Chapitre 1 : L'avertissement.
- 12 novembre 2021 -
«Une petite intello prétentieuse.»
Rose Weasley accusait le coup. Assise sur son lit, les genoux plaqués contre sa poitrine, elle était encore ébahie par les paroles de son camarade Neil Curtis. Pour sûr qu'elle ne s'y attendait pas, elle avait chuté brutalement. Et elle était là, recroquevillée à ressasser sa conversation avec le jeune Serdaigle.
« Weasley... Il faut que je te parle de quelque chose. Ne le prends pas mal, mais les autres n'ont pas une haute opinion de toi, enfin moi je n'ai rien contre toi, si je te dis ça c'est que je trouve injuste que tu ne saches pas ce que les autres disent dans ton dos, balbutia Neil un peu gêné. Enfin, ne pense pas pour autant que je serai de ton côté Weasley ! C'est juste que l'hypocrisie, ça me révolte et que je voulais te prévenir.
- Euh... Je crois que je ne comprends pas bien, qui est hypocrite ? bredouilla-t-elle.
- Et bien, tout le monde, quoi. Enfin la plupart des élèves de notre année, à Serdaigle du moins, je ne côtoie pas tellement les autres maisons.
- Mais... reprit la jeune fille, pourquoi disent-ils du mal de moi ? Je leur ai fait quelque chose ?
- À ce qu'on m'a dit, tu es une petite intello prétentieuse, Weasley.
- Est-ce que c'est ce que tu penses de moi ?
- Je n'y ai jamais fait attention, mais puisque je n'ai pas ma propre opinion, je ne peux que suivre l'avis de la majorité. Je suppose que si tout le monde le dit, il doit y avoir une part de vrai. Mais si je te préviens, c'est surtout parce que ce genre de racontars se diffusent comme une traînée de poudre et que j'ai entendu dire que tu étais favorite pour devenir la nouvelle CIBLE. Fais attention à toi.»
Elle ne comprenait pas, tous ces mots semblaient ne rien signifier de possible, ça ne pouvait pas être vrai, n'est-ce pas ? Oui, elle accusait le coup. Elle sentait une douleur sourde dans son cœur, soudainement, elle se sentait rejetée. Personne n'aime être rejeté, et Rose Weasley ne faisait pas exception. Non vraiment, elle ne comprenait pas. Elle fixait le vide, ses yeux semblaient noyés dans un brouillard épais, flou.
Elle s'allongea et observa le plafond quelques instants. Elle était blessée. Si elle en parlait, on lui dirait sûrement que l'avis des autres n'a aucune importance, de ne pas s'en préoccuper, de les ignorer. Mais même si ça n'avait pas d'importance, c'était blessant. Elle avait toujours été un peu timide, un peu coupée du monde, plongée dans ses romans d'amour et d'aventure, mais elle avait toujours été gentille aussi, et souriante. Même serviable d'ailleurs.
Rose ne pensait pas être prétentieuse. Bien sûr, elle avait des résultats scolaires excellents, mais elle tenait son goût pour les études de sa mère dont elle avait hérité la prodigieuse mémoire, elle avait donc peu de mérite personnel. En plus, elle ne se vantait pas pour ses notes, et il lui arrivait souvent d'aider ses camarades de dortoir dans leurs devoirs. Mais pour autant, elle n'était pas une intello, elle était studieuse, sans plus. Elle ne lisait pas en avance ses manuels scolaires, elle préférait largement les romances à l'eau de rose ou les voyages initiatiques palpitants.
Si gentille qu'elle était avec tout le monde, elle ne comprenait pas comment une telle chose pouvait lui arriver. Parce que ce n'était pas de simples remarques qu'on pouvait facilement ignorer. Elle savait que maintenant, elle risquait de devenir une CIBLE, un bouc émissaire. Elle ne serait pas la première ni la dernière, à Poudlard c'était chose assez courante, cela arrivait presque chaque année. Une fille de Griffondor avait été dans ce cas l'année précédente, et James avait dit à Rose : « Les adolescents sont cruels Rosie, ils ont besoin d'enfoncer et de critiquer certains pour se sentir bien, pour se sentir à la hauteur. C'est parce qu'au fond ils ne sont pas bien dans leur peau, et ça leur donne l'impression d'être supérieurs. C'est nul, mais c'est comme ça ».
Jusqu'à présent, elle se sentait plutôt bien à Serdaigle, pas soudée comme les doigts d'une main avec tous ses camarades, mais quand même bien intégrée. Elle avait une amie proche, Willow Cobley, une petite brune survoltée et souvent dans la lune. Non, Willow ne la trahirait pas, elles étaient comme des sœurs depuis quatre ans. Elle ne pouvait pas être dans le coup. Mais bon Willow était moins timide, et par conséquent plus proche des autres, surtout les garçons Tobias Wayte et Neil Curtis. Mais elle ne pouvait pas avoir dit du mal d'elle à Neil, parce que Willow était beaucoup trop pure pour commettre de telles bassesses. Cela devait être quelqu'un d'autre.
C'est la mort dans l'âme qu'elle se leva finalement et se dirigea vers la classe d'Étude des Runes. Elle ne se souvenait même pas pourquoi elle avait choisi cette option, mais elle se maudissait pour ça. Les runes étaient loin d'être passionnantes comme le lui avait assuré sa mère. Et en plus, Willow ne suivait pas ce cours avec elle. Elle avait préféré prendre la Divination, car son arrière-grand-mère était une célèbre astrologue. Bref, Rose se trouvait maintenant devant la salle. Le professeur Garhus invita les élèves à entrer. La jeune Weasley ne l'appréciait pas tellement. Grand et sec, la soixantaine, il devait être franchement frustré de sa condition de professeur pour se montrer aussi désagréable avec les élèves. De plus, l'humiliation faisait partie de sa pédagogie.
« Donnez-moi immédiatement vos traductions ! s'exclama-t-il avant que Rose n'ait le temps de s'asseoir. Et j'espère pour vous que tous vos parchemins ne sont pas tous identiques, sinon c'est un T pour tout le monde ! »
Les élèves des quatre maisons s'exécutèrent. Quand Rose déposa sa copie, le professeur hocha la tête, et la feuilleta rapidement. « Comme d'habitude miss Weasley, vous n'avez pas ménagé vos efforts, heureusement que vous stimulez le niveau médiocre de cette classe, persifla-t-il. »
Rose perçut alors un léger brouhaha, des regards entendus et des remarques moqueuses. Ce n'était probablement pas la première fois que cela arrivait, et pourtant c'était bien la première fois qu'elle s'en rendait compte. Il semblait que sa naïveté la préservait. Un peu affolée par cette prise de conscience, elle ne savait plus vers qui aller. Pour ne pas rester plantée comme une idiote au milieu de la rangée, elle se dirigea finalement vers une place tout au fond, près de la fenêtre. Au moins, le crépitement de la pluie battante sur les carreaux produisait toujours le même bruit réconfortant.
Rose, plongée dans ses pensées ne faisait pas vraiment attention aux grands discours du professeur sur la perfection que représentaient les Runes par rapport à tous les autres systèmes d'écriture. L'idée d'être choisie comme CIBLE ne lui plaisait, mais alors pas du tout. Les CIBLES étaient des élèves généralement un peu isolés ou timides, ou parfois un peu trop enviés pour leur popularité, qui n'avaient rien demandé à personne, et qui du jour au lendemain se retrouvaient détestés et persécutés par toute l'école, bien sûr tous les élèves ne prenaient pas part à ce misérable complot, mais beaucoup y adhéraient, de peur de devenir à leur tour CIBLE s'ils s'y opposaient. Rose n'avait jamais participé à ce genre de harcèlement. C'était peut-être pour cela qu'ils l'avaient choisie elle. Un petit groupe d'élèves étaient les instigateurs de cette mascarade, mais personne ne semblait savoir de qui il s'agissait.
Rose revint brusquement à la réalité lorsque Garhus haussa la voix.
« Ah, monsieur Malfoy, encore et toujours en retard. C'est à cause des élèves comme vous qui ne savent rien faire d'autre que perturber l'école que la gazette du sorcier dénonce une baisse de niveau à Poudlard ! Votre devoir... ? Je vois qu'il est aussi stérile que votre cerveau, à vous seul vous atteignez le sommet de la médiocrité de cette classe, s'exclama le professeur, provoquant l'hilarité générale. Prenez un siège, vous avez cinq minutes pour me traduire ce passage, et cela à intérêt à être excellent, sinon je vous mets un Troll et je retire 30 points à Serpentard ! continua-t-il, mécontent.
- Compris, professeur. » Répondit le garçon sans broncher, bien qu'il fut clair qu'il était profondément agacé et qu'il se retenait de lever les yeux au ciel.
Scorpius Malfoy était un garçon auquel Rose n'avait jamais vraiment porté attention. Il était dans sa classe dans quelques matières notamment en études des runes, défense contre les forces du mal et, lui semblait-il, soin aux créatures magiques, et malgré ça, elle ne lui avait jamais adressé la parole en quatre ans. Déjà, il n'avait pas bonne réputation, de nombreuses rumeurs peu rassurantes courraient sur lui. La plupart du temps, il parcourait le château seul, silencieux comme un spectre. Rose devait admettre que le Malfoy lui fichait un peu les jetons.
Physiquement, il n'avait pourtant rien d'effrayant. Il était de taille moyenne pour un garçon de quinze ans et un peu maigrichon, il semblait presque délicat. Sa peau laiteuse et ses cheveux blonds soyeux presque platinés dont quelques mèches tombaient devant ses yeux évoquaient plus le chérubin que le grand méchant loup. En fait, ce qui dérangeait chez Scorpius Malfoy, c'étaient ses yeux bleus glacés, vides, sans émotion qui semblaient vous transpercer lorsqu'ils scrutaient dans votre direction. C'était simple, quand elle regardait Scorpius Malfoy, Rose avait parfois l'impression qu'il n'était qu'une enveloppe vide.
Il s'assit à la seule place libre, à côté d'elle, sans lui adresser le moindre regard. Elle ne s'en offusqua pas et se contenta de l'observer du coin de l'œil. Visiblement les runes, ce n'était pas son truc. Il était concentré sur les symboles, mais n'écrivait strictement rien, à coup sûr il ne comprenait pas. « Par le caleçon de Salazar, qui est le crétin qui m'a conseillé de prendre ce cours ? Je suis aussi doué qu'une véracrasse » marmonna-t-il avant de se cogner le front dans la paume de sa main.
Rose était le genre qui aime aider les autres, et qui ressent instinctivement le besoin de le faire quand elle le peut, et à ce moment-là, elle éprouvait un peu de pitié pour le garçon Malfoy. Alors dans un élan de bonté, elle tira discrètement le texte devant elle et le traduit en moins d'une minute sur un morceau de parchemin. Scorpius l'avait regardée faire sans rien dire, et lorsqu'elle lui tendit la traduction, il lui adressa un sourire hésitant. Elle ne se rappelait pas l'avoir déjà vu sourire, et même si ses yeux étaient toujours vides d'émotion, il avait l'air plus expressif ainsi.
« Alors monsieur Malfoy, êtes-vous prêt à nous faire part de votre traduction ? À votre air idiot, je suppose que non, c'est sûr qu'il est difficile d'utiliser des capacités intellectuelles aussi limitées que les vôtres, railla le professeur de rune, alors que certains élèves riaient silencieusement.
- Depuis l'aube des temps, les sorciers échangent avec les centaures. Mais ceux-ci avaient coupé tout contact après le premier massacre pour le sang, il y a des siècles. Il fut difficile et long pour le monde magique de regagner la confiance de ces êtres hybrides, mi-hommes, mi-chevaux. Encore aujourd'hui ils vivent à l'écart de la société magique, bien qu'ils sont plus ouverts à la communication avec les hommes, énonça Scorpius d'une seule traite.
- Hum... commença Gharrus presque bouche bée suite à la performance de Malfoy, bien monsieur Malfoy, j'ajoute dix points à Serpentard, maugréa-t-il finalement même si ça lui écorchait visiblement la langue. »
Un instant plus tard, Scorpius se tourna légèrement vers Rose, et lui adressa un sourire satisfait. « Merci, Weasley. Grâce à toi Garhus a ravalé sa langue. Je te revaudrai ça. »
Rose était installée confortablement dans la salle commune de Serdaigle, à ses côtés s'agitait sa meilleure amie, Willow Cobley. Willow et elle s'étaient rencontrées le jour de leur rentrée en première année, lorsqu'elles s'étaient aperçues qu'elles partageaient le même dortoir, dont le troisième lit était resté éternellement vide. Elles l'avaient d'ailleurs aménagé ensuite en canapé en rajoutant de gros coussins orange et jaunes que Willow avait rapportés du Maroc où elle était allée avec ses parents durant l'été précédent leur deuxième année. Pour Willow, il avait toujours été important que leur dortoir, qui était plus une chambre d'ailleurs vu qu'elles n'étaient que deux, soit chaleureux et confortable. Elle affirmait que pour bien dormir, il fallait dormir dans un endroit bien à soi, dans un endroit réconfortant. C'est pour cela que depuis leur arrivée à Poudlard, elle s'était trouvé une passion pour la décoration d'intérieur. C'est ainsi que le dortoir sobre aux murs bleus et au sol gris avait été transformé par l'apparition soudaine de posters moldus de stars, de photos d'animaux rigolotes, d'un tapis vert pomme, de deux poufs turquoise, et de quelques peluches dispersées dans la pièce. Tout cela faisait un peu désordre, les couleurs n'étaient pas assemblées, mais Willow avait atteint son but : leur chambre leur donnait le sourire.
À Serdaigle, ils étaient neuf étudiants en cinquième année, cinq filles et quatre garçons. Il y avait les jumelles Prisca et Galla McAlister, que Rose appréciait peu, car elles étaient de vraies commères, et parfois venimeuses. Les deux jeunes filles étaient issues d'une célèbre famille de sorcier, et elles pensaient clairement que tout leur était permis. Derrière leurs chevelures blondes toujours bien peignées de petites filles modèles, elles cachaient décidément bien leur jeu. La dernière fille s'appelait Erin Vaughan et elle était plutôt gentille, mais n'avait pas beaucoup de caractère.
« Je disais donc que j'ai vraiment trop de chance aujourd'hui, on dirait presque que j'ai pris du Felix Felicis, je te jure ! C'est Albus qui a été désigné pour être mon partenaire de Divination ! Tu t'en rends compte ? s'écriait joyeusement Willow, surexcitée.
- C'est génial Will, répondit Rose qui n'était visiblement pas aussi enthousiaste.
- Non mais c'est vrai, c'est le bonheur total, ce dont je rêvais depuis la rentrée ! C'est un grand pas en avant dans ma quête de l'amour, s'émerveillait-elle.
- Oui tu as raison, c'est une bonne chose.
- Ça ne va pas Rosie ? demanda alors la petite brune survoltée, devant la mine songeuse de son amie.
- Eh bien, moi je n'ai pas de très bonnes nouvelles à t'annoncer... c'est même plutôt mauvais.
- Vas-y, crache la chocogrenouille, tu te sentiras mieux après, l'encouragea-t-elle.
- Curtis est venu m'avertir... que j'allais peut-être être choisie comme prochaine CIBLE. Et que la moitié de notre maison disait du mal dans mon dos, murmura la rouquine.
- Nom de Merlin ! Dis-moi que ce n'est pas vrai ?
- À moins que Curtis mente, je ne peux accéder à ta requête, répliqua-t-elle.
- Ça sent vraiment mauvais Rosie. J'espère tellement que Neil se trompe... grimaça Willow, son dynamisme retombé.
- Je sais Will, je sais. »
Willow avait en horreur ce jeu stupide qu'était les CIBLES, mais ça, elle ne le disait qu'à Rose, car il était suicidaire de se faire remarquer sur ce sujet. Cela durait depuis environ six ans, avant même que Rose et elle entrent à l'école, et les deux filles avaient toujours connu cette abjection. Les parents disaient toujours que Poudlard était les meilleures années de la vie, sans vrais soucis, sans tracas, sans grosses responsabilités. Pourtant derrière l'image idyllique du Collège, la violence était là, cette violence dont on parle peu, la violence morale.
Il fallait croire que juste vivre paisiblement ne plaisait pas aux jeunes sorciers. Alors qu'ils traversaient une période de paix après la si terrible guerre à laquelle avaient pris part leurs parents et leurs grands-parents, ils créaient de nouveaux conflits. Bien moindres, mais qui n'avaient pas d'autre intérêt que de persécuter autrui.
Merci d'avoir lu ! Si vous avez passer un bon moment en lisant ce chapitre, laissez-moi un commentaire, ça fait plaisir et ça motive :)
