THE SCENIC ROUTE
CHAPITRE 1
Disclaimer : The Scenic Route est l'œuvre de hollycomb, d'après la série South Park de Trey Parker et Matt Stone.
Il faisait anormalement chaud au stade de foot du lycée, le jour de la remise des diplômes. Kyle transpirait sous sa toge en nylon alors que la cérémonie n'avait même pas commencé. Leur promo ne contenait pas beaucoup d'élèves, et le fait qu'ils soient répartis par ordre alphabétique l'obligeait à être assis bien trop près à son goût d'Eric Cartman. Il se tourna vers la rangée derrière lui et croisa le regard de Stan. Kyle lui fit un grand sourire, qui s'effaça rapidement quand il remarqua la place vide à côté de Stan, celle qui aurait dû être occupée par un certain « McCormick » si tout s'était passé normalement. Kenny travaillait l'après-midi au rayon multimédia de l'hyper-marché Wal-Mart, et il avait aussi un travail le soir comme caissier dans la station-service à côté de la route nationale. Son emploi du temps lui fera rater une bonne partie de la fête que Clyde organisait pour la remise des diplômes. Bien qu'il ait toujours dit qu'il préférait gagner sa vie plutôt que continuer d'aller en cours, Kyle savait que c'était surtout par manque de choix.
- Hé, connard ? dit Cartman, en se penchant par-dessus les deux élèves qui les séparaient. Kyle fit comme s'il n'avait rien entendu. Cartman agita la main.
- T'es sourd juif ? Réponds sinon je me lève.
- Quoi ? dit Kyle, en lui jetant un regard furieux.
- Il parait que l'autre face-de-Burger est première de la classe ?
- Oui, répondit Kyle, agacé. Il était troisième, juste derrière Butters. La course avait été serrée, et Kyle était surtout amer d'avoir perdu face à Wendy, bien qu'il aurait du y être habitué depuis le temps.
Cartman lui fit un grand sourire.
- Tu crois qu'elle va venir me rouler une pelle avant son discours ?
- Vieux, tu rêves. C'est arrivé une fois, et vous aviez, genre, huit ans, dit Kyle.
- Quand même, ça se pourrait, continua Cartman en croisant ses bras derrière la tête, fier de lui.
- Ne compte pas là-dessus, gros lard.
A vrai dire Cartman n'était plus gros, mais énorme, et il avait réussi à tirer avantage de son gabarit pendant les cours d'EPS. Il avait joué dans l'équipe de football américain du lycée comme défenseur et avait même gagné un trophée. Apparemment les gènes de son champion de père avaient fini par resurgir. Kyle avait arrêté le basket en première, parce que le sport prenait trop de temps sur ses études. Devoir arrêter lui avait fait de la peine, surtout parce que le football était devenu si important dans la vie de Stan depuis quatre ans, même si passer plus de temps à travailler lui avait permis d'obtenir une bourse d'études pour la fac de Penn State, en Pennsylvanie. Stan avait rejoint l'équipe sur un coup de tête, mais il avait été brillant et était même parvenu à décrocher une bourse grâce à ses exploits pour aller étudier à l'Université de Californie, UCLA. Il ne ressemblait pas du tout à Cartman. Il était malin, rapide, et ne reculait devant aucun danger pour gagner un match. Kyle n'en avait jamais manqué un seul. Bientôt, ce sera devant la télévision qu'il l'encouragera.
- Hé Stan, dit Cartman, tourné vers lui. Tu crois que ta copine va m'embrasser avant ou après son discours ?
- Vieux, ferme la, répondit Stan. Tu es tellement obsédé par ce truc, c'est pathétique.
- J'dis ça, j'dis rien, dit Cartman d'un ton suffisant. C'était sa nouvelle phrase fétiche, il en changeait en moyenne chaque semaine. Si elle veut qu'on se retrouve pour mettre un point à la tension sexuelle qu'il y a entre nous, elle n'a qu'à demander.
Kyle poussa un soupir exaspéré, déjà impatient que la cérémonie se termine. Wendy était assise sur l'estrade, près de la Principale. Butters aussi était là-haut, l'air abattu. Il avait avoué être terrifié que ses parents le punissent cet été pour ne pas être sorti major de la promo. Kyle espérait vraiment que ce n'était que de la paranoïa. Leur voyage vers la Californie, censé commencer dès le lendemain matin, serait complètement foutu si Butters ne venait pas. C'était déjà assez injuste de devoir raccourcir leur dernier été tous ensemble à South Park à juste une semaine à cause des séances d'entraînement de Stan à la fac. Kyle serait dégoûté si leur road trip devait être annulé à cause des attentes psychorigides de Mr et Mrs Stotch-les-tarés. Kenny était censé venir aussi, mais on ne pouvait pas vraiment compter sur lui pour participer aux frais d'essence malgré ses deux boulots. Son père les avait abandonnés il y a des années, et tout le salaire du blond servait à faire vivre sa mère au chômage, son frère bon à rien et sa sœur de quatorze ans.
La cérémonie commença avec une chorale de gamins qui chantaient sur les montagnes à gravir en devenant grand. La Principale prononça quelques mots, puis invita Wendy à monter sur le podium pour faire son discours. Elle avait l'air calme et sûre d'elle, aucun risque qu'elle parte se jeter sur Cartman pour l'embrasser. Kyle n'en revenait pas, même dix ans après. Wendy l'envoyait toujours promener quand il lui demandait pourquoi elle avait fait ça. Cartman toussa et tout le monde put l'entendre dire « Suce ma bite » quand Wendy ouvrit la bouche pour parler. Elle le foudroya du regard.
- Nous avons traversé beaucoup d'épreuves, déclara-t-elle, et pendant un instant Wendy sembla s'adresser tout particulièrement à Cartman, puis elle reporta son attention sur la foule d'élèves. Je pensais être fin prête à quitter South Park quand le temps serait venu, et je le suis en grande partie, mais j'ai le sentiment, et peut être le partagez-vous aussi, que notre dernière année ensemble est passée beaucoup trop vite.
Kyle s'agita sur sa chaise, gêné qu'elle soit si proche de la vérité. Il s'attendait à ce que Wendy fasse un discours très sérieux, qu'elle donne des conseils sur leurs vies futures. Mais ça, c'était plus difficile à entendre. Il ne voulait pas penser à quel point l'année était passée vite, à combien de fois il avait fait ces choses habituelles avec Stan et s'était dit « Ce sera la dernière fois ». Les jeux vidéos du vendredi soir, leurs petites fugues pendant la pause déjeuner pour acheter des hamburgers, les parties de basket jusqu'à la nuit tombée. Au fond de lui, Kyle savait qu'il vivait des moments sacrés, parfaits, que ce serait peut-être la plus belle période de sa vie, mais il ne s'en était pas vraiment rendu compte avant cette année. Son meilleur ami partait vivre à l'autre bout du pays. Il ne s'allongerait plus dans le lit de Kyle chaque samedi matin pour lui raconter les rêves bizarres qu'il avait faits. Il ne passerait plus son temps à la salle de sport pendant que Kyle finissait ses exercices de maths pour gagner quelques points en plus dans sa moyenne, ne le reconduirait plus chez lui, ne laisserait plus Kyle choisir la chaîne de radio et sentir son odeur de chewing-gum au bonbon. Ils n'auraient que cette dernière semaine ensemble avant que tout change.
- L'expression « On ne se rend compte de l'importance d'une chose que lorsqu'on la perd » peut faire cliché, reprit Wendy. Mais elle résonne en nous parce qu'elle est universelle. Si je ne devais vous dire qu'une seule chose importante aujourd'hui, ce serait de prendre le temps d'apprécier ce qui vous entoure tant que vous le pouvez. Vous n'arriverez pas à profiter du présent si vous vous inquiétez trop de l'avenir. Dites à vos proches que vous les aimez avant qu'il ne soit trop tard.
Elle regarda vers Kyle, et il se sentit pointé du doigt, commençant à pâlir. Que voulait-elle dire ? Elle se tut un instant, l'air d'avoir – d'avoir quoi ? Pitié de lui ? Il avait l'impression que tout le stade avait les yeux fixés sur lui.
- Ne vous sous-estimez pas, et ne sous-estimez pas vos camarades, dit Wendy en reportant son attention sur les élèves. On nous a souvent dit de croire en nous même, mais nous devons aussi avoir confiance en nos amis. Même si nous partons chacun vers des horizons différents, n'oublions pas ceux qui nous sont chers, ici, à South Park. Une petite ville est comme une grande famille, c'est parfois frustrant, mais c'est également un refuge. Je tiens à vous dire que je vous considère tous comme un membre unique et irremplaçable de ma famille.
Elle avait un sourire radieux, et Kyle leva les yeux au ciel.
- Tous excepté Eric Cartman. Merci beaucoup.
Elle quitta le podium. Cartman bafouilla, l'air perdu, pendant qu'un rire nerveux agita les rangées d'élèves. Un murmure mélangeant surprise et amusement parcouru la foule, et Kyle se laissa aller à ricaner lui aussi. Il jeta un coup d'œil à Cartman. Il fixait Wendy d'un regard mauvais, comme s'il était déjà en train de réfléchir à sa vengeance.
- Hé bien, dit nerveusement la Principale en retournant sur l'estrade. Merci – heu- Wendy, pour – ça. Nous allons commencer la remise des diplômes. Le premier rang, voulez-vous bien avancer ?
Ils montèrent sur scène pour recevoir leur diplôme, en prenant la pose aux endroits prévus pour qu'un photographe professionnel les mitraillent et envoie les photos à leurs parents. Le père de Kyle avait filmé toute la scène, et il rougit à l'idée que le moment où Wendy l'avait fixé pendant son discours sera conservé dans la collection de souvenirs des Broflovski jusqu'à la fin des temps.
Une fois la cérémonie terminée, les jeunes diplômés et leurs parents se dispersèrent dans stade pour se prendre dans les bras ou faire encore plus de photos. Kyle aperçu Stan et se précipita pour le retrouver dans la foule, avec la drôle impression d'être dans un rêve éveillé, la poitrine serrée, comme si Stan allait disparaître avant que Kyle n'arrive. Wendy voulait qu'il profite du moment présent ? Parfait. Il se jeta dans les bras de Stan, en le serrant fort.
- Vieux, dit Stan en rigolant, tu te rends compte de ce qu'elle a fait ? Elle ne m'avait rien dit ! Tu crois qu'elle a improvisé ? Tous excepté Eric Cartman. Putain, c'était génial.
- Ouais, marmonna Kyle en relâchant son étreinte et en reculant d'un pas. Il était en nage sous sa toge, et avait hâte de rentrer chez lui prendre une douche avant de devoir participer au déjeuner que ses parents avaient préparé pour sa grande famille venue à l'occasion. Il savait qu'ils étaient en train de le chercher dans la foule et avait l'espoir de pouvoir être tranquille encore quelques instants, les mains de Stan toujours posées sur ses épaules.
- Vieux, c'est un truc de fou, continua Stan. On était à l'école primaire il n'y a même pas cinq minutes.
- Je sais, répondit Kyle. Il ne voulait pas avoir cette conversation ici, au milieu d'une marée de gens qui donnait à Stan des tapes dans le dos. Allons chercher Butters.
- Tu crois que ses parents vont vraiment l'empêcher de partir ? demanda Stan, inquiet. Juste parce que Wendy est arrivée avant lui dans le classement ?
- Tout est possible avec eux, ils sont fous.
Ça ne serait pas la première fois que Wendy gâcherait les plans de Kyle pour passer un peu de temps avec son meilleur ami. Wendy et Stan n'avaient pas arrêté de rompre et de se remettre ensemble depuis la seconde, mais leur couple durait depuis assez longtemps pour que Kyle se sente rejeté quand il lui arrivait de passer leur traditionnel vendredi soir avec juste Kenny et Butters - ou sans Butters quand il était puni, ce qui arrivait souvent. Les vendredis soirs avec Kenny consistaient globalement à le surveiller comme un gamin pendant qu'il se bourrait la gueule, et la seule consolation pour Kyle était de pouvoir espérer passer la nuit chez Stan après son rendez-vous avec Wendy. Parfois Stan rentrait tard, et Kyle se réveillait quand qu'il se faufilait sous la couverture au milieu de la nuit en lui chuchotant « Rendors-toi, vieux, c'est moi ».
- Les enfants !
Kyle grimaça en entendant sa mère les appeler. Elle avait pris des tonnes de photos depuis le début de la matinée, dont au moins huit cent de lui avec son petit frère Ike en train de faire l'idiot.
- Tiens-toi prêt, chuchota Kyle à Stan. Elle va sûrement faire un million de photo de nous deux. Kyle remit son mortier bien en place sur sa tête, pour cacher ses cheveux.
- Vous voilà enfin ! s'exclama Sheila en leur pinçant les joues. Oh, regardez-vous ! Mazel tov, Stan ! Ta maman m'a dit pour ta bourse de football. Tu dois être ravi !
- Oui, dit Stan. Mais c'est nul que je doive partir si tôt. J'aurais aimé passer plus de temps ici avant d'y aller.
- Je te comprends, mais vous allez vivre de belles aventures tous ensemble. Promettez-moi juste d'être prudents – ne prenez aucun auto-stoppeur. Et ne sortez pas le bras par la fenêtre quand vous conduisez, ça donne des coups de soleil. Et –
- Maman ! interrompit Kyle. On n'a pas cinq ans. Où sont Papa et Ike ?
- Vers le stand de frites avec toute la famille. Viens, Bobeleï, ton grand-père veut te parler.
- Tu ne voulais pas faire une photo de Stan et moi dans nos tenues ?
Il se sentit idiot en disant ça et Stan se mit à rire. Mais la journée passait trop vite, il voulait garder un souvenir.
- Oui bien sûr ! dit-elle en levant l'appareil photo. Mettez-vous les bras autour des épaules. Voilà.
Stan poussa Kyle contre lui. Il pouvait sentir qu'il était brûlant, probablement trempé de sueur sous sa robe lui aussi. Il mit son bras autour de la taille de Stan pour le tenir fermement en souriant à l'objectif.
- Vraiment les garçons ! dit Sheila quand elle baissa l'appareil, au bord des larmes. Comment ferez-vous l'un sans l'autre ?
- On s'enverra des tonnes de SMS, répondit Stan. Kyle se força à rire.
- Stan !
Une main émergea de la marée d'élèves, et Kyle s'éloigna de Stan quand il vit que c'était Wendy, les cheveux relevés en arrière dans une longue queue de cheval. Elle avait l'air énervée en arrivant près d'eux, le front en sueur.
- Je suis poursuivie, dit-elle.
- Par Cartman ? demanda Stan.
- Non, par tous ceux qui viennent me féliciter de l'avoir remis à sa place, répliqua Wendy avec une grimace, en regardant au-dessus de son épaule. Je me demande si j'ai bien fait de dire ça.
- Tu rigoles ou quoi ? s'exclama Kyle. Il le mérite tellement.
- C'est vrai, et c'était vraiment trop drôle, dit Stan.
- Kyle ! reprit sa mère en lui faisant signe de la suivre. Allez, dépêche-toi, j'ai encore la salade de pommes de terre à préparer !
- Vous pouvez venir à mon déjeuner de famille si vous voulez, dit Kyle en sachant pertinemment qu'ils ne viendraient pas. Stan lui avait dit hier que Wendy et lui devaient « avoir une discussion » avant qu'il parte en la Californie. Wendy étudierait là-bas elle aussi, mais plus au nord, à Berkeley. Ils se demandaient toujours s'ils devaient rester ensemble. Kyle trouvait qu'ils avaient déjà eu beaucoup de mal dans leur couple alors qu'ils ne vivaient qu'à cinq minutes l'un de chez l'autre, mais il ne leur avait pas proposé de donner son avis sur la question.
- Je passerai peut être, dit Stan. J'adore la salade de pommes de terre de ta mère. Il lui fit un clin d'œil et Kyle lui rendit un sourire en lui faisant au revoir de la main. Il sentait déjà une boule de stress au creu de sa poitrine, comme si le décompte avait officiellement commencé. Dans six jours et demi, Stan sera loin.
- Tu viens à la fête de Clyde ce soir ? demanda Wendy.
- Ouais, lança Kyle par-dessus son épaule avant de rejoindre sa mère. Il avait promis à Stan qu'il essayerait de boire à la soirée, puisque ce serait la dernière fête de leur vie de lycéens. Généralement Stan était juste un peu éméché, rien à voir avec l'état dans lequel se mettait Kenny, mais ce soir il voulait « se lâcher » apparemment. Kyle n'était pas un gros buveur il n'avait jamais eu envie d'être dans ce genre d'état. Ne plus se sentir maître de lui-même l'angoissait, et il ne voulait vraiment pas passer le lendemain avec la gueule de bois.
Il rentra chez lui avec sa famille, quelques photos plus tard, et s'isola dès qu'il eût franchi la porte d'entrée en prétextant une douche. Son cousin Kyle partageait sa chambre, ce qui lui donnait une très bonne excuse pour aller dormir chez Stan. Le sac qu'il avait préparé pour le voyage était posé près de la porte, et il se rappela en le regardant qu'il avait oublié d'aller voir Butters et ses parents pour vérifier si tout allait bien. Il n'y avait sûrement pas de problèmes, sinon il leur en aurait déjà parlé.
Le déjeuner avec sa famille se passa bien, tout le monde lui offrait des cartes de vœux, des cadeaux ou des petites sommes d'argent. Kyle avait toujours du mal pour placer un mot quand toute sa famille était là, alors il resta silencieux pendant presque tout le repas, jusqu'au moment où on commença à lui poser des questions sur ses perspectives d'avenir.
- Des études de droit, répondit son père avant que Kyle puisse ouvrir la bouche. A la fac de Columbia, peut-être.
- Oh, tu vas adorer New York, lui dit joyeusement sa tante Mindy, comme si l'affaire était réglée.
- Ou un peu plus vers l'ouest, sinon, dit Kyle en se demandant ce que ferait Stan quand il essayerait d'entrer en école de droit. Joueur de foot professionnel ?
- L'ouest, beurk, avec cet affreux nuage de pollution ! s'exclama sa mère en chassant l'idée d'un geste de la main. Et les tremblements de terre ! Son petit camarade Stan part étudier là-bas, confia-t-elle à ses tantes, qui poussèrent des Aaaaaaah comme si elle venait de donner l'explication de son idée saugrenue. Kyle devint rouge vif. Il regarda son téléphone en se demandant comme se passait la conversation de Stan et Wendy. Il y avait un nouveau message de Stan :
urgent. t'es libre ?
Kyle pensa à Butters en craignant qu'une mauvaise nouvelle ne vienne assombrir ses rêves de voyages. Sans Butters pour les aider à payer l'essence, ils devraient utiliser leurs étreignes, et vu les prix ça ne suffirait sûrement pas. Stan ne gagnera de l'argent avec son programme sportif que lorsque la saison commencera officiellement, et il comptait taper sur ses économies : le petit salaire qu'il avait eu en travaillant au Bowling l'été dernier.
J'arrive, écrivit Kyle. Il s'excusa auprès de sa famille qui se plaignait de le voir partir si vite, bien qu'il ait passé plusieurs heures à leur tenir compagnie. Il s'éloigna vers la porte d'entrée malgré les protestations, et ils reportèrent leur attention sur Ike pour lui demander ce que lui voulait faire quand il serait plus grand.
- Toiletteur pour chien, dit Ike très sérieusement, juste pour voir leurs visages horrifiés. Kyle sourit en refermant la porte. Son petit frère était un surdoué, déjà en classe de seconde à seulement treize ans et avec un melon en guise de tête.
La maison de Stan était remplie d'invités elle aussi, même s'ils étaient moins nombreux que chez Kyle. Ça faisait bizarre de voir son père et sa mère dans la même pièce, même si c'était exceptionnel, mais ils avaient l'air de bien s'entendre en plaisantant dans la cuisine. Les oncles de Stan étaient installés sur le canapé pour boire des bières, ils saluèrent Kyle quand il passa devant eux en suivant Stan dans sa chambre.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Kyle. Tu as parlé à Wendy ?
- Wendy ? dit Stan en fronçant les sourcils
- Oui. Tu… T'avais dit que vous alliez –
- Ah, interrompit Stan en secouant la tête. Non, Butters nous a sautés dessus juste quand tu es parti pour dire qu'il ne pourra pas venir avec nous.
- Quoi ? Merde ! lança Kyle, en se prenant le visage dans les mains. Putain mais quels connards ses parents !
- C'est clair, dit Stan. Mais je crois qu'on devrait quand même faire le voyage.
- Stan, tu ne vas pas mettre trois mois de budget bouffe dans de l'essence. Putain, comment on va faire ? Kyle ne voulait pas annuler leurs vacances lui non plus, mais l'idée que Stan se nourrisse de sandwiches au ketchup et s'évanouisse sur le stade de foot à cause de la malnutrition lui était insupportable.
- On pourrait demander à quelqu'un d'autre de venir à sa place, dit Stan.
- Qui ça ? On part demain, vieux. Kyle se figea en se demandant s'il parlait de Wendy. Il n'aurait pas dû trouver l'idée si horrible que ça, mais c'était comme recevoir un coup de poing, tous les espoirs qu'il avait mis dans ce voyage s'évanouissaient. L'avoir avec eux changerait l'ambiance, pour le dire poliment.
- On n'a vraiment pas le choix, commença Stan. Kyle l'interrompit :
- Stan, je ne –
- Allez, vieux, il est moins pire depuis quelque temps.
- Il ? Attend, de qui tu parles ?
- A ton avis ? Cartman.
- Cartman ?
S'il y avait bien une personne capable de gâcher ses six derniers jours avec Stan encore plus que Wendy, c'était lui.
- Putain mais t'as perdu la tête ?
- Réfléchis-y deux secondes. Il a toujours du fric parce qu'il est pourri gâté, on sait qu'il ne fait rien la semaine prochaine parce qu'on est ses seuls amis, et – J'en sais rien Kyle, merde. J'ai vraiment envie qu'on parte.
- Moi aussi !
Kyle avait préparé chaque détails avec attention, il avait imprimé des itinéraires de Google Map, réparé le GPS, enregistré des tonnes de playlists à écouter pendant qu'ils conduiraient à travers le pays.
- Mais lui – il gâchera tout.
- Si on le laisse faire, répondit Stan. Il aime juste nous faire chier, mais à part ça qu'est-ce qu'il pourrait faire de si grave ?
- Heu … vouloir s'arrêter pour bouffer toutes les trois minutes ? Péter comme un gros porc ? Se moquer des chansons que j'ai choisies ? Nous rabâcher que les juifs détruisent l'Amérique ?
- On est déjà habitué à ignorer tout ça, dit Stan. Bon, à part l'odeur.
- Vieux, pense aux odeurs.
- Je sais, c'est pas l'idéal, mais je pense vraiment que c'est notre seule chance. Allons au Wal-Mart pour demander à Kenny ce qu'il en pense.
Kyle était complètement abattu dans la voiture de Stan, surtout parce que l'instant précis correspondait exactement à ce qu'il avait imaginé vivre pendant le voyage : le calme serein entre eux pendant que l'un conduisait et que l'autre était assis à ses côtés, sans avoir besoin de se parler. Butters adorait bavarder, et Kyle n'avait jamais eu de mal à l'ignorer. La plupart du temps Butters n'attendait même pas de réponses à ses joyeux commentaires. Cartman avait toujours besoin qu'on fasse attention à lui. Il gâcherait tout avec un immense plaisir.
- Souris, vieux, dit Stan pendant qu'ils marchaient jusqu'au grand hall d'entrée du Walmart. Il mit son bras autour des épaules de Kyle. Ça va aller. Promis.
Ces mots s'enfoncèrent douloureusement dans la poitrine de Kyle, parce que ce n'était pas une promesse que Stan pourrait tenir. Ça n'irait pas. Road trip ou pas, bientôt ils seraient loin l'un de l'autre.
Ils trouvèrent Kenny en train de ranger des DVD au rayon film. Il portait sa veste bleue de travail qui lui pendouillait sur les épaules et avait l'air à moitié endormi. Stan attrapa le bras de Kyle et l'arrêta avant d'approcher plus près.
- Ne dit rien à propos de la remise de diplôme, chuchota Stan. Sauf s'il en parle en premier.
- Bien sûr, vieux.
Ils étaient devenus très protecteurs envers Kenny depuis quelques années. Son père les avaient abandonnés mais il avait voulu laisser un souvenir : Kenny était arrivé un matin à l'arrêt de bus avec un œil au beurre noir, une côte cassée, une balafre sur la joue et des bleus dans le dos. Stan et Kyle étaient restés bouche bée. Ce fut Stan qui sut quoi faire, d'instinct. Il avait posé sa main sur le dos de Kenny et l'avait entraîné doucement jusqu'à sa maison, qui était vide à cette heure-ci. Kyle suivit. Aucun d'eux n'avait parlé sur le chemin. Kenny s'était laissé tomber dans le lit de Stan, il avait les yeux rouges mais ne pleurait pas. Stan avait enlevé ses chaussures et s'était allongé à coté de Kenny, Kyle l'avait imité. Ils avaient regardé la télé en silence, Kenny blottit entre eux deux, somnolant, confortablement installé contre Stan, parfois tourné vers Kyle pour lui agripper le bras. Ça dura tous les jours pendant une semaine, le plus souvent en silence, Stan et Kyle allant à tour de rôle dans la cuisine se faire des sandwiches et chercher de l'Advil pour Kenny, qui serrait les dents à chaque fois qu'il se tournait sur le côté. Kyle avait eu des problèmes pour avoir séché les cours et fut puni pendant un mois, mais il ne regrettait rien. Kenny avait recommencé à rire le troisième jour, devant une pub débile à la télé et quand Stan lui avait raconté une histoire sur son oncle Jimbo.
- Quoi de neuf les potes ? Alors cette journée de fou ? dit Kenny quand ils arrivèrent avec un grand sourire. Il posa sa machine à étiqueter pour leur dire bonjour, en tapant la main de Stan et le dos de Kyle. Il était toujours un peu trop tactile avec eux, capable de s'endormir avec la tête sur leurs épaules quand il avait trop bu.
- C'était plutôt cool, répondit Stan. Wendy a insulté Cartman pendant son discours.
- Sérieux ? J'aurais voulu voir ça.
- Mon père l'a filmé, dit Kyle en se sentant idiot. Les choses n'étaient plus aussi simple depuis que Kenny avait quitté l'école, il essayait toujours de deviner ce qui pourrait le blesser ou non. Kenny ne laissait jamais rien paraître, mais son sourire devenait moins franc dès que Stan et Kyle parlaient de la fac.
- Mauvaise nouvelle, vieux, reprit Stan. Les parents de Butters étaient sérieux à propos de ses notes. Il ne peut pas venir.
Le sourire de Kenny disparu, et pendant un moment il sembla sur le point d'exploser les étagères de DVD. Il poussa un juron et leur tourna le dos, comme s'il avait besoin d'un instant pour se calmer. Kyle échangea un regard avec Stan. Ils savaient que Kenny voulait absolument faire ce voyage, pour des raisons différentes et personnelles. Il n'était jamais parti en vacances pour de vrai, n'avait jamais vu l'Océan Pacifique. Ils savaient tous que ça pourrait bien être sa dernière chance d'avoir six jours de liberté avant très longtemps. Il avait dû supplier son patron pour poser un congé.
- Putain, ça fait chier, dit Kenny avec colère. Il est majeur maintenant. Pourquoi il ne leur dit pas d'aller se faire foutre ?
- Tu sais qu'il a besoin de ses parents pour qu'ils payent sa fac, dit Kyle. Ils ne le laisseront jamais demander une bourse d'études, alors ils peuvent le contrôler. Ils sont dingues, vieux. Mais va essayer de faire comprendre ça à Butters.
- On aurait dû faire les démarches à sa place, dit Stan l'air incertain.
- Il n'aurait pas voulu, interrompit Kenny. Pas si ses parents sont contre. Bordel de merde, Butters. Fait chier !
- Mais ne t'inquiète pas, on a eu une idée ! dit Stan en lui frottant gentiment le dos pour le calmer. Peut-être qu'eux aussi était un peu trop tactiles avec Kenny. Ils avaient pris l'habitude de s'occuper de lui comme un petit frère en grandissant, voire de le cajoler pour l'aider à se remettre de ses blessures, généralement pendant qu'il dormait. Ils pouvaient discuter tranquillement avec Kenny assoupi entre eux deux, sans se rendre compte qu'ils lui tenaient la hanche où touchaient ses blessures encore sales du bout des doigts. Il était comme leur œuf, celui du cours d'apprentissage parentale, et ils avaient été tellement fiers d'être parvenus à réparer sa coquille cassée.
- L'idée c'est que Cartman vienne à sa place, dit Kyle. Je crois que je préfère me vendre un organe pour payer l'essence.
- J'aimerais tellement pouvoir vous donner un peu d'argent, dit Kenny en attrapant la machine à étiqueter pour coller des 9.99 $ rageurs sur les DVD de Jurassic Park. Mais j'ai dû tout mettre dans ma putain de voiture pour la faire réparer, et j'en ai besoin pour le travail…
- Vieux, t'inquiète, ça fait rien, coupa Stan en lui serrant l'épaule. Et je suis sûr que Cartman sera fou de joie de venir. Ça va sûrement flatter son ego qu'on ait besoin de lui.
- Ouais, et on en subira les conséquences pendant six jours, grogna Kyle. Tu ne crois pas qu'on devrait essayer de convaincre Butters pour qu'il se rebelle contre ses parents ?
- Non, c'est mort s'ils ne veulent plus lui payer ses études, dit Kenny.
- Oui, on ferait mieux de ne pas envenimer la situation, acquiesça Stan. On demandera à Cartman pendant la soirée ce soir et on verra bien. Tu viens toujours ? demanda-t-il à Kenny, qui hocha la tête. Il avait l'air épuisé, comme tout à l'heure quand ils l'avaient regardé de loin ranger les rayons.
- Peut-être que ça ira avec Cartman, et qu'il passera son temps à dormir, dit Kyle. Il ne voulait pas briser les rêves de Kenny, ni ses propres rêves d'évasion et de route déserte sous un ciel immense avec Stan.
- Ouais, dit Stan avec espoir. Kenny renifla.
- Pourquoi ils lui font ça ?
- Qui ? demanda Kyle.
- Ses parents. Putain. Ça me dégoûte.
Il se remit à étiqueter les DVD sans vraiment les regarder. Kyle et Stan échangèrent à nouveau un regard. Kenny avait eu une enfance horrible avant que son père ne parte, et quand il se tira ce fut à Butters de décrocher le titre de Vie La Plus à Chier à South Park, même si a priori il avait toujours eu de quoi manger et n'avait jamais été forcé de nettoyer le vomi de ses parents sur le sol de la cuisine - du moins d'après ce que Kyle savait. Mais il y avait quelque chose de très inquiétant dans son éducation. Kenny avait dit un jour qu'il pensait que le père de Butters le battait, mais il n'avait pas voulu répondre quand Kyle lui avait demandé ce qui lui faisait dire ça.
Kenny était toujours de mauvaise humeur quand ils s'en allèrent, et il n'avait pas donné son avis à propos du plan-Cartman. Stan acheta un slushie à la cerise au rayon glace de Walmart, qu'ils sirotèrent à tour de rôle en retournant à la voiture.
- Tu veux traîner un peu avant la fête ? demanda Stan. Kyle acquiesça et avala un morceau de slush glacé. Il se senti bêtement victorieux de savoir que Stan ne passerait pas les prochaines heures avec Wendy. Leur discussion avait dû être reportée à une date ultérieure. Ça serait logique vu leur vie amoureuse. Wendy était une grande oratrice et Stan une des personnes à esprit le plus ouvert que Kyle connaissait, mais quand il s'agissait de parler de leur relation, ils devenaient aussi éloquent que de gamins d'école primaire qui communiqueraient en griffonnant dans les marges de leurs cahiers.
Ils passèrent le reste de l'après-midi à l'ombre, à cause de la chaleur étouffante, dans la chambre de Stan, le ventilateur dirigé vers le lit où ils étaient affalés pour regarder des vieux films de Kung Fu stupides sur l'ordinateur portable de Stan. Il les trouvaient hilarants, ce qui n'était pas l'avis de Kyle qui était plutôt barbé par ce genre de film. Mais ça ne le dérangeait pas s'ils les regardaient dans cette position, avec l'ordinateur posé sur le ventre de Stan, montant et descendant selon sa respiration.
- Tu crois qu'on devrait appeler Cartman ? demanda Stan au bout d'un moment. Kyle, qui somnolait, cligna des yeux en regardant l'écran.
- Non. Attendons le tout dernier moment. Un miracle est toujours possible.
- Genre quoi ? Mon père va rentrer en courant et dire qu'il a gagné au loto ?
- Oui, et il va tout investir dans une usine de soda Coors Light, dit Kyle. Stan rit et lui tapa l'épaule.
- Je n'arrive pas à croire qu'on va enfin être débarrassés de nos parents, dit-il.
- Ouais…
Il ne trouvait pas la perspective si enthousiasmante, pas en vivant si loin.
- Tu vas vraiment boire avec moi ce soir ? demanda Stan. Kyle grogna. Il avait espéré que Stan ait oublié.
- J'essayerai, dit-il.
- C'est pas comme des exercices de physique, vieux. N'essaye pas, avale.
Kyle se senti rougir, et il fixa l'écran jusqu'à ce que Stan arrête de le regarder. Stan poussa un long soupir qui fit descendre l'ordinateur très bas. Il avait l'air fatigué. Kyle essaya de s'endormir, et au bout de deux tentatives il avait presque réussit à s'assoupir quand on tapa à la porte. Ils se redressèrent immédiatement.
- Stan !
C'était Randy, son père, évidemment.
- Stan, qu'est-ce que tu fais ? Kyle est avec toi ? Grand-mère veut te voir.
Stan rouspéta un peu puis poussa l'ordinateur sur les hanches de Kyle, en se penchant pour mettre le film sur pause. C'était comme s'il appuyait sur bouton dans la tête de Kyle, pour le maintenir en place.
- Je reviens, dit Stan. Kyle hocha la tête.
Kyle ouvrit le navigateur de recherche et regarda son historique dès que Stan referma la porte. Stan était trop naïf ou tête en l'air pour s'embêter à l'effacer. La plupart des sites qu'il avait consultés étaient sans intérêt : le portail de sa future fac UCLA, La Gazette de Denver, le site officiel des Broncos, des blogs de fan, quelques sites amusants que Kyle lui avait fait découvrir il y a des années, un ou deux sites pornos, et Gmail. Kyle cliqua sur la barre URL pour aller voir un des sites humoristiques, mais son doigt cliqua à coté et la page Gmail s'ouvrit.
Il regarda la porte. Il n'y avait aucun bruit dans le couloir. Le dernier message venait de Wendy, déjà lu. Il pouvait lire la première phrase sur la page d'accueil : « J'ai reçu le descriptif de mes cours aujourd'hui ! » Il ne devrait pas cliquer, mais après tout ça n'avait pas l'air trop intime. Stan s'en ficherait probablement de toute façon. Il regarda à nouveau la porte.
J'ai reçu le descriptif de mes cours aujourd'hui ! J'ai tellement hâte. J'ai déjà surligné au moins cinquante cours que j'aimerais prendre pour le premier semestre. Il y en a un sur les Mathématiques Mayas. C'est comme si j'allais pouvoir faire partie d'une conversation passionnante que j'aurais juste entendue par le trou de la serrure avant, tu vois ?
Kyle renifla, en imaginant ce que Stan avait pu répondre. Son cours préféré en Terminale avait été celui des sciences domestiques, un de ses nombreux choix motivés par la flemmardise : il l'avait juste choisi parce que ça rentrait dans son emploi du temps. Il avait passé l'année assis au fond de la classe avec un groupe de glandeurs, à rire quand ils racontaient leurs anecdotes hilarantes, comme celle où ils avaient mis au point un stratagème pour commander des nuggets de poulets au drive du Taco Bell. Stan n'était pas idiot, il était tout à fait capable de prendre part à une conversion passionnante, mais il n'en aura jamais une à propos des Maths Mayas.
Kyle ouvrit les mails précédents, le cœur battant la chamade. Il avait peur de tomber sur des échanges pervers ou des déclarations d'amour, mais il n'y avait que des messages d'une ou deux lignes à propos de films qu'ils voulaient voir ou de quelqu'un qui leur avait pris la tête au lycée. Rien que Kyle fut surpris de lire : il avait déjà tout entendu de la bouche de Stan, y compris l'histoire de Wendy qui s'étaient disputée avec Bebe parce qu'elle avait couché avec Clyde dans son lit pendant la fête du bal de promo.
Kyle entendit Stan monter les marches quatre à quatre. Il ferma la page internet dans un mouvement de panique en éteignant au passage le film sans faire exprès. Il ferma l'ordinateur pour faire comme si c'était intentionnel, le posa à côté de lui et roula sur le côté en fermant les yeux pour faire semblant de dormir pile au moment où Stan ouvrit la porte. Son cœur battait si fort qu'il avait peur que Stan l'entende tambouriner contre le matelas. Kyle resta figé, les mains serrées sur ses genoux en écoutant Stan rentrer dans la chambre. Il ouvrit quelque chose et il y eu un pschitt : il se remettait du déodorant ? Oui, aucun doute : Kyle pouvait en sentir l'odeur quand Stan approcha. Il se pencha au dessus Kyle pour prendre le portable, et il l'entendit le poser sur son bureau. Kyle pensait qu'il allait s'asseoir, peut-être pour répondre au message de Wendy sur les Mayas, mais il retourna vers le lit et s'installa à côté de Kyle en poussant un soupir. Dans sa hâte, Kyle ne lui avait pas laissé beaucoup de place, et ils étaient plus proches que d'habitude, son le nez touchait presque l'épaule de Stan. Il grommela et fit semblant de se réveiller, mal à l'aise. Il cligna lentement des yeux et les leva vers lui, comme un mauvais acteur.
- Désolé, dit Kyle. Ce film était vraiment à chier.
- C'est tout l'intérêt, répondit Stan avec un sourire. Il s'allongea sur le côté pendant que Kyle se collait au mur, pour lui laisser plus de place.
- Ne t'endors pas pendant la soirée.
- C'est la chaleur, marmonna Kyle. Ça me fatigue.
- On dirait ma grand-mère.
Kyle le tapa gentiment, et Stan fit de même, sa main glissa sur l'épaule de Kyle puis se posa sur le matelas, entre eux. Ça aurait dû être bizarre, leurs têtes sur le même oreiller, le calme de la chambre, l'odeur du déo de Stan. Ça n'avait jamais été bizarre pour Kyle. C'était le seul endroit au monde où toute la tension qu'il portait sur ses épaules disparaissait. Même son propre lit n'avait pas cet effet magique.
- Ça va aller, dit Stan, et Kyle le regarda, surpris.
- Ah oui ? Il ne pensait pas que Stan s'était rendu compte à quel point il était inquiet et n'aurait pas cru que l'entendre le dire à voix haute lui ferait autant de bien. Il était presque prêt à croire que oui, ça irait, même si c'était la fin de leur vie d'enfants inséparables.
- Cartman sera tellement heureux d'être invité qu'il ne sera pas trop chiant avec toi, reprit-il. Kyle étouffa un petit rire. Il ouvrit la bouche pour dire à Stan que ce n'était pas le voyage qu'il l'inquiétait, pas vraiment, mais à quoi bon ? Il ne voulait surtout pas que Stan se sente coupable, ou lui faire croire qu'il avait l'impression qu'il l'abandonnait pour sa nouvelle vie de footballeur.
- J'imagine que t'as raison, dit-il, juste pour que Stan se sente mieux. Il avait tort. Stan surestimait tout le monde, même Cartman.
- Rendors-toi si tu veux, dit Stan en se tournant sur le dos pour prendre un livre sur la table de nuit. Je vais lire un peu.
- Lire ?
- Ouais Kyle, parfois je lis des livres. Il le tourna vers Kyle pour qu'il puisse voir la couverture : « UCLA : Programme Pédagogique et descriptif des cours » Kyle se sentit blessé, comme si Stan était en train d'avoir une conversation secrète avec Wendy, là au milieu d'un de leurs derniers moments rien qu'à eux.
- Tu vas choisir lesquels ? demanda-il en se rapprochant pour voir les pages du livret.
- Aucune idée. Un peu de tout. Peut-être une nouvelle langue bizarre.
- Prend hébreux.
Stan rigola.
- Ça pourrait être génial, en fait. On ferait tellement chier Cartman.
- Oui, dit Kyle qui perdit son sourire en se rappelant qu'avoir un langage secret avec son meilleur ami serait complètement inutile à présent. Combien d'occasions auront-ils encore d'embêter Cartman ? Il avait été accepté à Yale, l'une des meilleures facs au monde, ce qui avait rendu Kyle fou de rage, car lui aussi avait été accepté là-bas, mais on avait rejeté sa demande de bourse. C'était une bonne décision financière de partir à Penn State, et il ne la regrettait pas, mais entendre Cartman se vanter que sa mère pouvait lui payer des études à Yale était vraiment insupportable.
Ils lurent le livret pendant quelques heures, riant en voyant que la fac proposait des cours de yiddish. Stan l'entoura et dessina des petites étoiles autour. Il avait l'air ravi par ses choix, et n'avait rien sélectionné d'aussi stupide que Mathématique Maya. Il avait choisi Écologie, Cinéma Moderne et Histoire de l'Industrie Automobile Américaine. Kyle lui traça un tableau pour vérifier si les horaires étaient compatibles avec sa base de cours imposés. Il se rendit compte en remplissant les cases pour les heures d'entraînement au football américain qu'il était en train de s'imaginer là-bas lui aussi, en train d'aller en cours avec Stan, de l'aider à réviser. Dehors, le soleil commençait à se coucher.
- Regarde-toi, à tout planifier, dit Stan en lui prenant l'emploi du temps des mains. Tu viens juste d'organiser les six prochains mois de ma vie en moins d'une heure.
- Pas moins d'une heure, répondit Kyle un peu gêné en se redressant sur son coude pour regarder le réveil sur la table basse par-dessus la poitrine de Stan. Il est presque dix-neuf heures.
- Sans déconner ? C'est passé tellement vite.
- On va se préparer pour la fête ? demanda Kyle, pas encore prêt pour avoir cette discussion, celle où ils se diraient à quel point leurs derniers jours ensemble étaient passés vite.
- Oui, dit Stan. Il posa le tableau et le livret de la fac dans le tiroir du haut de sa table de nuit. Il y avait deux petites bouteilles d'alcool dans le tiroir du bas.
- Vodka ou Rhum ? Demanda-t-il en les levant toutes les deux.
- C'est comme ça qu'on va se préparer ? Kyle senti une chaleur monter dans sa nuque. Tes parents ne vont pas le sentir ?
- Vieux, on ne conduit pas, et c'est notre dernière soirée avec les gens du lycée, pour toujours. Mon père trouvera sûrement ça étrange si je ne pars pas de la maison déjà un peu bourré. Alors, tu veux quoi ?
- Lequel est meilleur ?
Stan leva les yeux au ciel et s'assit en tailleur, face à Kyle, qui fit de même en s'avançant, leurs genoux presque collés.
- On va en boire un peu de chaque, dit-il. Essaye la vodka en premier. Ça a moins de goût.
Kyle était sûr que la vodka ne pouvait pas avoir moins de goût que quoi que ce soit. Il avait l'impression d'avoir la gorge en feu, et le rhum fut encore pire, surtout juste après. Il eut du mal à boire quatre petites gorgées des deux bouteilles, et fut surpris que Stan puisse les finir toutes les deux sans problème. Stan buvait avec ses copains du foot le samedi soir, chez un des membres de l'équipe quand les parents laissaient faire. Kyle recevait parfois un SMS qu'il envoyait ivre, et en avait conservé certains, devenus cultes : hé kyle ut devrais voir cette vidoe du chien trop mrarant ou encore : je vais te fiar des crêpes pour ton anniv oué
Stan insista pour que Kyle se change et mette une de ses chemises légères. Il la boutonna jusqu'en haut, avec un T-shirt blanc à Stan en dessous, fraîchement lavé. Ses vêtements avaient son odeur, et ils donnaient à Kyle une certaine assurance, comme s'il se sentait plus grand. Il décida de faire un effort avec l'alcool pendant la fête.
- On ne doit pas abuser, rappela-il sur le chemin vers la maison de Clyde en mangeant un sac de tortillas que Stan avait piqué dans la cuisine avant de partir. Demain on conduit, n'oublie pas. Cinq heures jusqu'à Grand Mesa.
- Je conduirais jusque là-bas, répondit Stan. Il le tira vers lui en mettant son bras autour de ses épaules. Kyle frissonna. Ça te laissera le temps de récupérer, reprit Stan.
- Bien sûr, avec Cartman à l'arrière ? Ou à l'avant ! Il va probablement insister pour s'asseoir là tout le temps en échange de sa participation.
- Pas question. Quand je conduis tu es à côté de moi, et vice versa. C'est non-négociable.
Kyle attrapa quelques chips qu'il fourra dans sa bouche pour dissimuler son sourire. Stan garda son bras autour de lui pendant presque tout le chemin, en mangeant des chips et en parlant musique. Ils n'avaient pas les mêmes goûts musicaux. Kyle se fichait qu'on trouve les chansons qu'il aimait idiotes. Mais il évitait soigneusement quoi que soit qui puisse paraître stupide aux yeux de Kenny, pour sa fierté. Cartman se moquera de lui, probablement.
- Il n'est pas autorisé à choisir les chansons, dit Kyle.
- Noté. Qu'est-ce que tu penses de commencer par voir s'il saute au plafond à l'idée de partir avec nous, avant d'écrire un règlement ?
- Bon Dieu, ça me rend dingue qu'on soit obligés de lui demander une faveur. Genre, « Oh, s'il te plaît Cartman, vient gâcher nos vacances ! On te le demande à genoux ! »
- Il ne les gâchera pas. Calme-toi, vieux. Regarde, c'est la fête.
Ils étaient arrivés devant chez Clyde, le ciel presque déjà couleur bleu-encre au-dessus de la maison. Quelques filles et garçons commençaient à s'agglutiner devant la porte d'entrée, ou bien étaient installés par terre dans le jardin. Kyle sentait l'habituelle montée de stress que lui provoquait les débuts de soirées monter dans sa poitrine : Stan saurait exactement où aller, à qui parler, et lui resterait planté à côté de lui. Au bout d'un moment, Stan disparaîtrait avec Wendy, et Kyle passerait le reste de la fête à fuir Cartman et à surveiller que Kenny ne se casse pas la figure. Parfois c'était Butters qui prenait soin de lui, mais il ne serait certainement pas là ce soir.
La fête venait de commencer à l'intérieur, avec la musique au maximum dans le salon et les gens qui squattaient la cuisine pour profiter du buffet avant que tout ne disparaisse. Cartman était là-bas, en train de manger une part énorme d'un Subway coupé en plusieurs morceaux.
- Tu vas le finir ? demanda Kyle
- Tu aimerais bien pouvoir manger comme un vrai mec toi aussi, juif, cracha Cartman la bouche pleine de salade et de jambon. On ne peut pas tous être allergique au lait et diabétique.
- J'aimerais bien savoir comment tu as fait pour ne pas devenir diabétique, dit Stan à Cartman en prenant des parts de sandwich pour Kyle et lui. T'as un régime alimentaire à base de gras et de sucre.
- Ces conneries sur la bouffe industrielle mauvaise pour la santé ont été inventées par les lobbies bios, lança Cartman. J'ai de la chance que ma mère soit assez intelligente pour ne pas croire ces connards de hippies.
- Ouais, quelle chance, marmonna Stan en jetant un coup d'œil à Kyle comme pour le supplier mentalement de ne pas entrer dans un débat. Kyle mordit dans son sandwich, agacé.
- Écoute, dit Stan en s'adressant à Cartman. Tu sais que je dois commencer l'entraînement de foot la semaine prochaine ?
- Je n'arrive pas à croire que tu vas vraiment jouer au foot avec ta fac. J'aurais pu le faire – J'ai eu plein d'offres, qu'est-ce que tu crois, l'Université du Mississippi a même proposé de me payer une pute différente chaque soir si je disais oui – mais ce genre de merdes c'est pour les beaufs. Ils vont juste profiter de toi et t'entuber, Stan.
- Génial, merci pour tes conseils, dit calmement Stan. Il était devenu très bon pour ignorer Cartman en grandissant, contrairement à Kyle. Donc, nous partons demain en voiture pour y aller ensemble, Kyle et moi, et on se disait, Hé ! Et si on emmenait Kenny et Cartman avec nous ? Comme au bon vieux temps.
Cartman le regarda en plissant les yeux, pour essayer de deviner ce qu'ils avaient à y gagner. Kyle se mordit les lèvres et resta impassible. Il regarda Stan, qui était meilleur que lui pour cacher son jeu.
- Kenny vient ? demanda Cartman.
- Oui.
- Vous lui avez déjà demandé ?
- Non, dit fermement Stan. On voulait d'abord t'en parler.
- Normal, parce que vous avez besoin de fric, dit Cartman avec un air supérieur. Et Kenny-le-clochard n'a jamais été capable d'en trouver. Est-ce qu'il pourra prendre des vacances avec sa formation de balayeur ?
- T'es vraiment un enculé, dit Kyle en serrant dents. Stan lui toucha le creux du dos pour lui dire de se taire.
- Je suis sûr que Kenny pourra prendre un congé, dit-il. Alors, qu'est-ce que t'en penses ? Ce serait sympa, non ?
- Je viens à condition que le juif ne conduise pas.
- Je t'emmerde ! Kyle savait qu'il devrait apprendre à ne pas se laisser emporter, mais il était certain d'en être incapable. Je conduis très bien. Ce n'est pas moi qui suis rentré au moins soixante fois dans la boîte aux lettres des Tucker.
- Je l'ai fait exprès ! rugit Cartman. On aurait dit qu'il grandissait d'un mètre quand il s'énervait, prêt à se battre en se redressant devant Kyle. C'était pour emmerder Craig !
- On conduira tous à tour de rôle, dit précipitamment Stan en se mettant entre eux deux. Sois pas con, Cartman. Tu veux venir ou pas ?
- D'accord, répondit Cartman. Il était clairement ravi d'avoir été invité, mais ne voulait pas le montrer. Je veux choisir la musique.
- Tu peux courir, dit Kyle.
- Tu pourras choisir quand c'est toi qui conduis, répliqua Stan. Kyle lui jeta un regard noir, mais Stan se contenta de hausser les épaules. Celui qui conduit peut écouter ce qu'il veut, reprit-il. C'est normal.
- Merveilleux, dit Cartman avec un grand sourire. Kyle poussa un grognement parce qu'il savait bien que Cartman se fichait de la musique. Il choisirait les plus grosses merdes possibles, de la country jouée avec des casseroles ou de la vielle techno.
- Bon, on part très tôt demain, reprit Stan. Et le voyage dure six jours.
- N'oublie pas ton déo, dit Kyle, en se retenant de lui dire qu'il aurait bien fait d'en mettre avant de venir la fête. Cartman sentait un mélange de vieille sueur et de mayonnaise.
- Ok, si tu n'oublies pas ta boîte de tampons, vu que tu as clairement tes règles depuis ce matin.
Stan entraîna Kyle hors de la cuisine, pour éviter des dommages collatéraux. Kyle se laissa faire. Ils allèrent dans la salle à manger, où les bouteilles d'alcools étaient alignées comme s'ils étaient à un buffet.
- Tu crois que les parents de Clyde sont au courant ? demanda Kyle pendant que Stan lui préparait un mélange.
- Je crois bien. Ils sont un peu bizarres. Tiens, goûte ça.
- C'est quoi ?
- Vodka et Schnaps à la pêche, répondit Stan avec un sourire. Je viens de le faire.
- Tu devrais lui donner un nom, dit Kyle en reniflant le verre. Ça sentait bon le parfum et les bonbons chauds.
- T'as raison. Je vais l'appeler « Une boisson assez girly pour que Kyle la boive ».
- Ta gueule, dit Kyle en le tapant. C'était plutôt bon, le goût du fruit cachant celui de la vodka. Stan prit une bière, et Kyle finit son premier verre très vite. Il leva son gobelet en plastique rouge pour que Stan lui en fasse un autre.
- Hé, les mecs ! Contente de vous voir ! s'exclama Bebe en venant vers eux alors que Kyle sirotait son deuxième verre. Elle se prenait toujours pour la maîtresse de maison quand Clyde faisait une fête chez ses parents. Ils sortaient ensemble depuis l'école primaire. Leurs disputes étaient légendaires, et d'après les rumeurs, ils avaient couché dans toutes les salles de cours du lycée pour réussir un défi qu'ils s'étaient lancés. Ils se gueulaient toujours dessus en public, mais Wendy affirmait que c'était leur façon à eux d'exprimer leur amour.
- La musique est à chier, non ? dit Bebe en attrapant Stan par le bras, un Smirnoff Ice à la main. J'ai dit à Clyde que la musique était à chier, mais il ne m'écoute jamais.
- Vous allez dans la même fac tous les deux à la rentrée ? demanda Stan.
- Arg, oui, répondit Bebe en fronçant les sourcils. Elle regarda la porte qui donnait sur le salon où se trouvait Clyde, posé près du canapé en train de parler avec Craig. Enfin c'est plutôt Clyde qui va me suivre là-bas, reprit-elle. C'est vraiment un bébé, sans déconner, même pas capable de partir à la fac sans sa nounou. De toute façon, on va rompre. Wendy t'en a parlé ?
- Wendy est toujours en colère contre toi à cause de la soirée du bal de promo, dit Kyle. Stan le regarda par-dessus la tête de Bebe avec des yeux ronds. Kyle haussa les épaules et avala une gorgée de cocktail. Il était plus corsé que le premier, on dirait.
- Elle est vraiment fâchée ? demanda Bebe. Elle se passa la main dans les cheveux, l'air embêtée, en levant les yeux vers Stan qui secoua la tête.
- Ne l'écoute pas, il a déjà trop bu, il dit de la merde. Elle n'est pas fâchée.
- Je ne m'étais même pas rendu compte que c'était son lit, j'étais trop déchirée. Je lui ai même proposé de laver ses draps !
- T'inquiète, elle s'en fout, dit Stan en levant la main en l'air. Elle est déjà arrivée ?
- Je l'ai vue à l'arrière, répondit Bebe. Pourquoi ? Tu veux l'emmener « discuter » ? Vous pouvez prendre la chambre Clyde si vous voulez !
- Prendre ma chambre pour quoi faire ? Clyde venait d'entrer dans la salle à manger. Il prit une bière dans la glacière et tapa dans la main de Stan pour le saluer, en ignorant Kyle. Clyde était devenu trop cool pour consentir à lui parler depuis qu'il avait été l'un des premiers garçons à se faire sucer, en troisième. C'était Bebe qui l'avait fait, et elle lui avait cassé la gueule devant le collège en apprenant qu'il l'avait dit à tout le monde.
- Je n'ai pas besoin de la chambre de Clyde, dit Stan.
- Wendy et lui n'ont toujours pas eu leur discussion, chuchota Bebe, assez fort pour que tout le monde entende. Elle avait l'air pompette et Kyle trouva que c'était une très bonne raison pour se resservir un verre.
- On ne va avoir aucune discussion, dit Stan calmement. On verra comment ça se passera une fois sur place, si ça nous convient ou pas.
- T'as pas intérêt à la larguer pour te faire une cheerleader, dit Bebe. Kyle rit à l'idée, le nez dans son gobelet. Stan avec une petite cheerleader, qu'il pourrait sauter après les matchs. Il pourrait la demander en mariage en passant dans l'écran géant pendant un match des Broncos. Elle porterait des cache-oreilles en moumoute blanche et du fard à paupières à paillette. Kyle avait déjà imaginé ce genre de scénario, et quelles excuses il pourrait trouver pour ne pas avoir à l'accompagner comme témoin à l'église. Même le voir se marier avec Wendy serait moins pire que ça.
- Fous-lui la paix, lança Clyde. Il va se taper pleins de meufs à la fac. Ils vont te laisser jouer comme quarterback ? demanda-t-il à Stan en lui donnant un coup sur le torse.
- Je ne le saurai pas avant d'avoir commencé l'entraînement. Je vais chercher Wendy.
- Tu vois ! s'exclama Bebe en lançant une framboise sur Clyde. Il l'aime, abruti. Il s'en fout pas mal des chattes des cheerleaders.
- Je te parie cent dollars qu'ils ne resteront pas ensemble, dit Clyde à Bebe quand Stan fut trop loin pour l'entendre.
- Je prends le pari, dit Kyle, car il était certain qu'ils le feraient, mais Clyde l'ignora alors il remplit son verre et suivit Stan sous la véranda, à l'arrière de la maison. D'habitude il s'éloignait quand Stan cherchait Wendy, mais ce soir il voulait rester près de lui le plus possible. La soirée semblait planer au-dessus de l'eau, légère et parfaite. Il rit tout seul quand il se rattrapa à Stan par son T-shirt. Stan se tourna pour lui sourire.
- Tu es bourré, rigola-t-il. Va manger un peu de sandwich.
- Cartman a déjà dû le finir.
- Sans doute.
Stan le tenait par le bras et l'entraînait à travers la foule sous la véranda. Kyle ne se sentait plus comme un grand rouquemoute trop maigre. C'était comme quand ils étaient enfants, quand les gens étaient surpris de les voir l'un sans l'autre, comme si ce n'était pas normal que le duo se sépare même deux minutes.
- Hé ! appela Wendy en les voyant arriver. Elle était appuyée contre la balustrade, un verre à la main à côté de Jimmy.
- Ça alors, le d-duo de choc, dit Jimmy joyeusement. On parlait de v-vous les gars.
- Ah oui ? questionna Stan. Kyle rit encore, parce que c'était juste trop drôle, surtout la façon dont Jimmy le disait. Jimmy partait en Californie, lui aussi, convaincu qu'il deviendrait un comédien célèbre.
- On disait que c'est triste que vous deviez partir étudier si loin l'un de l'autre, expliqua Wendy en regardant Kyle rapidement.
- J'aurais dû aller à UCLA, dit Kyle en souriant, essayant d'en rire. Wendy haussa les sourcils.
- Oh non. Combien de verres ?
- C'est la première fois qu'il boit, confia Stan. Il le tenait fermement, mais Kyle le repoussa en gloussant. Il se pencha contre la balustrade et but une gorgée qui coula sur son menton.
- Ça va, dit Kyle. Je vais super bien. Hé - hé, Wendy. Devine avec qui on part en vacances ?
- Je sais que Butters est puni pour tout l'été, dit Wendy sévèrement. C'est n'importe quoi. Qui vous avez choisi pour le remplacer ?
- Cartman ! annonça Kyle, assez fort pour que des gens se retournent vers lui. Cartman vient avec nous. C'est la grande idée de Stan.
- C'est pas comme si on avait le choix, personne d'autre n'aurait dit oui si on avait demandé à la dernière minute comme ça, dit Stan quand Wendy le regarda d'un air perplexe. Et il n'est pas – enfin – il est chiant, c'est sûr, mais il ne nous gâchera pas le voyage, ajouta-il en regardant Kyle dans les yeux. Juré.
- Il me le jure, dit Kyle en regardant Wendy. Elle rigola.
- Je n'aurais jamais cru voir Kyle bourré.
- Je ne suis pas bourré, répliqua Kyle. Il se laissa tomber à coté de Stan et leva les yeux vers lui. Pas vrai ?
- Oh que si, vieux. Viens, on va te chercher un truc à bouffer.
Le reste de la fête fut une espèce de mélange de chips, avec quelques verres en plus et de la mauvaise musique, si mauvaise que Kyle dansa dessus. La plupart des invités étaient ivres eux aussi, et vers minuit Kyle était assis devant la porte d'entrée et riait aux éclats en compagnie de Clyde comme s'ils étaient de vieux amis, avec ses énormes bras autour des épaules.
- Tu te rappelles quand les filles avaient dit que j'étais le plus beau de l'école ? marmonna Clyde, sa bouche tout près de l'oreille de Kyle. Et que toi – t'étais le plus moche ? T'souviens ?
- Ouais, dit Kyle. Et toi, tu te souviens que c'était juste parce qu'elles voulaient que tu leur offres des chaussures de la boutique de ton père ?
- C'était l'idée de ma putain de copine, mec, continua Clyde. Son visage s'assombrit. La fille avec qui je sors depuis le primaire m'a baisé pour une paire de chaussures.
- Tu sais qu'elle t'aime, lui-dit gentiment Kyle en lui frottant le genou. Elle a juste une drôle de façon de le montrer.
Il leva les yeux en voyant Kenny entrer nonchalamment dans le jardin. Il se redressa pour lui faire signe joyeusement, en agitant sa boisson au-dessus de sa tête. Il en tomba un peu sur la tête de Clyde, mais il n'avait pas l'air de s'en rendre compte.
- T'es torché ? demanda Kenny en se plantant devant lui. Il avait l'air fatigué, toujours habillé avec le sweat de sport de cet après-midi, une cigarette à la main.
- 'Porte quoi, ha ha, dit Kyle. Il se releva et trébucha en avant, en se rattrapant à Kenny. Il fit semblant de vouloir le prendre dans ses bras. Oh, Kenny, devine quoi. Cartman part avec nous. Stan dit que ça va aller.
- Si c'est Stan que le dit, dit Kenny en lui tapotant le dos avant de s'éloigner un peu.
- Hé, Kenny, lança Clyde en le regardant étrangement. T'étais où aujourd'hui, mon pote ?
- Je travaillais. Tu sais que j'ai lâché les études.
- Oh, ouais, c'est vrai. Clyde prit une gorgée de bière. Mais ne t'inquiète pas. Tu peux toujours venir à ma fête pour la remise des diplômes.
Kenny fixa Clyde un moment, avec une expression indéchiffrable sur le visage. Kyle resta planté à le regarder, inquiet. Allaient-ils se battre ? Son ventre commençait à se tortiller, comme s'il se remplissait de serpents.
- Tu sais quoi, dit Kenny. Je viens me souvenir que j'ai un truc à faire.
- Non, Kenny ! Kyle lui attrapa le bras pour le retenir. Attends, s'il te plaît, tu viens d'arriver ! On va parler du voyage, qu'est-ce que t'en dis ? Viens, prends un verre.
- C'est open-bar, dit Clyde. On sait tous que t'aimes bien ça.
- Va te faire foutre ! rugit Kenny en serrant les poings. Je suis juste venu demander à un truc à Kyle. J'en ai rien à secouer de ta putain de fête de lycéens à la con. T'as peut-être pas remarqué mais le lycée c'est fini, bordel.
- Oui, et pour toi ça n'a jamais vraiment commencé, non ? répliqua froidement Clyde en se levant. Kenny voulu se jeter sur lui mais Kyle l'arrêta. Clyde entra dans la maison en trébuchant.
- Ne l'écoute pas, c'est un connard, lui dit Kyle.
- Je ne l'écoutais pas. Kenny lui jeta un regard furieux, mais se calma immédiatement. Kyle, regarde-toi, putain. Tu te baves dessus. Où est Stan ?
- Sûrement avec Wendy. Qu'est-ce que tu voulais me demander ?
- A quelle heure je dois être chez Stan demain ? Tu sais, ajouta-t-il, en voyant la tête perdue de Kyle. Pour le voyage ?
- Oh, oui ! Demain ! Merde, on part demain. Putain, je n'arrive pas y croire, la journée est passée tellement vite. Oui, on va dire, hum, neuf heures. On partira à cette heure-là. Ça nous fera arriver à Grand Mesa vers quinze heures, si on s'arrête pour déjeuner.
- Même déchiré tu restes un expert de l'organisation, dit Kenny avec un sourire en coin. Allez, j'y vais.
- Non, tu devrais rester ! Je vais chercher Stan, on pourra aller chez lui, faire des jeux vidéos –
- J'ai vraiment un truc à faire avant de partir, interrompit Kenny en s'éloignant. Mais allez faire des jeux vidéos sans moi. Faut profiter une dernière fois, pas vrai ?
- Ouais, dit Kyle. Il sentit toute la confiance que le Sprite-Vodka lui avait procurée s'évaporer, et les serpents se battre dans son estomac. Il gémit et s'appuya contre la balustrade de la porte d'entrée, en regardant Kenny partir tout seul. Où est Stan ? Même Kenny le demandait, même maintenant.
Kyle entra, sa douleur au ventre de plus en plus forte. Il bouscula des gens et marmonna des excuses, sans reconnaître leurs visages, même s'il connaissait la plupart d'entre eux depuis la maternelle. Personne ne comptait à part Stan quand il était si tard et qu'il se sentait aussi mal.
Il trouva Stan dans un coin de la cuisine en train de parler avec Wendy, trop doucement pour se rouler des pelles, et ils se turent en voyant Kyle tituber jusqu'à eux. Stan lui tendit le bras pour prévenir une chute.
- Merde, dit-il en fronçant les sourcils. Il est vert.
- Pourquoi tu l'as fait autant boire ? demanda Wendy. Kyle reconnaissait ce ton : ils s'étaient sûrement disputés. Il voulait se laisser tomber contre Stan, qu'il le ramène chez lui.
- Kenny est venu, balbutia Kyle. Je crois. Peut-être que j'ai rêvé de ça. Il a dit qu'il devait faire un truc. Clyde était méchant.
- Je le ramène chez moi. Stan prit Kyle par les épaules, mais la pièce continua de tourner.
- Évidemment. Wendy tourna le dos sèchement, ses cheveux frappant ses épaules comme des coups de fouet. Elle était en colère. Tout le monde l'était, tout à coup. Kyle voulait son lit – non, il voulait celui de Stan, voulait se mettre en boule dessus et se cacher jusqu'à ce que les serpents de son ventre arrêtent de lui faire du mal.
- Je t'appelle demain, dit Stan, mais elle était déjà partie. Stan renifla, énervé, et guida Kyle à travers la foule, jusqu'à la porte d'entrée.
- C'est qui tous ces gens ? demanda Kyle en plissant les yeux : il ne voyait que des taches qui mélangeaient toutes les personnes.
- Nos camarades de classe, répondit Stan. Enfin, je veux dire. Nos anciens camarades. Vieux, tu vas bien ?
- Stan ?
- Oui ?
- J'ai mal au ventre.
- Ok, soupira Stan en l'aidant à descendre les marches de l'entrée. Quand on sera à la maison, je te donnerai des biscuits et du Canada Dry.
Kyle gémit. Quand on sera à la maison. Stan ne lui dirait plus jamais ça.
Il eut juste le temps de dépasser la clôture de chez Clyde avant de vomir dans les buissons d'azalée du voisin. Stan s'agenouilla à côté de lui et posa sa main sur son dos en lui disant que c'était bien, qu'il se sentira mieux quand il tout serait sorti. Kyle ne le croyait pas, il avait l'impression qu'il allait mourir, le ciel tournoyait au-dessus de sa tête et l'odeur de la pêche régurgitée lui redonnait l'envie de vomir. Ses jambes étaient tremblantes quand il eut enfin le ventre vide et il avait vraiment trop froid.
- Viens, tiens-toi à moi, dit Stan en s'accroupissant devant lui pour mettre les bras sans forces de Kyle autour de ses épaules.
- Tu ne peux pas, marmonna Kyle, mais il s'accrocha à lui quand Stan le hissa sur son dos, les jambes enlacées autour de sa taille. Kyle grimaça en imaginant que quelqu'un puisse les voir, mais on aurait dit que toutes leurs connaissances étaient rassemblées chez Clyde, et ils étaient déjà bien loin des autres, tous seuls, enfin.
- Tu as vraiment vu Kenny ?
- Ouais. Il frotta doucement son nez contre le cou de Stan, l'odeur de sa peau calmant son estomac pour une quelconque raison. Je lui ai dit – demain. Neuf heures.
- Neuf heures, répéta Stan en penchant lentement la tête en arrière pour voir le ciel. Je pense qu'on pourra super bien voir les étoiles. Dans le désert et tout.
- Tu es bourré, sourit Kyle.
- Un petit peu. Mais je suis loin d'avoir envie de vomir. Tu vas apprendre à boire à la fac ?
- Je ne pense pas. Qui va m'apprendre ? Tu ne seras pas là.
Ils restèrent silencieux pendant le reste du chemin, le seul bruit venant de l'herbe sèche qui craquait sous les tennis de Stan. La ville était figée et sombre comme de l'eau calme, les criquets chantaient dans les pins. Généralement Kyle ne sortait pas aussi tard. Il restait dans son lit, à attendre que Stan arrive ou, s'il était déjà là, à l'écouter respirer en se laissant bercer.
- Ce voyage va être génial, dit Stan, comme s'il anticipait les craintes de Kyle à l'idée que toutes ces choses agréables se terminent. Kyle ne dit rien, garda les yeux fermés.
- Je suis lourd ? demanda-t-il. Il en avait l'impression, bien qu'il ait vomi tout ce qu'il avait mangé ces dernières heures.
- Non, dit gentiment Stan alors qu'il était à bout de souffle.
- Je dois pisser.
- Retiens-toi. Si tu me pisses dessus je ne te pardonnerai jamais.
- Je peux attendre.
Kyle était presque endormi lorsqu'ils arrivèrent chez Stan, sa tête posée contre son épaule. Il utilisa la salle de bain du rez-de-chaussée et se lava les mains en écoutant Stan fouiller dans la cuisine. Il le rejoignit. Stan mangeait un Moon Pie. Il en proposa un morceau à Kyle, qui secoua la tête.
- Je ne mangerai plus. Plus Jamais.
- Cool, ça nous fera des économies pour les vacances. Il passa la langue sur ses lèvres pour finir les miettes de chocolat.
- Nous ? rigola tristement Kyle, toujours un peu ivre. Comme si on avait le même, hum. Comme si on faisait compte commun ou un truc comme ça.
Stan eut l'air blessé par sa remarque et monta à l'étage, boudeur. Il devenait susceptible quand il avait bu, se vexant quand Kyle ne répondait pas à ses SMS nocturnes. Kyle le suivit en haut, en lui attrapant le T-shirt pour s'excuser.
- Tu vas me faire tomber, dit Stan.
- Peut-être que je veux le faire. Comme ça tu ne pourras pas partir jouer au foot.
Kyle n'avait pas voulu dire ça, il devait arrêter de parler. Stan lui fit juste signe de se taire, et ils marchèrent sur la pointe des pieds en passant dans le couloir pour ne pas réveiller sa mère, en se dépêchant d'entrer dans sa chambre. Kyle se jeta sur le lit de Stan tête la première, sans se changer. Les draps étaient divins, le matelas moelleux. Il entendit Stan se laver les dents, défaire la fermeture éclair de son jean. Bientôt, Stan ferait ses rituels avant d'aller se coucher, quelque part en Californie dans un dortoir puant la sueur de stars de football américain oubliées, et tout le monde s'en ficherait. Sauf peut-être une cheerleader avec des cache-oreilles.
- Vous avez eu votre discussion Wendy et toi ? demanda Kyle quand Stan grimpa dans le lit en portant juste un boxer.
- Pourquoi tout le monde appelle ça comme ça ? répliqua Stan en se glissant sous les couvertures. Kyle fit de même en enlevant son jean et ses chaussettes, qu'il posa au pied du lit.
- Tu n'es pas obligé de me le dire.
- Je te l'ai déjà dit, vieux. On ne va pas avoir de discussion ou quoi que soit. On verra comment ça se passe.
- Comment ça se passe, marmonna Kyle dans ses dents, pour l'imiter. Stan lui attrapa une mèche de cheveux et tira dessus.
- Endors-toi, vieux. Tu vas être un zombie demain matin.
- Ne laisse pas Cartman te convaincre de partir sans moi, murmura Kyle en fermant les paupières. Il essaya d'ouvrir les yeux encore un tout petit peu, pour que la nuit ne se termine pas déjà, mais c'était peine perdue. Ses pensées lui échappaient déjà, elles glissaient les unes contre les autres et perdaient de leur sens.
- Personne ne pourra me convaincre de partir sans toi. Même pas lui, dit Stan. Il tira encore les cheveux de Kyle, plus gentiment, en enroulant et déroulant ses boucles.
Si, ils peuvent, pensa Kyle, heureux d'être trop endormi pour le dire à voix haute. Ils l'ont fait. UCLA l'a fait, le foot aussi, et la côte ouest. Tu vas partir sans moi et on dirait que tu ne le sais même pas.
Il rêva d'un sandwich géant et de limonade, et de Cartman qui dévorait tout. Stan apparaissait et lui prenait la main.
- On va marcher jusqu'à la prochaine ville, disait Stan. Ils ont à manger.
- C'est ce que vous pensez, bande d'enculés ! criait Cartman, la tête pleine de mayonnaise. J'ai mangé toute la nourriture de la ville d'à côté !
- Tu mens ! hurlait Kyle.
- Si, je l'ai fait ! A chaque mot Cartman grossissait, grandissait entre les lettres, souriait, triomphant. Si vous voulez manger quelque chose alors il faudra me supplier de vomir sur vous !
Kyle se réveilla en sursaut, choqué par son propre subconscient. Il était à peine plus de deux heures du matin et il faisait toujours nuit noire. Stan était endormi sur le ventre, les bras croisés sous son oreiller. Kyle s'approcha de lui, pas bien réveillé, l'image du Cartman de son cauchemar en train de leur dire qu'ils devraient manger son vomi lui retournant encore l'estomac. Stan soupira dans son sommeil. Kyle ferma les yeux, écoutant le bruit de son ordinateur en veille et la respiration lente de Stan. Il s'endormit en essayant de ne pas penser qu'il ne pourrait plus jamais se blottir près de Stan après un mauvais rêve, se sentir rassuré d'être de retour sur terre, en sécurité. Il fit un autre rêve, dans lequel ils étaient plus vieux et se voyaient pour la première fois depuis des années.
- Tu te souviens de cette nuit quand tu m'avais ramené chez toi après la fête de Clyde ? demandait Kyle. Stan ne voulait pas le regarder, ses yeux étaient fixés sur quelque chose à l'horizon, très loin. Tu te souviens quand je t'avais demandé si j'étais lourd ? Il savait que Stan ne répondrait pas, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Tu te souviens que tu avais dit que non ? C'était un mensonge ? Ou tu le pensais ?
Il ne savait pas vraiment pourquoi savoir tout ça était si important, mais s'il disait ce qu'il fallait, Stan le porterait comme il l'avait fait cette nuit, il le tiendrait jusqu'au moment où ils devront se séparer encore une fois.
