Chapitre un
- Erebor ?…
- Oui, seigneur Denethor. Une grande armée, faite d'orientaux, de guerriers de Harad, de gobelins et d'orques.
L'éclaireur se tenait exagérément droit. L'humain, plus mûr, les traits plus burinés, le dos voûté, scrutait des cartes des terres du nord.
- Combien de temps nous reste-t-il ?
- Si l'Anduin tombe, moins de dix jours.
Denethor poussa un soupir, puis il y eut un court silence.
- Que devons-nous faire ? Demanda l'éclaireur.
- Rien, répondit l'Intendant dans un grognement.
- Je vous demande pardon ? Dit l'elfe.
L'Intendant se leva et emplit une choppe de vin. Portant la coupe à ses lèvres, il
dit :
- Il n'y a rien que je ne puisse faire. Mes hommes sont tous occupés.
- Tous occupés ? Mais…
- C'est mon dernier mot. Je ne vais pas confier mes troupes à n'importe quel elfe, ou nain, ou que sais-je encore, juste parce qu'une terre dont j'ignorais jusqu'au nom est envahi par je ne sais qui !…
- Quoi ! Vous…
L'elfe se retint. Il regarda près de la porte et vit que les deux gardes de la Citadelle avait porté la main à leurs fourreaux. Il poussa un grognement de dépit.
- Alors je crois que je n'ai plus rien à faire ici.
- Je le crois également, répliqua Denethor.
« Puissiez-vous pourrir sur votre trône » pensa-t-il avec rage en passant les lourdes portes.
Le vent frais chassa sa fureur, mais la vue de la Montagne du Destin toute proche ne fit qu'augmenter son inquiétude. La bataille était toute proche… mais jamais il ne s'était senti aussi désemparé. Les elfes d'Elrond étaient trop occupés à combattre en Caradras pour fournir le moindre soutien, le Rohan trop affaibli par la bataille de Fort-le-Cor, et voilà que même le Gondor avait refusé de se joindre aux côtés des nains d'Erebor.
- Il a un problème avec les elfes ?
L'éclaireur tourna les yeux vers sa droite et se prit à sourire.
- Je crois qu'il a un problème avec beaucoup de choses, dit-il.
La jeune femme à qui il s'adressait sourit et hocha la tête, et ses cheveux auburn et bouclés lui tombèrent sur le front. Elle se leva de son banc et croisa les bras, affichant un air de tristesse, qui la fit paraître beaucoup plus mûre.
- Je te l'avais dit, le Gondor n'est plus rien de ce qu'il était il y a encore mille ans. Notre peuple s'est dispersé, et beaucoup ont oublié qu'ils étaient jadis unis sous une même couronne.
- Gandalf avait encore de l'espoir pour eux. Il disait pouvoir les rallier de nouveau.
- Mithrandir a dit beaucoup de choses… Mais toi, que vas-tu faire ?
- Moi ?… murmura l'elfe.
Il s'arrêta et se regarda dans l'onde de la fontaine. L'eau lui renvoya l'image d'un jeune elfe, vêtu d'une cape et d'une armure de cuir. Son visage était marqué par la fatigue, et ses yeux bleu-verts étaient rougis.
- Nerhoear, dit la jeune femme.
- Désolé… Je… soupira-t-il.
- Tu as vraiment l'air épuisé. Il serait peut-être temps de dormir, dit-elle.
- Nous n'avons que dix jours, Nalan… Et je ne sais même pas comment nous allons pouvoir aller en Erebor en aussi peu de temps.
- A cheval. Faramir nous en prêtera sûrement. Il me doit bien ça, ajouta-t-elle en pouffant.
- Nalan… Je pense que je dois y aller seul.
- Seul ! Dit-elle en riant. Bien sûr ! Je te rappelle juste que la dernière fois que je t'ai laissé seul, tu t'es retrouvé encerclés par des hommes de Dun, prêt à couper tes oreilles pointues en lamelles !
- Nalan, dit-il avec vigueur. Ta place est en Rohan, chez toi.
- Oui, et la tienne à Fondcombe, si je me souviens bien, répliqua-t-elle sur un ton badin.
- Ce qui se prépare, c'est une vraie bataille. Ce ne sera pas des troupes d'orques isolés, ce sera une armée d'orientaux et de haradrims.
- Désolée, Nerhoear. Je trouve ton attitude de protecteur très flatteuse, mais ne te prend pas non plus pour mon père. D'ailleurs, je suis plus vieille que toi.
- Pas en années elfiques, grommela Nerhoear.
- Bon, fin de la discussion, nous devons y aller, maintenant.
Et Nerhoear se demanda encore une fois si c'était vraiment une bonne chose d'avoir Nalan comme coéquipière de voyage.
