7h32 ...
Clarke jette un dernier regard à l'Arc, la station spatiale qui abrite depuis près d'un siècle maintenant, les derniers représentants de l'espèce humaine. Au fur et à mesure que le vaisseau s'éloigne, l'Arc semble de plus en plus petite.
7h36 ...
Une secousse fait trembler le vaisseau et gémir la moitié des adolescents. Clarke se cramponne à son siège et lève encore une fois la tête vers le hublot. L'Arc n'est plus qu'une tête d'épingle au milieu de l'univers. C'est pourtant sur cette tête d'épingle qu'elle, Clarke Griffin, a toujours vécu, avec sa mère, son père, et son meilleur ami, une vie paisible d'élève modèle, dans une famille aimante.
Et pourtant aujourd'hui, elle était là. Dans un vaisseau miteux, assise au milieu de cent adolescents, qui attendaient leur sort, tout aussi anxieux qu'elle. Allaient-ils mourir aujourd'hui ? Ou vivraient-ils suffisamment longtemps pour profiter de leur existence fraîchement graciée ? Car c'était ce qui arrivait aux criminels de l'Arc.
Mourir. Ou être gracié.
7h37 ...
Octavia serre les poings si fort, que ses ongles lui rentrent dans la paume de ses mains. Mais elle ne songe pas à la douleur. Clarke n'est pas la seule à s'accrocher aux dernières images de l'Arc à travers ce hublot, Octavia aussi. Elle imagine son frère là-haut, la front collé aux vitres du grand hall, ne quittant pas des yeux le vaisseau qui s'éloigne. Dire qu'elle y était il y a encore sept minutes. Elle l'a vu, beau comme jamais dans son uniforme de garde. Elle n'a pas osé lui faire de signe. Elle lui a déjà suffisamment gâché l'existence pour en plus le compromettre aujourd'hui. Mais elle aurait souhaité qu'il la tienne une dernière fois dans ses bras, qu'il lui dise une dernière fois à quel point il l'aimait, comment il était fière d'elle, de son courage, qu'il lui raconte une dernière fois une de ces histoires de la Terre, comme il le faisait quand ils étaient enfants.
Les larmes lui montent aux yeux. Non. Ne pas pleurer. Ne plus pleurer. Il est là-haut, elle va en bas. Peut-être qu'ainsi tous deux auront une opportunité de recommencer à vivre. Car c'est plus ou moins l'objectif. Cette mission non ? Envoyer des criminels sur terre pour tester si elle est survivable ou non, et permettre aux gens comme elle d'avoir une seconde chance.
Les gens comme elle... À vrai dire, aucun d'entre eux n'est comme elle. Toutes ces personnes sont au mieux, des voleurs, au pire des tueurs. Elle, elle n'est aucun des deux. Elle n'a jamais volé, ou presque, elle n'a jamais tué. Enfin si. Elle a tué sa mère. Car étant son deuxième enfant, elle a mis la vie de sa mère en danger. C'est a cause d'elle que sa mère est morte.
Tout cela parce qu'elle a eut le malheur de naître...
7h39 ...
Wells a aperçu Clarke. Elle est là-bas, dans l'allée centrale, à côté d'un garçon qui semble gérer parfaitement la situation. Wells le reconnaît, il s'appelle John. John Murphy s'il se souvient bien. Il était en cours de maths avec Clarke et lui.
Quand Wells a apprit que Clarke allait être envoyée sur terre, il a crut mourir. C'était sa faute si elle était en détention, alors c'était la sienne si la fille qu'il aimait était envoyée à une mort certaine. Il avait tout fait, jusqu'à trahir la confiance de son père, le chancelier Jaha pour être sur d'avoir une place dans le vaisseau qui conduirait Clarke et les 100 sur terre.
Et le voilà aujourd'hui, assis sur un siège plus dur et plus froid encore que les murs de sa chambre, retenu par une fine ceinture en tissu rouge, secoué dans tous les sens, cogné à droite à gauche, un traitement qu'il n'aurait certainement pas reçu s'il était là comme fils du chancelier. Malheureusement pour lui, il était là comme tous les autres. En tant que criminel.
7h41 ...
La fille assise à côté de lui s'agrippe à son bras, et Ethan lui lance un regard réconfortant. Du moins aussi réconfortant qu'on puisse faire quand on est à moitié convaincu qu'on va mourir. Il est dans le deuxième vaisseau qui vient de quitter l'Arc. Ici, ils sont moins nombreux. Une cinquantaine, tout au plus. Mais les gémissements, et la peur ne sont pas moindre. Tous ses jeunes ont peur, lui aussi.
Il parait que sur le premier vaisseau, ils sont cent. Ethan n'imagine pas ce que ça doit être, cent ados au pulsions meurtrières, entassés les uns sur les autres. Il a entendu dire que la fille de la conseillère Griffin fait partie de la mission. Mais il a beau chercher Clarke, il ne la voit pas. Elle doit être dans l'autre vaisseau. Dommage, il aurait bien aimé être avec elle une fois sur terre. Elle était l'une des plus au courant sur les dangers de cette nouvelle planète, et elle serait probablement d'une grande aide aux quatre-vingt-dix-neuf personnes qui attendaient patiemment leur sort.
Mais même si il pouvait la revoir un jour, lui parlerait-il ? Il savait que Clarke avait été arrêté pour une faute grave. Tout comme elle savait qu'il avait reçu le même traitement pour une faute tout aussi grave. Mais il y avait faute grave et faute grave. Comment réagirait-elle en se retrouvant face à face avec celui qui avait tué trois gardes devant elle ?
Ethan leva les yeux vers le hublot du vaisseau. On ne voyait plus l'Arc désormais. Bientôt la Terre apparaitrait dans leur champ de vision et ce serait une nouvelle vie qui s'offrirait à eux. Une vie où ils serait libres de devenir qui bon leur semblerait.
7h43 ...
Elle doit être ici. C'est obligé ! Il n'aurait pu se tromper, il aurait pourtant jurer de l'avoir vu rentrer dans ce vaisseau, poussée violemment par un garde alors qu'elle proliférait les pire insultes.
Bellamy scrute encore les cents adolescents assis autour de lui. Quelques uns se sont aperçus de sa présence et lui lance des regards mauvais. Soit. Il ressemble pas mal à un garde. À vrai dire, il fait partie de la garde de l'Arc. Mais il a plus ou moins commis quelque chose qui le sépare à jamais de la station spatiale.
Assez. Ne plus penser au passé. Réfléchir au futur, à ce que sa nouvelle vie va être quand il l'aura retrouvée, ce qu'ils feront ensembles, où ils iront ensembles. En fait, Bellamy s'en fiche pas mal. Ce qu'il veut, c'est juste qu'ils soient ensembles. Mais où diable est-elle ? Ou est sa sœur ?
Ou est Octavia ?
7h49...
Une autre secousse. Cette fois plus violente. Sa voisine laisse échapper un cri et attrape la main de Clarke.
-Eh... Ça va aller, lui murmure-t-elle et refermant ses doigts sur ceux de la fillette.
Car ce n'est qu'une fillette. Elle ne doit pas avoir plus de quinze ans.
-Je ne veux pas mourir, gémit la gamine et serrant Clarke de plus belle.
Clarke se tourne vers la petite et la regarde droit dans les yeux. Elle s'apprête à parler mais la capsule se met à trembler, entraînant une panique générale. L'enfant se met à pleurer alors que par le hublot, on peut voir des étincelles et des flammes lécher le métal du vaisseau.
-On va mourir ! s'écrie quelqu'un.
Plusieurs voix lui font échos.
-Non, résonne une voix.
-Et qu'est-ce que t'en sais Jaha Junior ?
Lors qu'elle entend le nom du chancelier, le cœur de Clarke manque un battement. Wells serait-il ici ? Comment l'avait-il retrouvé ? Qu'avait-il fait pour être-là ?
-J'en sais que nous n'allons pas mourir pauvre idiot. On vient juste de pénétrer dans l'atmosphère.
La gamine lève de grands yeux verts vers Clarke.
-Qu'est ce que ça veut dire ?
Clarke, pourtant troublée et tourmentée de milles sentiments, sourit.
-Je m'appelle Clarke Griffin. Et toi ?
-Octavia. Octavia Blake.
-Et bien, Octavia, ça veut dire que nous arrivons sur terre.
7h51 ...
Les deux capsules fendent l'air à une vitesse hallucinante. Elles rougeoient et on dirait deux boules de feu s'abattant sur terre. Car pour s'abattre, elles s'abattent. Malgré les parachutes, le choc est si rude que ceux qui se trouvent à l'arrière du vaisseau sont expulsés et ceux qui ont la chance de rester sur leurs sièges sentent la chaleur du vaisseau et la fumée leurs emplir les poumons.
Clarke à la tête qui tourne. Elle jette un coup d'oeil à Octavia pour voir comment elle va. Cette dernière lui sourit. Un peu groggy, Clarke défait sa ceinture et met un pied par terre. Ses genoux tremblent mais elle parvient à mettre un pas après l'autre et fait le tour des cent pour vérifier leur état. Plusieurs d'entre eux se sont déjà détachés et des cris s'élèvent.
-On est vivant ! s'exclament plusieurs d'entre eux.
Ravie de voir cette joie, Clarke ne partage pourtant pas leur optimisme. Sept personnes ont été éjectées et deux adolescents sont morts dans le vaisseau, sous le choc. Pourtant, cela ne semble pas arrêter les survivants qui se dirigent en masse vers la porte, précédés par un garçon aux épaules carrés et aux cheveux bruns parfaitement coiffés.
-Wow wow wow ! s'exclame Clarke en se frayant un chemin vers eux. Qu'est-ce que tu fais ?
Le garçon, enfin plutôt le jeune homme, lui lance un regard éclatant. Clarke le regarde attentivement. Ses yeux noirs et ses cheveux bruns lui rappellent quelqu'un, mais peu importe. Cependant, quelque chose attire son regard. Il porte l'uniforme de la garde de l'Arc. Clarke le connait par cœur pour l'avoir tous les jours deux fois par jour depuis son internement.
-Je leur permet de sortir, répondit-il d'une voix grave.
Il approche sa main du levier près de la porte et Clarke le repousse.
-Arrête, on ne sait rien de la terre, l'air peut être toxique !
Il s'apprête à répondre mais son regard se fige derrière Clarke. Une petite voix brise alors le brouhahas.
-Bellamy ?
Bellamy, puisque c'est ainsi qu'il s'appelle, bouscule Clarke sur son passage et cours vers celle qui vient de l'appeler. Il soulève une gamine à la chevelure aussi noire que la sienne en riant aux éclats. Quand enfin il repose la jeune fille par terre et que Clarke aperçoit son visage, elle réalise que c'est Octavia.
8h02 ...
Bellamy croit que son cœur va exploser. Il a retrouvé sa soeur, sa petite Octavia. Elle a tellement changé, elle a grandit, s'est embellie, ce n'est plus la petite fille frêle qu'il a connu, bien qu'elle fasse très jeune pour ses seize ans. Mais le temps n'est pas aux larmes. Tenant fermement la main de sa soeur dans la sienne, il fend la foule et retourne devant la porte. La jeune fille blonde y est toujours, et elle le toise de ses grands yeux bleus.
-Laisse-nous passer, gronde Bellamy.
-Pas moyen, soupire-t-elle. Octavia ? Tu peux m'expliquer ?
La petite reste sans voix, et Bellamy la glisse derrière elle.
-Très bien, Princesse. Puisque tu y tiens temps, je te laisse ouvrir cette porte. Cependant, ajoute-t-il en dévoilant le couteau qu'il porte à la ceinture, tu as plutôt intérêt à te dépêcher...
Clarke louche un instant sur l'arme. Si l'air n'est pas respirable, ils vont tous mourir dès qu'elle ouvrira la porte, mais si elle ne l'ouvre pas, c'est elle qui va mourir. Alors quitte à choisir, Clarke préfère mourir sur terre. Mais réellement sur terre.
Talonnée par Bellamy et Octavia, elle pose une main tremblante sur le levier. Il est un peu rouillé mais il obéit finalement. La porte grince et une raie de lumière apparait sur le seuil.
-Bienvenue sur terre, murmure Clarke.
