Cet os a été écrit pour un jeu du FoF, il fallait le rédiger sur le thème "lâche" en une heure. Pour plus de précisions vous pouvez m'envoyer un mp.
Tout et son contraire
Très souvent, on lui avait dit qu'il ne voyait le monde qu'en noir et blanc, bien et mal, juste et faux, sans prendre le temps d'observer les couleurs et les nuances qui l'entouraient. A cette constatation, il avait souvent hausser les épaules, se contentant de hocher la tête d'un air décontracté. A vrai dire, il n'aurait pas pu ne pas se soucier plus d'être trop manichéen.
A de nombreuses reprises, on l'avait admonesté d'être un fonceur idiot ne prenant jamais le temps de réfléchir aux conséquences de ses actes. Il assimilait cela à un courage sans borne et sans limite, une bravoure naturelle qui courait dans ses veines depuis son enfance (quoiqu'il ne l'avait sûrement pas acquis de sa famille). Il n'avait pas peur, de rien, jamais, parce qu'avoir peur, c'était perdre son temps à réfléchir à des facteurs sur lesquels on a de toute manière aucune action. Etre courageux, cela signifiait dompter sa peur ? Que neni, l'ignorer était bien plus facile à vivre !
Oui, ces quelques règles simples avaient régi sa vie pendant bien longtemps et pendant bien plus longtemps encore avant qu'il n'en prenne conscience. Car, malgré tout ce que les autres pouvaient penser et toutes les apparences qu'il ne cessait de combler, il lui arrivait, à lui aussi, de réfléchir.
Et ce soir était un de ces soirs où son monde si bravache, certain, dompté se retrouvait chamboulé par des incertitudes et des doutes. La question qui avait initié tout cela, elle, semblait pourtant simple : où tracer la ligne entre le courage et la lâcheté ?
Ah, oui. Facile, n'est-ce pas ? Deux termes basiques, aux définitions claires, depuis longtemps établies. Des opposés que tout séparait et que l'on ne pouvait, jamais, en aucune circonstance, confondre. Évidemment. Car jusqu'à cette seconde précise, tout avait été si simple. Il était courageux, ne fuyait jamais, ne tournait jamais le dos aux problèmes et fonçait toujours, à fond, à un rythme infernal, consumant son existence par les deux bouts, s'étant juré très jeune de ne jamais en gâcher une seconde.
Oui, mais aujourd'hui était différent. Il voulait être courageux. Il voulait rester fier. Il voulait être sûr de prendre la bonne décision. Mais il n'y avait pas de bonne réponse, pas de lâcheté ni de courage. Comme l'avait dit un jour un grand homme dont il ne pouvait plus se rappeler le nom, il s'agissait d'un acte de courage au sein d'un océan de lâcheté (oui, bon, cet auteur là parlait du suicide mais ce qu'il s'apprêtait à faire était une petite mort également, non ?)
Sirius souffla, ramena une mèche de ses cheveux derrière son oreille et leva les yeux sur la grande bâtisse lui faisant face, la main sur l'anse de sa valise.
Était-il incroyablement courageux ? Était-il le pire des lâches ? Les questions et les mots semblaient danser devant ses yeux, s'entrenouant et se détachant pour mieux s'unir à nouveau, tout à son service pour saluer sa confusion.
Rester. Rester serait incroyablement courageux. Cet endroit, que chaque fibre de son corps abhorrait, dont chaque brique le rendait un peu plus allergique, qui était supposé lui servir de maison et de foyer – oh, oui, il en fallait du courage pour accepter de vivre chaque jour de ses vacances sous le même toit que sa famille. Oh, et que de courage encore pour regarder sa folle de mère dans les yeux et la défier, encore et toujours, toujours plus et toujours plus loin, elle, cette femme à qui on ne refusait rien, cette reine qui d'un regard glacé faisait flancher les plus fiers des sorciers. On ne pourrait jamais lui dire qu'il n'avait pas dû user tout son courage dans cette fichue maison.
Rester. Rester serait incroyablement lâche aussi. Même s'il détestait cette grande baraque froide et austère, sa famille détachée aux idées nauséabonds, malgré tout, oui, ce même endroit qui habitait ses cauchemars était – et bien, sa maison. Chez lui. Le seul endroit en dehors de Poudlard qu'il avait toujours connu. Et les cris, les insultes, les insinuations, tout sonnait si familier que parfois, il y prenait même plaisir. Car ce pan de sa vie était sûr, figé dans la roche, et il définissait qui il était jusqu'au plus profond de lui.
Quant à partir, d'autres l'avaient avant lui et il ne serait pas le dernier à le faire. Un acte foutument lâche. Tourner les talons et s'en aller, abandonner toute cette merde derrière lui, oublier ses parents, renier son petit frère et s'en laver les mains, prétendre que tout ceci n'a jamais eu lieu, n'en faire qu'un stupide souvenir enfoui tout au fond de sa mémoire. Fuir. Fuir loin, loin de la maison, d'eux et leurs idées trop dérangeantes.
Oui, mais partir serait foutument courageux aussi. Laisser derrière lui tout ce qu'il connaissait pour s'enfoncer dans la nuit noire, seul, avec juste sa valise à la main. Prendre ses tripes et s'élancer d'un bond dans la vie, devenir adulte et responsable (mais pas trop non plus, hein), n'avoir plus personne pour le rattraper si jamais il tombait. Ah, les lâches restaient chez eux cachés dans les jupons de maman.
Avec un dernier regard au bâtiment gris ruisselant de la pluie sale de Londres, Sirius tourna les talons. Il dirait à tout le monde que trop, c'était trop. Que d'une impulsion, il avait emballé toutes ses affaires et franchi le seuil de Square Grimaurd pour la dernière fois, sachant qu'il n'y reviendrait jamais. Personne n'avait besoin de savoir que Sirius avait hésité pendant des semaines avant de s'en aller. Sirius tourna les talons et jamais, il ne regarda en arrière.
On l'applaudit, le félicita, lui dit qu'il avait été incroyablement fort et courageux, qu'il avait eu raison, qu'il n'y avait plus rien pour lui là-bas. Il ne répondit jamais rien.
On l'engueula, le moqua, lui affirma qu'il n'était que le pire des lâches et des couards, qu'il avait eu tort et avait tout abandonné sans un froncement de sourcils. Il ne s'en défendit jamais.
Car, comme beaucoup de choses le furent par la suite dans sa vie, c'était à la fois un acte foutument lâche et incroyablement courageux.
