Bonjour à toutes et à tous!
Entre deux chapitres de "Tout va pour le mieux..." et "Les Petits Potins de Parvati Patil", je m'offre une petite pause et vous offre cette mini-fic. Je comptais en faire un OS, mais je pense que ce sera un peu plus long. Un Two-shot si vous n'êtes pas motivés, ou une mini-fic, si elle a du succès. C'est à vous de voir ^^ (comment ça, je vous mets la pression? mais paaaaaas du tout! :D)
C'est sur un sujet qui me tient un peu à coeur, et j'espère qu'il vous plaira autant que j'ai eu de plaisir à l'écrire.
Les reviews anonymes gagnent leur réponse à la fin du texte!
Merci à DelfineNotPadfoot pour ses corrections! :D
Bref, je vous laisse déguster!
Bonne lecture!
Il avait les yeux gris
Vous êtes-vous déjà promené en ville en prenant soin de bien regarder les gens qui vous entourent ? Et surtout ceux que vous auriez préféré ignorer ? Ces personnes marginales, en marge de la société qui aurait bien aimé les effacer comme on passe la main sur une ardoise à craie ? Les avez-vous déjà regardés, ces âmes errantes, affalées contre les murs, sur des trottoirs dégueulasses en tendant d'une main misérable un récipient cabossé dans l'espoir d'entendre sonner quelques piécettes qui rallongeraient leur existence désormais sans but ?
La plupart du temps, ces gens n'existent même plus. Bien sûr qu'ils vivent et qu'ils respirent, ils sont toujours un peu vivants, histoire de donner le change, mais ce ne sont généralement plus que des enveloppes vides. Ils font partie du décor, comme un feu rouge ou un horodateur. On passe devant, on ne s'arrête même pas. Tout juste si on leur jette un coup d'œil. Certains vous diront qu'ils sentent la honte les submerger en passant devant eux, d'autres vont affirmeront que ce n'est pas leur problème. Chacun ses soucis. Chez les moldus, l'égoïsme et la crainte d'empiéter sur les plates-bandes de l'autre aiguisent le devoir de passer à côté et de ne plus tendre la main à ces personnes qui se seraient elles-mêmes, soi-disant, mises dans le pétrin. Chez les sorciers, ce n'est pas bien différent.
L'homme était assis par terre, adossé au mur, ses jambes repliées devant lui. Il ne parlait pas, il ne bougeait pas. On aurait pu penser à une statue habillée, si seulement le tissu sur sa poitrine ne se soulevait pas à un rythme lent et régulier. Une grande cape noire, poussiéreuse et fatiguée, le recouvrait intégralement. La capuche rabattue sur son visage ne laissait apercevoir que le bas de son visage : son menton, pointu, et ses lèvres. Fines, sèches. Pincées. Il gardait la mâchoire serrée, et semblait passablement abattu, blasé de la vie. Devant lui, quelques piécettes se trouvaient au fond d'un verre cartonné qu'il avait dérobé d'un fast-food quelconque. Il semblait ne rien regarder. Si on faisait un peu attention, ses yeux autrefois gris étaient à présent voilés d'un blanc laiteux. Et ses pupilles étaient délavées, comme si elles avaient trop pris le soleil. De toute évidence, il ne voyait plus depuis longtemps. Il ne disait pas un mot. Il esquissait à peine un « merci » quand on déposait deux cents dans son gobelet.
L'homme ne savait plus trop ce qu'il faisait là. Il avait été si arrogant, à l'époque, si fier. Il avait côtoyé les plus grands, il avait fait partie de l'élite, de la crème de la société, et voilà que maintenant, il se retrouvait le cul sur le bitume, presque dans le caniveau. Ironie du sort. La roue tourne toujours, avait-il entendu, il faut croire que ce proverbe moldu si bête s'applique réellement. Il soupira tristement, frissonna légèrement et rajusta sa cape sur lui de ses doigts longs et blancs. Froids.
A vrai dire, il ne savait plus trop pourquoi il était là. Enfin, dans un sens, il le savait. Il avait soi-disant choisi le mauvais camp. Le camp des « méchants ». Etait-ce réellement de sa faute s'il était tombé dans une famille sous le diktat d'un psychopathe tout-puissant qui l'avait réduit à l'état d'esclave ? Etait-ce sa faute si les membres de sa propre famille s'obstinaient à lui obéir en crevant de trouille à chaque mauvais pas en espérant intimement que sa colère s'abattrait sur quelqu'un d'autre ? Etait-ce sa faute si on ne l'avait jamais laissé choisir sa voie ? Etait-ce sa faute si, la seule et unique fois où il avait eu la possibilité de faire un choix, l'homme qui lui tendait la main s'est fait tuer deux secondes après ? Etait-ce sa faute si autour de lui, la route semblait déjà toute tracée ? Il eut un rictus léger, sans doute trop fatigué pour relever suffisamment les coins de ses lèvres pour se moquer allègrement de son passé et de ce qu'il était devenu.
- Pathétique, murmura une voix à son oreille.
Cette voix… Elle ne le quittait plus, depuis quelques temps. Depuis qu'il était devenu ce qu'il était devenu, en fait. Un pantin. Une ombre. L'ombre de lui-même. Tout ça à cause de choix qu'il n'avait pu faire pleinement. A cause des autres. Il voulut serrer son poing droit, mais sa main était tellement gelée qu'elle ne se ferma qu'à moitié. Il avait froid. Il réprima un frisson et se cala un peu plus dans le mur. Peut-être qu'avec un peu de chance, il se fondrait dans les briques froides pour ne faire plus qu'un avec le paysage. Ce serait tellement plus simple s'il mourait là, tout de suite. Il n'aurait plus à endurer tout ça. Après tout, que pouvait-on espérer de pire maintenant ?
La jeune femme passa devant l'homme à grands pas. D'habitude, elle se serait au moins aperçu de sa présence, bien qu'elle évitât soigneusement de le regarder. Pas cette fois. Elle l'ignora royalement. Elle était en retard. Son café dans une main et une chemise de bureau dans l'autre, elle se pressait pour arriver plus rapidement à son travail. La tâche n'était pas facile : la foule était dense, ce matin. Et il était hors de question de transplaner, pas au milieu de tous ces moldus. La jeune femme pesta, son café lui brûlait la main. C'était l'inconvénient de travailler en plein cœur du Londres moldu : elle l'oubliait, parfois. Comme ce matin, où, par manque de temps, elle n'avait même pas pu passer une brosse dans ses cheveux bruns qui étaient plus touffus que jamais.
Elle s'arrêta pile à quelques pas de l'homme assis par terre, mais lui tournait le dos. Elle regarda de part et d'autre de la rue, s'assura qu'il n'y avait aucune voiture, et traversa. Elle se posta devant la vitrine de Purge & Pionce Ltd., dont le vieux bâtiment à l'ancienne en briques rouges barrait ses portes d'entrée d'écriteaux annonçant une « fermeture pour rénovation ». Si les moldus y accordaient une once d'attention, ce magasin aurait dû être rénové six fois, depuis le temps. C'était l'avantage avec les moldus : ils acceptaient beaucoup de choses inexpliquées et potentiellement aberrantes.
Elle porta son regard noisette sur un mannequin de femme particulièrement laid, les faux cils décrochés, emmaillotée dans une robe-chasuble en nylon vert, qui contemplait l'horizon d'un air bovin derrière la vitrine.
- Hermione Granger, annonça-t-elle, la bouche proche du verre.
Elle attendit quelques minutes, puis le mannequin hocha lentement la tête et fit un signe léger de ses doigts joints. Aussitôt, la jeune femme s'engouffra dans la vitre dont la consistance était similaire à un rideau d'eau fraîche, et arriva dans le hall d'entrée de l'hôpital Ste-Mangouste. La salle était bondée, comme à son habitude, mais Hermione n'y fit pas attention. Elle continuait de marcher d'un pas soutenu, passant devant la sorcière blonde et replète, assise derrière le comptoir de renseignements, en lui adressant un sourire compatissant qu'elle lui renvoya, jeta un rapide coup d'œil au grand portrait de Dilys Derwent, la célèbre guérisseuse de Ste-Mangouste, qui la salua de la main et poursuivit son chemin.
Arrivée au cinquième étage, elle passa prestement devant le salon de thé et la boutique de l'hôpital, et s'engouffra dans un couloir long et vide derrière une porte vitrée. Elle longea plusieurs portes, et ouvrit celle où un petit écriteau indiquait « Laboratoire six ». Un homme était de dos, semblant fortement affairé. Sa grande blouse blanche bruissait, alors qu'il mixait avec attention des éprouvettes qui fumaient légèrement.
Hermione attrapa sa propre blouse sur un portemanteau et le rejoignit. Elle posa son café et sa mallette sur un bureau proche, quand il se retourna, l'air sévère.
- Vous êtes en retard, grogna-t-il.
- Excusez-moi, professeur.
Il la jaugea du regard avec agacement et elle s'empressa de s'activer sur ses propres échantillons.
- Nous avons presque réussi à déterminer les propriétés à utiliser dans le bleu de méthylène. Vous êtes prête ?
Le vieux sorcier bourru lui tendit une éprouvette et elle la saisit avec délicatesse. Les effluves du produit lui chatouillèrent les narines. Se pouvait-il qu'un tel produit marchât ? Elle déglutit. Elle avait décidé depuis longtemps d'être médicomage. A la différence de Ron et d'Harry, elle avait cherché comment combattre le mal sans le contrer de plein fouet : la médecine et le soin lui avaient alors apporté la solution. Mais il y avait autre chose et elle le savait : la peur. Hermione Granger était une sorcière. Une brillante sorcière. Mais elle avait une peur, une seule. Des plus effroyables. Une peur incontrôlable. Une peur qui s'était révélée plusieurs fois, mais qui la prenait à chaque fois à la gorge. Une peur qu'elle n'aurait pu expliquer à ses amis, et qu'elle s'était promis de combattre par-dessus tout. Et pour y parvenir, elle avait fait de nombreuses recherches. Longues, très longues. Jusqu'à parvenir à lui. Il l'avait d'abord dévisagée avec énervement, comme s'il s'agissait d'une nouvelle plaisanterie. Elle lui avait alors expliqué. Sa peur irraisonnable. Démesurée.
La peur du noir.
Pas parce qu'elle y voyait des monstres horribles comme dans ses cauchemars de petite fille. Oh non, elle en avait peur parce que cela signifiait quelque chose qu'elle s'évertuait à masquer : la mort. Le néant, le vide, l'absolu. Plus rien. Et même pire : la perte d'un sens. Que peut-on faire, quand on est privé de ses sens ? Quand on se retrouve dans une nuit sans fin, en sachant pertinemment qu'on est encore en vie ? Elle était tellement traumatisée de cette possibilité, qu'elle avait décidé de chercher corps et âme un moyen de contrer ça.
Elle lui avait cependant caché les raisons de sa peur du noir. A lui. On lui avait conseillé de faire partie de son laboratoire. A lui, le grand professeur Maugrey. Alloces, pour les intimes. Le frère du grand Auror, Fol Œil. Tout le monde fuyait cet individu comme la peste. Mais elle avait réussi à le faire plier, et elle avait pénétré son antre. Depuis que son frère avait perdu son œil, Alloces avait cherché farouchement un moyen pour lui faire recouvrer la vue. Et même si Alastor lui avait dit que c'était bien inutile : il avait acquis un œil merveilleux en contrepartie, Alloces n'avait pas abandonné. Même après la mort de celui-ci.
Et Hermione s'était courageusement mêlée à lui et à ses nombreuses recherches, qui déviaient de temps à autre dans une magie controversée, voire interdite. Si les autorités ou si l'extérieur même l'apprenaient, ils ne donnaient pas cher de leur peau. Ça, c'était certain, foi de Merlin.
Hermione glissa par la vitrine du magasin condamné pour se retrouver dans la rue : la foule s'était faite plus rare et personne ne fit attention à elle. Encore une fois. Elle s'apprêtait à partir sur la droite quand son regard fut retenu par la personne qui était assise sur le trottoir d'en face. Elle fronça les yeux : il était toujours là, adossé contre le mur. Il gardait toujours le visage baissé. Il ne semblait pas vieux, il semblait maigre. Malgré la cape qui le couvrait entièrement. Elle ne pouvait voir son visage, camouflé par la capuche, mais elle devinait qu'il était encore jeune et bien portant. Du moins, pour l'instant. Elle frissonna : qu'avait bien fait ce garçon pour se retrouver dans la rue à cet âge-là ? Il ne devait pas être plus vieux qu'elle. Elle hésita un instant, puis tourna à droite : les histoires des autres, elle ne s'en mêlait généralement plus.
Le jeune homme réprima une interjection de mépris en reconnaissant sous ses doigts une pièce de dix sous qu'on venait de lui jeter. Il mit la pièce dans sa poche et décida que c'était l'heure. C'était le même rituel, depuis quelques temps. Il avait élu domicile ici : sur ce petit renfoncement de bâtiment. C'était là qu'il faisait la manche. Mais la nuit, il descendait la rue jusqu'au grand boulevard, prenait à gauche, continuait jusqu'au pont et se trouvait un carton pour y passer quelques heures, histoire de dormir un peu. Il y avait d'autres individus sous ce pont. Des plus vieux. Des plus dangereux aussi. Mais il avait gagné un certain rang parmi les malchanceux : on n'attaquait pas un handicapé. Surtout quand il se débrouillait seul, comme lui. Au contraire, ça forçait le respect.
Durant les jours qui suivirent, Hermione ne s'occupa plus du garçon qui était assis par terre. Elle lui jetait des regards furtifs, comme pour s'assurer qu'il était là, comme une présence rassurante sur le chemin de son travail. Une silhouette reconnaissable et qui lui apportait une sorte de réconfort en passant.
On dit qu'il n'y a pas de hasard. Elle ne savait pas pourquoi elle l'avait fait, mais elle l'avait fait : sans vraiment y faire attention, un soir en rentrant chez elle, elle glissa quelques pièces dans le gobelet devant lui. Comme pour le remercier d'être là. Elle avait hésité, elle avait eu peur qu'il le bût. Mais il ne sentait pas l'alcool. C'était à peine s'il sentait, d'ailleurs : d'habitude, ces mendiants puaient d'odeurs fétides et étouffantes, mais lui, il faisait exception. C'est en pensant à cela qu'elle le vit ouvrir la bouche. Elle frissonna en entendant le timbre rauque de son remerciement. Il ne devait pas parler beaucoup.
Au fil des jours, elle s'était enhardie : il arrivait maintenant fréquemment qu'elle lui donnât quelque chose à ingurgiter. La première fois, elle s'était approchée timidement, puis elle s'était agenouillée et lui avait tendu son déjeuner : un sandwich au thon. Il n'avait pas bougé. Ses yeux étaient totalement cachés par la capuche et elle avait déposé le sandwich dans sa main.
- Ce serait bien que tu manges, tu ne crois pas ?
Il n'avait rien répondu : cette voix, ce timbre. Il sentit son sang se glacer. Devant lui se tenait la fille qu'il aurait aimé ne jamais plus retrouver. Il avait pourtant juré qu'il ne verrait plus personne de sa connaissance. Et surtout pas elle. Hermione Granger. Comment diantre avait-il pu retomber sur elle ?
Il réfléchit à quoi répondre, puis il opta pour le non-verbal : le plus tard elle le reconnaîtrait, le mieux il se porterait. Il s'était donc contenté d'hocher la tête, refermant ses doigts blancs et fins sur le petit pain rempli. Elle avait souri et était repartie. Il avait longuement hésité à le manger, se demandant sans cesse s'il était empoisonné. Et puis la faim eut raison de ses préjugés et il se vexa lui-même en pensant que c'était bon. Depuis quand n'avait-il pas mangé plus de deux bouchées de pain ?
Au fur et à mesure, c'était devenu une sorte de rituel : avant d'aller au travail, Hermione s'agenouillait près de lui, le matin. Il n'aimait pas trop sa présence, au départ, mais plus le temps passait, plus il se mettait à espérer son arrivée. Insensé. Il se raccrochait à elle comme un naufragé se raccrochait à une bouée. Il sombrait peu à peu dans les néants du monde qui le rendait chaque jour un peu plus invisible. Et elle était là. Comme un phare en pleine tempête. Et elle lui donnait la possibilité d'émerger la tête hors de l'eau, pour l'espace de quelques minutes. Il se surprit à chérir ces instants.
Le rituel était toujours le même. Elle farfouillait dans son sac et en ressortait soit un sandwich, soit une boisson. Généralement, c'était quelque chose à manger. Au fil du temps, Hermione s'était même mise à cuisiner et elle rapporta de plus en plus souvent des Tupperware qu'elle reprenait le soir-même. Il trouvait qu'elle s'améliorait de jour en jour, mais il se gardait bien de lui faire de tels compliments. En règle générale, ils ne parlaient pas beaucoup : elle lui donnait le titre de son menu, et il se contentait de lui dire merci, bien qu'au début, ça lui écorchât la langue. Elle, elle souriait, lui tendait le plat, et répondait ensuite à ses politesses. L'échange s'arrêtait là. Il trouvait d'ailleurs que c'était très bien ainsi. Plus elle resterait ignorante, mieux ça vaudrait.
Un jour, cependant, l'équilibre fut rompu. Hermione sortit de l'hôpital et posa son regard sur le trottoir d'en face. Simple question d'habitude. Mais il n'y était pas. La place était vide. Fronçant légèrement les sourcils, elle le chercha du regard : avait-il décidé de changer de place ? D'aller faire un tour ? Ce n'était pourtant pas son genre. Elle cligna des yeux, hésitante, puis se décida à regagner son appartement : après tout, elle ne savait pas réellement qui il était. Peut-être s'était-il résigné à retourner chez lui ? Elle l'espérait fortement, en tout cas.
Mais la vérité était toute autre et le lendemain, quand elle l'aperçut, elle se précipita sur lui : il était dans un état lamentable. Sa cape était déchirée par endroits, son pantalon avait subi des dégâts et ses mains qu'il voulait cacher avaient des marques de brûlures et de coupures. Quant à son visage… Hermione supposa, malgré la cape qui lui obstruait la moitié du visage, qu'il n'avait, comme tout le reste, pas échappé aux coups.
- Merlin, mais tu es plein de bleus ! s'indigna-t-elle.
Il ne répondit pas, mais sursauta si violemment quand elle approcha sa main de son visage et effleura sa joue de ses doigts timides, qu'elle tressaillit elle-même.
Il sentit sa respiration s'accélérer, se saccader. L'effroi se lut sur son visage blafard : non, il ne fallait pas qu'elle découvrît. Sinon, plus jamais elle ne viendrait. Et il attendait sa venue comme une bénédiction dans la nuit noire qui le recouvrait entièrement.
- Ne t'inquiète pas, sourit-elle pour le rassurer. Je suis guérisseuse, et je vais te soigner.
Il secoua vivement la tête en s'appuyant plus fortement contre le mur, comme s'il pensait mettre plus de distance avec elle.
- Ça ira, dit-il d'une voix rauque.
Il ne fallait pas. Sinon l'équilibre serait rompu. Et il replongerait la tête dans le noir. Non, elle ne pouvait pas le forcer. Et il ne pouvait pas lui montrer. Qu'elle arrête. Qu'elle comprenne et qu'elle arrête.
Mais c'était sans compter la ténacité d'une Gryffondor. Elle soupira bruyamment et sortit un onguent de son sac. Croyant dur comme fer qu'il s'agissait d'un moldu, elle ne pouvait décemment l'emmener à Ste Mangouste. Bien que l'hôpital soit en face d'eux.
- Laisse-toi faire, ça ne fera pas mal, riposta Hermione.
Il voulut se dégager, mais à priori, sa jambe avait subi assez des dommages. Il se débattit, mais elle, elle était en pleine santé à sa différence et réussit à prendre le dessus. D'un mouvement sec, elle fit tomber la capuche qui lui masquait le visage et se figea en découvrant l'identité du jeune garçon qu'elle pensait moldu. Hermione ne put retenir une exclamation de stupeur et ses lèvres s'arrondirent avec la surprise. Au premier abord, la couleur inhabituelle de ses cheveux lui sauta aux yeux : un blond presque blanc. Personne n'avait cette teinte de cheveux, à part une seule personne qu'elle avait pris un soin particulier à effacer de sa mémoire.
Mais surtout, ce qui lui faisait horreur, ce qui la glaçait profondément jusque dans ses entrailles, c'était ce regard. Un regard affolé. Des yeux qui roulaient dans leurs orbites. Mais par-dessus tout, c'était un regard opaque, vide. Des pupilles grisées, entourées d'un iris dont l'acier auparavant tranchant et glacé avait laissé place à un gris terne et froid. Il voulut se relever, mais il avait oublié que sa jambe gauche était déficiente et il retomba lourdement devant elle. Elle, elle ne dit rien, trop saisie.
- Ça te satisfait, comme ça ? cracha-t-il, furieux. Le spectacle te plaît ?
D'un mouvement brusque, il rabattit sa capuche sur ses yeux et resserra sa cape sur sa poitrine. Il détourna la tête. A présent, seules ses lèvres étaient visibles : elles étaient pincées, dépourvues de couleur, symbole d'une colère sourde.
- Malefoy ! siffla Hermione à voix basse, trop effarée pour faire le moindre geste. Mais que t'est-il arrivé ?
Il sembla se calmer un peu au son de son nom.
Malefoy.
Rien que ce nom lui donnait la nausée. Ce nom qu'il avait autrefois porté si fièrement avec panache et ricanement. Ce nom qui lui avait ouvert tant de portes et qui faisait la gloire de sa famille. Malefoy. Quelle ironie qu'à présent, ce nom pourtant si cher l'ait traîné dans la boue. Lui ait causé autant de soucis. L'ait précipité dans les abîmes les plus abyssaux de la société sorcière pour qu'il finisse à moitié affamé, transi de froid sur un trottoir moldu. Il avait failli même oublier ce nom. Il l'avait souhaité, en tout cas. Malefoy. Ce nom qui racontait tellement de choses, qui était meurtri de toutes parts, dont la consonance même lui rappelait à quel point son chemin avait été sanglant et était jonché de trahisons et de faux-semblants. Mal-foi. Mauvaise foi. Ironie du sort. Il n'avait jamais pensé que ce nom aurait pu susciter autant de haine à son égard. Bien sûr qu'il le savait. Mais il n'aurait pu imaginer qu'ils lui auraient véritablement fait payer ses crimes. Enfin, ses crimes. Les crimes de sa famille. Les nombreuses erreurs qu'il n'avait pas réussi à effacer par son comportement. Un comportement de pantin. Malefoy. Régi par des codes trop profonds et trop inscrits en lui pour qu'il puisse se rebeller et s'enfuir.
Il resta silencieux quelques instants, puis il se redressa péniblement.
Il avait dégringolé les marches du pouvoir. Il avait même creusé plus bas que les elfes de maison. Il avait espéré disparaître. Et il était tombé sur elle. Et même elle, elle ne souhaiterait plus le voir, à présent. Depuis qu'elle savait désormais à qui elle donnait à manger tous les jours. Il frémit en devinant son dégoût, son amertume, sa colère. Comme tous les autres. Elle s'éloignerait en reculant. Elle prétexterait une excuse absurde et ne reviendrait plus le voir. Peut-être qu'elle ferait pire : elle aurait pitié. Alors il décida de prendre les devants. Dans un air digne. Le peu de dignité qu'il lui restait. Le peu de fierté qu'on n'avait pas encore piétiné pour lui.
D'une voix rauque, il s'adressa à Hermione :
- Ne t'approche plus de moi, Granger, siffla-t-il. Ne t'avise même pas de faire un pas. Va-t-en.
Et il s'éloigna d'une démarche mal assurée, sous les yeux ébahis de la jeune femme brune qui était restée assise, son onguent dans les mains. Prostrée par terre.
Merci de votre lecture!
N'hésitez pas à me donner vos impressions, c'est toujours un plaisir de vous lire! (et si vous voulez la suite aussi, cela va sans dire :p)
Merci à Capuche: Merci beaucoup pour ta review! Tes jolis compliments me touchent énormément, je suis ravie que ce début de mini fic te plaise ^^ A bientôt, peut-être? ^^
Merci à Sevy: Merci de ta review et de ta fidélité! C'est avec grand plaisir que je te vois lire mes autres écrits, et je te suis vivement reconnaissante! Merci, à très bientôt! :D
Merci à Rosantonia: Merci de ta review! Tes commentaires me font chaud au coeur! Je concocte une suite prochainement :D
Merci à Anabetha: Merci de ta review, ta motivation est contagieuse! Ca me donne vraiment envie d'écrire! ;D
Merci à Lube: Merci de ta review! Tes compliments me font super plaisir! Je vais essayer de ne pas te décevoir alors!
Au plaisir!
Kumi
