Il l'avait cherchée pendant quatre ans. Quatre longues années où il n'avait cessé de se demander la signification de ces quelques instants.

Il se revoyait, sur le point de lui donner la mort, le corps de son ennemi commençant à se dissoudre inexorablement, la magie noire s'évaporant dans l'air. Il avait vu son regard, d'abord surpris, comme s'il ne pouvait croire qu'il avait perdu, se tourner sur le côté et il avait alors adressé un mot à une personne en retrait, blessée et se tenant à une des rares colonnes encore debout dans l'enceinte du château. Un seul et unique mot que jamais il n'aurait cru entendre prononcer de cette bouche :

« Pardon »

Et la blessée regardait cet homme rongé par la magie noire disparaître. La blessée comprenait. La blessée pleurait.

Par la suite, tiraillé entre recueillement, soulagement et incertitude pour l'avenir, il n'avait pas eu l'occasion de se replonger sur ces ultimes instants, sur ces quelques secondes qui avaient fait naître en lui un doute immense. Qu'est-ce que cela signifiait ? Est-ce que tout ce qu'il croyait savoir était vrai ? Passé les larmes et les effusions, ce souvenir lui était revenu de plein fouet, en rêve. Harry Potter s'était alors éveillé en nage et tremblant, l'esprit douloureux et mal à l'aise. C'était presque semblable à l'état dans lequel le plongeaient les détestables visions qu'il avait partagées avec Voldemort.

Il avait alors entrepris des recherches dès le lendemain et bien évidemment, c'est vers Hermione qu'il s'était tourné, décrivant la blessée à la jeune femme.

«- Ho, je crois qu'il s'agit du professeur Delmas, elle enseignait la littérature magique étrangère.

Elle rit en remarquant l'air interdit qu'affichait Harry.

-C'était une option, précisa-t-elle. À partir de la 6e année uniquement ! C'était vraiment une matière passionnante.

-Et cette enseignante… demanda Harry en choisissant précautionneusement ses mots. Est-ce qu'elle te paraissait…étrange…disons…. Est-ce que tu lui faisais confiance ?

Un froncement de sourcil de la jeune lui indiqua cependant qu'elle avait vu clair dans son jeu.

-Tu crois qu'elle pourrait avoir un lien avec Voldemort ? Qu'elle aurait pu être une Mangemorte, une espionne de plus ? Honnêtement, je ne crois pas ! C'était quelqu'un de très discret, mais très gentil. Elle n'a jamais ne serait-ce qu'évoqué la magie noire en cours ou devant moi ! Mais elle n'est plus à Poudlard, tu sais. Quand je suis retournée faire ma 7e année, elle n'était déjà plus là ».

Muni de ces maigres informations, Harry avait passé son temps libre à chercher l'ancienne professeure. Une partie de lui ne souhaitait pas aller plus loin dans ses recherches, après tout, le mage noir était mort, la traque des Mangemorts allait bon train et aucune menace nouvelle ne semblait planer pour le moment. Mais une autre part de lui avait développé une curiosité toute particulière à l'égard de Voldemort, curiosité qui s'était construite au fil des souvenirs que lui avait montrés Dumbledore lors de sa 6e année.

Toujours est-il que la vie d'Harry Potter était loin de lui laisser le loisir d'une enquête privée. Il ne fallut pas moins d'une année entière pour que la presse ne commence à se lasser de lui, il lui fallut 3 ans pour devenir officiellement Auror et il avait également profité de ce temps pour enfin fonder sa propre famille avec Ginny.

Ce ne fut donc qu'au bout de 4 ans qu'un jour, il reçut une réponse à un hibou qu'il avait envoyé presque au hasard. Il l'avait retrouvé et elle acceptait de le recevoir.

C'est ainsi que par un bel après-midi de juin, il poussa la porte de la cour d'une petite maison de campagne. Le jardin était joli et entretenu avec soin, de grandes fleurs s'étendaient paresseusement de part et d'autre du chemin menant à la maison et au loin, à l'horizon, on voyait la mer trancher avec les champs et le ciel.

Rassemblant son courage, le jeune Auror frappa à la porte. Quelques instants plus tard, une vieille femme lui ouvrit. Il la reconnut tout de suite, bien sûr elle n'avait plus de sang sur son visage et elle ne pleurait pas, bien sûr ses cheveux étaient un peu plus gris qu'il y a quatre ans et son dos un peu plus voûté, mais il était sûr d'avoir devant lui la femme avec qui Voldemort avait eu ce si curieux échange aux portes de la mort.

« Monsieur Potter, quelle joie de vous recevoir dans des circonstances si heureuses, j'ai appris pour votre premier né, félicitations ! »

Elle avait un sourire et un regard doux, quoique mélancolique. Elle semblait se réjouir d'avoir de la visite, avec cependant la réserve qu'il attribuait généralement aux vieilles familles de Sangpur, comme les Malefoy.

Elle l'invita à l'intérieur et lui fit prendre place sur un canapé pendant qu'elle préparait du thé. Manifestement, elle vivait seule. Aucun portrait ne venait égayer les murs, très peu d'objets personnels étaient présents, mais une quantité impressionnante de livres lui fit comprendre pourquoi Hermione semblait tant l'apprécier.

La vieille femme revient quelques instants plus tard avec un plateau chargé.

« -Thé pour vous je présume, et café pour moi ! Je suis française alors ma préférence est toujours allée à l'or noir, plaisanta-t-elle.

Ils burent un instant en silence, chacun attendant manifestement que l'autre prenne la parole.

-Madame… Je vous remercie de votre accueil, je suppose que vous savez pourquoi je suis venu vous voir aujourd'hui…

-Je pense que ce n'est pas pour parler de la pluie et du beau temps, en effet. Étant donné que le seul moment où nous nous sommes croisés coïncide avec celui de la mort de Tom, je suppose que vous venez me parler de lui, jeune homme.

Elle avait parlé de la voix douce, mais ferme des personnes qui savent exactement ce qui les attend. Harry, lui, accusa le coup. « Tom ? » Il n'y avait guère que Dumbledore pour le nommer ainsi, car il le connaissait avant ! Se pourrait-il que ?

-C'est exact professeure, au moment de sa mort, il vous a regardé, il vous a parlé et… vous pleuriez, marmonna-t-il gêné. Je sais que ça peut vous paraître étrange, mais j'aimerais savoir si vous le connaissiez, quels étaient vos liens? Je…j'ai besoin de savoir, de comprendre, comment il a pu devenir ce qu'il était.

-Je savais qu'un jour ou l'autre vous viendriez, soupira la vieille dame. C'est quelque chose que je voulais emporter dans la tombe. Personne ne savait, sauf Albus bien sûr. Albus savait toujours tout. Ho, il y a eu des doutes, des rumeurs, mais ils avaient tout faux…qui aurait pu savoir….

Elle semblait presque ne plus se rendre compte de la présence de Harry, elle avait le regard lointain et embué de larmes, mais elle se reprit rapidement, elle semblait déterminée.

-Toi, plus que quiconque a le droit de savoir, mon garçon, déclara-t-elle, délaissant le vouvoiement. Mais avant, je veux que tu me promettes de ne pas me juger. Tu as su le faire avec Slughorn, fais-le avec moi s'il te plaît, nous ne savions pas. J'étais si jeune…C'est ma vie que je vais te raconter Harry, alors prends soin de mes souvenirs s'il te plaît aussi terribles soient-ils. Car soit en sûr, mon histoire est celle d'un terrible échec…. »