Titre : Les taches

Rating : T

Résumé : En 1942, Léan soupire. A peine sorti de l'école d'officiers, il doit accomplir sa première mission. Localiser. Arrêter. Interroger. Exécuter. Malheureusement, une petite rousse viendra entacher son travail...

(notez le jeu de mots, les taches, entacher, voilà, je sais où est la sortie)

Note de 'lauteur : Et bien, je vous souhaite une bonne lecture ! :D

Gwenaëlle est Nyo!Basse-Bretagne (Stefan)

Yannig est Nyo!Haute-Bretagne (Nolwenn) D'ailleurs j'avoue tout, j'ai récupéré ce prénom à ma JDC, y'avait un gars qui s'appelait comme ça...XD


Léan soupira en rangeant son uniforme noir soigneusement plié dans sa valise. Il le savait pourtant que les études ne dureraient pas éternellement et qu'un jour, il devrait mettre la théorie en pratique. Enfin, au moins il échapperait (durant un moment) au fanatisme parfois effrayant de ses parents adoptifs vis-à-vis de sa soeur et lui. Il n'était pas allemand. Il était né à Avranches, en Normandie, et y avait vécu environ sept ans dans les rues avec sa soeur jumelle, Nathalie. Et un jour...Un couple d'allemands, les Fischer, les avait adopté. S'ils avaient cru étant plus jeunes que cet acte avait été motivé par l'envie d'avoir des enfants, ils avaient à présent compris qu'il se cachait surtout derrière une envie d'avoir des enfants aryens. Blonds, grands, des yeux gris qu'on pouvait facilement faire passer pour bleus...Ils correspondaient parfaitement à l'idée que se faisaient leurs "parents" des enfants parfaits.

Nathalie avait été élevée en vue d'intégrer un Lebensborn afin de mettre au monde la future génération aryenne. Lui avait terminé en école militaire malgré son pacifisme. Il en sortait finalement aujourd'hui pour intégrer la division SS qu'il allait diriger. L'ironie avait voulu que sa première mission se déroule à quelques dizaines kilomètres seulement de sa ville natale, dans la campagne bretonne où agissait un groupe de résistants.

Localiser. Arrêter. Interroger. Exécuter.

Les ordres étaient simples et clairs. En dehors, ils avaient le droit faire ce qu'ils voulaient. Il grimaça, sachant très bien ce que ce "ce qu'ils voulaient" impliquaient. Il n'était pas naïf et savait très bien les "écarts" que pouvaient commettre les soldats de Division SS. Enfin, il allait devoir faire avec.


Le village dans lequel ils s'étaient installés était plutôt paisible. Il avait laissé ses hommes installer leurs affaires dans la maison qu'ils avaient "empruntés" et en profitait pour visiter un peu le bourg, faisant quelques repérages. Essayer d'enclencher le contact avec les villageois serait une bonne chose, il avait encore pas mal de notions de français. Ils se sentiraient sûrement moins agressés s'il leur parlait dans leur langue plutôt qu'en allemand...Moui non, en fait avec son uniforme noir et son brassard rouge c'était fichu d'avance. Il pourrait arriver avec des fleurs et une boîte de chocolats, les gens se sentiraient agressés. Il soupira et tira vaguement sur le bas de sa veste pour l'ajuster, continuant de se promener. Il aimait bien les maisons ici, toutes de pierres avec des hortensias à l'entrée. La route pavée était en pente, le forçant à ralentir le pas. Au loin, il vit une mère rentrer ses enfants à l'intérieur de la maison en le voyant approcher. Comment lui en vouloir, cette brave mère ne faisait que protéger sa marmaille...

- Hallo, Offizier !

Il sursauta (crédibilité zéro) et se retourna. La voix était indubitablement féminine et en effet, elle appartenait à une jeune femme en robe. Sur sa tête trônait une grande coiffe toute en hauteur (qui devait tenir debout seulement pas la force du Saint Esprit) et de longs cheveux d'un roux éclatant. Il avait rarement vu de roux. Les roux étaient considérés comme inférieurs, il n'y en avait plus, ou très peu, en Allemagne. Pleins de taches orangées et brunes couvraient le joli minois de la fille, attirant la curiosité du blond.

- ...Guten Tag.

Elle rit soudainement, le surprenant. C'était si amusant que ça "Guten Tag" ?

- Entschuldigung... Sie mich...Euh...Ich spreche...Nicht guten Deutsheuh.

Ah. Oui, il entendait ça en effet, qu'elle ne parlait pas bien l'allemand. Ceci était probablement la phrase en allemand la plus moche qu'il ait jamais entendu. Enfin, il en avait saisi le sens c'était l'essentiel.

- Ce n'est pas grave je parle encore français.

- Encore ?

- Je suis né ici. Enfin pas ici, ici, là, ici en France. Un peu plus haut. (il se tut un instant, observant encore les taches sur le visage de l'autre) En Normandie, à Avranches.

- Ah, je vois mieux ! En effet ce n'est pas très loin...Moins loin que l'Allemagne en tout cas.

Elle lui fit un radieux sourire qu'il remarqua à peine, toujours perturbé par ces taches. Il finit par secouer la tête, peut-être était-ce une maladie de peau qu'elle avait. Il espérait que ce n'était pas contagieux au moins. Ce serait impoli de demander aussi, il se tut à ce sujet. Il avait déjà de la chance d'être tombé sur une habitante ne s'enfuyant pas en courant à la vue de son uniforme. Peut-être était-elle partisane du régime nazi ? Il avait entendu dire que beaucoup de français l'approuvaient. Et dans ce coin là, la Bretagne, il y avait même une division SS spéciale composée par des bretons, le Bezen Perrot (qu'eux allemands appelaient "Der bretonische Waffenverband der SS").

- Vous vous promenez, Offizier ?

- On peut dire ça, j'explore.

- Y'a pas grand chose à explorer dans un si petit village...

- Je ne suis pas là en touriste, ma division et moi devons arrêter un groupe de résistants. A tout hasard, si tu as eu vent de quelque chose...?

- Y'a la grange des Le Floch qui a sauté y'a un mois et à c'qui paraît ils sont sympathisants du Bezen Perrot alors p'tèt bien que ce sont vos résistants qui leur ont donné un avertissement...

- C'est intéressant.

- Vous voulez que je vous fasse visiter, Offizier ?

- Ja, avec plaisir.


- Gwenaëlle, qu'est-ce que l'on avait dit déjà ? Je ne veux pas que tu risques ta vie comme ça !

- Roh ça va, Chris', il m'a pas agressé pour me mordre non plus, bien au contraire. J'ai fais ami-ami avec le SS, c'est pas beau ça ?

- Pas vraiment non.

- Ca nous sera utile, tu verras ! En plus il est même pas allemand, il est né en Normandie ce con là ! Pfft...Ils nous ont envoyé toute une division...Le Bezen' ça suffisait pas tiens. Quoique, ça me ferait mal de devoir me battre contre mes frangins de coeur, même s'ils ont grave craqué...Rejoindre les allemands on a pas idée, tiens. Les celtes et les germaniques, c'est pas fait pour s'entendre t'façon, c'est comme les celtes et les francs, les celtes et les nordiques, les celtes et...

- Le reste du monde ?

- En gros, ouais, c'est l'idée.

Christian soupira, inquiet de l'air insouciant de son amie. Il l'avait vu de loin, le chef de division SS, il ne semblait pas agressif mais Dieu qu'il était grand...Voir Gwenaëlle, si petite et l'air si frêle à côté de ce géant, il y avait de quoi lui dresser les poils.

- Christian, Gwen' sait ce qu'elle fait, elle est grande.

- Eli' ne la défend pas s'il te plaît...

- Ce qu'elle fait peut pourtant nous être très utile.

- Quentin enfin ! Vous vous êtes ligués contre moi ou ça se passe comment, là ? Gilbert, tu es d'accord avec moi, toi, hein ?

- Moi suis d'accord mit GroBe Schwester...

- D'accord, d'accord, j'ai compris ! Je te laisse faire va...Mais pas de folies, par pitié.

- Promis juré !

- Pour la énième fois, on ne jure pas...

Un nouveau soupir lui échappa. Sa meilleure amie était incontrôlable alors si en plus les autres la soutenaient, il n'allait pas s'en sortir. Quentin, un grand albinos aux yeux mauves, retourna se concentrer sur le réglage de la radio sans plus s'intéresser au désespoir du corse (qui se trouvant être son amant en fut très vexé). Elizabeth, leur alsacienne nationale, préféra s'intéresser à ce que lui racontait Gilbert en allemand. Elle n'était pas sa vraie soeur, loin de là car le petit était né de parents aryens. La blonde vivait encore en Alsace à l'époque et avait dû travailler au sein d'un Lebensborn allemand, ces usines à bébés où était produite la future race aryenne, en tant que nourrice. Un jour, le drame était arrivé et de deux adultes blonds, grands et forts était né ce petit être malingre, fragile et pâle. Son cheveu, blanc, était pauvre et très doux au toucher, comme celui d'une personne âgée, tandis que ses yeux entourés de cils presque irréels étaient constamment humides et rouges. Il faillit mourir à la naissance tant il était faible. De toute manière, ils l'auraient tué, un tel enfant n'avait pas sa place en Allemagne nazie. Mais Elizabeth ne l'entendait pas ainsi, et en prétextant l'emmener à un garde pour qu'il soit achevé, elle s'était enfui, le poupon dans les bras. Son long périple l'avait finalement menée ici grâce à l'aide de Yannig, le petit frère de Gwenaëlle, âgé d'à peine dix ans à l'époque, dix-huit à présent, et d'un SS au coeur particulièrement bon.

Ledit Yannig, jusqu'ici resté silencieux, enfoncé dans son fauteuil, prit finalement la parole.

- Il n'a pas intérêt à te toucher.

- Ca, s'il en a envie je pourrais pas faire grand chose pour l'en empêcher, je te signale qu'il fait deux fois ma taille. Et de toute façon ce n'est pas grave. Moi j'espère surtout qu'il ne découvrira pas la supercherie sinon je ne donne pas cher de ma peau. Déjà qu'il louche sur mes taches de rousseur...

- Tu n'aurais pas dû y aller alors que tu sais très bien que tu es une sous-race à leurs yeux.

La bretonne haussa les épaules. Tout était sous-race aux yeux des allemands de toute manière. Et puis l'officier ne semblait pas la mépriser, il avait plutôt l'air curieux. Sûrement n'avait-il pas vu beaucoup de roux et de rousses dans sa vie.


- Tiens, tu as mis ton uniforme noir au placard ?

- Je mourrais de chaud dedans. Un soldat fondu ne sert pas à grand chose, tu sais.

Gwenaëlle lui sourit et vint prendre son bras, comme elle avait pris l'habitude de le faire lorsqu'ils se promenaient. Sa proximité avec l'allemand, arrivé il y avait déjà plusieurs mois, lui attirait de sales regards de la part des autres habitants et elle sentait qu'elle allait devoir donner quelques explications lorsqu'il serait parti.

- Et toi, tu restes habillée pareil été comme hiver ? Tu n'as pas chaud à être couverte de la tête aux pieds ?

- Eh, j'vais pas m'exhiber quand même. Et en hiver je porte plusieurs couches de vêtements sous ma robe alors que là je ne le fais pas.

En effet, et ça avait le mérite de marquer sa taille fine. Léan n'avait pas remarqué à quel point elle était mince jusqu'ici, sûrement à cause desdites couches de vêtements. Et puis elle avait découvert ses avants-bras sur lesquels se trouvaient également des taches.

- ...Je sais que c'est impoli mais ça m'intrigue vraiment. Ces taches...C'est une maladie de peau ?

La rousse l'observa d'un air perplexe avant d'éclater de rire.

- Tu veux dire que tu es resté autant de temps avec moi en pensant que j'avais une maladie ?! Ah, tu as du courage ! Non, ce n'est pas une maladie, j'ai ça depuis ma naissance. C'est parce que je suis rousse. Enfin j'ai déjà vu des bruns avec ça, mais c'est surtout les roux. Ca ne sert à rien, c'est juste là.

Léan expira discrètement de soulagement. Hors de question de lui avouer qu'il avait parfois observé son visage avec anxiété, vérifiant qu'aucune tâche n'apparaissait. Il se voyait mal expliquer à ses supérieurs qu'il avait trouvé le moyen d'attraper une maladie locale de ce genre. Il n'était pas sensé fricoter avec les autochtones, bien que ça lui ait permis de trouver plusieurs pistes avant de mettre la main sur les rebelles. Pistes qui n'avaient aboutis à rien pour le moment mais ça finirait bien par arriver à un moment ou un autre.

Soudain, il se sentit tiré en avant et suivit tant bien que mal Gwenaëlle qui avait accéléré le pas en lui souriant malicieusement. Il se retrouva dans une grange, l'air était chaud et sec, la paille dégageait une odeur assez agréable de campagne. Il haussa un sourcil en la voyant fermer la porte, chassant bien vite de son esprit toutes les pensées absolument inappropriées qui venaient de s'y glisser. Non, Léan, non, on ne rêve pas d'allonger une rousse sur la paille. C'est mal et ça va contre tes valeurs.

La bretonne ne devait pas avoir les mêmes valeurs que lui car elle le prit par les mains et l'entraîna jusqu'à une botte de paille qui semblait soudainement très confortable. Une petite voix dans sa tête tenta vaguement de lui faire entendre raison, lui disant de repousser la tentatrice qui voulait souiller sa race, mais il ne l'entendit pas. Elle venait de défaire son corsage avec un sourire des plus insolents.

- C'est assez impromptu, fit-il remarquer en déglutissant.

- Peut-être, admit-elle, Mais ne viens pas dire que tu n'en as pas autant envie que moi. Maintenant viens là ou c'est moi qui t'allonges sur la paille !

Ah pour certaines choses elle avait de l'autorité. Et s'il ne lui obéissait pas lorsqu'elle lui tapait dessus et lui hurlait de la lâcher quand il la portait sur son épaule par malice, il ne voyait pas d'autre choix que de lui obéir, là, tout de suite, maintenant.


Christian lui envoya des regards suspicieux toute la soirée après qu'elle soit rentrée guillerette et râleuse à la fois, de la paille dans les cheveux et dans les vêtements. Elle lui avait dit avoir fait la bataille de paille du siècle avec l'autre saloperie de SS. Mais eh, oh, il ne fallait pas le prendre pour un lapin de six semaines, il n'était pas complètement idiot non plus ! Gwenaëlle faisait semblant de ne pas le remarquer, l'exaspérant au plus haut point. Il était encore son meilleur ami et il y avait des signes qui ne trompaient pas. Il attendit patiemment qu'Elizabeth et Gilbert soient occupés ailleurs et que Quentin retourne tripoter leur radio destinée à diffuser des messages de résistance pour attraper la rousse et l'entraîner dans une autre pièce.

- Pourquoi ?

- Pourquoi quoi ?

- Ah, s'il te plaît, Gwen', ne joues pas à ça. Tu sais très bien ce que je te demande. Il t'a forcé ?

- Nan.

- Il t'a fait des avances poussées ?

- Non plus.

- Donc ? Pourquoi ?

Le rousse soupira et se gratta la nuque.

- J'avais envie et j'ai pas réfléchi...C'était impulsif !

- Impulsif, ao ! Tu as couché avec un SS par impulsion ! Et tu veux que je te dise pourquoi tu as fais ça, ma grande ? (la bretonne grimaça lorsqu'il appuya son index sur son front) Parce qu'à force de traîner avec ce type tu en es tombée amoureuse !

- Mais pas du tout !

- Oh si !

Gwenaëlle fit la moue et croisa les bras, préférant ne pas répondre. C'était faux, elle faisait tout ça pour être au courant des faits et gestes de la division SS à leur recherche, rien de plus ! Et ça marchait plutôt bien, jusqu'ici elle n'avait eu de cesse de les envoyer sur des fausses pistes, Léan lui avait confié que ses hommes commençaient à en avoir marre de rester ici sans que cela ne donne aucun résultat. Ce qu'elle faisait était utile !


Léan faisait de son mieux pour chasser de son esprit les images de son après-midi dans la grange pour se concentrer sur son rapport. Rapport dans laquelle il allait devoir faire passer avec toute la diplomatie du monde que leur expédition ne menait à strictement rien malgré une approche positive des habitants qui semblaient plutôt coopératifs (surtout une, mais ça, inutile de le préciser).

Très coopérative d'ailleurs.

Il releva pensivement le nez, fixant la fenêtre juste en face de son bureau. De là, il voyait de loin la maison de Gwenaëlle. Trop coopérative peut-être ? Etait-ce vraiment naturel de venir à la rencontre d'un officier SS comme elle l'avait fait ? Bien sûr que non. Et si...

Il posa ses coudes sur la table et son menton sur ses mains, pensif. Elle lui aurait menti ? Elle avait pourtant l'air honnête...Mais elle n'avait pas l'air non plus d'une femme qui accepterait tranquillement l'oppression d'un peuple étranger au sien. Il suffisait de voir comment elle parlait des français parfois. Pourquoi ne râlerait-elle pas contre les nazis si elle ne supportait pas les français ? Parce qu'ils auraient "chassé" en quelque sorte les français ? Non, ça ne tenait pas debout, de plus, ils n'avaient chassé personne (du moins, ni français ni bretons). Rien ne tenait debout, à vrai dire. Et avec qui vivait-elle ? Il avait vu un homme à la peau halée, brun. Certainement pas un membre de sa famille. Un fiancé, un époux ? Il avait également vu une jeune femme blonde. Non, cet étrange trio, et il soupçonnait qu'encore d'autres personnes vivaient dans cette maison, ne pouvaient appartenir à la même famille. C'était un groupe. Un groupe comme...Comme un groupe de résistants.

Mais quand avait-il commencé à être aussi aveugle ?

Gwenaëlle fronça les sourcils en voyant, par la fenêtre, Léan approcher. Premièrement, il n'avait jamais tenté de venir chez elle. Deuxièmement, il était tard. Enfin, son uniforme était bien mis.

- ...Ca sent pas bon, sortez par la porte arrière. Peu importe pourquoi il vient, c'est sûrement pour moi.

- Viens aussi, Gwen', fais pas l'idiote !

- Si je ne suis pas là il devinera vite par où on est sortis. Il est seul, je peux le retenir. Et puis, il ne vient peut-être que pour boire un coup...

- C'est ça...Je ne serais pas loin si tu as besoin.

- Pas de souci, Chris', prenez soin de vous...

- Bien sûr...A plus tard.

Il fila par la porte arrière en pressant devant lui Elizabeth, Gilbert et Quentin. Gwenaëlle déglutit et récupéra un revolver dans un tiroir. Après réflexion, elle alla également coincer un couteau dans ses bas, contre sa cuisse. Le revolver dans la main, caché derrière son dos, elle alla ouvrir en entendant frapper. Bon, déjà, il n'avait pas défoncé la porte, c'était sûrement bon signe.

- Bonsoir, Gwenaëlle, lâcha-t-il avec un sourire.

- Bonsoir Léan...Qu'est-ce qui t'amène si tard ?

- Et bien...Je me faisais remarquer que tu ne m'avais jamais invité chez toi.

Il avançait tout en parlant, la forçant à reculer jusqu'à se retrouver acculée contre la table de la cuisine. Elle déglutit et arma son revolver mais le blond attrapa son bras avec force, fronçant les sourcils.

- Tu devrais lâcher ça.

- C'est armé. Si je le lâche, il y a de fortes chances qu'on se fasse tirer dans les pieds.

- Très bien...

Il se servit de sa grande taille pour se pencher sur elle, récupérant l'arme sans qu'elle oppose de résistance. Elle ne pouvait pas réellement se défendre contre un mastodonte pareil, de toute manière. Elle déglutit à nouveau alors qu'il inspectait l'objet.

- C'est assez risqué de se procurer ce genre de choses...

Il tira dans le mur, la faisant sursauter, et reposa le revolver sur la table, la tirant ensuite un peu plus loin pour l'en écarter. C'était foutu...

- Où sont les autres ?

- Ils se promènent...

- Tu te rends compte de la situation dans laquelle tu es ?

- Une situation pas très bonne, je suppose. Tu n'as pas l'air de vouloir me laisser partir...

- En effet, je n'en ai pas l'intention. ...Je dois avouer que tu m'as bien eu jusqu'ici. Je n'ai réalisé le problème que tout à l'heure, en écrivant mon rapport.

- Oh. J'espère que tu as précisé dans ce fameux rapport que tu t'étais envoyé en l'air avec une sous-race.

Elle sursauta violemment lorsqu'il plaqua sa main contre le mur, juste à côté de sa tête, la surplombant. Son visage fermé indiquait clairement que ce genre de réflexions n'était pas les bienvenues. Elle déglutit et eut un rire nerveux qu'elle regretta aussitôt en voyant les sourcils de Léan se froncer. Bon, là, pour le coup, elle aurait bien aimé que Christian intervienne.

...N'avait-il pas dit qu'il ne serait pas loin ? Les bruits de lutte auraient été difficiles à ne pas entendre, pour quelqu'un à proximité...Et s'il leur été arrivé quelque chose ? Le SS aurait très bien pu envoyer ses soldats bloquer la porte arrière. Mais il avait demandé où étaient les autres...Et puis elles n'avaient vu ni entendus aucun bruit indiquant que ses amis avaient pu être interpellés...Non, le corse devait guetter le moment idéal pour intervenir. Ou alors il était parti aussi et, au moins, ça lui évitait de se faire capturer à son tour.

- Assieds-toi.

Le blond la traîna jusqu'à une chaise et l'y assise en y attachant un de ses poignets avec une paire de menottes. Elle pouvait toujours essayer de s'enfuir en portant la chaise mais l'entreprise lui semblait risquée et n'avait que peu de chances d'aboutir...

Le SS se mit à fouiller les placards, cherchant visiblement des preuves concrètes de leur culpabilité. Bien qu'elle ait quasiment avoué et, qu'en prime, elle avait une arme chez elle. D'ailleurs en parlant d'arme...Elle avait toujours le couteau coincé dans ses bas, sous sa jupe...Si elle pouvait l'atteindre pendant qu'il avait le dos tourné...

Elle commençait tout juste à se pencher qu'il se retourna pour poser leur émetteur radio sur la table avec un regard accusateur. Elle fit mine de se gratter la jambe et le gratifia d'un grand sourire provocateur.

- C'est pour diffuser des émissions de cuisine, on adore les moules Fritz dans la région.

- Et par chez moi la grenouille est assez réputée.

- Je suis pas française, couillon de boche...

- Crois-moi, quand j'en aurais fini avec toi, on ne pourra même plus te différencier d'une noire ou d'une asiatique, alors d'une française...

Elle grimaça. Charmante manière de lui dire qu'il comptait bien la défigurer le plus possible... Si elle ne parvenait pas à lui échapper, elle allait passer un sale quart d'heure... Enfin, sûrement bien plus qu'un quart d'heure. Pfft, pour une fois qu'elle ressentait de l'affection pour quelqu'un d'autre que sa famille il avait fallu que ce soit une saloperie de SS qui se réjouissait à présent de pouvoir la torturer pour faire un joli petit rapport à ses supérieurs.

- Je pense que cela suffit à vous incriminer, toi et tes amis.

- Que vous n'attraperez pas.

- C'est sûrement ce que tu pensais à ton sujet, il y a quelques temps. Et regardes dans quelle situation tu te trouves. En même temps...Quelle idée de te jeter directement dans la gueule du loup...

- Je croirais presque entendre du regret dans ta voix ! railla-t-elle.

- J'en ai. J'aurais préféré que tu ne sois pas une résistante.

- C'est ça, donnes-toi bonne conscience, sale Fritz...


Fin de la partie 1, la suite juste derrière ~