Disclaimer : L'univers d'Harry Potter ne m'appartient pas et je ne touche aucune rémunération.
Rated : T
Note : Cette histoire a été écrite suite à un défi lancé sur le forum FF de la Gazette des Bonbons au Citron ! Mon thème était "Et si Harry Potter avait monté un troisième camp", je voulais en faire un OS, et finalement nous voilà avec ceci. C'est une histoire en 4 chapitres, je posterai donc le mercredi jusqu'au 2 mai. (RALALA QUELLE COINCIDENCE DIS DONT QUE LA FIN DE CETTE HISTOIRE TOMBE LE 2 MAI ! Héhé pas de coïncidences les jeunes restez Woke.)
Avertissements : C'pas joyeux-joyeux. J'espère quand même que ça vous plaira ! :D
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Sur ce, enjoy ! :)
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- Chapitre 1 -
La chambre était silencieuse, et sombre. La nuit était tombée autour de lui alors que, assis sur la chaise posée là, il peinait à détourner le regard de celui qui avait un jour été son protecteur. Des mois. Des mois entiers qu'il était allongé là, et jamais il n'était resté si longtemps à ses côtés. Il n'était pas sûr… pas sûr de ce qu'il ressentait. Peut-être de l'appréhension. Peut-être de la peine. Peut-être même qu'il avait des regrets.
Tellement, tellement de regrets.
Sur le pas de la porte entrouverte se dessinait une silhouette découpée dans la faible lumière du couloir de l'étage. Hermione se tenait là, seule, immobile et droite, depuis de longues minutes déjà. Il l'avait entendue arrivée, mais elle n'avait rien dit, alors lui non plus. La respiration du professeur Dumbledore était à peine perceptible. Si l'on regardait assez longtemps, on pouvait voir sa cage thoracique se lever et s'abaisser, comme avec peine. Ses cheveux gris et sa barbe longue faisaient parure à la robe qu'il portait le jour de sa chute. Comme hors du temps. Techniquement hors du temps, confiné dans une bulle de magie. Sans mourir, ni se réveiller.
-Il comprendrait, tu sais.
La voix de son amie le surprit presque, au point d'avoir le début d'un geste pour la regarder. Dumbledore… L'homme qui avait prévu de l'envoyer à la mort le jour même de l'assassinat de ses parents. Et qui se trouvait là, aujourd'hui, impuissant, sous sa garde. Quelque part entre la vie et la mort, sans même le savoir. Par sa faute. Par sa volonté. Par ses choix. Les choix d'Harry. Il se releva, doucement, et lissa ses robes sans bruit.
-Non, s'entendit-il répondre – et il fut presque surpris que sa voix ne tremble pas. Non, en fait… je pense qu'il ne comprendrait pas.
Il garda un instant encore les yeux rivés vers son visage inexpressif. Hermione n'ajouta rien, pas même quand il se retourna vers elle. Il ne la voyait qu'à peine ainsi contre la lumière, mais il sut qu'elle savait ce qu'il voulait dire. Il sut qu'elle pensait comme lui. Albus Dumbledore, le Meneur, le Fou, le Grand… Albus Dumbledore n'aurait pas compris. Il n'aurait pas compris ses gestes, il n'aurait pas compris ses actes. Il n'avait d'ailleurs jamais vu venir cette fin alternative à celle qu'il avait mis si longtemps à orchestrer.
-Je suis montée te dire que Snape est arrivé.
Harry hocha la tête, doucement. Il marcha vers la porte, l'ouvrit un peu plus, se tint près de son amie quelques secondes encore – sans oser pour autant la regarder dans les yeux. Il la devina sourire, mais ce fut sans joie. Il y avait de la peine dans ses yeux. Même quand elle monta une main tendre vers sa joue, et même lorsqu'elle lui parla.
-Tu es sur la bonne voie.
Il hocha la tête, de nouveau. On aurait pu le croire ailleurs, mais il était tout à son présent. Ce n'était pas sa voie qui le minait, mais ce désastreux paysage de guerre sans fin. Quand il leva enfin les yeux vers les siens, il se demanda s'il avait bien fait de l'entraîner avec lui. Sa main glissa de sa joue et vint presser ses doigts, le temps d'un instant. Et pourtant, l'avoir à ses côtés, elle, sa meilleure amie, la sorcière la plus futée de leur génération… Si elle restait il ne pouvait qu'avoir raison.
-Et Draco ? Finit-il par demander. Est-ce qu'il est rentré aussi ?
-Je ne sais pas.
Il acquiesça une fois de plus, en silence. Puis il fit un pas supplémentaire dans le couloir, et ferma la porte entre eux et celui qui avait été un jour leur directeur à Poudlard. Poudlard… Il avait pensé que c'était sa maison. Enfin un toit, enfin une famille, enfin des bienfaiteurs. Il baissa les yeux, brièvement. Quand il les releva et qu'il sourit à Hermione, ce fut sans joie lui aussi – mais elle comprit. Elle comprenait toujours, Hermione.
Elle prit sa main, serra doucement un instant, puis se détourna et tourna les talons. Il la vit redescendre et souffla longuement. C'était là qu'il allait, lui aussi. Son regard se porta sur la chambre fermée, une dernière fois.
Un jour il arrêterait de se sentir coupable.
Le Square Grimmaurd était plus éclairé au rez-de-chaussée qu'aux étages. Sans doute parce que la plupart de ceux qui s'y trouvaient n'était que de passage, très peu y résidaient. Plus il descendait les marches, et plus il semblait revenir au vrai monde. Au monde réel. En passant il fit un léger détour vers la porte et vérifia qu'elle était verrouillée, presque par réflexe.
-Je commençais à penser que tu n'étais pas là.
Il en sursauta presque, se retourna dans le couloir. Dans l'embrasure de la porte de la cuisine, l'homme en noir avait croisé ses bras sur sa poitrine. Il ne semblait jamais très à l'aise dans cette maison, sans doute parce qu'elle était la propriété de la famille Black depuis toujours. Aujourd'hui, Harry n'avait absolument aucune idée d'à qui cette bâtisse était censée revenir, mais tant qu'on ne les mettait pas dehors alors il n'avait rien à en redire. Snape, lui, ne restait jamais longtemps.
-J'étais dans sa chambre.
Son ancien professeur ne répondit rien, mais Harry put deviner un tressaillement dans son regard. Snape ne montait jamais, et ça n'avait rien à voir avec son aversion pour la maison. Il n'avait plus posé les yeux sur Dumbledore depuis qu'il l'avait éjecté hors de la tour. Harry avait pensé qu'il finirait par rejeter la faute sur lui, que ça apaiserait sa conscience. Mais les semaines, les mois étaient passés et il n'en avait rien fait. Du moins, c'était ce qu'il semblait. Severus détourna les yeux, comme pour changer de sujet sans attendre.
-Tu-sais-qui sera à Poudlard à la fin du mois. Tu vas vouloir repousser cette visite éclair que tu avais prévu de faire à Noël.
Hm. Ça ne l'arrangeait pas du tout. Il aurait voulu voir Neville, lui parler de cet horcruxe qui… Ah,merde – Harry ferma les yeux, retira ses lunettes et passa des doigts las sur ses paupières closes. Bon. D'accord. C'était comme ça. Ils iraient plus tard. Il préviendrait Hermione dès qu'il la reverrait, ils trouveraient un meilleur moment pour retourner à l'école. Ils trouveraient un… ah merde.
-Autre chose.
Harry releva les yeux, baissa sa main et ses lunettes retombèrent sur son nez. Severus avait l'air préoccupé. Plus préoccupé qu'à son habitude.
-Minerva m'a confronté.
McGonagall. Harry se pinça les lèvres. Elle aussi devait être désespérée, depuis l'école. Les Mangemorts torturaient ses élèves. Le meurtrier d'Albus Dumbledore était aujourd'hui son directeur.
-Elle dit douter de mon allégeance. Elle a cherché à me rallier à l'Ordre, pour reprendre Poudlard.
Harry haussa les sourcils. Voilà qui l'étonnait, pour une fois. Mais peut-être pensait-elle qu'il avait été forcé à assassiner Dumbledore et que les remords causés par son geste l'éloignaient du Seigneur des Ténèbres. Et d'ailleurs, elle n'avait pas tout à fait tort. Snape avait suivi les instructions de quelqu'un d'autre. Severus décroisa ses bras, soupira, se détourna de moitié. Il regarda en direction du salon où on ne pouvait y voir personne, ne sembla voir ni le canapé vide ni la cheminée incandescente.
-Si les Mangemorts commencent à penser que je pourrais être dans un camp différent, je serais mort avant même d'avoir pu regarder mon bourreau en face.
Il craignait que l'un d'eux ait pu surprendre les doutes du professeur de métamorphose, et se dire qu'il avait retourné sa veste. Harry comprenait son angoisse. Il se mordit la lèvre sans pouvoir s'en empêcher, regarda le mur un instant, réfléchissant.
-Vous voulez quitter l'école ?
-Non.
Ce fut si rapide qu'il aurait pu en être surpris. Mais ce qui aurait vraiment surpris Harry, ça aurait été qu'il veuille partir. Il était directeur là-bas, et bien vu par Voldemort et la plupart de ses disciples. Il était le meilleur espion qu'ils avaient, et il était complètement dédié à leur combat. C'était là la plus grande différence entre lui et Dumbledore. Harry n'avait forcé personne. Snape n'était pas là pour payer une dette. Il était là parce qu'il pensait que c'était le plus juste.
-On ne peut pas forcer le professeur McGonagall à s'éloigner de Poudlard, dit Harry alors. Elle est tout aussi prisonnière du château que les autres professeurs. Et c'est mieux pour nous si…
-Si elle pense que je suis un Mangemort.
Harry hocha la tête, une fois, doucement. Ils ne pouvaient pas se permettre de se reposer sur son jeu d'actrice, ou pire, prendre le risque qu'elle se fasse interroger par les fidèles de Voldemort. Severus devait rester dans le camp des Mangemorts aux yeux de tous, c'était leur meilleure chance d'atteindre leur ennemi. Il baissa les yeux.
-Si vous… si vous parliez à Remus, il pourrait…
-Non.
Ce fut tellement rapide et tellement sec qu'Harry releva immédiatement les yeux vers lui. Son regard s'était durci, même, et il détourna les yeux de lui, comme si de soutenir le regard d'Harry après avoir haussé la voix était pesant. Snape n'avait pas l'habitude de se montrer émotionnel. Pourtant Remus aurait eu assez de poids pour convaincre McGonagall qu'il était irrécupérable, irrévocablement fidèle à Voldemort, il aurait juste à lui confier qu'il était avec le camp d'Harry et lui demander de garder le secret. Remus ne l'aurait pas trahi, même s'il n'était pas de ceux qui avaient décidé de le… mais Remus n'aurait pas eu à le faire pour lui, Harry savait que c'était impensable aujourd'hui. Il l'aurait fait pour Severus. Mais peut-être qu'Harry avait surestimé les rapports conservés par ses deux anciens professeurs.
-Non, je… ce n'est pas une bonne idée.
-D'accord, répondit Harry alors. D'accord.
Beaucoup de rapports étaient conflictuels depuis… enfin, depuis qu'il avait décidé de quitter l'Ordre. Que certains l'avaient suivi. Et que d'autres non. Pour Snape c'était pire encore – tout l'Ordre pensait qu'il était un Mangemort, depuis qu'il avait expulsé Albus hors de cette tour. Compréhensible. Favorable, même. Snape sortit une montre de sa poche et la regarda brièvement.
-Il faut que je parte, dit-il seulement. Après les examens ?
Harry prit le temps d'y réfléchir. Les examens. Ça laissait combien de temps, deux semaines ? Trois semaines ? Il se mordit la lèvre nerveusement, un instant. Puis il nia d'un mouvement de tête.
-Non, faîtes-vous discret. Je vous préviendrai quand j'aurai une nouvelle date pour Poudlard.
Snape ne dit rien. Il ne parlait que rarement plus que nécessaire. Harry le regarda se détourner vers le salon, et prendre la cheminée. Il put voir l'éclat des flammes vertes sur le chambranle de la porte, puis plus rien. Il savait qu'Hermione était dans ce salon, assise quelque part. Un instant, il hésita à la rejoindre. Il n'y avait qu'eux ici, aujourd'hui. Mais il renonça. Au lieu de ça, il se détourna vers les escaliers et remonta, marche après marche, doucement. De toute façon elle avait dû entendre, pour Poudlard, pour Noël, pour leurs plans tombés à l'eau. Il entra dans sa chambre et soupira dès que la porte se referma derrière lui.
Il y avait certains jours comme ça, il se sentait exténué.
A vrai dire, il aurait préféré que Snape arrive avec de meilleures nouvelles. C'était de moins en moins le cas, ceci dit. On aurait pu croire, à la façon qu'elles avaient eues d'être si rares dès le début, que les choses ne pouvaient aller qu'en s'améliorant. Mais on se serait trompé. Rien ne semblait jamais aller en s'améliorant.
-Hey.
Merlin ! Harry sursauta tellement qu'il faillit faire un véritable bon sur place. Il porta une main à son cœur, par réflexe, et soupira lourdement.
-Nom de Dieu, tu m'as fait peur…
Draco, debout au pied du lit, dans la semi-obscurité, n'eut pas même un sourire. Harry prit le temps de le regarder. Il lui trouva quelque chose de changé. Sa posture, son attitude… jusque dans les traits de son visage. Quelque chose de fermé, de froid. Il put deviner de la colère. Et du dégoût. Le cœur d'Harry rata un battement, mais il ne bougea pas. A son cou, il devina une fine chaîne qui ne lui appartenait pas, et releva ses yeux dans les siens. Le pire, peut-être, était de savoir que cette colère et ce dégoût, Draco ne devait les ressentir que pour lui-même, son propre esprit, son propre sang, et cette marque à son bras.
-J'ai trahi deux camps pour toi, dit-il – et sa voix fut sombre, menaçante.
Harry ne répondit pas tout de suite. Ce n'était pas comme ça que lui voyait les choses. En ce qui le concernait, c'était l'Ordre qui avait trahi. Pas tant en suivant aveuglément Dumbledore qu'en continuant de vouloir honorer ses choix une fois qu'ils avaient su le véritable homme de guerre qu'il avait été. Chaque minute de son existence, même en temps de paix, à préparer l'issu d'une guerre à peine alors entamée. Et le destin qu'il avait choisi et planifié pour Harry. Harry qui eut un petit mouvement de tête vers cette chaîne que Draco portait autour du cou et qui disparaissait sous sa chemise.
-C'est ce que je crois ? Demanda-t-il seulement.
Draco n'eut pas besoin de plus de précision pour savoir ce qu'il indiquait. Il hocha la tête, doucement, sans faire d'autre geste. Harry n'avança pas, mais tendit une main vers lui, ses yeux bien ancrés dans les siens.
-Donne-le-moi.
Les quelques premières secondes, Draco ne bougea pas. Et puis il retira la chaîne de sou cou – à son bout, un médaillon. Le médaillon. Il s'avança d'un pas, puis de deux… et finalement, comme à contrecœur, le laissa aller dans la paume ouverte d'Harry. Un instant passa encore, et puis son regard sembla s'éclaircir. Il releva les yeux vers Harry, qui lui sourit, doucement.
-Tu l'as porté longtemps ?
-Quelques… quelques heures.
Il avait l'air terriblement mal-à-l'aise. Pas de ses mots, mais de ce qu'il ressentait. De ce qu'Harry pensait qu'il devait ressentir. Après tout, il était plutôt bien placé pour connaître les effets qu'avaient sur l'esprit l'âme de Voldemort. Un instant, il baissa les yeux. Puis il se reprit – il referma sa main sur l'horcruxe et marcha jusqu'à son bureau, dont il ouvrit le tiroir du haut. A l'intérieur se trouvait déjà la bague, qu'il avait récupérée dans le bureau de Dumbledore le jour où… enfin, qu'il avait récupérée.
-Ils ont essayé de le détruire ? Demanda-t-il en le regardant rejoindre sa jumelle.
-Oui.
Harry referma le tiroir, se retourna vers Draco, et vit qu'il s'était assis sur le bord de son lit, le regard sur le plancher. Il avait l'air… tellement fatigué.
-Mais ils, ils ne…
Il semblait chercher ses mots.
-Ils ne savent pas comment faire.
Harry marcha vers lui, s'assit à ses côtés, doucement. Draco avait déposé ses coudes sur ses cuisses, et son visage entre ses mains. Harry frôla son dos du bout de ses doigts, avant d'y apposer sa paume. Il caressa le dos de sa chemise avec lenteur et sentit Draco se détendre doucement sous son toucher, peu à peu. Harry lui demandait beaucoup, il le savait. Il était… tellement désolé. Il se mordit la lèvre un instant, nerveusement, hésitant, avant de finalement demander :
-Est-ce que Ron sait pour l'épée ?
L'épée de Gryffondor. Cela faisait quelques temps qu'il y pensait. S'il y avait bien une arme hors du commun qui aurait pu avoir une chance de détruire l'un de ces objets maudits, ça aurait été une arme comme l'épée. Et s'il y avait pensé, alors ce n'était pas idiot de penser que Ron avait pu avoir une idée similaire. Surtout que c'était l'Ordre qui la détenait aujourd'hui, et que son ami devait en être constamment à proximité. Draco nia d'un mouvement de tête.
-Je ne pense pas, dit-il sans relever les yeux. Sa mère la garde chez eux.
Le Terrier. C'était le nouveau point de regroupement de l'Ordre du Phénix. C'était moins anonyme, moins caché… mais comme Harry s'était installé ici, au Square, ils n'avaient pas eu d'autre choix que de se trouver une autre base d'opérations. Hun. Ça faisait amèrement rire Harry. Pour avoir une base « d'opérations », encore fallait-il savoir ce qu'on faisait. Il ne remarqua que Draco le regardait que lorsqu'il parla de nouveau.
-Tu vas vouloir y aller ?
Les yeux d'Harry se posèrent sur les siens, son regard si clair. Sa main, dans son dos, s'arrêta de bouger. Il était beau, Draco, si beau. Ça aurait été mentir que de dire qu'il l'avait toujours trouvé beau, après tout ils avaient un passé. Mais aujourd'hui, à chaque fois qu'il le voyait, qu'il le regardait… il baissa un peu les yeux. Il y avait une autre question, cachée dans celle qu'il venait de prononcer. Il voulait l'aider, le plus qu'il pouvait. Mais Harry savait qu'il en faisait déjà beaucoup, énormément pour lui. Alors non, il ne lui demanderait pas de venir récupérer l'épée avec lui. Il eut un sourire, monta sa main à son visage, caressa le haut de sa pommette du bout de son pouce.
-J'irai avec Tonks, dit-il doucement.
Et Draco hocha la tête, une fois, tout aussi doucement. Il ne détourna pas le regard. Pourquoi l'aurait-il fait. Harry avait tout le mal du monde à se décider à laisser sa main retomber de son visage. Il se rendit compte qu'il avait la gorge, les lèvres sèchent. Il se racla la gorge, et s'humidifia les lèvres.
-Tu dors là ce soir ? Demanda-t-il – et ce ne fut qu'un murmure.
Il sembla hésiter un instant, Harry put le voir dans ses yeux. Mais après tout, l'Ordre n'avait aucun moyen de savoir où il passerait la nuit, ils n'étaient pas des nounous – et si Draco n'avait rien de mieux à faire alors… il pouvait bien prendre un peu de repos… auprès de lui… Sa main fut doucement recouverte de celle de Draco, doucement, si doucement. Puis il sentit qu'il enserrait son tee-shirt de sa seconde main et le tirait à lui. Harry se laissa faire. Harry se laissa faire mille fois. Draco prit ses lèvres avec les siennes et Harry ferma les yeux, soupira de bienêtre. Des jours… des jours qu'ils ne s'étaient pas vus.
Sa main glissa dans sa nuque alors qu'il raffermissait le contact, et son autre main se posa d'elle-même sur la cuisse de Draco, aérienne d'abord, puis appuyée. Il lui avait tellement, tellement manqué… Furtivement, il pensa à la visite de Snape et à l'éventualité de mettre Draco au courant. Mais ce n'étaient que des mauvaises nouvelles et il décida que ça pourrait attendre. C'étaient toujours celles qui pouvaient attendre. Draco le domina un peu plus de son poids et Harry se laissa incliner contre le matelas. Sa langue se faufila contre la sienne. Ses doigts glissèrent le long de son dos, le long de sa hanche. Il soupira d'aise, de réconfort.
Draco le déshabilla avec révérence, lui vola baiser sur baiser, caressa ses cheveux et caressa sa peau, et quand il fut entièrement nu sous lui il laissa Harry le déshabiller à son tour. Ils n'eurent que des frissons et des soupirs – ils étaient biens, tellement biens d'être ensemble de nouveau. Ils s'aimaient si fort, si fort… Ils se touchèrent à des endroits qu'eux seuls pouvaient, et s'embrassèrent partout, et tout le temps, avec tendresse, et avec envie. Ils n'avaient pas le cœur à rire, ils n'avaient pas le cœur à sourire. Ils firent l'amour en silence, et s'accrochèrent au corps de l'autre comme si c'était la première fois. Comme si c'était la dernière fois.
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-Remus est un imbécile.
Harry releva brièvement les yeux vers la jeune auror, avant de les rediriger vers le placard bas ouvert juste devant lui. Il n'y avait rien là-dedans – il le referma. A vrai dire, il ne savait pas trop quoi répondre. Lui aussi était déçu que Remus n'ait pas voulu le suivre, mais… Enfin. Il baissa les yeux, rien qu'un instant.
-Il croyait en Dumbledore, souffla-t-il, doucement.
-Je ne parle pas du vieux.
Il y avait comme quelque chose de sec dans son intonation et Harry ne put s'empêcher de se retourner complètement vers elle, un peu surpris un instant. Elle ne le regardait pas, ceci dit, elle venait tout juste de s'allonger à plat-ventre à même le parquet pour examiner sous le lit. Après la cuisine, le salon et la cave, c'était la troisième chambre qu'ils fouillaient. C'était décevant, mais ils n'avaient encore rien trouvé qui avait pu ressembler de près ou de loin à une épée ensorcelée forgée par l'un des quatre prestigieux fondateurs de la plus grande école de sorcellerie et de magie de l'Europe – et d'après certains peut-être même du monde.
-Depuis l'incident de la tour… et même en ayant appris ce qu'Albus avait prévu, tout ce temps…
Elle soupira, bruyamment, se releva et épousseta ses manches, puis son ventre. Rien sous le lit. Harry regarda autour d'eux. Ils devraient peut-être laisser tomber pour aujourd'hui. Ou faire une dernière chambre et partir, revenir un autre jour. Ils avaient déjà eu de la chance que personne ne vienne au Terrier jusqu'à présent. Ils avaient attendu des heures, dehors, pour que Molly quitte la maison pour faire ils ne savaient quoi – des courses, une visite, une quête pour l'Ordre pour ce qu'ils en savaient. Mais il y avait toujours quelqu'un ici d'habitude, et ça faisait déjà presque quarante minutes maintenant. Il regarda par la fenêtre. Elle donnait sur le jardin, et il n'y vit personne. Ni membre de la famille, ni autre membre de l'Ordre.
-Il fait son buté, voilà ce que c'est, continuait Tonks en grommelant. Il est désorienté, et au lieu de voir la vérité en face, il se renferme dans sa… caverne !
Harry ne put retenir un sourire amusé – fatigué, aussi. Elle semblait avoir du mal à trouver ses mots. Elle devait être frustrée, d'être ici sans rien trouver, du choc encore relativement récent du plan de Dumbledore – et apparemment de la décision de Remus de ne pas les suivre dans cette scission de l'Ordre du Phénix.
-Ah si mon cousin avait été là aujourd'hui… Maugréa-t-elle en enfournant ses mains dans ses poches. Il lui aurait botté les fesses.
Le petit sourire d'Harry s'agrandit sans qu'il ne pût s'en empêcher, juste un peu, amusé malgré lui d'imaginer Draco « botter les fesses » de Remus. Il le vit, comme dans ces cartoons qui passaient à la télé et que Dudley regardait tout le temps, au milieu des années 1980. Bien sûr elle parlait de Sirius, mais ça n'était pas moins drôle pour autant. Ah, Draco…
-Et maintenant il ne veut plus voir Snape.
Ça tomba comme un galet dans une flaque. Ce fut soudain, et puis il n'y eut plus rien. Harry la regarda. La moue à ses lèvres avait quelque chose d'enfantin. Elle avait l'air… déçue. Harry baissa les yeux.
-Je ne sais pas trop dans quel sens ça marche, dit-il doucement.
De ce qu'il avait cru comprendre, Snape ne voulait plus vraiment le voir non plus. Peut-être que c'était simplement parce qu'il était conscient que Remus lui en voulait, mais peut-être aussi qu'il y avait autre chose, quelque chose qu'Harry ne voyait pas. De la honte, peut-être. Il n'avait jamais été très doué pour ces choses-là. Il aurait été impossible de compter le nombre de choses, de détails, de montagnes à côté desquels il était passé, rien qu'à Poudlard. Par exemple, il n'avait jamais remarqué qu'Hermione tombait amoureuse de Ron avant qu'elle le lui dise. Il n'avait jamais remarqué que Draco était malheureux avant qu'il ne le voie pleurer. Il n'avait jamais remarqué que son professeur de potions tenait à sa vie, avant qu'il ne vienne le trouver – mais aussi il fallait dire, pensa Harry avec une moue embêtée, que Snape avait vraiment bien caché son jeu.
-Un idiot, continuait Tonks – et il se demanda si elle l'avait même entendu. Si le prof meurt avant qu'il ait ouvert les yeux, Remus ne se le pardonnera jamais. Ah si je pouvais juste- ! Le- !
Elle semblait au comble de la frustration, les mains devant elle, comme si elle cherchait à étrangler quelque chose – ou quelqu'un. Elle ferma les poings, serra les mâchoires et expira violemment par le nez.
-Il m'énerve, dit-elle. Il m'énerve.
Harry aurait pu lui répondre quelque chose, n'importe quoi en vérité, mais il fronça les sourcils et se détourna vers la porte, l'air inquiet.
-Ecoute ? Fit-il, doucement.
Il avait l'impression d'avoir entendu quelque chose. Elle dressa l'oreille à son tour. Des pas, sur le parquet, qui étaient si proches d'eux qu'Harry se demanda un instant comment ils avaient pu ne pas les entendre avant. Mais la réponse, elle était là, au fond de lui. Chaque habitant de cette maison connaissait les planches de cette vieille bâtisse par cœur. Et ça ne pouvait être que l'un d'eux.
-Ron…
Son souffle raisonna un instant dans le silence qui suivit. Son ami, son meilleur ami, se tenait là dans l'embrasure de la porte – le regard fatigué mais pas l'air d'être surpris le moins du monde. Comme s'il avait su qu'ils seraient là. Comme s'il s'y était attendu. Harry déglutit. Sûrement avait-il seulement reconnu sa voix depuis le rez-de-chaussée.
-Si vous cherchez l'épée, dit seulement Ron alors, elle n'est plus là.
Harry n'eut ni le cœur ni le courage de lui répondre. Cela faisait tellement longtemps qu'il ne l'avait plus vu. Son grand corps, ses cheveux roux, son regard bleus et sa posture simili-droite, le dos toujours un peu de travers.
-Plus là ?
La voix de Tonks le ramena à peine à la réalité, juste assez pour qu'il s'humidifie les lèvres et cèle hermétiquement sa bouche. C'était presque bizarre, de le voir en vrai. Ron eut un haussement d'épaules.
-Elle a disparu. Hier soir.
Pourtant, Harry pouvait voir l'amertume dans l'expression de son visage. Il faisait comme s'il se fichait que l'épée fût partie, mais il n'en pensait pas un mot. Il aurait sans doute voulu voir si elle pouvait détruire l'horcruxe qu'ils avaient en leur possession. Harry se demanda s'ils avaient déjà remarqué que quelqu'un avait substitué le vrai médaillon contre le faux. Son regard croisa celui de Ron et il eut un instant du mal à déglutir.
-Allez-y, l'entendit-il leur dire. Partez.
Il y avait comme de la résignation dans sa voix. De la peine, peut-être.
-Je ne dirai pas que je vous ai vus.
Et Harry se sentit mal pour lui, rien qu'un instant. Si seulement il avait choisi de le suivre, cette fois encore… une dernière fois, comme au bon vieux temps… Tonks le dépassa à la porte, sans demander son reste – sûrement bien contente qu'ils fussent tombés sur lui, et pas sur l'autre. L'idiot. Celui qui l'énervait tant. Harry suivit ses pas, hésita à dire quelque chose, puis décida de simplement éviter son regard en passant à son côté. Arrivé à l'embrasure, Ron le retint d'une main sur son bras. Harry releva les yeux vers lui, surpris. Ron avait le regard au sol.
-Comment… Sembla-t-il hésiter. Comment va Hermione ?
Quelque chose sembla soupirer en Harry. De la fatigue, sans aucun doute. De la peine, aussi.
-Bien, répondit-il. Tu lui manques.
Ron hocha la tête, doucement, comme s'il hésitait à ajouter quelque chose. Il remonta les yeux vers lui. Ils se regardèrent, un moment. Dans le couloir, Tonks regardait autour d'elle, visiblement anxieuse de rester plus longtemps. Harry jeta un coup d'œil dans sa direction.
-Et… et toi ? Reprit Ron, toujours hésitant. Comment tu vas ?
Harry prit le temps de le regarder. De vraiment le regarder. S'ils lui manquaient à ce point, il n'avait qu'à venir les trouver. Après tout, il savait où ils étaient. Où ils étaient, la plupart du temps. Harry ne comprenait pas l'obstination de Ron à rester avec l'Ordre, il savait bien qu'il tenait à sa vie, qu'il l'aimait comme un véritable ami – il l'avait appelé son frère un jour. Ses mâchoires se serrèrent, se desserrèrent, comme d'elles-mêmes.
-Tu pourrais venir avec nous, finit-il par lâcher, un peu plus sec qu'il n'aurait voulu.
-Tu sais que je peux pas faire ça, répondit Ron en le lâchant – et il se détourna. Ma famille…
-Pourrait venir aussi, coupa Harry.
Il vit Ron fermer les yeux, un instant, comme s'il le mettait dans une position dans laquelle il ne souhaitait pas se retrouver. Il le vit marcher quelques pas dans la chambre de Percy, dos à lui. Harry aurait très bien pu en profiter pour partir, clore cette conversation, le laisser à son hypocrisie. Mais c'était plus fort que lui – peut-être qu'il tenait trop à lui.
-Ta mère a toujours dit que j'étais trop jeune pour me battre, fit-il en ne pouvant empêcher un pas en avant – son cœur battait un peu fort dans sa poitrine. Mais que Dumbledore dise que je devais mourir, ça passe ?
Ron se retourna vers lui, vivement, et Harry put lire le combat interne qui se jouait en lui, juste là, sur son visage et ses traits déformés de dégoût et d'incertitude, de gêne peut-être même.
-Tu sais que c'est plus compliqué ! Se défendit-il.
-Non.
Et Harry le pensait.
-Non, répéta-t-il, ça ne l'est pas.
Peut-être fut-il plus froid qu'il ne l'aurait dû. Peut-être aurait-il dû prendre en considération les années et les années de confiance aveugle que la famille Weasley, Molly et Arthur, avaient placé en la personne d'Albus Dumbledore. Mais ça faisait des mois maintenant, et ils s'entêtaient dans leur vision fermée. Ron se mordit la lèvre, et détourna les yeux. Harry put voir que ses mains se serraient convulsivement en poings, de manière répétitive. Sans violence. Avec nervosité. Harry aurait voulu ajouter quelque chose, mais se pinça les lèvres pour ne rien dire. Ron était… c'était son choix. Il tourna les talons et rejoignit Tonks en haut des escaliers. En une vingtaine de secondes, ils furent descendus, puis évaporés.
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Ron était assis dans un coin de la cuisine quand sa mère rentra de sa course. Alimentaire, sa course. Elle portait deux cabas à bout de bras et de l'un d'eux dépassait une botte de poireaux. Les bras croisés sur sa poitrine, sans bouger, sans parler, il la regarda tout ranger comme si elle était seule. Sans doute parce qu'elle ne l'avait pas vu. Il inspira lentement, et expira en silence.
-Tu es partie en laissant le Terrier vide ?
Elle fit un bond monumental.
-Ron ! S'exclama-t-elle. Tu m'as fait peur !
Il n'en doutait pas une seule seconde. Elle était terriblement distraite depuis la scission de l'Ordre. Elle avait été nerveuse au début. Maintenant elle était… comme ça. Ron ne la blâmait pas. Même alors qu'elle laissait le nouveau QG de l'Ordre du Phénix sans surveillance pendant Merlin seul savait combien de temps. Son propre toit. La maison de ses enfants. Il baissa les yeux. Son père, lui, ne disait jamais rien.
-Est-ce que… Hésita-t-il, sans la quitter des yeux. Est-ce que tu as tu as déjà pensé à la possibilité que… qu'on ait eu tort ?
-A quel sujet, mon chéri ?
Elle sortait ses poireaux de son sac, ainsi qu'un paquet de haricots et un papier blanc refermé sur lui-même qui avait la forme très net d'un poulet étêté. Elle avait dû faire un détour dans cette ferme qui en vendait à bas prix de l'autre côté de la colline. Une envie subite, sans doute. Ron détourna le regard vers la fenêtre, dans un soupir qu'il retint de justesse. Le jardin, lui, se fichait des choix des uns et des autres, des erreurs, et de la guerre qui grondait derrière la porte.
-Et si, Dumbledore…
-Oh ne dis pas de bêtises, Ronald ! Coupa immédiatement sa mère.
Et pourtant il n'avait encore rien dit. Quand il regarda vers sa mère de nouveau, elle lui sembla nerveuse. Agitée. Elle s'était saisi d'une assiette et l'essuyait presque avec férocité, sans jamais le regarder. Elle aurait pu laisser de côté sa vaisselle, qui n'avait rien demandé à personne, et la laisser sécher seule pour lui parler, lui parler vraiment. Le regarder, au moins, et lui dire ce qu'elle avait sur le cœur. Même si elle n'était pas sûre, même si elle doutait. Ron ne lui en aurait pas voulu de ne pas savoir.
-Dumbledore a toujours su ce qui était le mieux pour Harry.
Mais il lui en voulut d'être comme ça. De se taire, de réfuter, de repousser, sans prendre le temps de même y penser. Il la regarda, et il la regarda longuement. Comment pouvait-elle croire sincèrement qu'Albus Dumbledore n'avait jamais pris aucune mauvaise décision… Ron sentit une moue légèrement dégoûtée venir déformer ses lèvres. Il ne se rendit compte qu'il parlait que lorsqu'il entendit sa propre voix résonner dans la pièce :
-Comme les Dursley ? Défia-t-il du fond de sa chaise. Ou comme l'éviter toute une année ? Ou encore, comme l'envoyer mourir ?
Son ton avait été beaucoup plus sec, plus amer qu'il ne l'avait jamais été dirigé vers elle. Il était tiraillé entre sa loyauté envers sa famille et sa loyauté envers Harry. Il était tiraillé… constamment. Molly eut un mouvement nerveux des épaules, comme un tressaillement. C'était sa mère, et elle se tenait là, devant lui. Ron sentait une chape de déception venir tapir le fond de son ventre.
-Il avait… il avait forcément un plan en tête.
Elle essuyait son dernier verre. C'était à se demander ce qu'elle comptait bien trouver comme excuse quand elle aurait fini pour continuer d'éviter son regard… Mais elle n'en fit rien. Toujours aussi nerveusement, elle rangea le verre, s'essuya les mains dans son torchon, jeta presque le torchon près de l'évier, s'essuya de nouveau les mains dans sa robe, puis se retourna vers lui. Frontale. Elle le regarda, fixement, comme si elle lui demandait s'il avait autre chose à ajouter. Et elle ne dit rien. Elle resta là. Ron vit un instant Dolorès Ombrage dans la façon qu'elle eut de le regarder. Il baissa les yeux.
Et puisqu'il n'y avait plus rien à dire, il se leva, et quitta la cuisine, sans un regard en arrière. Et pourtant il l'aimait, sa mère. Il l'aimait vraiment. Tellement qu'il restait. Même alors qu'il aurait eu mille raisons de partir. Harry. Hermione. Son amour propre. La vérité.
A suivre...
Bon. Le décor est donc posé... (la fille qui marche sur des oeufs... xD) On est en 7ème année, Dumbledore a bien fait sa chute de la tour d'Astronomie, il est dans le coma, et Harry n'est pas innocent dans l'affaire... (Pas d'Avada, donc !) Du côté de l'Ordre, l'ambiance est pas ouf ! Et Harry lui a au moins Hermione, Tonks, Snape et Draco de son côté. C'est ça de pris ! ;)
En tout cas j'espère que ce début vous a plu et j'ai vraiment hâte de lire vos avis !
De mon côté je vous dis à mercredi prochain (18/04/18) pour le chapitre 2 ! :)
Ciao ciao ~
Chip.
