Et voici ma surprise!
J'avais décidé de vous écrire le déroulement de chaque anniversaire de Levi, jusqu'à celui de ses 28 ans (bien entendu avec grooooosses ellipses temporelles et focus sur les plus significatifs!)
Je me disais que mon petit gnome chéri étant né en Décembre, c'était l'occasion de lui rendre hommage...
...et au départ ça devait un peu être une sorte de calendrier de l'Avent spécial Chatons sauf maintenant...l'idée est totalement sortie de son contexte...mais bon! J'y tenais beaucoup alors je partage quand même avec ces petits bouts d'histoire...
Eeeet duuuu coup je m'excuse d'avance pour les âmes sensibles...émotions voulues et recherchées par l'auteure = ...euh. L'esprit de Noel ? (LOL JAMAIS DANS LE MONDE CRUEL D'SNK!) Tristesse Alerte! (J'avais promis que je préviendrais à l'avenir)
ps: Je pense changer la vignette image qui représente l'histoire au fur et à mesure des chapitres (ce ne sera pas long). Normalement, encore 3 parties et cette mini série sera terminée!
J'espère du coup que vous aurez l'occasion de profiter de chacune de mes vignettes!
Petites notes pour les non lecteurs histoire de suivre l'esprit tranquille:
1) Mana et Gena sont les deux soeurs aînées de Kenny Ackermann. Elles étaient jumelles. Gena est la mère de Levi. Mana, celle de Mikasa.
Elle s'est enfuie afin de ne pas achever son entraînement d'assassin, abandonnant sa soeur fragile et son petit frère pour vivre une vie meilleure. Elle fera la rencontre du père de Mikasa dans l'arrière-pays et vivra en tant que membre d'une secte tristement connue pendant des années avant de s'enfuir avec son mari et de s'installer dans une montagne recluse.
My Beautiful Beast
Mini Serie
Happy Birthday Levi (part 1)
Levi détestait les fêtes.
Et il détestait encore plus le jour de son anniversaire.
Il ne l'avait jamais aimé.
Aussi loin que remonte ses souvenirs, il n'avait jamais vraiment compris l'utilité de célébrer le jour qui l'avait vu atterrir dans ce monde pourri. Quand on y regardait de plus près, il devenait très vite évident que sa vie n'avait absolument rien qui mérite d'être commémorée...
Enfant, Levi avait eu faim. Froid. Peur….
Pendant la plus grande partie de son enfance, il s'était senti rejeté et abandonné par le reste du monde.
Et même si, extraordinairement, le 25 Décembre des deux dernières années qu'ils avaient passé ensemble, sa mère avait fait l'effort de marquer le coup, Levi ne pouvait décemment penser à cette date comme significative d'un instant de bonheur. Cette étrange fête avait pour lui l'allure d'un décompte pré-mortem Elle était teintée d'une répugnante nuance triste qui ne manquait jamais d'alourdir son cœur déjà meurtri.
C'était un peu le jour de tous les possibles.
Mais aussi celui où, étrangement, Levi ne pouvait s'empêcher de contempler droit dans les yeux ses échecs, ses actes manqués, ses déceptions, ses craintes. Une sorte d'affreux bilan de fin d'année qui ne lui donnait à chaque fois qu'une seule envie, dormir. Pour ne jamais se réveiller. Comme l'avait fait sa mère à la toute fin. Quand elle l'avait enlacée un soir de Janvier et s'en était allée ainsi, dans son sommeil. Sans même dire au revoir.
A bien y repenser, sa mère était sans doute l'une des raisons principales pour lesquelles Levi détestait la date de son anniversaire.
Le jour où il avait eu quatre ans, sa mère avait changé du tout au tout. Levi ne savait pas comment elle s'y était pris mais elle s'était débrouillé pour réussir à repousser au loin la douleur de la maladie qui lui rongeait le cerveau à petit feu afin de s'occuper de lui. La femme qu'elle avait alors été pendant un jour, avait effrayé l'enfant qu'il était à l'époque. Effarouché, non habitué à la chaleur humaine, à l'attention, à la tendresse, Levi avait eu peur de l'approcher, peur de s'y attacher, peur d'être blessé par ses sourires avenants. Pour autant elle avait su faire naître en lui une myriade de faux espoirs qui, une fois le 26 Décembre arrivé, quand la maladie avait fait son retour en grande pompe et que c'était une femme dévastée et violente qui l'avait accueilli au réveil en lui balançant une conserve en pleine tête, n'avaient pas manqué pas de lui fendre le cœur.
Levi ne se souvenait vraiment que de son quatrième et son cinquième anniversaire. Mais ce qu'il savait, c'était qu'il avait prié de toutes ses forces en soufflant son unique bougie (un vulgaire morceau de bougie d'éclairage, que sa mère avait déterré d'il ne savait où) pour que celle qui s'était occupée de lui toute la journée du 25, cette mère-là, pas malade, qui ne vociférait pas des insultes à tout va et n'hurlait pas de douleur toute la sainte journée, que cette mère, demeure à ses côtés à tout jamais.
…Un vœu qui bien entendu n'avait jamais été exaucé….
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Le 25 Décembre de cette année-là, Gena Ackermann sortit du lit de bonne heure.
Sans jamais se plaindre des douleurs qui lui vrillaient le crâne, elle avait décidé la veille de ne pas prendre ses médicaments. Ils étaient bien trop puissants et l'abrutissaient. Or en ce jour spécial, il était bien plus important qu'elle soit elle-même, que libérée de ses souffrances. Elle devait s'activer à rendre son minuscule appartement un peu plus vivable, histoire de marquer le coup. Depuis presque deux ans aujourd'hui, Gena passait près d'une année sans avoir la force de le nettoyer et très vite, son fils et elle, ils finissaient par vivre dans un véritable dépotoir…
…Elle aurait tellement souhaité que les choses soient différentes…
Elle avait quitté leur 'lit' (un amas de matelas miteux et de couettes sales) en faisant tout son possible pour ne pas réveiller le petit corps recroquevillé qui dormait à ses côtés. Une chevelure hirsute et crasseuse, plus noire que l'encre d'un artiste peintre. Une peau d'albâtre, des membres maigres et fébriles…son petit bonhomme ne cessait de pousser, comme de la mauvaise herbe.
Sans eau, sans lumière, sans amour, envers et contre tout…
…Gena aurait voulu être une meilleure personne, une femme plus forte…elle aurait voulu avoir la force et la santé de Mana, afin d'offrir à son tout petit la vie qu'il méritait. Elle aurait voulu avoir la force et la santé de Mana afin de protéger Kenta et l'arracher aux griffes de leur meurtrier de père…
Et (si elle osait se l'avouer), Gena aurait voulu avoir la force et la santé de Mana afin d'elle-même pouvoir reprendre le prestigieux titre d'Héritière du clan Ackermann.
Mais Gena n'était rien de tout ça. Elle, elle était la jumelle faible et malade. Un foutu cancer qui lui grignotait l'esprit jour après jour. Si bien que récemment, elle n'était même plus capable de tenir la moindre conversation cohérente avec son petit bout de chou…si ce n'était les médicaments qui la transformaient en plante verte, c'était la tumeur qui la transformait en harpie. L'un et l'autre s'affrontaient à longueur de temps, ne laissant à son pauvre Levi qu'à peine quinze minutes par jour (certain jour c'était bien moins de temps) avec sa mère en pleine possession de ses moyens…
Gena, comme tous les Ackermann, n'était pas du tout croyante.
Pourtant récemment, elle se surprenait à remercier une vague entité supérieure de lui avoir accordé le temps d'aider son fils à assez grandir pour être 'capable' de survivre seul…
Gena avait découvert sa tumeur au cerveau après s'être évanouie au travail alors que Levi n'avait qu'un an. Les médecins ne lui avaient alors donné qu'un an de plus à vivre. Et pourtant ? Cela faisait déjà presque quatre ans qu'elle luttait depuis. Même affaibli comme l'était le sien, le corps des Ackermann continuait de lutter contre l'inéluctable. C'était un corps de survivant…
Son regard se posa une fois de plus sur la frêle silhouette qui tentait de disparaître dans les draps sales de leur couche.
Le père de Levi était un malfrat.
Un homme dont la conduite était dicté par ses instincts et ses envies. Un dangereux mafieux dont l'aura seule suffisait à faire fléchir la plupart de ses ennemis. Il était le bras droit du chef de l'empire de l'ombre qui faisait la pluie et le beau temps à Paradiz. Ceux-là même qui embauchaient le frère de Gena, Kenta (qui se faisait aujourd'hui appeler Kenny Ackermann et devant qui tous tremblaient d'effroi) Son poste de bras droit était pour cet homme plus important que tout autre chose au monde, mais sûrement pas plus que sa famille. Il n'avait arrêté de leur envoyer de l'argent et de leur rendre visite (très discrètement pour éviter de les mettre en danger) que depuis deux ans. Avant ça, il avait toujours mis un point d'honneur à savoir comment se portait son fils et sa 'maîtresse' (oui, il était marié mais Levi était son seul enfant).
Il aurait pu avoir juste tourné la page ou décider de les laisser pour compte et de vivre une autre idylle avec une autre femme. Sauf qu'au fond d'elle, Gena avait eu l'impression de sentir l'exact moment où il était mort. Elle savait que son silence ne pouvait être dû qu'à ça. Sa mort. Car bien qu'il ait pu abandonner Gena (mais elle en doutait grandement, car ce qu'ils vivaient ensemble se passait même de mots), il n'aurait jamais pu la quitter sans emmener avec lui Levi (en passant sur son cadavre, s'il l'avait vraiment fallu), qu'il appelait affectueusement 'Son petit bagarreur' (il le destinait sans doute à une carrière de malfrat aussi prolifique que la sienne. Les liens du sang étaient très importants dans le Milieu…)
Le soir où il était mort, Gena avait subi la crise de douleur la plus longue de toute sa vie. Et par la suite, son état n'avait cessé de se dégrader d'heure en heure.
Elle avait aimé cet homme comme elle n'avait jamais cru possible d'aimer. Comme elle n'aurait jamais cru une Ackermann (même une ratée comme elle l'était) capable d'aimer. A la folie. Elle avait eu l'impression de l'avoir cherché toute sa vie, de voir le monde débuter et finir à travers ses yeux gris perçants…et elle aimait Levi tout autant. Quand bien même elle n'arrivait à le lui dire et à le lui montrer clairement qu'une seule fois par an …
Gena avait entassé les poubelles avant de les sortir de l'appartement.
Ses membres ankylosés refusaient de lui obéir correctement et elle était tombée dans les escaliers. La sueur au front, elle s'était redressée sous les regards mornes et sans vie des deux vieilles mégères qui laissaient passer leur existence en épiant le voisinage. Gena avait ignoré les cris de ses articulations et ses toutes nouvelles ecchymoses. Elle s'était traînée jusqu'à la superette et avait utilisé l'une de ses très rares réserves d'argent pour acheter du savon, de quoi faire un gâteau et une bouteille de jus. Puis elle était rentrée chez elle, en essayant d'ignorer aussi bien qu'elle ignorait la douleur les regards scrutateurs et méprisants des gens qui croisaient sa route.
Elle savait qu'elle sentait mauvais. Qu'elle avait de la crasse sous les ongles. Que sa peau était méconnaissable sous toute cette saleté...
…elle savait qu'elle était une épave.
Elle rentra enfin chez elle, le cœur battant. Déjà plus épuisée qu'elle ne l'aurait cru, elle posa ses achats dans un coin dégagé et se dirigea d'un pas hésitant vers la salle de bain. La nuit précédente, elle avait gémi et hurlé dans son sommeil (c'était le prix à payer lorsqu'on ne prenait pas ses médicaments). Du coup Levi, n'avait pas réussi à fermer l'œil (rien de bien étonnant à ce qu'il dorme maintenant comme une masse)…
….enfin, c'était un mal pour un bien. Gena avait le temps au moins de mieux se préparer.
Elle s'était mise sous la douche et s'était décrassée du mieux possible. Elle tenta de ne pas remarquer la couleur honteusement sombre de l'eau qui ruisselait sur son corps. Depuis quand n'avait-elle pas fait l'effort de se trainer ici ? Elle passa les doigts dans sa longue chevelure noire emmêlée. Gena avait été très belle avant que la maladie ne dévaste ses traits et lui donne un air l'as et morbide. Peut-être même qu'elle avait été plus belle que Mana, puisque sa fragilité lui conférait une certaine aura, délicate et sensuelle…
Gena espérait vaguement pouvoir se montrer sous son meilleur jour face à Levi, maintenant qu'il comprenait parfaitement et se rappellerait sans doute très longtemps de cet anniversaire, elle sentait qu'elle se devait d'en faire un moment particulier….
….Elle n'osait s'avouer qu'elle tentait maladroitement de lui laisser une bonne impression avant la fin…
Lorsqu'elle sortit de la douche, il était réveillé. Visiblement inquiété de la trouver ailleurs que sous les draps il parut encore plus déboussolé quand il se rendit compte qu'elle était propre. Kenny ne pouvait peut être pas se permettre de montrer qu'il avait la moindre attache en ce bas-monde (et donc ne leur avait rendu visite qu'une seule fois en tout et pour tout). Mais il n'empêchait qu'il leur payait cet appartement, l'eau et l'électricité, qu'il leur fournissait de maigres économies et payait également un homme pour qu'il leur prépare à manger, approvisionne Gena en médicaments et s'assure un minimum du bien être de Levi. Même cet homme faisait même pas 5% du travail pour lequel il était payé, c'était grâce à lui s'ils ne mourraient pas littéralement de faim.
Malheureusement, Gena était aussi inexpressive que l'était son patriarche, puis Kenny et maintenant Levi…
La seule qui avait toujours su exprimer quelque chose sur ses traits d'une beauté figée, c'était Mana, sa sœur jumelle. Celle qui les avait abandonnés à leur triste sort pour mener une plus belle vie…
….Mana était capable de vous éblouir de son sourire éclatant…
Gena tenta tout de même d'offrir à son fils un faible sourire avenant : « Bonjour Levi… » Sa propre voix, si calme, quand elle s'exprimait autrement qu'en hurlant lui fit plus qu'étrange (oui, une part d'elle s'entendait hurler, et c'était une vraie torture…). Rien d'étonnant donc à ce que Levi paraisse surpris voire méfiant. Elle s'éclaircit la gorge et souffla avec émotion : « Joyeux anniversaire, bébé. » Il parut alors sortir de sa transe et fronça les sourcils : « Je ne suis plus un bébé… » Levi avait si peu d'occasion de parler d'ordinaire qu'il avait la voix presque enrouée.
Gena retint un sourire attendri.
Levi avait appris à parler en écoutant toute sorte de voyous de bas quartier, s'injurier. Ou encore la quantité astronomique de jurons que Gena pouvait lâcher lorsque la tumeur révélait le pire d'elle-même. L'enfant ne l'avait jamais appelée maman. Mais elle ne lui en tenait aucune rigueur. Après tout, elle n'était pas une vraie mère. Et la vie qu'elle lui faisait mener dans ce taudis valait à peine celle d'un chien abandonné sur le bord de route…
Gena savait que les gens du voisinage étaient loin d'être tendre avec Levi. Ils le maltraitaient quand il osait mettre le nez dehors, l'accusant d'être porteur de maladies comme on accusait un rat d'avoir la rage…
Elle lui fit signe d'avancer d'un geste un peu abrupte, les lèvres pincées à cause du contenu de sa pensée : « Viens, je vais te décrasser. » Levi s'était montré si hésitant qu'elle avait dû l'attraper par les bras et le traîner jusqu'à la douche. Il n'avait cessé de se débattre que quand il s'était rendu compte que sa résistance la faisait souffrir. Il avait beau être petit, il était déjà bien plus fort qu'elle.
Une fois tout propre, Levi avait eu la peau aussi laiteuse que la sienne et son visage s'était révéler être d'une beauté aussi nette que terrifiante (surtout pour un enfant de quatre ans). On voyait déjà sur ses traits qu'il serait un homme formidable s'il survivait jusque-là. La douche l'avait décrispé et c'était très détendu que Levi s'était laissé asseoir par sa mère sur un carré de tatami propre. Alors qu'elle le coiffait de ses doigts, elle déclara : « Tu as hérité des yeux bleu des Ackermann. Et si tu n'es pas malade, comme moi, tu deviendras sûrement très fort à l'avenir…peut-être même plus fort que ton oncle Kenta… » Il avait reniflé de dédain et avait un peu rentré la tête dans les épaules comme pour cacher son embarras.
Il n'était tout entier que maladresse et malaise.
Gena mourrait d'envie de le serrer dans ses bras comme lorsqu'il n'était encore qu'un nourrisson. Mais elle savait que depuis peu, Levi avait commencé à craindre les contacts physiques. Sans doute après qu'un ou deux ivrognes l'aient frappé alors qu'il prenait l'air au coin de la rue… Elle avait néanmoins sentit son cœur se gonfler et un sourire lui avait fleuri sur les lèvres : « Tu es sans doute ma plus belle réussite, Levi. Je suis si heureuse d'avoir réussi à t'élever jusque-là…» Il s'était figé. Peut-être n'avait-il même pas compris ce qu'elle venait de dire, ce n'était pas souvent qu'il entendait des mots aussi positifs (surtout dans le quartier).
Gena voulait lui transmettre ces mots.
Tandis qu'elle le pouvait encore. Alors qu'ils lui appartenaient toujours. Qu'elle les maîtrisait et qu'elle soupesait leur poids sur sa langue.
Après la douche et la 'coiffure', elle tenta de lui confectionner un gâteau d'anniversaire.
Rien de très élaboré, juste de quoi se mettre sous la dent et marquer le coup.
De l'œuf, de la farine, du sucre, du beurre, un peu de levure et du chocolat bon marché. Cela faisait une éternité que Gena n'avait pas passé aussi longtemps debout et encore plus de temps qu'elle n'avait pas tenté d'allumer son four électrique…mais la chance était avec elle et il fonctionnait encore. Levi avait accepté de mettre la main à la pâte mais une fois sa part du marché rempli, il avait passé tout son temps à la fixer, comme pour graver chacun de ses traits dans sa mémoire d'enfant. Comme s'il savait lui aussi d'une certaine façon qu'ils approchaient de la fin.
Que Gena était peut-être elle-même pour la dernière fois….
Elle profita du temps que mettait à cuire le gâteau pour lui raconter toute son histoire.
Ils s'étaient installés à même le sol. Levi avait accepté de poser la tête sur ses genoux et elle s'était délectée de l'instant. Elle lui avait raconté tout ce qu'elle savait du clan Ackermann. L'histoire du tatouage de dragon qu'elle avait sur l'épaule gauche, du fait que sa sœur jumelle portait le même sur son bras droit. L'histoire de leur ancêtre. Comment son père les avait quittés quelques années avant….
Gena avait promené les doigts dans sa longue chevelure noire, rendue soyeuse par le savon, et lui avait tendrement caressé le cuir chevelu. Elle le faisait souvent lorsque Levi était encore bébé. Et il lui arrivait encore quand, par miracle, elle parvenait à passer une nuit potable et qu'il s'endormait blotti contre elle, de perdre les doigts dans ses cheveux. Levi n'était pas un enfant comme les autres (majoritairement à cause de Gena) mais elle avait la certitude qu'il adorait ces caresses et que d'une certaine façon, il comprenait que c'était sa façon à elle de lui montrer sans rien réussir à dire, qu'elle tenait énormément à lui.
Une fois le gâteau cuit, ils s'étaient tous les deux assis de part et d'autre de leur vieille table basse bancale.
Dehors le soleil était à son zénith mais l'épaisse couche de grisaille qui recouvrait Shinganshina continuait d'en masquer les rayons. Il faisait froid dans l'appartement et la bougie que venait d'allumer Gena tremblait sous l'effet des courants d'air que leur vieil appartement, truffé de trous comme un gruyère laissait entrer de-ci de-là. Pour un observateur lambda, cette scène devait paraître si pathétique. Peut-être triste et déplorable. Mais pas pour eux. Dans ce silence embarrassé, penchés au-dessus de ce gâteau au chocolat un peu raté, ils se s'offraient tous les deux l'occasion d'exprimer des choses pour lesquelles ils ne trouveraient sans doute jamais les bons mots.
Gena n'avait pas eu la chance d'avoir une mère aimante sur qui prendre exemple.
Elle n'avait jamais connu sa mère. Et son père était juste un jour revenu d'elles ne savaient où ; Kenta sur les bras, comme s'il l'avait trouvé dans une poubelle. Ce n'était encore qu'un nourrisson : « Voici votre frère. » C'était avec ces simples mots qu'il le leur avait présenté et qu'il avait décidé de leur confier entièrement la tâche de le faire grandir. Si les Ackermann étaient fait de glace, alors leur père devait avoir été forgé de la glace la plus profonde et glaciale du pôle Sud de leur planète.
Mais même sans exemple, il y avait certaines choses qui lui venaient d'instinct.
Le fait d'exprimer à voix haute ce qu'elle avait toujours pensé en faisait partie.
Elle avait fixé le petit garçon malingre qui lui faisait face et avant qu'il ne souffle sa bougie (tout aussi bancale que leur table) elle avait déclaré : « Je ne sais pas à quoi ça ressemble une famille normale. Je n'en ai jamais eu une…. alors je n'ai pas su comment t'en donner une non plus… Comme je te l'ai raconté, les Ackermann ont une façon assez spéciale de grandir et d'être élevé…nous sommes des assassins de générations en générations. Je ne sais même pas lequel de notre lignée a commencé ce cauchemar…mais on dirait que toutes les époques ont eu besoin de louer notre service, à un moment donné ou un autre… Je n'ai jamais été fière de mon héritage ou toutes ces conneries. A vrai dire, c'est mon père qui m'a appris à lire comme je l'ai fait pour toi ensuite. Je n'ai jamais été à l'école alors je ne dois pas être assez intelligente pour tout comprendre…Je n'ai jamais été fière de quoique soit. Je n'ai… » Elle s'était tue. Elle savait qu'elle digressait. Qu'il ne devait pas tout saisir. Mais il la fixait avec une telle intensité.
Avec le regard maudit des Ackermann.
Sauf que dans le sien, il y avait une lame de gris acier bien plus prononcé que dans celui de sa mère. Un gris qui lui rappelait les yeux de son (sans aucun doute) défunt amant. Elle sentit sa gorge se nouer et les mots jaillirent tout seul : « Je t'aime Levi. Tu es ma seule, mon unique, ma plus grande réussite. Je suis désolée d'être ta mère…j'aimerais que toi au moins, tu échappes à notre malédiction…si j'ai la chance de souffler ma bougie l'année prochaine, je souhaiterais sûrement que tu puisses vivre heureux…et longtemps… »Le regard de l'enfant s'était un instant illuminé. Il avait paru réfléchir plus longuement au vœu qu'il comptait faire. Puis il souffla enfin.
Gena ne saurait jamais que le vœu de Levi ne s'était jamais réalisé.
Le lendemain, elle était à nouveau délirante et à la merci des médicaments.
Puis son état n'avait fait qu'empirer, encore et encore de jour en jour.
Cependant les fréquences auxquelles ils parvenaient à s'endormir tous les deux, blottis l'un contre l'autre, la main de Gena plongée dans les cheveux de son fils, avaient augmenté avec le temps. Elle devenait de plus en plus maigre, les médicaments faisaient de moins en moins d'effets. Sa lucidité lui revenait étrangement de plus en plus souvent…le jour de son anniversaire, elle avait forcé Levi à aller acheter un muffin bon marché et une bougie premier prix. Elle avait fait un vœu, soufflé la bougie puis lui avait donné l'autorisation de manger le muffin.
L'une des meilleures choses qu'ait pu goûter Levi de toute sa vie, à l'époque.
Le 25 Décembre de l'année suivante, Gena avait été incapable de se lever du lit. Mais elle lui avait à nouveau ordonné d'aller faire les courses. Elle lui avait dit de prendre tout ce dont il avait envie, de vider leurs économies du mois s'il le fallait. Levi n'avait pas obéi, il n'avait pris que le nécessaire pour faire ce qu'il appelait en secret dans son esprit 'leur' gâteau au chocolat.
Sous les directives de sa mère, il l'avait préparé, mis dans un bol, puis enfourné.
Une fois sa création achevée, sa mère avait fait l'effort de venir s'installer face à lui, les jambes flageolante, plus pâle que la mort. Levi l'avait longuement dévisagé. Puis il avait fait un vœu et soufflé sa bougie. Le même vœu que l'année précédente, celui de pouvoir la garder à ses côtés un peu plus longtemps et sans la maladie.
Deux jours plus tard, Gena Ackermann s'était endormie.
Et ne s'était plus jamais réveillée.
Si Levi avait jamais voulu croire en l'existence d'un être supérieur qui écoutait et exauçait les prières des innocents et des croyants, cet espoir était mort avec sa mère.
Quand son oncle Kenny était venu le trouver, près des poubelles du lotissement miteux qu'il habitait avec sa mère, dont l'homme censé s'occuper d'eux l'avait sorti de force de l'appartement après l'avoir trouvé allongé près du cadavre de son employeuse... la minuscule flammèche d'humanité que Gena avait réussie à allumer en Levi avant de mourir s'était déjà éteinte, soufflée par le vent glacial d'une tristesse sans nom et d'une insensibilité polaire.
Levi était déjà devenu, un véritable Ackermann.
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Heureusement Kenny aussi n'avait jamais aimé les fêtes.
Et il détestait tout particulièrement les anniversaires.
Car aussi loin que remontait ses souvenirs, il n'avait jamais vraiment compris l'utilité de célébrer le jour qui l'avait vu atterrir dans ce monde pourri. Quand on y regardait de plus près, il devenait très vite évident que sa vie n'avait absolument rien qui mérite d'être commémorée.
Enfant, il avait eu faim. Froid. Peur. Mal…
... Et il s'était senti abandonné du monde entier 90 % du temps.
A chaque anniversaire, Kenny se retrouvait face à lui-même, obligé sans le vouloir de dresser une espèce de bilan de fin d'année abominable qui ne lui donnait qu'une envie…
…cogner quelqu'un.
Kenny n'avait jamais souhaité un 'joyeux anniversaire' au morveux. D'ailleurs il avait oublié que Levi était né le 25 Décembre à presque tous les coups. En près de sept ans de vie commune, il ne s'en était rappelé qu'une fois, quand il avait dû inscrire le gamin dans une école publique pour éviter d'avoir les services de l'enfance sur le dos (Paradiz mettait un point d'honneur à faire appliquer la loi pour des détails plus que saugrenus quand on prenait en considération l'état déplorable dans lequel se trouvait ses citoyens. Le recensement et l'alphabétisation des enfants en faisait partie...)
D'ailleurs, Kenny ne lui avait jamais dit le moindre mot rassurant ou aimant.
Kenny n'avait appris à Levi que ce dont avait exactement besoin pour continuer d'avancer. Ce qu'on lui avait appris à lui-même quand il avait fallu qu'il comprenne en quoi consistait le rôle de l'Héritier de la tradition Ackermann. Quand on lui avait expliqué qu'il n'était qu'un produit, une marchandise, une lame forgée qu'on avait enlevé à sa mère afin de la rentabiliser, comme le produit qu'il avait toujours été du début à la fin...
Kenny lui avait appris la colère.
Il avait permis à Levi de sublimer cette envie farouche qui brûlait à lui en geler les os, là, tout au fond de lui.
Celle de survivre, envers et contre tout.
Celle d'arracher des mains d'autrui tout bien, toute position, tout personne, qui avait su attirer son regard, attiser sa convoitise...
« Le monde n'est qu'un ramassis d'immondices. L'Humain est son champignon. Il le consume, le détruit de l'intérieur, l'ingère pour mieux grandir et bâtir. Jusqu'à ce que l'écosystème qui lui permet de proliférer finisse un jour par s'effondrer sur lui-même, épuisé. Et retourner au néant….Un monde sans espoir, sale, décevant et sombre. Un monde sur le bord de l'implosion ou seul un farouche désir, aussi égoïste qu'inaliénable, de survivre en dépit de tout, prédomine. Celui qui en veut le plus va le plus loin. Voilà tout. C'est ça le monde dans lequel tu vis gamin. Il ne laisse aucune place aux rebus, aux faibles et aux idiots comme l'étaient tes parents. Apprends donc de leurs erreurs et tente de crever vieux et le moins con possible. »
Kenny et Levi étaient de ceux qui vivaient chaque jour comme s'il s'agissait du dernier, avec force, panache et envie.
Seul l'argent était une véritable nécessité.
Leur devoir d'assassin un moyen certain d'en obtenir ET de survivre assez longtemps pour en jouir.
Ils ne devaient pas juste être bons, ils devaient être des légendes, des monstres dont mêmes les pires employeurs ne songeraient pas à vouloir se débarrasser sans craindre au préalable pour sa vie...c'était un chemin tout tracé. Une route évidente….
….et Levi aurait pu continuer sur cette voie. Devenir un véritable assassin, perpétuer l'héritage familial…
….si un jour, il n'avait pas fait la rencontre de Farlan et Isabel…
Une première partie un peu 'résumé' à mon goût, qui permet une petite immersion dans l'enfance de Levi.
J'espère ne pas avoir été trop brouillon et vous avoir transmis tout ce que je voulais transmettre.
Hâte de lire votre avis ce passage...
à très vite!
A suivre…
