Hello ! (cover image de x-aires sur DA)

Pour un petit background à cette histoire, dans ma vision des choses, James Sirius Potter est quelqu'un de très doué en potions et en botanique, et il décide de faire un échange à Castelobruxo après ses ASPICs. L'histoire se déroule donc en fin d'été suivant son diplôme, au Brésil (et pas que !).

Cette petite fic de 3 chapitres est également une réponse au concours « Tatoo... l'Art dans la peau ! » lancé sur le forum d'HPFanfiction par princesse. Si le monde du tatouage dans HP vous intéresse, je vous invite à aller lire les autres participations !

(Et si vous connaissez Cookies ensorcelés et que vous ne voulez pas être spoilés sur l'avenir de James, rebroussez chemin ;)

Sans plus d'attente, bonne lecture !


Un mois. Un mois à peine s'était écoulé depuis que James avait posé ses deux valises dans son petit appartement du quartier sorcier de Manaus, o distrito em mil luzes (1), nom que les moldus avaient attribué aux explosions de lumière d'origine magique de ce côté de la ville. Aux abords de la forêt amazonienne, le quartier sorcier s'était implanté dans la ville brésilienne depuis bientôt deux siècles, grâce à l'activité économique florissante de Manaus en Amazonie. Des sorciers issus de toute l'Amérique du Sud se réunissaient à ce carrefour de la vie latine, faisant du quartier aux mille lumières un melting-pot des plus variés et des plus attrayants.

Pour un jeune sorcier britannique qui s'était retrouvé enfermé dans un château écossais sept ans durant, le cadre était idyllique. Et pourtant…

James Potter avait vécu trois longues semaines pendant lesquelles les désillusions s'étaient démultipliées à grande vitesse. Dans ses rêves les plus fous, on lui avait promis mille aventures : des escapades périlleuses en plein coeur de la forêt amazonienne jusqu'aux carnavals et festivités agrémentés de samba et de couleurs à en perdre la tête.

Or, jusqu'à maintenant, James s'était senti bien isolé. Ce qu'il avait tant redouté s'était produit. Une routine teintée de solitude s'était installée. Au réveil d'une nuit généralement courte, il se promenait brièvement dans les rues bétonnées du quartier sous le son lointain de la guitare mal accordée de l'allumée du coin. A dix heures, il nettoyait les chaudrons chez l'apothicaire du coin pour l'équivalent de trois Noises. Puis, James transplanait paresseusement à l'entrée Castelobruxo, la célèbre école de magie brésilienne, sous la chaleur que réverbérait les murs du temple doré jusqu'à son groupe d'étude dirigé par l'une des plus grandes herbologistes du pays, Hestia Gonsalves. S'il se réjouissait de pouvoir étudier sa passion dans un environnement inconnu et excitant, cela n'effaçait ce manque qu'il n'avait jamais connu jusqu'alors.

Qu'était une aventure si on ne pouvait la partager avec quelqu'un d'autre ?

A Manaus comme à Castelobruxo, James était seul. Complètement seul. La vérité était dure à digérer pour le jeune homme : James Potter n'avait pas d'amis ici, et n'avait pas la moindre idée de comment s'en faire. Le comble pour celui qui avait été l'un des plus populaires il fut un temps à Poudlard.

C'était donc avec une grande lassitude que James finissait ses journées dans le bar en bas de chez lui -la cause principale de ses insomnies-, à se demander comment il en était arrivé ici. Si ses camarades s'étaient battus pour apparaître à ses côtés lorsqu'il était à Poudlard, au Brésil, loin de tous, il n'était qu'un gosse comme un autre, un gringo comme on disait ici, un européen venu accomplir sa propre croisade, comme bien d'autres avant lui.

Bien sûr, il y avait Bernardino, que James se plaisait à appeler Bernie -plus simple à prononcer. Bernie était un grand gaillard à la carrure imposante qui venait boire son unique pinte de bière quotidienne à huit heures du soir pour rentrer chez lui une heure plus tard. Sur un fond de coucher de soleil à travers la petite fenêtre, Bernie lui racontait ses journées en tant que BAF -Brigadier Amazonien des Forêts- à traquer à coups de sortilèges de confusion les agriculteurs et autres responsables de la déforestation. Quand le soleil pointait à l'horizon, prêt à laisser derrière lui ses dernières lueurs rosées et orangées, Bernie repoussait mollement son verre vide de ses mains épaisses et rentrait chez lui, comme la journée précédente.

Et James se retrouvait de nouveau seul, croisant occasionnellement ses camarades du programme international de Castelobruxo qui n'avaient pas la même ambition que lui.

Ce soir-là ne manquait pas à la règle, la porte du bar s'était ouverte sur une musique dansante en provenance de la rue grouillante de passants et sur une silhouette qui s'avançait à pas traînants vers James, installé à feuilleter la revue Verdoso, rédigée intégralement en espagnol, ce qui l'obligeait à utiliser un sortilège traducteur sept fois par ligne. James s'apprêtait à tapoter un énième mot du bout de sa baguette magique quand Bernie s'affala sur le tabouret d'à côté, épuisé par sa journée.

— Comment va le wannabe (2) ? le salua-t-il de sa voix bourrue.

— Bien, si on ne l'appelle pas le wannabe, Bernie, répliqua James du tac au tac.

— J'ai entendu dire que tes héros sont en ville, ce soir.

De manière imperceptible, James se redressa sur son siège, délaissant le mot « épineux » qui venait d'apparaître devant lui. Il n'y avait que peu de choses qui auraient pu lui redonner le sourire, ce soir-là. Mais à leur simple mention, James ne put se retenir d'arborer un vague sourire qui ne le quitterait pas de suite. Il regarda son verre à moitié plein, la Caïpirinha, un cocktail qu'il appréciait en ces dernières journées d'été, un savant mélange entre sucré et acidité du citron et qui, quand il glissait le long de sa gorge, rafraîchissait délicieusement son corps entier.

Tout en remuant la paille dans son verre, James se mit à surveiller discrètement l'entrée du bar pardessus la large épaule de Bernie. En ces trois longues semaines de solitude, James ne les avait vus qu'à deux reprises.

Eux, les chasseurs de trésor du continent. Os Caçadores de Tesouro.

La première fois qu'il avait croisé leur chemin, James avait légèrement abusé de ses cocktails et n'avait su les détailler avec précision. Une aura d'assurance et d'audace, assortie d'allures de baroudeurs les avaient accompagnés de la porte à la petite table ronde du coin opposé de la pièce. De cette soirée, James se souviendra seulement avoir été hypnotisé par leur présence jusqu'à se demander s'ils n'avaient pas du sang de vélane coulant dans leurs veines.

La seconde fois, ils étaient arrivés en début de soirée, alors que Bernie était toujours à la moitié de sa pinte. Ils s'étaient installés au bar, tout proche de James et Bernie. Thiago, le barman, leur avait servi leur cocktails en zieutant sans gêne le long parchemin qu'ils avaient déplié sur le comptoir. En vérité, si l'on se disait pas se mêler de leurs affaires, on gardait toujours un oeil curieux sur les découvertes des Caçadores de Tesouro.

D'après les habitués, ces trois sorciers venaient au moins une fois par semaine à Manaus, dans ce petit bar de quartier, du fait de sa proximité avec Castelobruxo et de ses archives regorgeantes de connaissances sur les civilisations latines et autres légendes de créatures inconnues qui se terraient dans l'ombre. Ils venaient souvent au bar, s'asseyaient toujours à une place différente, restaient les plus silencieux mais peu importait leurs efforts : ils demeuraient les maîtres des lieux. Deux hommes et une femme d'une vingtaine d'année à l'apparence pourtant banale et représentative de la jeunesse du pays.

Des trois sorciers, on reconnaissait immédiatement la jeune péruvienne, Luisa Coelho, la nièce de l'ancien capitaine de l'équipe de Quidditch des Rase-cimes de Tarapoto et qui venait elle-même d'intégrer l'équipe au poste de Gardienne. Le deuxième à attirer les regards était sans aucun doute le plus baraqué des deux hommes, que l'on ne remarquait pas pour sa musculature impressionnante mais pour le petit animal qui l'accompagnait : le clabbert, avec ses longues pattes de grenouille et sa tête d'un singe, était tantôt perché sur son épaule tantôt sautait d'un dossier de fauteuil à un autre. Et enfin, plus discret, le dernier homme était grand et maigre et ses bras étaient recouverts de tatouages mais il semblait représenter la force silencieuse du trio de par son maintien inflexible.

Des groupes comme le leur, le lui avait expliqué Bernie, il y en avait quelques dizaines à travers le continent sud-américain. Leur but était de sillonner le territoire à la recherche de légendes perdues et créatures oubliées, de recueillir les témoignages menacés d'oubli auprès de la population locale, moldue ou sorcière. Les chasseurs de trésor avaient soif d'aventure et de savoir, et pouvaient passer l'intégralité de leur temps libre dans une quête perdue. Ce après quoi Bernie s'était empressé de les qualifier d'une bande d'illuminés qui n'avaient rien d'autre à faire de leur vie qu'à brasser du vent et à prêcher de bonnes paroles.

James aurait pu s'en arrêter là si Bernie ne lui avait pas révélé qu'il avait failli devenir l'un d'entre eux, une dizaine d'années plus tôt. La deuxième fois qu'ils s'étaient présentés au bar, Bernie avait remarqué l'admiration du jeune homme pour les trois jeunes sorciers qui bavardaient à voix basse au dessus de leur parchemin. Après avoir demandé au barman de remplir à nouveau le verre de Bernie pendant qu'il s'était éclipsé aux toilettes, le grand gaillard s'était montré plus bavard :

— J'ai essayé de rejoindre l'un de ces groupuscules… tu sais, tu ne peux pas devenir un vrai caçadore de tesouro sans passer leur épreuve, disait-il, amer, en buvant une nouvelle lampée de sa boisson. Je ne les ai pas réussies et… j'ai perdu un bout de moi, en cours de route.

En prononçant ces mots, Bernie avait retiré sa chaussure et lui avait montré les quatre orteils de son pied gauche.

— Qu'est-ce-qui s'est passé ? lui avait demandé James, horrifié.

— Les Curupiras. M'auraient bouffé le pied si je n'avais pas été aussi rapide. Tant que l'on ne leur cherche pas de noises, t'es tranquille… mais si tu t'attaques à la moindre feuille verte, fais gaffe. Conseil d'ami.

— Mais, euh… comment tu sais qu'ils font partie des chasseurs de trésor ?

— La marque, wannabe, ils ont la marque, lui confia-t-il en montrant discrètement d'un coup de menton l'épaule tatouée de la péruvienne.

Spontanément, James avait été violemment réfractaire à cette pratique. Le souvenir de son père Harry s'accroupissant à ses côtés pour le mettre en garde « contre les sorciers qui ont des tatouages sur le bras et qui pourraient lui vouloir du mal » était une pensée persistante qui s'était infiltrée dans son esprit et qui n'en était plus jamais ressortie. Du haut de ses sept ans, James ne s'était pas questionné sur les raisons de l'avertissement de ses parents et avait gardé un oeil méfiant sur les bras de tous les sorciers qui venaient à la maison.

A douze ans, plus informé, James avait assimilé toute scarification à une entité démoniaque, prête à reprendre le contrôle du monde sorcier pour assouvir sa soif de pouvoir. Il était tout simplement hors d'entendement que quelqu'un puisse se tatouer la peau pour le simple plaisir… jusqu'à ce jour où, à l'aube de sa septième année, son ami Carlton était revenu à Poudlard avec cette inscription au henné « caput leonis » et n'avait pu s'empêcher de trouver ça aussi cool que le nouvel album des Belfast Red Sparkles.

Dans les jours qui avaient suivi les révélations de Bernie, James, pensif, avait longtemps songé à ces trois chasseurs de trésor. Malgré son aversion sous jacente pour la marque, ils représentaient tout ce que le jeune homme avait pu attendre de son périple en Amérique du Sud, lui qui cherchait désespérément un sens à donner à sa vie. C'était ce qu'il avait toujours voulu.

— Ça y est, ils sont là, annonça Bernie en ramenant James à la réalité. Vas-y si tu veux, mais ne reviens pas chouiner si on touche à ta jolie frimousse.

Dans un nouveau ballet d'ouverture de porte, le groupe de caçadores de tesouro entra dans le bar en gratifiant Thiago d'un sourire. Aussitôt, James sentit l'appréhension le submerger. Il vida d'une traite le reste de son cocktail et en demanda un autre avant de jeter un bref coup d'oeil aux trois sorciers assis sur le canapé le plus confortable du bar. Bernie poussa un profond soupir quand le barman revint avec la Caïpirinha. C'était sa chance.

— Je reviens plus tard. Peut-être.

Son verre glacé à la main, James traversa la pièce, le coeur bondissant dans sa poitrine. James n'avait aucune idée de comment les aborder, comment les convaincre qu'il n'était pas que cet étranger curieux de leurs us et coutumes. Avec eux, ce n'était pas comme échanger des banalités avec ses camarades de classe. Il se devait de les impressionner, de leur prouver qu'il était digne d'être l'un des leurs.

James n'était pas timide, il n'avait jamais eu besoin de l'être. Pourtant, ce soir-là, il avait l'impression de jouer toute sa vie.

Oi. Hmm… eu tenho visto por aí, e…

Loin de se décourager, James chercha dans sa mémoire le peu de vocabulaire et les quelques constructions de phrase qu'il avait apprises depuis qu'il était ici, en vain. Le sorcier le plus baraqué souriait largement à ses dépens mais l'autre homme aux yeux vifs et aux bras recouverts de tatouages, coupa court à sa tentative de communication, lui évitant de s'enfoncer un peu plus.

— Ne t'inquiète pas pour ton portugais, on parle anglais, tu sais. En plus, Gaspar et Luísa sont hispanophones, précisa-t-il en désignant la jeune femme au sourire chaleureux.

— Tu veux boire un verre avec nous ? proposa cette dernière avec un accent roulant en tapotant la place juste à côté.

— Ouais… avec plaisir !

Ravi de la tournure qu'avaient pris les événements, James s'assit confortablement, beaucoup plus détendu. Il posa son verre sur la table basse, à côté d'une carte dépliée qui lui rappelait étrangement la carte des Maraudeurs, carte qu'il avait laissée à Lily avant de partir. Alors que son regard restait bloqué sur la carte de la région détaillée de Córdoba en Argentine, ses pensées étaient tournées vers sa petite soeur. Que dirait-elle si elle apprenait que sa seule appréhension était cette marque indélébile que ses héros avaient sur la peau ?

« Trouillard, et tu m'appelles la lâche ? », lui disait la petite voix de Lily dans un coin de sa tête.

— Tout le monde connaît Luisa, présenta le sorcier tatoué au bout de quelques instants. Je m'appelle Calixto et voici Gaspar.

Croââââ !

— Tu oublies toujours Tula, intervint Gaspar en désignant son clabbert perché sur le dossier de la chaise. De son vrai nom Pústula. Ou des Atlantes de Tula. Prends la signification qui te convient, l'une est plus classe que l'autre.

Gaspar approcha sa main de la tête du clabbert dont la pustule en plein milieu du front avait pris une jolie teinte orangée au lieu de son vert habituel.

— Moi c'est James, je viens de Grande Bretagne… dit-il lentement en gardant un oeil méfiant sur l'animal.

— Oh ça s'entend, le coupa Gaspar, le baraqué, en s'attirant le regard noir de Calixto.

— Ne fais pas attention à lui, quel bon vent t'amène à Manaus ? lui demanda Luisa d'un ton enthousiaste. On se doute que tu n'es pas là seulement pour tenir compagnie à notre bon vieux Bernardino…

Pendant l'espace d'un instant, James hésita à mentir sur les raisons de sa présence en Amérique du Sud. Comment avouer à des aventuriers qu'il prenait son pied à obtenir les bonnes nuances dans ses volutes de fumée ?

— Eh bien… je viens étudier la flore locale.

— Oh, alors tu fais partie d'un échange à Castelobruxo ? On s'est rencontré là-bas, avec Gaspar, dans le cours de Señora Ponce. On lui a fait les quatre cent coups, à celle-là ! Tu te rappelles de la fois où on a métamorphosé ce fil de pêche en énorme boa constrictor ? demanda Luisa à Gaspar, des étoiles dans les yeux en se remémorant les souvenirs.

Incréible, confirma Gaspar, un grand sourire aux lèvres. Elle n'a plus voulu remettre les pieds dans sa salle de classe après ça.

Les commissures des lèvres de Calixto s'étendirent légèrement sur ses lèvres fines. James se trémoussa sur le canapé, mourant d'envie d'y ajouter son grain de sel, lui aussi. Pour donner le change, James se mit à siroter son cocktail, sous le regard pénétrant de Calixto, qui, silencieux, ne le lâchait pas des yeux. Puis Luisa se tourna vers le britannique dans un grand mouvement de longs cheveux bruns.

— Je parie qu'on ne s'amusait pas autant dans ton école ! lança-t-elle, un brin moqueuse. Comment s'appelle-t-elle, déjà ? Quelque chose en lien avec du bacon ?

James reposa lentement son verre sur la table, presque blessé dans son orgueil.

— Premièrement, mon école s'appelle Poudlard, et deuxièmement, miss Coelho, sache que la métamorphose animale était déjà dépassée dans les années 2000… mon domaine de prédilection, c'est la kleptomanie. Crois-moi, quand tu vois ta bibliothécaire s'évanouir parce que tous les bouquins de la section « Sorts et enchantements » ont disparu, tu commences à devenir quelqu'un.

— Mouais. On a vu mieux, répondit la jeune femme, l'air peu convaincue.

— J'avais douze ans. Et j'étais seul. Je n'avais pas mon pote aux gros bras pour utiliser un sortilège qu'un gosse de treize ans est parfaitement capable de faire.

— Mais c'est qu'il a de la répartie, l'anglais ! s'exclama Gaspar dont le regard faisait l'aller-retour entre Luisa et James.

Luisa leva son verre, pas le moins du monde vexée par l'attaque verbale de James à ses côtés. Son large sourire était sincère et dévoilait des dents éclatantes de blancheur qui faisaient ressortir son bronzage mordoré.

¡ Salud, ladrón de libros !

— Le voleur de livres… répéta lentement Calixto avant de hausser la voix. Bienvenue au Brésil, tu vas voir, tout le monde est accueillant ici.

James répondit volontiers au toast de la péruvienne, qui s'ensuivit par plusieurs autres cocktails pendant lesquels les quatre sorciers firent plus amplement connaissance au travers de leurs études respectives, mais aussi et surtout le Quidditch. Plus l'heure avançait et plus les verres vides posés sur la table se multipliaient, facilitant les efforts de James pour sympathiser avec les caçadores de tesouro. Il se laissait aller au gré des mots qui roulaient sous son palais, sans avoir à se demander si ce qu'il racontait convenait ou non.

Tout était facile.

Puis, alors que Gaspar grattait le menton de son clabbert en marmonnant des mots aux intonations affectives et que Luisa et Calixto commençaient à se rapprocher l'un de l'autre, James s'était mis à lorgner sur l'épaule de sa voisine sur le canapé. La marque. Il ne pouvait s'empêcher de regarder le tatouage avec une mine légèrement déconfite : un étrange dessin circulaire ressemblant aux contours d'un soleil qui renfermait un objet mouvant. Mais avec tous les efforts du monde, James n'arrivait pas à discerner ce dont il pouvait s'agir. Il se détourna enfin de l'épaule de Luisa, la mine légèrement déconfite.

— Tu n'aimes pas les tatouages ? demanda Calixto d'une voix claire, à qui aucun détail n'échappait.

« Maudite Caïpirinha », jura James intérieurement tandis que les trois américains s'étaient tournés vers lui, soudain très intéressés par ce qu'il avait à dire sur ce sujet.

— Euh… je n'ai rien de personnel contre eux, se défendit James. Ma famille a juste… un historique avec ça, rien de plus.

— Alors tu ne pourrais pas devenir l'un d'entre nous, blagua Gaspar en se renfonçant dans son siège et en soulevant la courte manche de son T-shirt pour observer le sien, identique à celui de Luisa. On a tous le même tatouage ici, il fait partie de notre identité.

— Justement, je veux devenir l'un des vôtres.

Un silence répondit à James, seulement brisé par le groupe bruyant qui s'était installé derrière eux et un « croâââ » indigné de Tula le clabbert. Le silence se prolongea jusqu'à ce que Luisa et Gaspar éclatent de rire accompagnés d'un Calixto qui retenait avec grand peine le sourire qui menaçait de dévoiler ses réels sentiments.

— Tu ne sais même pas qui on est, lança Gaspar, moqueur.

— Je ne rigole pas, je veux vraiment faire partie des vôtres.

Cette fois, les trois sorciers éclatèrent de rire au même moment. James serra les poings, foncièrement vexé par leur réaction.

— Les gars, je crois qu'il est sérieux, précisa Luisa en s'efforçant de reprendre contenance.

— Désolé, James, s'excusa Calixto, mais c'est la première fois qu'un européen nous fait le coup. Je veux dire… On fait partie de la communauté depuis trois ans seulement et jusqu'à maintenant, seuls des gens d'ici ont voulu nous approcher.

— Alors quoi, parce que je ne suis pas d'ici, ça veut dire que je n'ai pas le droit de devenir un chasseur de trésor ?

— Pas si vite, l'anglais, le freina Luisa en levant ses deux mains devant elle. Je ne sais pas comment tu as entendu parler de nous, ni en quels termes, mais il n'est pas question de nationalité. Les premiers caçadores étaient d'ailleurs autant européens qu'amérindiens. Devenir un caçadore de tesouro, c'est surtout un état d'esprit. Tu l'as, ou tu ne l'as pas.

— Et qu'est-ce qui te fait dire que je n'ai pas le bon état d'esprit ?

Hors de lui, James faisait tous les efforts du monde pour ne pas exploser et crier son injustice.

— Pas la peine de se transformer en conquistador, gronda Calixto. N'importe qui peut nous rejoindre tant qu'il nous prouve son bon vouloir et ses aptitudes. Et une bonne dose de courage.

— Hé, fit James, je suis un Gryffondor, mon premier nom c'est courage.

Gaspar haussa un sourcil broussailleux, l'air perdu.

— Je suis courageux, je veux passer votre test, s'entêta James. Peu importe ce que c'est.

— Inconscience ne signifie pas courage, objecta Calixto, perplexe. Dans la civilisation maya, on tatouait les sorciers qui faisaient preuve d'un grand courage, mais ceux qui…

— Les Mayas étaient au Mexique, pas en Amérique du Sud. Je me trompe ?

— Si tu es familier avec la culture américaine, tu sauras que les Râtisseurs, ces traqueurs de sorciers, ont sévi pendant des années aux Etats-Unis, et en Amérique du Nord plus généralement… de nombreux sorciers d'Amérique Centrale ont commencé à migrer vers le Sud du continent pour leur échapper… certaines traditions les ont suivis. Notre communauté est née à ce moment là, au XVIIème siècle, quand la première vague de sorciers européens est arrivée en Amérique. Ces derniers se sont rendus compte qu'après les guerres, les flux migratoires, et les Râtisseurs, on risquait de perdre toutes les richesses des amérindiens. Alors les chasseurs de trésor ont commencé à se ré-approprier leur culture, dans le but de la sauvegarder, quand leurs compatriotes no-maj massacraient ce qui restait des civilisations amérindiennes pour tout conquérir.

Calixto marqua une pause. Autour de la petite table, tout le monde était suspendu à ses lèvres. Même James avait cessé de vouloir se rebeller.

— Aujourd'hui, c'est ce que nous faisons encore en nous appropriant ces bouts de légende. Notre intention n'a jamais été le pillage comme certains nous en ont accusé pendant des siècles. L'être humain mène une perpétuelle quête, tu ne crois pas ? Malheureusement, tout le monde n'a pas l'ouverture d'esprit et l'ambition nécessaire pour nous rejoindre. Tu penses en être à la hauteur ?

— Laisse-le essayer, s'il le veut vraiment, lança Luisa, avec l'ombre un sourire en coin.

— Oui, ça pourrait être drôle, confirma Gaspar en s'adressant lui aussi à Calixto.

Calixto les regarda tour à tour avant que son regard ne se plante sur celui de James. Le britannique brûlait d'envie de passer leurs épreuves, qu'elles quelles soient. Penché en avant, les coudes sur ses genoux, il était devenu fébrile en fixant les petits yeux noirs de Calixto. Ce dernier l'observait sans ciller, comme pour le jauger, pendant ce qui sembla durer plusieurs minutes.

— C'est d'accord. Donne-moi ta baguette magique.

— Quoi ?

— C'est comme ça que ça marche ici. Nos ancêtres, depuis le XVIIème siècle, nous prouvent leur bon vouloir seuls, sans aucun objet venant interférer entre le sorcier et sa quête. Nos traditions proviennent des tribus qui étaient là bien avant nous… Avant que les européens n'arrivent en masse au XVIème siècle, aucune tribu n'utilisait d'ustensile capable de canaliser la magie. Notre communauté se base sur des valeurs qu'on partage depuis des siècles. Le respect, le courage, notre propre corps face au danger… Le tout sans baguette magique.

Sous la surprise, les yeux de James s'arrondirent mais il ne se démonta pas pour autant. C'était exactement ce qu'il voulait depuis qu'il avait entendu parler pour la première fois de ces chasseurs. Cependant, les doutes commencèrent à l'assaillir lorsqu'il sortit sa baguette en chêne blanc, son compagnon fidèle qui ne l'avait plus quitté depuis ses onze ans.

— On y repense à deux fois ? le défia Luisa. C'est le Sací qui va être déçu.

Alors James déglutit et tendit à regret sa baguette à Calixto tout en espérant garder chacun de ses dix orteils.


(1) le quartier aux mille lumières

(2) a wannabe peut être défini comme étant une personne cherchant à copier une idole dans le but d'appartenir à un groupe social.
(et puis, Bernie ayant grandi dans les 1990s, je trouvais ça marrant qu'il assimile James le British aux Spice Girls)

Si ce premier chapitre vous a plu, on se retrouve dans quelques jours pour la suite :)