Je ne saurais pas expliquer ce qui me glaçait le plus à ce moment là. L'arme pointée vers moi, menaçante ? Le regard froid de son propriétaire ? Peut-être le sol sur lequel je gisais, presque inconsciente. Et ce venin qui coulait dans mes veines, qui peu à peu prenait possession de chacune de mes cellules est-ce cela qui me glaçait le sang à ce moment même ? Je gardais les yeux ouverts au maximum, acceptant ainsi mon sort. Il en était ainsi, et je lui avais fait jurer quelques jours plus tôt. C'était à lui de le faire. Parce que je l'aimais de tout mon possible. Et là, à ce moment précis, je vois dans ses yeux une lueur il a peur. Pour la première fois de sa vie, je vois qu'il y a quelque chose de plus fort que lui qui veut reposer le flingue. Et, sous la pression et la douleur, je hurle – Fais le ! Je t'aime, bordel ! Et rideau.

Je connaissais les moindres parcelles de sa peau par cœur. Tout était imprimé dans ma tête. L'odeur même qu'il avait, particulière, bien à lui. Les rondeurs de ses muscles étirés sous mes doigts, le parfum qu'il y avait autrefois dans ses cheveux. Bien avant tout ça…

Alors que je l'admirais comme d'habitude, Rick m'interrompit dans mes pensées.

Qu'en penses-tu ?

Je euh ouais. Tu sais bien, je suis toujours avec toi Rick. Je prends le premier tour de garde.

Je viens aussi.

A mon grand étonnement, Carl s'était proposé de m'accompagner, son chapeau de cow-boy vissé sur le haut de son petit crâne. J'acceptais dans un sourire chaleureux. Alors que je lui emboîtais le pas, une main puissante, que je connaissais par cœur, m'attrapa l'épaule. Je mis un moment avant de me retourner, vérifiant que personne ne regardait dans notre direction.

Carl, tu veux bien m'attendre dans la pièce à côté s'il te plait ?

Il parut hésitant, mais obtempéra facilement. Je me retournais lentement, et fis face à Daryl.

A quoi tu joues, bon sang ? J'ai mon tour de garde à faire.

Toi à quoi tu joues ? Pourquoi tu me fixes comme ça ?

Parce que pour toi c'est facile peut-être ?!

Il n'avait pas répondu, et avait simplement collé ses lèvres sur les miennes. Un baiser qui s'était voulu court, et avec beaucoup d'impact. Une petite voix dans la salle d'à côté me sortit de ma transe. Fouillant autour de mon cou, j'attrapais de mes doigts sales un collier en or, duquel pendait un anneau.

Pendant des années on a fait semblant. Et aujourd'hui en pleine fin du monde… On continue c'est ça ? On reste des étrangers l'un pour l'autre ?

Volontairement, je n'avais pas voulu lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit. J'avais essuyé mes larmes d'un revers de la main, en quittant la pièce. Il était resté planté là, sans trop savoir quoi faire et puis je l'avais entendu rejoindre les autres.

Carl était réellement impliqué dans les tâches que lui donnait son père. L'étoile de shérif qui brillait au dessus de sa tête angélique ne voulait absolument plus rien dire ces derniers temps et pourtant il prenait un malin plaisir à jouer son rôle à fond. Son arme dans l'alignement de ses bras, plutôt bien alignés avec ses épaules, il avançait dans le couloir de la prison à petits pas, et avait tenu à marcher devant moi : « Pour te protéger » avait-il dit avec une moue merveilleuse. Pour dire vrai, j'avais du mal à lui refuser quoi que ce soit, à ce gamin. Il prenait soin de sa mère enceinte avec une douceur à faire fondre n'importe qui. C'était tellement mign…

Laufey recule !

Je m'étais figée une horde de cinq ou six zombies faisait marche vers nous. Instinctivement, je mis Carl derrière moi, l'arme au poing. Je tirais quelques balles, certaines percutant les têtes vides, d'autres se perdant dans le mur de pierres froides. Plus je reculais, plus ils avançaient, nombreux.

LAUFEEEEEEEEEEEEY !

Le cri de Carl me glaça le sang d'autres arrivaient de l'autre côté. Nous étions perdus. Je pris alors Carl tout contre moi, lui protégeant la tête de mes bras, si prêt que s'il avait été possible, nous nous serions fondus dans le mur de pierres. Et alors que je sentais ma ridicule fin arriver doucement en grognant, je murmurais à Carl.

C'est ma faute, Carl. Je suis désolée.

Pour toute réponse, je sentis les larmes froides couler sur ma peau, pressant le petit être si fort contre moi. Il était si jeune, il ne méritait pas de mourir. Soudain, soulagement. J'entendis le bruit d'une flèche fendre l'air, tout près de nous. Puis une autre. Et des coups de feu. Plus le temps passait, moins il y avait de zombies autour de nous. Alors que je relâchais peu à peu Carl, je le sentis complètement m'échapper. Il courut se réfugier dans les bras de son père, Rick, qui me regardait d'un air épouvanté, un peu à l'image de Daryl et Glenn au même moment. C'est alors, baissant mon regard sur mon épaule, que je compris : une flèche avait élu domicile entre deux os. J'essayais de me relever, mais la flèche semblait peser des tonnes et petit à petit, je la sentais en moi, brûlant mes chaires comme un feu ardant. J'entendis la voix paniquée de Daryl hurler à l'aide, il appelait Herschel à pleins poumons. Il se rua vers moi, ne sachant pas par où commencer, puis se releva, les mains de chaque côté de sa tête comme s'il tentait de résoudre une équation. Il frappa dans le mur, plusieurs fois. Et alors que le vieillard n'arrivait toujours pas, il s'en alla en courant. Rick décida d'aller surveiller le couloir, et Glenn s'approcha de moi, hésitant.

T'inquiètes surtout pas Laufey, on va arranger tout ça.

Pour toute réponse, je grinçais des dents. Plantant mes yeux dans les prunelles sombres de l'asiatique face à moi, j'agrippais sa main. La douleur devenait de plus en plus insupportable, mais sa main et sa présence même avaient quelque chose de réconfortant. Comme s'il était capable à cet instant de tuer quiconque pourrait m'approcher. Il humidifia ses lèvres, un peu ailleurs, et demanda.

Je… Je ne comprends pas la réaction de Daryl. Enfin je veux dire, d'accord il t'a bien amochée… Mais je ne l'ai jamais vu dans un tel état…

Mais j'étais incapable d'articuler quoi que ce soit. Et comme une délivrance, Herschel Daryl et Rick arrivèrent… Accompagnés d'Emilie. S'il y avait bien une chose que je ne désirais pas à l'instant, c'est qu'Emilie me voit dans cet état. Alors prise de panique, je tentais une seconde fois de me relever, l'air apeuré. Emilie, le regard vide, s'était approchée de moi lentement, comme si j'avais été une bête sauvage blessée un danger pour l'humanité.

Je t'avais bien dis que c'était une mauvaise idée…

La voix de Daryl avait tranché dans le quasi silence qui faisait place à cet instant. Bien sur que c'était une mauvaise idée. Je ne voulais pas qu'Emilie pense que j'étais qu'une bonne à rien, juste bonne à se prendre une flèche. Mais surtout incapable de protéger qui que ce soit. Herschel pendant tout ce temps là, avait posé ses doigts contre ma peau, analysant la profondeur.

Ca va, la flèche n'a pas traversé.

Je ne sais pas si c'était le but, mais ses paroles me rassurèrent, comme la main de Glenn dans la mienne toujours à cet instant. Rick et Emilie surveillaient l'entrée de la pièce désormais. Et je voyais bien dans les épaules de ma sœur un tressautement qui ne signifiait rien de bon. Est-ce qu'elle pleurait ? Et tandis que je me perdais dans mes divagations, le vieillard tira sec sur la flèche. Alors, tout resta en suspend. Aucun son n'était sortit de ma bouche, mon regard était vide, Herschel avait même mis en pause le mouvement dans lequel il m'avait retiré la flèche, comme un joueur de Golf le ferait tout en regardant sa balle tomber au loin. Ma respiration se faisait haletante. Je me sentais mal à l'intérieur. Puis, comme un retour à la vie, je repris mes esprits, clignant plusieurs fois des yeux, regardant alentours. Le sang coulait le long de mon bras, souillant mes vêtements déjà peu propres. Herschel fit pression avec sa main, puis avec je ne sais quelle technique, réussit à me fixer un morceau de tissu en guise de pansement. Avec l'aide de Glenn et d'Herschel, je réussis à me relever. Et alors que je me déplaçais en direction de Daryl, ce dernier hésita un moment, puis fais volte face, se ruant presque dans le couloir menant à la pièce centrale, son arbalète fixée sur son épaule.