle avait dans le regard des paysages lointains et enchanteurs. Cette vagabonde se déplaçait à présent avec sa fille, la déjà belle Héléna qui enchantait Helga par son babillage. Salazar lui-même n'était pas insensible aux charmes de l'enfant. L'artisane et sa fille s'étaient frayées un chemin vers le cœur de cet homme taciturne. Rowena et Salazar, tous deux secrets et laconiques, échangeaient sans doute dans une langue incompréhensible à Helga. Ça la peinait un peu mais bon. Elle avait mieux à faire.
D'ailleurs, elle avait-elle même pris du galon. Grovel avait laissé sa place à Helga qui était devenue la grande cuisinière du château. Sa cuisine était devenue très réputée et sa jovialité additionnée à ses constants allers et venus d'une marmite à l'autre lui avaient valu le surnom de « pouffe souffle ». C'était ainsi du nom d'Helga pouffe-souffle qu'elle signait ses œuvres car grâce à l'enseignement de sa Lady, elle avait également commencé à noter ses recettes dans un gros livre destiné aux générations futures. Ce savoir attirait la curiosité de tous les sorciers du pays et bientôt, les recettes les plus simples et accessibles furent envoyées à travers toute l'Ecosse par hibou.
« Le savoir se répand, avait constaté Lady Gryffondor avec bonheur, nous serons bientôt l'épicentre de la culture sorcière d'Ecosse. »
Godric était devenu un chevalier fort et vaillant. Beau, courageux et doué d'un esprit vif et galant, il plaisait beaucoup aux dames. Avec elles, il était le parfait chevalier servant, mais à la première occasion, il descendait aux cuisines et faisait tomber son masque de civilité, redevenant l'enfant espiègle qui taquinait Helga, la timide fille des campagnes. Elle n'était plus aussi sensible qu'avant à ses plaisanteries et savait mieux le contenir. Avec l'habitude, elle avait fini par outrepasser son rang et le traitait comme un galant ordinaire.
Pourtant, il était tout sauf ça. Chez les Moldus, il était un jouteur hors pair. Chez les sorciers, un duelliste extrêmement talentueux. Il maniait la baguette comme personne mais Helga ne pouvait pas en juger. Elle n'était pas qualifiée. A l'époque, seuls les nobles sorciers pouvaient se payer un si digne artefact que la baguette. Elle, elle n'était qu'une cuisinière. Une humble cuisinière.
Même si Lady Gryffondor, elle, voyait plus que ça en elle. Ainsi, l'avait-elle convoquée auprès d'elle et s'était exprimée ainsi :
« La santé de mon époux décline et quand Dieu nous le reprendra, mon fils prendra sa place à la tête du domaine. Il lui faudra alors une compagne digne de ce nom.
- Nombre de grandes dames, sorcières ou Moldues, seraient flattées d'être choisie comme épouse pour Godric Gryffondor, avait répondu Helga. »
Lady Gryffondor avait eu un sourire malicieux :
« Mais enfin Helga, c'est vous que je veux comme bru. Nulle autre que vous ne serait capable de dominer mon impétueux fils. »
Helga, tétanisée, avait mis quelques instants à comprendre ce dont il s'agissait. Pendant de longues minutes, elle n'avait pu articuler une parole. Lady Gryffondor, considérant ce silence comme une approbation, avait commencé à parler du mariage, de l'organisation, de son nouveau rang de châtelaine. Mais brusquement, Helga l'avait interrompue :
« Je ne peux pas épouser Godric ! »
Lady Gryffondor l'avait dévisagée avec perplexité.
« Je suis désolée, mais je ne peux pas ! Je vous dois tant pourtant. Vous m'avez, pour ainsi dire, faite, mais je ne ne peux pas devenir sa femme. Je ne suis qu'une cuisinière ma Lady. Je ne serai jamais une épouse digne de ce nom pour un homme comme Godric... »
La dispute avait duré longtemps. Finalement, Helga avait obtenu de rentrer chez elle quelques temps pour y réfléchir. Il s'avérait que Rowena la bâtisseuse était au château à ce moment et elles avaient décidé de faire un bout de chemin ensemble. Cela avait un peu apaisé la peine d'Helga car ce départ était très éprouvant pour elle. Les adieux avaient été déchirant. Helga quittait une nouvelle fois sa famille, son foyer... Les elfes de maison, même, lui étaient si attachés qu'ils lui avaient cousu de nombreux mouchoirs et fichus en cadeau d'adieu. Helga les avait toujours. Godric lui avait aussi donné un "gage de son amour". Une coupe qu'il avait fait graver d'un blaireau. Le travail était remarquable et jamais Helga n'avait été en possession d'un objet si onéreux :
« Je vous ai fait faire un objet utilitaire car je savais que vous n'aviez cure des bijoux. Le blaireau sera, je l'espère, votre blason. Helga pouffe-souffle du Blaireau, avait commenté Godric. »
Il avait eu l'air vraiment triste de son départ mais l'aimait-il vraiment ou ne faisait-il qu'obéir à sa mère ? Helga se l'était sincèrement demandé.
Sur la route, Rowena et Helga s'étaient encore rapprochées. Évitant les Moldus de crainte d'être accusées de sorcellerie en tant que femmes seules, elles avaient eu l'occasion de beaucoup échanger. Rowena avait appris à Helga quelques tours de magie pour se protéger et Helga avait appris à sa compagne les enseignements de Lady Gryffondor sur le temps et les astres ainsi que quelques chansons. Rowena avait une voix alto qui s'accordait parfaitement au soprano d'Helga. Ensemble, elles donnaient des petits concerts à Helena pour l'endormir, le soir.
Puis, il avait fallu se dire au-revoir. Rowena avait repris sa route et Helga était rentrée dans son hameau sorcier du Dumfriesshire.
« Vous arrêterez-vous un jour Rowena ? avait demandé Helga, les femmes errantes ne sont pas bien vues vous savez.
- Mes yeux ont encore besoin de liberté, avait répondu Rowena. »
Quelques mois avaient passé. Dans un petit cottage aménagé par Rowena avant qu'elle ne reparte, Helga avait mené une vie paisible à l'abri des tourments. Elle donnait des cours aux jeunes sorciers du hameau et invitait souvent ses amis pour de grands banquets qu'elle concluait toujours par un concert où elle s'accompagnait des crapauds du marécage que Salazar lui avait appris à dresser. Puis, un jour, les hiboux du château de Gryffondor avaient cessé d'arriver et la nouvelle avait fini par parvenir là-bas.
Le domaine de Gryffondor avait été attaqué et rasé. Le bonheur trop éclatant des châtelains avait attiré la jalousie des seigneurs voisins et ils avaient été dénoncés comme sorciers auprès du roi qui leur avait prêté le concours de son armée pour arrêter ces mécréants.
Lorsqu'elle avait appris la nouvelle, Helga s'était effondrée. Pendant des mois, elle n'avait plus cuisiné un seul plat ni chanté une seule chanson. Elle se contentait d'errer, la nuit, espérant secrètement que les Pitiponks la mènerait à sa perte pour en finir avec toutes ses douleurs. Lady Gryffondor, les elfes de maison, Godric, Salazar... avaient-ils survécu ? Rien n'était moins sûr.
C'est dans cette humeur sombre qu'elle avait reçu, un soir, un étrange visiteur qui avait toqué à sa porte. Le hameau était enterré dans des lieux impraticables pour les Moldus et seuls les sorciers s'aventuraient jusque là. Aussi Helga avait aussitôt reconnu un semblable. Il était encapuchonné comme un moine et avait aussitôt réclamé à manger. Helga ne lui avait servi que du pain.
« C'est tout ce que tu peux m'offrir ? avait-il demandé, j'ai souvenir de tables plus somptueuses. Ce n'est pas digne de ce qu'on me servait au domaine de Gryffondor.
- Le domaine est tombé et vous êtes dans un humble hameau du Dumfriesshire, il n'y a là rien d'étonnant avait-elle rétorqué. »
Il avait achevé de manger en silence. Puis, il lui avait demandé l'aumône pour poursuivre sa route. Helga ne possédait pas grand chose mais comme il insistait, elle s'était alors souvenue de la coupe de Godric. A quoi aurait pu lui servir cette babiole ? Autant la donner. Quand il avait vu son cadeau, l'étranger s'était étonné :
« C'est un don bien précieux !
- C'est ça ou rien mon brave, je ne peux pas donner moins.
- Ça vexerait Godric s'il savait que tu donnais ainsi ses gages au tout venant mais moi, ça me fait plaisir. Malgré ton amertume, ton cœur n'a pas fondu. »
Sur ses mots prononcés d'une voix familière, l'étranger avait ôté son capuchon et Helga avait reconnu Salazar. Elle s'était jetée dans ses bras, incapable de contenir ses larmes. Salazar était vivant et même, mieux que ça, il lui avait ensuite expliqué que Godric avait lui aussi survécu et l'avait envoyé pour la ramener auprès de lui. En entendant ça, Helga avait voulu partir aussitôt pour ne pas perdre une minute mais Salazar lui avait ensuite assuré qu'en partant demain, il serait plus tôt arrivé près de Godric. Perplexe, Helga avait insisté pour partir tout de suite et Salazar lui avait alors expliqué que les elfes de cuisine avaient révélé un don jusque là inconnu. Ils étaient en effet capable de se transporter d'un endroit à un autre en un clin d'oeil et ce grand pouvoir leur avait permis de sauver quelques dizaines d'habitants. Hélas, malgré tout, nombreux avaient péri dans l'attaque des Moldus et parmi eux, la noble Lady Gryffondor.
Pour éviter que ce genre de drame ne se reproduise, Salazar et Godric, lesquels s'étaient réfugiés dans les profondeurs de grottes enchantées qui bordaient le lac du domaine, avaient tâché d'imiter les elfes et mis au point un sortilège similaire.
« Il va falloir que nous t'apprenions, avait conclu Salazar, il ne faudrait pas que tu te retrouves à la merci de ces vermines de Moldus ignares ! »
La violence de ces propos avait à l'époque paru justifié à Helga. A posteriori, elle avait compris que depuis l'assassinat de ses parents, Salazar n'avait cessé de nourrir sa haine à l'égard des Moldus et que l'attaque des Gryffondor avait encore ajouté une pierre à l'édifice de sa rancœur.
Dans le froid glacial, il avait alors enveloppé Helga dans sa cape et avait « transplané » avec elle jusqu'à Godric. Helga n'avait emmené que la coupe au blaireau et son livre de recettes.
L'homme qu'était devenu Godric avait entièrement perdu l'insouciance et l'insolence du beau chevalier blond qu'elle avait quitté. Il était usé, sombre et son regard s'était attristé. Néanmoins, quand il avait aperçu Helga, son visage s'était illuminé. Les deux vieux amis s'étaient étreints et toutes les vieilles rancœurs avaient été oubliées. Aux côtés du jeune Lord Gryffondor, Helga avait également eu la surprise de reconnaître Rowena. Elle avait également été menée ici par Salazar qui était devenu un maître dans l'art de transplaner. Héléna dormait plus loin, dans une alcôve naturelle de la grotte que Rowena avait taillé en forme d'ailes avec son art magique.
« Mes amis, avait gravement dit Godric, je vous ai réunis ici pour unir le monde sorcier sous l'égide d'un savoir partagé, pour que plus jamais, l'ignorance ne nous rende victime des perfidies des envieux et pour organiser le monde magique tel qu'il sera demain. Ici, sur les ruines de l'ancien château des Gryffondor, je voudrai bâtir une école pour les jeunes sorciers de toute l'Ecosse... de toute l'Angleterre, de Pays de Galles et même d'Irlande ! Nous accepterons tout le monde qu'importe le rang, la fortune ou le sexe et nous construirons ici un temple pour léguer le savoir sorcier au monde futur. Qu'en pensez-vous ? »
Rowena avait souri, chose rare, et avait déclaré :
« Sur les ruines du château Gryffondor, je bâtirai un édifice fabuleux et changeant ; un château volatile que seuls les sorciers verront et j'y enseignerai à réfléchir et à chercher sans cesse connaissance et liberté.
- Moi, avait poursuivi Salazar, j'apprendrai la ruse aux jeunes sorciers afin qu'ils échappent toujours aux Moldus. Et je leur apprendrai aussi que l'ambition n'est pas un péché et qu'on peut devenir l'ami d'un seigneur même quand on ne fait que s'occuper des troupeaux. »
Disant cela, il avait posé son bras sur celui de Godric qui lui avait souri avec chaleur. Quel malentendu entre eux dès le début. Godric voulait préserver des vies, Salazar voulait conquérir. Et pourtant, nul secret, nulle dissimulation dans cet échange de regard francs. Juste de la confiance. Helga avait parlé à son tour :
« J'apprendrai aux jeunes sorciers la valeur de l'effort, que l'amitié vaut plus que tous les colifichets et que la loyauté est le plus pur des trésors. »
Hors de la grotte, l'aube s'était levée sur les ruines qui allaient devenir le camouflage de leur école. Poudlard. Spontanément, Helga s'était alors mise à chanter et les trois autres l'avaient rejointe. L'alto Rowena, le ténor Salazar, le basse Godric et la soprano Helga s'étaient accordés ensemble dans un chant céleste qui célébrait une antique victoire guerrière.
Au souvenir de ces instants d'espérance et de bravoure, de confiance et d'amour, Helga sentit les larmes lui monter aux yeux. Oui, cette époque était bel et bien révolue et sa cuisine, aussi bonne soit-elle, n'était pas venue à bout des différends de Godric et Salazar. Leurs oppositions avaient donné naissance aux maisons qui avaient séparé leurs élèves en quatre clans et tout cela s'était achevé dans une rupture définitive. Rowena qui était restée la plus proche de Salazar, avait eu du mal à supporter cette séparation. A dater du jour de son départ, elle n'avait plus crée quoi que ce soit, se contentant de donner des cours.
Malgré tout, la vie continuait. On enterrerait Rowena demain. Il y aurait une grande cérémonie à Poudlard. Les élèves rendraient un ultime hommage à cette enseignante hors pair. Puis, il faudrait retourner en cours.
En terme d'histoire, j'ai joué sur des références à des lieux précis mais un flou artistique politique un peu comme dans le roman courtois. Les dates de vie des sorciers n'étant donnés grosso modo qu'à partir du Xème siècle on peut déduire que ça se passe avant pour les fondateurs qui sont placés "au Moyen-Âge" mais bon... c'est flou voilà !
