Disclaimer : L'univers HP appartient à JKR.
Nouvelle fic, dernière de mes archives avant que je n'évolue vers des styles différents et que je commence à m'éloigner du monde de la fanfiction pour voler de mes propres ailes et développer mes projets littéraires personnels...
Cette fic est déjà terminée chez moi, donc la publication sera régulière. 26 chapitres prévus, dans un style que j'espère faire osciller entre le drame et la romance.
PARTIE I : LA TÊTE DE SANGLIER
Chapitre 1 : La Tête de Sanglier
Quatre Moldus retrouvés morts près de Paddington Street, tués d'une manière que la police locale n'a pas déterminée, sans doute d'un Avada Kadavra.
Et c'était tout. Une brève tout en bas à droite de la dernière page de la Gazette du Sorcier d'octobre 1995. De toute façon, ce n'était que quatre Moldus, et on n'allait tout de même pas faire un long article larmoyant pour quatre Moldus, non ? Abelforth Dumbledore reposa rageusement le journal sur la petite table crasseuse et marmonna dans sa barbe "Et avec ça on veut encore nous faire croire que Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom n'y est pour rien..."
Emily Swan, la jeune serveuse de la Tête de Sanglier, était sans doute la seule à avoir entendu cette réflexion qui avait échappé au propriétaire des lieux. Et pour cause, elle nettoyait à cet instant précis la table juste à côté d'Abelforth. Elle choisit néanmoins la prudence et ne releva pas. Depuis trois ans qu'elle travaillait là, elle avait appris à connaître Abelforth et elle savait qu'il n'était pas du genre à avoir de grandes discussions politiques, à s'engager ou à agir. Il préférait rester caché, et bien lui en prenait sans doute, ce genre d'instinct de survie pouvait se révéler salvateur par les temps troublés qui couraient. Pourtant, Alberforth ne paraissait pas dupe, et certains éléments s'échappaient de sa bouche comme par accident à des moments inattendus. Sans lui, Emily ne se serait sans doute jamais posé de questions sur la mort de ces quatre Moldus, et elle aurait continué à vivre dans une innocence tranquille. Elle aurait cru le Ministère qui proclamait que Vous-Savez-Qui n'était pas de retour. Elle tenait toutes ses informations de ce qu'Alberforth daignait parfois partager plus ou moins volontairement, et c'était bien rare.
La clientèle de la Tête de Sanglier se trouvait également être une mine d'informations. Parfois inquiétante, souvent intéressante et toujours étonnante, impossible de s'ennuyer ! Sans cette population hétéroclite, parfois perdue, parfois désespérée mais toujours décidée, qui défilait devant elle, Emily aurait détesté son travail. De toute façon, la plupart de ses tâches étaient ménagères, ce qui n'était pas particulièrement épanouissant mais lui assurait au moins un revenu. Avec le temps, Emily parvenait même à repérer plus rapidement les clients les plus fascinants et à ajouter ainsi du piment à son quotidien. En cet instant, elle avisa deux vieux hommes barbus qui parlaient dans leur coin depuis presque une demie heure, sirotant un mélange infâme à base de Whisky Pur Feu commandé au comptoir. Elle s'approcha discrètement d'eux, toujours armée de son éponge et de son chiffon pour lui servir d'alibis, et continuant à épousseter les tables vides. Lorsqu'elle fut suffisamment proches d'eux pour entendre leurs murmures, elle surprit quelques mots du plus vieux :
- Aurais besoin de plus... Vous savez comment vont les affaires en ce moment...
- Je peux pas me permettre !
- On est traqués de partout. Ces gens du Ministère deviennent aigris alors ils se défoulent sur des pauvres gens comme nous, moi je vous le dis. Et c'est la guerre pour récupérer le moindre chaudron !
Lorsqu'il aperçut Emily, l'homme resserra sa cape vert bouteille trop petite autour de lui et parla encore plus bas. Il était temps d'aller voir ailleurs. Sans doute un simple marchand qui revendait certaines marchandises rares au noir comme cela arrivait souvent en ce moment. Les Gallions devenaient de plus en plus difficiles à trouver pour tout le monde.
Le seul autre client était un homme imberbe, très jeune, qui dégustait à l'autre bout de la salle une bière forte aromatisée magiquement par le barman. Le fait d'être assis seul dans un endroit plutôt mal famé ne paraissait pas le troubler outre mesure et il lisait paisiblement le même exemplaire de la Gazette qu'Albelforth, le visage impassible. Macbeth, le chat noir de compagnie du barman, poussa un miaulement strident pour réclamer sa dose de nourriture et Albelforth se leva lentement de mauvaise grâce pour lui donner. Albelforth se donnait toujours un mal fou pour râler à longueur de journée contre ce chat mais Emily savait parfaitement qu'en réalité il l'adorait.
- Vous désirez une autre consommation ? demanda poliment Emily au jeune homme solitaire.
Celui-ci releva ses yeux très noirs et secoua la tête en signe de négation.
- Vous avez vu cette sordide affaire de meurtre ? demanda-t-il soudain à voix basse.
Sa voix s'était transformée en murmure et Emily aurait même douté que la question s'adressait à elle, si elle n'avait pas été le seul être vivant suffisamment proche de lui pour pouvoir l'entendre. Ahurie, Emily décida de jouer l'innocence. Elle avait bien entendu lu la brève mais ne s'attendait pas à ce que quiconque d'autre qu'elle ou Abelforth lui trouve une quelconque importance.
- Laquelle ? La une d'aujourd'hui ne parle que de la victoire des Harpies de Holyhead, ce qui ne me paraît pas une si mauvaise nouvelle ! répondit-elle sur le même ton.
- Parlez pour vous, moi je supporte Flaquemare, renchérit l'inconnu non sans ironie.
- Je n'avais jamais encore croisé un de leurs supporters, vous me voyez ravie de constater que ce n'est pas une espèce complètement disparue, rétorqua Emily en se calquant sur l'humeur de l'homme.
- Il est vrai que leurs derniers résultats ne sont pas fameux, mais ils reviendront. Blague à part, il n'y a pas que le Quidditch dans la vie. Je faisais bien sûr allusion à la mort de ces quatre pauvres Moldus.
Son regard s'était fait soudainement encore plus sombre tandis qu'il évoquait le drame.
- Oh, je n'avais pas vu. Les brèves en fin de journal ? questionna Emily avec un air qu'elle espérait naïf.
Il n'était jamais bon d'avoir l'air d'en savoir trop, elle l'avait appris au contact de son employeur. L'homme hocha affirmativement la tête pour toute réponse. Comme il semblait attendre un commentaire, la jeune femme tenta une réaction convenue :
- Quelle tragédie ! Vraiment, on n'a l'impression de n'être plus en sécurité nulle part en ce moment. Un accident est si vite arrivé.
- Un accident... Vous ne croyez pas si bien dire.
Emily avait dit ça un peu au hasard, et elle fut surprise que la réflexion de son interlocuteur soit, contrairement à la sienne, empreinte d'une réelle conviction.
- Quel est votre nom ? questionna-t-il à brûle-pourpoint.
- Emily.
- Moi c'est Erwan.
Elle ne lui avait rien demandé, mais elle accueillit l'information avec un sourire poli. En plus, l'inconnu commençait sérieusement à l'intriguer. Ses longs cheveux sombres étaient trop bien coiffés, sa cape noire trop propre et trop sobre, il n'avait pas le profil des gens qui traînaient habituellement par ici. En fait, il avait plus le profil d'Emily : il aurait pu se fondre dans une masse, personne ne l'aurait particulièrement remarqué.
- La "police locale"... Ils font sans doute allusion à la police moldue. Les pauvres, ils ne savent pas à quoi s'attendre.
Emily était maintenant un peu mal à l'aise. Erwan semblait presque au courant de trop de choses, et contrairement à d'habitude, elle n'avait pas de contrôle sur la conversation, pas de contrôle sur ce qu'elle entendait. Elle ne pouvait pas bondir innocemment à une autre table et sauter à une autre conversation, légèrement.
- C'est une période bien orageuse.
Parlait-il du temps ? Fort heureusement, trois vieilles dames un peu folles vêtues de façon excentrique firent une entrée fracassante dans le bar. Des habituées, des amies. Emily, soulagée d'échapper au regard lourd de l'inconnu solitaire, s'empressa d'aller les accueillir, alors qu'elle ne faisait même pas ce genre de choses spontanément d'habitude. Dans le coin, elle vit Erwan se replonger dans le Gazette, comme déçu par son attitude. Mais comment pouvait-il être déçu alors qu'il n'était pas supposé attendre quoique ce soit d'elle ?
Non, Emily n'aimait pas tellement son travail. Mais au moins, la majorité du temps, elle était tranquille. Elle était nourrie, elle avait sa petite chambre à l'étage, chambre qu'elle s'efforçait de maintenir propre, bien rangée et agréable, elle avait une petite paye tous les mois pour les extras et un jour de congé par semaine, le dimanche. Et surtout, surtout, ce travail un peu pourri lui offrait un alibi en or, une cachette de choix. Elle préférait de loin son ancien emploi chez Fleury & Bott sur le chemin de Traverse, elle aimait tellement les livres ! Mais son ancien patron avait découvert la vérité. Il avait assuré que le fait qu'Emily soit la seule Cracmolle de sa grande famille de sorciers ne lui posait pas tellement de problèmes, mais qu'elle risquait trop sur le Chemin de Traverse, trop exposé. En effet, par les temps qui couraient, les Cracmols n'étaient que rarement appréciés, souvent poursuivis, parfois jugés pour des crimes complètement absurdes, quand ils ne disparaissaient pas tout simplement dans des circonstances mystérieuses. Monsieur Bott lui avait conseillé de se cacher ici et lui avait trouvé cette petite place auprès d'Abelforth Dumbledore. À l'heure qu'il était, Emily ne savait toujours pas s'il avait été honnête et s'inquiétait sincèrement pour sa sécurité, ou s'il se souciait juste de se débarrasser d'elle parce que sans pouvoirs magiques, il la considérait plus un poids qu'autre chose. Quoiqu'il en soit, à la Tête de Sanglier, Emily s'appliquait toujours à aider le plus possible Abelforth pour qu'il n'ait rien à lui reprocher, et elle faisait toutes les tâches ménagères sans magie, sans se plaindre. Abelforth n'avait jamais relevé ce point étrange, que ce soit par ignorance ou par altruisme...
Les trois vieilles dames piaillaient maintenant et se racontaient des potins comme des adolescentes. Le vieil homme qui revendait des marchandises au noir et son client étaient partis. Somme toute une journée normale de plus.
