Ce texte a été écrit pour une Nuit du FOF : il s'agissait, en une heure, d'écrire sur le thème "Empire".

Très gros spoilers pour L'Aiguille creuse.


De César à Lupin

Lupin, songeait Isidore Beautrelet, n'avait rien d'un homme d'empire. Trop peuple, certainement, pour être autre chose que républicain. Trop français, probablement, pour n'être pas un peu royaliste.

En lui on discernait sans mal l'ombre de César, le général de génie qui comptait nourrir les pauvres de Rome - et s'offrir une couronne au passage.

De Charlemagne, en revanche, il lui manquait la barbe, vraie ou fausse. Il ne cultivait jamais l'apparence de la vertu et s'il se décidait pour elle, il s'assurait que ce fût sa main et non sa mort qui répartît le fruit de ses conquêtes.

Avec Roll il partageait bien sûr un territoire, son cher pays de Caux, dont lui non plus n'était pas originaire. A Guillaume le Conquérant il empruntait un certain type de relation, pourrait-on dire, avec Albion. (Combien terrible a été la revanche de l'Anglais.)

Il aurait été sage d'imiter la prudence de Louis le Onzième, même s'il se refusait à sa cruauté. Il avait bien su reproduire le projet centralisateur d'un François, dont il rappelait davantage l'ambitieuse figure.

A Henri IV il avait pris la poule, pour sûr. Et peut-être la messe ?

Restaient, volés à Louis XIV, les plus grands coups de bluff. (Et un Versailles de cambrioleur, un palais construit dans les marécages : un voleur d'honnête réputation.)

Déjà la fin de la liste, déjà Arsène Lupin.

Il avait vraiment tout de César, cet homme aux succès fous qui ne serait jamais empereur, parce qu'il est des noms qu'on n'inscrit pas sur les murs. Des mots, comme Brutus, qui claquent dans le silence autant qu'un coup de pistolet.