CHAPITRE 1. Les sœurs Halliwell

Deux ans plus tôt

- Qu'est-ce que tu entends par, Emma arrive ?

Ruby tenta de sourire, très mal-à-l'aise, dans le but d'apaiser sa sœur ainée. Mais c'était peine perdue : Mary et Emma, sa plus jeune sœur, avaient toujours eu du mal à s'entendre…

- Eh bien, je l'ai eue au téléphone, et elle m'a dit qu'elle revenait habiter avec nous à San Francisco…

Ruby eut soudain peur que sa grande sœur ne fasse un malaise cardiaque. Ses joues étaient si rouges et ses yeux verts si noirs de colère, qu'elle craignit pour sa propre survie.

- A San Francisco… ça veut dire ici ? Au manoir ?

La voix de Mary était basse et dangereuse. Ruby grimaça. Ce n'était pas comme cela qu'elle aurait voulu lui apprendre la nouvelle. Depuis des jours, elle repoussait l'échéance, en se disant qu'elle avait encore le temps d'annoncer à Mary qu'Emma revenait… mais le jour était arrivé, et elle ne pouvait plus reculer. Et surtout, Mary ne pourrait pas refuser la porte à sa jeune sœur, maintenant.

Mary sembla lire la réponse sur son visage, et poussa un profond gémissement du fond de sa gorge… qui ressemblait d'ailleurs plus à un grognement.

Emma était partie du manoir, leur maison d'enfance, à 18 ans. Elle et Mary n'avaient que 6 ans d'écart, mais cette différence d'âge avait toujours été problématique. Elles ne se comprenaient tout simplement pas : Emma était une jeune fille vivace, séductrice, spontanée, irréfléchie et si téméraire qu'elle en devenait parfois dangereuse Mary était son exact opposé. A la mort de leur mère, Mary avait 12 ans. Ruby n'en avait que 9, et Emma 6. Leur grand-mère s'était chargée de leur éducation, et Mary l'avait aidée du mieux qu'elle pouvait, cherchant à reproduire les gestes maternels de la femme qui lui manquait tant.

Mais Emma ne l'avait jamais accepté. Elle ne supportait pas que sa grande sœur lui dise ce qu'elle devait faire. Ruby s'était bien souvent trouvée entre ses deux sœurs, tentant de les apaiser, et de les réconcilier… mais s'il y avait bien un trait de caractère qu'elles partageaient, c'était leur entêtement…

- Écoute Ruby, si elle veut habiter ici, il va y avoir de nombreuses règles qu'il va falloir qu'elle comprenne… Mary interrompit le cours de ses pensées.

- Je sais, je sais… mais tu le lui diras toi-même, d'accord ?

Ruby sentait déjà une migraine monter. Elle était sûre que cette situation serait plus compliquée pour elle que pour ses sœurs. Tout à coup, de grands coups furent frappés à la porte. Mary roula des yeux, exaspérée. Et Ruby s'empressa d'aller ouvrir.

Emma était là. Ses vêtements, et ses longs cheveux blonds étaient trempés. C'était un soir d'orage. Pourtant, alors qu'un éclair zébrait le ciel et que le tonnerre retentissait, le sourire d'Emma était rayonnant. Elle fit tomber ses sacs de voyage par terre, pour se précipiter sur sa sœur. Elle l'enlaça avec force, en riant.

- Tu m'as manqué, Rubes, s'écria la cadette.

- Toi aussi tu m'as manquée, Ems, répondit Ruby avec joie.

Soudain, Emma se figea dans ses bras, sans aucun doute voyant sa grande sœur dans le vestibule, attendant en silence.

- Salut Mary, Emma dit sans se départir de sa bonhommie, mais sans lâcher Ruby non plus.

- Salut.

Le ton de Mary était froid. Emma se détacha enfin de sa sœur pour récupérer ses sacs et fermer la porte. Ruby profita qu'elle eut le dos tourné pour faire les gros yeux à Mary : elle pouvait faire des efforts, quand même ! Celle-ci lui répondit par un hochement négatif de la tête : le message était clair.

La porte venait de se refermer en claquant, et Mary serra les dents, de plus en plus irritée visiblement. Ruby s'empressa de reprendre la parole avant qu'elle ne commence à lui faire des reproches.

- Viens t'asseoir, ma puce ! Tu dois être crevée !

Emma lui sourit encore, laissa tomber ses affaires au pied de l'escalier, et prit place à la table de la salle-à-manger.

- Merci Rubes ! Le voyage a été très très long, mais c'était super, s'enthousiasma-t-elle.

- Il n'y a que 6 heures d'avion entre New-York et San Francisco, Mary grinça des dents.

Ruby soupira de soulagement quand elle vit que sa grande sœur ne faisait aucune remarque sur les affaires mal rangées d'Emma.

- Je ne suis pas venue en avion, en fait.

- Et tu es venue comment, demanda la jeune femme, suspicieuse.

- En moto… je pensais que Ruby te l'aurait dit, répondit Emma surprise, en se tournant vers la concernée.

- A vrai dire… je n'ai pas eu le temps, j'étais en train de lui annoncer que tu arrivais quand tu as tapé.

Le ton de Ruby était contrit. Elle savait qu'elle avait merdé… Emma se contenta de rire.

- J'aurais aussi été effrayée par sa réaction.

Mary soupira bruyamment, et reprit la parole, le ton encore plus cinglant qu'auparavant.

- T'es venue seule en moto ?

- J'ai fait du stop, et ce sont des motards qui se sont arrêtés et ont accepté de me récupérer.

- Mais t'es complètement cinglée ! Ils auraient pu être dangereux ! Tu montes sur des motos avec des types que tu ne connais même pas ? Comment est-ce que quelqu'un peut être aussi irresponsable ?

Ruby ferma les yeux. La dispute avait commencé…

- Je te ferai savoir qu'ils étaient très cools. J'ai même récupéré un numéro de téléphone… l'un d'eux était particulièrement mignon, Emma répondit en lançant un clin d'œil amusé a Ruby.

Mary semblait à court de mots. Elle avait la bouche ouverte, et regardait sa plus jeune sœur comme si une deuxième tête était soudainement sortie de son cou. Emma, imperturbable, et peu touchée par les états d'âme de Mary, continua :

- De toute façon, je n'avais pas le choix. J'ai plus un sou, et pleins de dettes. C'est pour ça que j'ai dû changer d'État, et que j'ai décidé de revenir habiter à San Francisco…

Ruby grimaça. Mary allait exploser avec ces informations…

- Tu reviens nous voir maintenant, parce que tes débiteurs te poursuivent en justice ? cria-t-elle, outrée.

Et voilà, songea Ruby.

- Ce n'est pas encore allé aussi loin… mais j'ai préféré prendre le large avant que ce ne soit le cas, Emma répondit, toujours très calme.

- Et tu espères quoi ? Qu'on va t'accueillir les bras ouverts, et t'offrir une chambre au manoir ?

- C'est exactement ce que j'espère, oui. J'aurais bien aimé que tu me demandes aussi si j'allais bien, mais bon… on va faire comme si c'était arrivé !

Avant que Mary ne puisse ouvrir la bouche, pour jeter Emma dehors – ce qu'elle semblait sur le point de faire – Ruby s'empressa de prendre la parole, une fois de plus :

- Et tu as eu raison de revenir ici. Tu sais que tu es la bienvenue, et on est ravies de pouvoir enfin te revoir en chair et en os.

Cela faisait 8 ans que ça n'avait pas été le cas. Emma n'était jamais revenue lorsqu'elle avait claqué la porte. Et la situation avait bien plus fait souffrir Ruby que ce qu'elle ne le dirait jamais.

- Moi aussi, Rubes, Emma lui sourit chaleureusement, en se penchant pour lui prendre la main et la serrer entre les siennes.

Ses mains étaient froides, et encore humides de pluie, mais Ruby sentit son cœur se réchauffer. Elles étaient réunies.

- Comment ça se passe au restaurant ? Emma s'enquit, visiblement désireuse de changer de sujet.

- Très bien. Mon patron est toujours aussi chiant, mais depuis que je suis manager, c'est beaucoup mieux ! Ruby lui expliqua.

- C'est super ! Je suis contente pour toi. Et toi, Mary ? Qu'est-ce que ça fait d'être commissaire-priseur et de faire des ventes aux enchères ?

Mary la regarda, stupéfaire.

- Comment tu connais mon métier ?

- Ruby m'appelle au moins une fois par semaine… je connais un minimum vos vies, Emma lui répondit en souriant.

Mary adressa un regard plein de reproches à sa sœur : Ruby ne le lui avait jamais dit…

- Bon ! Ben ce fut une conversation très intéressante, mais je vais aller prendre une douche et ranger mes affaires. Je suis crevée !

Elle n'attendit pas de réponse, et partit sans se retourner. Ses pas dans l'escalier étaient bruyants, et Ruby était sûre qu'elle essayait d'embêter Mary. A voir le regard de cette dernière, elle y réussissait parfaitement !

- Je te jure, que c'est toi qui vas aller lui parler, et lui expliquer les règles de la maison ! Et si elle ne les respecte pas, je la ficherai dehors !

Mary se releva, furieuse, et prit la direction de sa chambre, à l'étage, suivant les traces de sa petite sœur. Ruby se leva à son tour, et la poursuivit.

- Tu ne peux pas la mettre dehors ! C'est notre sœur, chuchota-t-elle.

- Elle n'avait qu'à y penser avant de partir de la maison et de nous abandonner, Mary répliqua avec rancœur.

- Elle était très jeune, fit remarquer Ruby.

Mary lui lança un regard peu amène, synonyme qu'elle ne voyait pas cela comme une excuse, et claqua la porte de sa chambre. Ruby grimaça encore, et se dirigea vers la salle de bains pour prendre un médicament. La migraine était bien là… Emma rentra dans la pièce au moment où elle en sortait. Elles se sourirent, et se firent un câlin avant que sa jeune sœur ne referme la porte.

Ruby décida d'aller au lit. Le lendemain, elle travaillait de toute façon.

Elle dormit mal cette nuit-là… elle rêva de leur grand-mère, d'un gros grimoire et de pouvoirs magiques. Granny leur expliquait comme utiliser leurs pouvoirs, et se servir du Livre des Ombres

Ruby se réveilla en sursaut lorsque, dans son rêve, elle réussit, avec ses mains, à figer un chat qui passait. Elle secoua la tête, riant d'elle-même. Ces rêves ressemblaient étrangement à des souvenirs, mais il y avait bien longtemps qu'elle ne croyait plus à la magie… et pourtant. Ce gros grimoire, elle était certaine de l'avoir déjà vu !

Elle descendit les escaliers, rêveuse, et commença à préparer le café. Elle venait juste de s'en servir une tasse lorsque Mary arriva, déjà prête et parfaitement habillée en femme d'affaires. Elle lui prit la tasse des mains.

- Parfait, je n'ai vraiment pas le temps pour autre chose que boire ce café et y aller !

- Bonjour à toi aussi, mon rai de lumière, Ruby répliqua, joueuse.

- Ha ha. Bonjour ma sœur adorée. Tu as bien dormi ? Mary s'enquit, un peu distraite par quelque chose sur son téléphone.

- Eh bien… puisqu'on en parle…

Mary ne la regardait toujours pas. D'un côté, ce serait plus simple pour Ruby de dire ce qu'elle s'apprêtait à dire ! Au moment où elle allait continuer, Emma rentra dans la pièce elle aussi, et prit la deuxième tasse que Ruby venait de finir de se verser. Elle soupira et s'en prépara une troisième. Elle remarqua qu'Emma était toujours en pyjama, elle aussi. Enfin, pyjama… en culotte et débardeur. Mary la regardait avec des yeux de chouette indignée.

- Est-ce que ça vous dit quelque chose le Livre des Ombres ? Ruby choisit de briser le silence.

Emma recracha brusquement le café qu'elle était en train de boire, et toussa violemment. Mary la regarda avec intensité, son téléphone oublié.

- Pourquoi est-ce que tu poses cette question ? Mary demanda, suspicieuse.

- J'ai rêvé de Granny cette nuit. Elle nous montrait le Livre des Ombres, et m'expliquait comme maitriser mon pouvoir…

Ruby s'arrêta soudain de parler. C'était ridicule !

- J'ai rêvé de la même chose, Mary murmura le regard perdu dans le vide.

- Toi aussi tu pouvais figer le temps ? Ruby s'enthousiasma.

- Euh, non… je pouvais déplacer les objets sans les toucher, Mary sourit, amusée.

- C'est génial ça aussi ! Et toi, Emma ? Tu as rêvé de Granny ?

Elles se retournèrent toutes les deux vers leur jeune sœur, mais celle-ci était déjà en train de partir de la cuisine, sur la pointe des pieds. Et lorsqu'elle fut apostrophée, elle ne répondit pas et se contenta d'accélérer le rythme… Mary et Ruby se regardèrent, surprises puis soupçonneuses… Emma leur cachait quelque chose. Elles lui coururent après.

- Eh ! Attends une minute ! Qu'est-ce que tu nous caches, Emma ? Mary ordonna.

- Euh, rien. Je viens de me rendre compte que j'ai oublié de ranger mon portable…

Ruby rigola. Quelle excuse bidon. Emma avait perdu la main : ses excuses, à l'époque, étaient bien plus crédibles.

- Qu'est-ce qu'il y a, ma puce ? Tu as rêvé de ça, toi aussi ? tenta-t-elle de l'apaiser.

Emma hocha affirmativement la tête, puis la baissa, honteuse.

- En fait… j'ai même trouvé le Livre des Ombres, hier soir, dans le grenier. Et je ne voulais pas vous l'annoncer comme ça…

- Nous annoncer quoi ? Mary demanda, commençant à s'énerver.

- Ben il y avait un mot de maman dedans… toutes les autres pages étaient blanches, mais j'ai reconnu son écriture. Et elle nous expliquait que si on lisait ces mots, c'est qu'on était prêtes pour embrasser notre destinée, que le pouvoir des trois nous sauverait, ou un truc comme ça, et qu'on saurait quoi faire. Et en dessous, il y avait une espèce de formule qui rythmait, et je l'ai lue à voix haute, pour rire, et là il y a eu des halos bleus au-dessus de ma tête. J'ai eu peur, je suis redescendue dans ma chambre, je me suis endormie et j'ai rêvé de Granny…

Ruby et Mary ne savaient pas quoi dire. Un grimoire ? Un halo bleu ? Une formule magique ? Rien de tout cela n'avait de sens… et pourtant. Ruby en voyait un.

- Euh… il est où le grimoire maintenant ?

- Toujours dans le grenier.

- C'est bien beau tout ça, mais je n'ai pas le temps pour vos singeries ! Il faut que j'aille au boulot, Mary roula des yeux.

Le regard de Ruby se posa sur la pendule de l'entrée.

- Oh mon Dieu ! Il faut absolument que j'aille me préparer, moi !

Mary se dirigeait déjà vers l'entrée pour mettre ses chaussures, et Ruby commençait à monter dans la salle de bains.

- Euh… et le grimoire ? Emma demanda timidement.

- On en reparle ce soir, Mary la coupa sèchement.

- Ce soir je ne serai pas là. Je vais aller voir papa, Emma répondit en haussant les épaules.

- QUOI ? Mary hurla.

Au moment où elle cria, toutes les paires de chaussures qui étaient rangées dans l'entrée s'envolèrent contre le mur d'en face. Les deux sœurs se dévisagèrent, incrédules.

- Euh… je crois que tu ne devrais pas aller travailler, aujourd'hui, Emma sourit, malicieusement, une fois le choc passé.

Mary avait la bouche grande ouverte, et elle regardait les chaussures comme si elles étaient des serpents venimeux.

- Et si on allait regarder ce Livre maintenant ? Emma continua, joyeuse.

Mary resta silencieuse un moment. Puis elle hocha négativement la tête.

- Non, je dois vraiment y aller. Je suis en retard.

Sur ce, elle tourna les talons, et disparut. Emma soupira. Elle savait ce qu'il se passait… et elle savait aussi que ses sœurs auraient bien plus de mal qu'elle à l'accepter…

De nos jours

Cela faisait un an que Mary, Ruby et Emma avaient pris connaissance du Pouvoir des Trois. Mary avait le pouvoir de télékinésie, Ruby celui de figer le temps, et Emma voyait l'avenir par flashs. Leurs trois dons réunis, elles étaient capables de vaincre les démons que leurs ascendantes n'avaient pas eu le pouvoir de faire. Toutefois, elles avaient réuni un maximum d'informations sur ces êtres dans le Livre des Ombres, attendant patiemment que le pouvoir des trois naisse et puisse accomplir ce qu'elles n'auraient jamais pu faire seules.

Toutes les semaines, les jeunes sorcières devaient combattre et tuer des démons tout droit sortis de l'enfer. Et bien que cette tâche soit – pour le moins – stressante, elle avait eu le bienfait d'unir les sœurs : les rivalités qui existaient entre Emma et Mary n'étaient qu'un mauvais souvenir. Elles étaient toujours bien différentes, et leurs traits de caractère n'avaient pas changé, mais elles avaient appris à s'accepter et s'aimer telles qu'elles étaient.

De nombreuses autres choses avaient changé à cause de leur situation.

D'abord, elles étaient amenées à fréquenter la police fréquemment : elles sauvaient des innocents régulièrement… et heureusement pour elles, le flic chargé de leur secteur était David.

David avait été élevé avec elles quand ils étaient enfants, et il avait été le petit copain de Mary au lycée. Ils s'étaient séparés lorsqu'il avait dû poursuivre ses études dans un autre État. Mary et lui ne s'étaient pas revus pendant presque 10 ans, et ça avait été le choc lorsqu'il fut chargé de les interroger lors du premier sauvetage qu'elles avaient accompli. Emma et Ruby lui avaient sauté au cou lorsqu'elles avaient reconnu leur ami d'enfance, mais les choses avaient été plus compliquées pour Mary. Il était clair qu'elle avait toujours des sentiments pour lui… et que ces sentiments étaient réciproques à en croire les regards que lui adressaient David. Mais celui-ci était humain. Et elles étaient des sorcières. Mary ne savait pas comment il réagirait s'il apprenait la vérité, et elle ne voulait pas le savoir. Reprendre leur histoire comme si rien n'avait changé n'était pas non plus une option envisageable pour elle : elle détestait les mensonges.

Le deuxième changement capital avait été l'assignation d'un être de lumière pour les guider. Un être de lumière est une sorte d'ange gardien pour les sorcières : il apparait dans un scintillement bleu dès qu'une des sorcières placée sous sa protection prononce son nom, et est capable de guérir les blessures physiques avec ses mains. Leur ange s'appelait Belle. C'était une brunette aux yeux bleus magnifique, et elle était probablement la personne la plus gentille qui existe. Ruby était tombée amoureuse d'elle au premier regard, ses sœurs l'avaient bien vu. Et Belle était également particulièrement attachée à celle-ci…

Mary et Emma avaient tout fait pour les mettre ensemble : après de nombreuses discussions avec leur sœur, elles avaient réussi à la convaincre de faire le premier pas. Et Ruby l'avait fait. Un soir, elle avait embrassé Belle. Celle-ci lui avait rendu son baiser, et à en croire Ruby, le moment avait été parfait. Mais Belle lui avait aussi dit qu'elles ne pourraient plus jamais se laisser aller comme ça : un être de lumière n'avait pas le droit d'avoir une relation avec l'une de ses protégées… que c'était une histoire de favoritisme et un risque de mal accomplir son devoir. Quoi qu'il en soit, elles avaient essayé de s'éloigner l'une de l'autre, et Emma et Mary étaient tristes pour leur sœur à chaque fois que Belle était dans les parages. Elles voyaient bien que Ruby souffrait. Et Belle le cachait bien, mais elle était bouleversée aussi.

Emma, était fidèle à elle-même : elle enchainait les histoires sans lendemain. Elle sortait beaucoup, rencontrait des gens, s'amusait, et ne les revoyait jamais. Elle avait toujours été fleur bleue, mais ça faisait longtemps qu'elle n'avait plus cherché à s'attacher réellement à quelqu'un. Et elle avait maintenant l'excuse d'être une sorcière, ce qui était synonyme de ne pas avoir de temps pour une relation…

Elle rentrait justement de soirée. Elle passa par la cuisine, cherchant à éviter ses sœurs qui s'apprêtaient sûrement à partir au boulot, mais elle n'eut pas de chance…

- Tu te souviens de son nom, cette fois ? Mary demanda, malicieusement.

Elle regardait sa sœur avec amusement, prenant conscience de son maquillage qui avait coulé, et de ses vêtements mal réajustés. Emma était une très belle femme : personne ne pouvait le contester. Et ses admirateurs ne manquaient pas.

Emma rit, gênée, et se servit un café. Elle répondit à sa grande sœur, sans la regarder.

- Quelque chose qui rime en a, je crois…

- Lucas ? Mary proposa.

Emma se retourna et roula des yeux. Elle but une gorgée en fixant sa grande sœur, et lorsqu'elle éloigna la tasse de sa bouche, elle avait un petit sourire narquois. Ruby éclata de rire.

- C'était pas un garçon, hein ? dit-elle en riant toujours.

Emma se contenta d'hocher la tête négativement, sans se départir de son air suffisant.

- Ca va être beaucoup plus dur pour trouver son prénom, du coup, Ruby remarqua, mutine.

Mary éclata de rire.

- Je ne comprends vraiment pas comment vous pouvez être attirées par les filles.

Ruby ricana, sachant que sa sœur plaisantait, et Emma s'assit à table, avec un sourire moqueur.

- C'est à cause de notre complexe d'Œdipe pour notre grande sœur.

Les trois jeunes femmes éclatèrent de rire. Et Emma continua :

- D'ailleurs Ruby est encore plus touchée par toi que moi : elle n'aime que les filles !

Ruby poussa un soupir exaspéré, mais elle ne put cacher un sourire amer.

- Techniquement, je n'en aime qu'une seule, fit-elle remarquer.

Emma et Ruby firent la moue. La bonne humeur était retombée.

- Peut-être que vous pourriez sortir ensemble en cachette des Fondateurs ? Mary proposa.

Les Fondateurs étaient les patrons des êtres de lumières, et ils veillaient sur eux. Emma se les imaginait comme des sortes de grands-pères ressemblant vaguement au Père Noel, et cherchant à faire respecter leurs règles stupides à tout le monde.

- Oui, bien sûr. Je suis sûre que Belle sera partante pour ça, Ruby grommela.

Les trois sœurs ouvrirent de grands yeux, et attendirent l'arrivée de leur ange gardien. Ruby donnait l'impression de quelqu'un qui s'apprêtait à se frapper elle-même de sa négligence. Fatalement, l'ange apparut dans son habituel scintillement bleu.

- Vous m'avez appelée ? Belle s'enquit, gaiement.

- Oui ! Une tasse de café ? Emma proposa avec entrain.

Belle haussa les sourcils, surprise. La tenue d'Emma n'était vraisemblablement pas à son goût. Emma se contenta de sourire.

- Je reviens à peine de soirée, et notre ange gardien me manquait, répondit-elle à son regard en lui servant une tasse de café.

Mary but une grande gorgée de café pour s'empêcher d'éclater de rire, et Ruby rougit. Belle remarqua l'hilarité de l'une, et préféra fuir le regard de l'autre. Depuis ce baiser, les deux femmes ne se regardaient que très peu… Emma lui tendit sa tasse, tranquillement.

- Merci, Emma. Tu as retenu son prénom cette fois ?

Cette fois, Mary éclata franchement de rire, et Ruby suivit son exemple.

- Pourquoi vous me dites toutes ça ? Non, je n'ai pas retenu son prénom, et je suis certaine qu'elle non plus, de toute façon… on n'a pas vraiment parlé, si vous voyez ce que je veux dire…

Le sourire de la plus jeune sœur était salace, et les trois autres femmes roulèrent des yeux.

- Oui, oui, on voit ce que tu veux dire.

- C'est pas de ma faute si je plais, Emma se défendit.

- A vrai dire, si… tu cherches à plaire, Ems, Ruby rétorqua, joueuse.

- Tu es en train de dire que je suis une prédatrice séductrice mangeuse d'hommes ? Emma s'étonna.

- Visiblement, tu ne manges pas que les hommes, Mary répliqua, se retenant à grand peine de rire.

Emma la regarda, bouche bée.

- Est-ce que tu viens de faire un jeu de mots lesbien ?

Ruby et Belle s'esclaffèrent, et Mary sourit fièrement.

- Wow. Tu commences enfin à devenir une vraie Halliwell ! Je vais peut-être pouvoir faire quelque chose de toi, finalement ! Emma continua.

Mary leva les yeux au ciel, mimant l'épuisement. Mais son regard était joueur. Emma ne s'arrêta pas là, cependant, un immense sourire sur le visage :

- J'ai un plan ! Ce soir, je vais faire de vous des bombes sexuelles, et pendant que je m'occuperai du club, vous, vous allez brancher, et ramener quelqu'un pour la nuit !

Ruby et Mary rirent, mais Belle s'étouffa presque dans sa tasse.

Le club, c'était une boite de nuit que les trois sœurs avaient racheté. Depuis qu'elles étaient sorcières, avoir un patron était compliqué : il était fréquent qu'un démon les attaque en pleine journée, et elles devaient pouvoir partir rapidement. Mary n'avait pas trop de difficulté à le faire, mais ça avait été plus dur pour Ruby. Elle avait donc décidé de démissionner. Depuis qu'elle s'occupait du club, et qu'Emma l'aidait de temps en temps, en tant que barmaid ou gérante, la vie était beaucoup plus simple pour elles.

- D'accord. Donc tu veux que je ramène un de mes clients chez moi ? Ruby tenta d'éclaircir les choses.

- Oui, Emma confirma, ravie de voir qu'elle avait si vite accepté.

- Non, Ruby répondit, en se levant pour mettre le verre dans l'évier et commencer à le laver.

Elle avait le dos tourné, et ne le voyait donc pas, mais Emma et Mary, si : Belle venait de pousser un petit soupir de soulagement. Emma poussa la chance.

- Oh allez ! Ça fait longtemps que tu es célibataire, maintenant ! Tu ne vas quand même pas repousser tout le monde à chaque fois !

- Je ne repousse personne, Ruby dit entre ses dents.

- Ah oui ? Et la fille des courses de la dernière fois ? Et le facteur ? Et ta serveuse ? Et ton…

- C'est bon, on a compris ! Ruby la coupa, le dos toujours tourné.

Emma ricana. Elle prenait bien du temps pour nettoyer une simple tasse… Et Belle était bien rouge pour une personne qui n'était pas censée avoir des sentiments pour ses protégées…

- Belle, qu'est-ce que tu fais ce soir ?

Cette dernière regarda Emma avec de grands yeux ronds.

- Euh…

- Parfait ! Emma l'interrompit. Tu vas pouvoir venir avec nous et vérifier que Ruby ne repousse pas tout le monde, pendant que je ferai la serveuse, et que Mary dansera avec tous les hommes qui lui passent sous la main, d'accord ?

- Je ne peux pas vraiment faire ça, Emma.

- Je croyais que c'était ton rôle de nous protéger ?

- Oui, bien sûr !

- Donc de nous rendre heureuses, aussi ! Emma s'entêta, ravie.

Elle remarqua du coin de l'œil que Ruby rinçait la même tasse depuis plus de vingt secondes, et que Mary avait caché son visage dans son propre mug pour cacher son hilarité.

- Je ne vois pas vraiment en quoi vous envoyer en l'air vous rendra heureuses, Belle se défendit, sèchement.

- Pourtant, j'ai l'air radieux, ce matin ! Emma répliqua, malicieuse. Ça s'appelle les endorphines, et c'est très bon pour la santé.

Belle roula des yeux. Elle avait l'air mi-amusé, mi-exaspéré.

- Je dois y aller. On m'appelle, dit-elle soudain.

Ruby reposa enfin sa tasse (qui devait être archi propre) et se retourna pour faire face à l'ange :

- Tu ne viens pas avec nous ce soir, alors ?

- Euh…

Belle ne savait clairement plus quoi dire. Et elles savaient toutes les trois qu'elle ne pouvait rien refuser à Ruby.

- Tu sais très bien que ce n'est pas mon style de ramener quelqu'un pour la nuit. Mais si ma sœur doit me trainer sur la piste de danse, je préfèrerais encore que ce soit toi qui me fasses danser… en tout bien tout honneur.

Emma et Mary rougissaient de plaisir. Elles ne voulaient pas être intrusives, mais leur curiosité était insatiable. Elles étaient ravies de voir que Ruby reprenait les devants, même s'il ne pouvait rien se passer entre elles. Belle, quant à elle, hésitait. Mais ses joues avaient rosi, et ses yeux ne se décollaient plus des prunelles de leur sœur.

- Je… euh…

- Ils ne nous interdisent pas de danser, pour l'instant, si ? Ruby persista, avec une pointe d'irritation dans la voix.

- Non, non. Ok d'accord, je viendrai ce soir. Je dois vraiment y aller, maintenant !

Belle disparut dans un nuage bleu, et les trois sœurs savaient que sa sortie ressemblait comme deux gouttes d'eau à une fuite pure et simple.

- BRAVO ! Emma rugit, extatique. Décidément, vous vous lâchez toutes les deux, aujourd'hui ! Il ne me manque plus qu'à proposer à David pour ce soir, et vous pourrez enfin vous faire du bien, comme il se doit !

Le regard de Mary devint affolé.

- N'y pense même pas. Je dois y aller, aussi. Sinon je vais être en retard.

Elle se leva, embrassa Ruby puis Emma, et lança par-dessus son épaule en partant :

- Si tu appelles David, je t'éjecterai du haut d'un immeuble !

- Ton pouvoir ne marche pas sur moi, Emma lui rappela en haussant la voix pour se faire entendre par la jeune femme qui était déjà dans l'entrée.

- Qui a parlé d'utiliser mon pouvoir ? Mary cria avant de claquer la porte.

Ruby pouffa.

- Il y en a une qui est de bien bonne humeur, Emma la taquina.

Ruby lui adressa un clin d'œil, avant de mettre toutes les tasses dans l'évier et d'entreprendre de les laver.

- Tu vas vraiment appeler David ?

Emma réfléchit un instant avant de répondre.

- Je ne sais pas… je pense que ça ne lui ferait pas de mal de passer une soirée avec lui, non ?

- Je suppose… mais je ne pense pas que tu devrais t'en mêler, Ruby soupira.

- Tu sais que je ne peux pas m'en empêcher, Emma plaisanta, taquine. Et puis mon entêtement t'a permis d'avoir un rencard avec le bel être de lumière que tu adores, non ?

Les épaules de Ruby tressautèrent, signe qu'elle gloussait.

- C'est vrai, et merci au passage. Mais pour Mary, c'est différent… Elle n'apprécierait pas, tu le sais.

- Ouais, t'as probablement raison. Je ne dirai rien à David.

- Sage décision, Ruby approuva.

- Tu viens de me qualifier de sage ?

Emma porta la main à son cœur, comme si elle était touchée par le compliment. Ruby la regarda par-dessus son épaule avec un sourire moqueur.

- Je commencerai à approuver tes agissements le jour où tu tomberas amoureuse, et que tu te poseras.

- Hum… pas demain la veille, donc, Emma grogna.

- Probablement pas, non. Tu devrais aller te préparer, je vais aller au H3, et j'aimerais que tu viennes nous aider à faire le ménage et préparer les cocktails, ce matin.

Le H3 était le nom de la boite de nuit. C'était Mary qui avait choisi le nom : H était la première lettre de leur nom de famille, et 3 représentait les trois sœurs. Emma grimaça.

- Tu ne vas pas me laisser dormir un peu, avant ?

- T'as pas l'air fatigué, Ruby remarqua. Tu pourras dormir cet après-midi avant la soirée.

- Ok, ok. J'y vais. On se rejoint là-bas, Emma consentit à contrecœur, en sortant de la cuisine les pieds trainants.

Il était 22 heures lorsque Mary arriva au club. Emma était derrière le comptoir, avec d'autres serveuses, et Ruby était installée devant elle, observant ses agissements, et se tournant fréquemment pour vérifier les entrées. Mary s'installa avec grâce à ses côtés en gémissant.

- J'en peux plus ! J'ai fini super tard aujourd'hui, et j'ai mis au moins deux heures à me préparer, se plaignit-elle.

Elle portait une robe blanche, dos nu. Ses cheveux d'ébène courts étaient parfaitement coiffés, et ses yeux verts très bien maquillés.

Ruby portait une robe rouge qui laissait peu de place à l'imagination, et mettait ses formes en valeur. Elle avait lissé ses longs cheveux bruns, qui paraissaient presque scintillants dans la lumière, maquillés ses yeux bleus assez légèrement mais efficacement, et portait un rouge à lèvres si rouge qu'il était difficile de regarder autre chose que ses lèvres.

Emma, quant à elle, portait une robe noire, qui lui arrivait mi-cuisses, fendue sur le côté, et particulièrement décolletée. Elle lui serrait au corps comme une seconde peau. Son maquillage très foncé, presque ténébreux, faisait ressortir ses grands yeux bleu-vert. Enfin, ses cheveux blonds avaient été méticuleusement bouclés : ils retombaient sur ses épaules et le long de son dos en cascade.

Il n'y avait pas à dire : malgré leurs différences physiques, les trois sœurs étaient magnifiques. D'ailleurs, nombreux étaient les regards sur elles.

- Te plains pas, j'ai fait la femme de ménage ce matin, et je travaille ce soir, répondit Emma en lui glissant un martini blanc.

Mary la remercia d'un regard reconnaissant, et but une grande gorgée.

- Je te signale que c'est toi qui as voulu travailler, ce soir, Ruby la réprimanda.

Son ton était taquin. Mais son attention n'était pas vraiment là : ses yeux étaient rivés sur la porte d'entrée, qui s'ouvrait fréquemment sur des inconnus.

- Oui, et je le regrette, Emma soupira, martyre.

Mary posa la main sur celle de Ruby.

- Elle va arriver, chérie. Ne t'en fais pas.

Ruby reporta son attention sur son verre, et sourit le visage fermé, avant de vider le breuvage cul-sec. Mary et Emma se regardèrent, amusées, en haussant les sourcils. Si Ruby avait prévu de boire de l'alcool, Belle devrait à coup sûr, la ramener dans son lit… leur sœur n'était pas une grosse buveuse, et un verre ou deux suffisaient généralement à l'alcooliser.

- Ok, mollo, Emma lui dit en retirant son verre. Tu n'as plus le droit de boire avant une heure.

- C'est pas juste ! Mary a le droit de boire, elle !

- C'est parce que moi, je ne me ridiculise pas quand je bois trop, Mary répliqua, avec un sourire fier.

- Ah oui ? Et tu en fais quoi de la fois où tu as fini par chanter et danser sur une table la danse des canards ?

Mary qui était en train de boire, recracha le liquide, alors qu'Emma éclatait de rire.

- C'était une seule fois, protesta-t-elle avec véhémence.

- Et j'ai loupé ça ? Je savais que j'aurais dû rester à San Francisco ! Emma l'interrompit, hilare.

- C'est arrivé au moins une fois à tout le monde, Mary s'entêta.

- Qu'est-ce qui est arrivé une fois à tout le monde ? Une voix derrière elles demanda.

Les trois sœurs sourirent en voyant Belle. Mais c'était le sourire de Ruby le plus éclatant. Et c'est d'ailleurs cette dernière qui répondit :

- De se ridiculiser après avoir bu. C'est pour ça qu'Emma ne veut plus que je boive, se plaignit-elle, acerbe.

Emma ricana : sa sœur avait déjà trop bu…

- Et elle a raison ! On va danser pour éliminer tout cet alcool ? Belle proposa, avec gentillesse.

Ruby se leva gaiement, acceptant la main de Belle, mais elle se figea soudain. Elle contemplait sa partenaire de haut en bas.

- Tu es magnifique, Belle.

Belle portait une robe bleue roi décolletée, qui serrait le haut de son corps, mais s'épanouissait plus largement au niveau de ses hanches. Elle était très courte, et laissait voir ses jambes fines. Ses cheveux auburn ondulés descendaient dans son dos. Ses yeux bleus clairs, très similaires à ceux de Ruby, étaient maquillés avec gout.

- Presque autant que toi, Belle murmura.

Personne n'entendit sa réponse, mais les trois sœurs la lurent sur ses lèvres. Et son regard était suffisamment explicite pour comprendre ce qu'elle pensait de Ruby. Elles se dirigèrent vers la piste de danse ensemble, sans détacher leurs mains, et Belle attira leur sœur contre elle. Elles dansèrent, collées l'une à l'autre, sans cesser de se regarder.

Mary et Emma les observaient de loin, un sourire sur le visage.

- Tu crois qu'un jour ils les laisseront être ensemble ? Emma interrompit leur rêverie.

Mary changea de position sur son siège, et se retourna vers sa plus jeune sœur. Elle soupira en sirotant son martini.

- J'en doute…

- Mais ce n'est pas juste ! Elles sont tombées amoureuses l'une de l'autre immédiatement, j'en suis sûre ! Et t'as vu la réaction de Belle quand on a émis l'hypothèse que Ruby puisse coucher avec quelqu'un d'autre ?

Emma commençait à s'enflammer. Mais la vérité, c'est qu'elle savait ce qu'était l'amour : elle aurait pu le reconnaitre n'importe où. Et c'était précisément pour cette raison qu'elle ne fréquentait personne : elle n'avait pas encore rencontré l'amour de sa vie. Elle était pourtant une éternelle romantique, et elle savait qu'elle le reconnaitrait dès que ses yeux croiseraient les siens.

- Je le sais bien… mais leur histoire est impossible pour le moment.

- On pourrait demander à… notre ange gardien de nous amener là-haut, et on leur botterait les fesses ! Emma ricana.

- Je ne suis pas certaine que ça aide la cause de Ruby, Mary fit semblant de s'interroger.

- Mais ça nous défoulerait, Emma remarqua.

- En parlant de se défouler, on va pouvoir le faire, dès maintenant. Regarde ce mec là-bas, Mary lui dit, en se redressant sur sa chaise.

Emma se retourna dans la direction que lui indiquait Mary. L'homme était habillé en noir, et portait un bonnet noir qui lui couvrait la tête. Il semblait suivre un autre homme, en serrant sa veste en cuir de façon assez suspecte. Emma hocha la tête.

- On y va. On ne devrait pas avoir besoin de Ruby, autant la laisser avec Belle.

- Oui, Mary confirma en se dressant.

Les deux sœurs fendirent rapidement la foule, Emma ouvrant la marche. Depuis plusieurs mois, elle prenait des cours de combat, et elle s'était drôlement améliorée. Quand il s'agissait de protéger des mortels contre d'autres mortels, c'était elle qui était chargée de le faire. Comme ça, les sœurs n'utilisaient pas leurs pouvoirs, et leur secret était bien gardé.

Elles virent de loin l'homme se glisser par la sortie de secours, et elles accélérèrent le pas. Si elles le perdaient, un règlement de compte aurait très certainement lieu, et un innocent serait peut-être tué.

Mais lorsqu'elles sortirent à leur tour, elles comprirent qu'elles s'étaient trompées : ce n'était pas une affaire de règlement de compte entre mortels. L'homme avait retiré son bonnet, et était penché sur le corps inanimé de l'autre. Sa bouche semblait aspirer la vie de l'autre.

- HEY ! Mary s'écria.

D'un grand geste de la main, elle envoya l'agresseur voler dans les airs. Emma se précipita vers la victime pour prendre son pouls. Quand elle ne sentit pas les battements de cœur sous la peau froide de son cou, elle gémit. Elles étaient arrivées trop tard. Mary grimaça également.

Une jeune femme accompagné de son copain sortirent à ce moment-là, et les regardèrent.

- Appelez-vite le 911, cet homme a été agressé, Mary les enjoignit avec force.

Les deux personnes disparurent aussitôt. Elles se tournèrent vers l'homme dont le corps avait atterri et gisait maintenant sur une poubelle. Il ne bougeait plus, mais un spectre immense sortit par sa bouche. Il ressemblait à l'homme qui venait de mourir. Mary ne réfléchit même pas, et envoya, là où aurait dû se trouver son cœur, une barre de fer. L'apparition grésilla, s'électrifia et disparut avec une détonation.

- Bien joué, Emma s'enthousiasma.

Au même moment, l'homme commença à se redresser. Emma ne perdit pas une seconde, et s'élança vers lui. Deux coups de poing suffirent pour que le démon retombe dans les pommes.

- On ne le tue pas ? Mary s'étonna.

- Plus tard. Là de suite, si l'agresseur disparait, les flics vont croire que c'est nous qui sommes coupables, Emma expliqua.

Mary hocha la tête, approbatrice. Au loin, les sirènes de police retentissaient déjà.

- T'as pas un bout de corde ?

Mary regarda autour d'elle. Il y avait des cartons pas loin. Elle utilisa son pouvoir pour décrocher le scotch qui les ficelait, s'en empara, et l'apporta à Emma. Cette dernière la remercia, et sécurisa les mains de l'agresseur derrière son dos.

- Tu crois que Ruby est en train d'embrasser tu-sais-qui ? Emma demanda, sur un ton plein de bonhommie.

Mary rigola. Voir sa sœur accroupie, en train de ficeler un tueur, alors qu'elle portait une robe courte fendue, était risible. Au même moment, la porte de sortie de secours s'ouvrit sur leur sœur et Belle, et les voitures de police arrivèrent dans la ruelle.

- Je dirais que non, elles ne s'embrassent pas, Mary répondit sur un ton calme.

- Mais qu'est-ce qui s'est passé ? Ruby s'affola en se précipitant vers elles.

- On vous expliquera plus tard, Mary chuchota, voyant les policiers se diriger vers elles, David en tête.

Emma bataillait toujours avec le scotch.

- Putain, mais c'est collant ce truc ! T'aurais pu essayer de chercher de vraies cordes, j'y arrive pas là !

David sourit.

- C'est bon, Emma ! On prend en charge.

Il adressa un signe de tête à son bras-droit, qui s'accroupit contre Emma pour passer les menottes à l'homme toujours inconscient. Emma appréciait beaucoup le bras-droit. Elle s'appelait Mulan. Et malgré son manque d'humour la plupart du temps, les sœurs la respectaient et avaient confiance en elle.

- Salut Mulan ! Emma la salua en se relevant.

- Salut Emma.

- Pourquoi est-ce que je ne suis pas surpris de vous voir ici ? David interrompit les salutations, sur un ton cassant, et en fixant Mary.

Mary lui répondit par un regard tout aussi glacial, et Emma se demanda si elle n'avait pas loupé un épisode. A voir la surprise sur les visages de Ruby et Belle, elle n'était pas la seule à ne pas comprendre leurs réactions. D'habitude, leurs tons étaient beaucoup plus doux. Presque gênés.

- Peut-être parce que tu sais que le club est à nous, et que nous accordons de l'importance à la sécurité des autres, Mary répliqua avec humeur.

- Alors pourquoi vous n'avez pas plus de gardes du corps pour protéger vos clients ? David persista.

Emma était de plus en plus surprise… était-ce de la suspicion qu'elle détectait dans sa voix ?

- Parce que nous sommes amplement capables de nous en charger, et que nous n'avons pas les moyens pour plus d'un vigile, Mary s'enflamma.

- Visiblement, ce n'est pas suffisant puisqu'un homme en est mort, David répondit cinglant, après s'être penché sur le cadavre.

Mary déglutit, difficilement. Emma, Belle et Ruby également, et les larmes leur montèrent aux yeux. Il n'y avait rien de plus horrible que d'échouer à sauver les innocents.

- Pose-nous tes questions, David. Et on vous laissera faire votre travail, Mary dit d'une voix tremblante.

- Je ne peux pas, David dit, presque avec regret. Il y a eu un mort cette fois, et je ne peux plus couvrir vos agissements. Mulan est partie informer le procureur, et c'est à elle que vous devrez expliquer vos actes.

Les trois sœurs se regardèrent, inquiètes.

- Pourquoi le procureur ? Ruby demanda d'une petite voix.

David se tourna vers elle, et lui adressa un regard rassurant.

- Parce que c'est elle qui va mener le procès, et elle aura besoin de vos témoignages.

Ruby hocha la tête, compréhensive. Mary semblait toujours aussi énervée.

- Qu'est-ce qui se passe entre vous ? Emma lui chuchota, en aparté.

- Il se passe que David nous suspecte d'affaires pas très nettes depuis quelques temps, Mary lui répondit, sans chercher à baisser le ton de sa voix.

Emma le regarda avec de grands yeux surpris.

- Cet après-midi, j'ai dû recueillir ton témoignage pour l'affaire de la semaine dernière, et ce soir, tu es impliquée dans une affaire de meurtre ! Excuse-moi de trouver cela louche ! David répliqua, amer.

- Et à chaque fois, c'étaient des sauvetages, Mary lui signala.

- Je ne suis pas en train de remettre en cause votre intégrité, David s'emporta. Juste vos explications. Je sais que vous me mentez, et ça m'exaspère.

Emma et Ruby se regardèrent, gênées et contrites : il avait raison en grande partie. Mais le regard de Mary ne cilla pas. Elle n'acceptait pas qu'il remette sa parole en doute.

- C'est ridicule ! On t'a toujours dit la vérité ! On essaie d'aider les gens du mieux qu'on peut ! Et à chaque fois que l'on remarque quelque chose de bizarre, on agit ! On t'a toujours expliqué ce qu'il se passait !

Ses deux jeunes sœurs observaient l'échange sans oser rien dire. Cela ne les regardait pas. Quand David se rapprocha de Mary jusqu'à rentrer dans son espace vital, et que celle-ci ne recula pas, Emma ricana. Si seulement, ils évacuaient toute cette frustration sexuelle autrement qu'en se disputant…

Ils continuèrent à se chamailler lorsque les ambulanciers récupérèrent le corps, et que les policiers emmenèrent l'agresseur au poste de police. D'autres policiers s'occupaient de récupérer des empreintes sur la scène de crime, et d'autres photographiaient chaque recoin. Emma, Belle et Ruby chuchotaient, Emma leur expliquant la situation. David s'éloigna enfin de Mary lorsqu'une énième voiture arriva. Il les laissa seules, pour se diriger vers le nouvel arrivant. Emma et Ruby en profitèrent pour se glisser vers leur sœur, Belle les suivant de près. Elles se placèrent en cercle, et bloquèrent à la vue des autres leur discussion.

- On a notre histoire pour le proc ! On a vu ce mec suivre la victime, on les a suivis nous aussi, et on a vu l'agresseur étrangler l'autre.

- On ne peut pas dire ça ! Il lui a aspiré la vie, ou son âme ! Mary la contra.

- Et alors ?

- Et alors, le légiste dira qu'il n'y avait aucune marque de strangulation, Mary rétorqua agacée.

- Merde, souffla Emma.

- Ouais. Donc on dit qu'on n'a pas vu ce qu'il faisait, mais qu'on l'a immobilisé quand même, et même s'il est relâché, ce n'est pas grave. Il faut qu'on le retrouve et qu'on le tue de toute façon, continua Mary dans un chuchotement.

Belle approuva, avec un sourire, et Ruby hocha la tête, satisfaite. Emma avait la mine grave, et semblait réfléchir à toute allure. David les interpella, et elles se tournèrent en même temps, pour le voir approcher aux côtés d'une jeune femme.

Emma se redressa immédiatement, et sentit son cœur s'emballer. La femme était belle… très belle. Beaucoup trop belle. Elle avait des cheveux noirs de jais qui tombaient sur ses épaules. Ses yeux noirs maquillés sombrement, pétillaient d'intelligence. Elle était habillée d'une chemise blanche à laquelle il manquait un ou deux boutons pour être qualifiée de décente. Le reste de ses habits était noir : sa veste de costume, son pantalon qui la moulait parfaitement, ses escarpins de 15 centimètres…

Emma la regardait de haut en bas, sans trop savoir où arrêter son regard. La jeune femme marchait avec assurance, d'une façon presque féline. C'était une prédatrice, elle aussi. Il n'y avait aucun doute là-dessus… leurs regards se rencontrèrent, et Emma se rendit compte qu'elle avait parfaitement compris sa contemplation : elle avait arqué un de ses sourcils, et la regardait maintenant avec amusement, un sourire en coin à peine caché sur ses lèvres rouges sang.

- Bonsoir, la femme les salua.

Emma sentit son ventre se tordre. La voix était grave. Sensuelle. Et pire que tout : elle ne s'était adressée qu'à elle. Emma ne remarqua même pas ses sœurs qui la regardaient avec surprise et amusement… L'inconnue commença à balader son regard sur les autres, et Emma se sentit presque délaissée.

- Je suis le procureur Mills, et je vais avoir besoin de vos témoignages, mesdemoiselles. Est-ce que l'une d'entre vous était présente au moment des faits ?

Emma leva immédiatement la main, comme si elle répondait à une question en classe. Le procureur replongea ses yeux dans les siens, et cette fois son amusement était couplé avec quelque chose d'autre… de la satisfaction ? Emma se lécha les lèvres inconsciemment, et elle vit le regard de procureur Mills dévier une fraction de seconde vers sa bouche.

- Moi ! J'ai tout vu ! J'étais là !

Elle pouvait presque sentir le roulement des yeux de Mary et le sourire narquois de Ruby.

- Et vous êtes… ?

- Emma. Emma Halliwell, Emma se présenta en lui tendant sa main.

Elle espérait qu'elle ne soit pas trop humide. Elle transpirait légèrement depuis quelques instants, ce qui ne lui arrivait pourtant jamais quand elle rencontrait quelqu'un… La jeune femme s'en saisit et la serra en lui adressant un sourire séduit et séducteur. Le cœur d'Emma rata un battement.

- Regina Mills. Mais vous pouvez m'appeler Regina, Miss Swan.

Le procureur lui adressa un clin d'œil, et Emma sentit des millions de papillons s'envoler dans son ventre. Elle était persuadée d'avoir un sourire béat sur le visage, et elle ne parvenait même pas à s'en formaliser. Cette fois, elle entendit Ruby ricaner, et David se gratter la gorge, et elle s'aperçut qu'elles se serraient toujours la main. Regina dut s'en rendre compte également, car elles se lâchèrent en même temps. Emma, fixant toujours la brunette ténébreuse, lui adressa un sourire aguicheur et lui dit d'une voix basse :

- Seulement si vous m'appelez Emma.

Elle lui lança un clin d'œil en retour, et Regina sourit, clairement amusée. Elle semblait agréablement surprise.

Elle lui posa plusieurs questions, auxquelles Emma s'empressa de répondre, Mary complétant certaines informations. A la fin de « l'interrogatoire », Regina leur demanda leurs coordonnées, pour pouvoir les joindre si nécessaire. Emma et Mary les lui communiquèrent. Et David demanda à parler en privé à Mary. Ils s'éloignèrent ensemble, et Regina et Emma se retrouvèrent seules, étant donné et Ruby et Belle s'étaient mises à l'écart au moment de la communication des coordonnées.

Regina dévorait des yeux le corps d'Emma, et celle-ci en rougit presque. Elle avait pourtant l'habitude de ce genre d'attentions. Mais là, c'était différent. Cette femme avait touché quelque chose en elle. Et elle savait très bien de quoi il s'agissait…

Regina récupéra quelque chose dans la poche intérieure de sa veste, et Emma en profita pour jeter un coup d'œil - qu'elle espérait discret -, à son décolleté. Cette déesse avait des seins parfaits, ça c'était sûr. Quand elle releva les yeux, Regina la regardait déjà, avec un sourire complice. Emma rosit, et récupéra machinalement le bout de papier que Regina lui tendait.

- Ce sont mes coordonnées personnelles. Si quoi que ce soit vous revient… n'hésitez pas à me contacter… n'importe quand, Regina précisa, d'une voix grave.

Leurs doigts se frôlèrent et Emma sentit un courant électrique traverser sa main. Et elle avait maintenant besoin de la toucher. Mais elle ne le pouvait pas.

- Merci, répondit-elle d'une voix enrouée.

Les yeux de Regina flashèrent, et elle s'éloigna d'une démarche rapide. Elle monta dans sa voiture sans regarder en arrière, et démarra en trombe. Emma n'avait pas pu détacher son regard d'elle.

- Eh bien ! Je ne t'avais jamais vue déshabiller quelqu'un du regard avec une telle intensité, la voix de Ruby résonna à côté d'elle.

- Peut-être parce que ça ne m'était jamais arrivé avant… Emma répliqua, songeuse.

- Elle est déjà partie ? David demanda.

- Euh… oui.

- Ok. Bon ben je vais y aller aussi. A plus tard, les filles.

Il s'éloigna sans un mot de plus, et comme sa sœur quelques instants auparavant, Mary le suivit du regard. Emma pouffa.

- Je propose qu'on descende fermer le club, et on reparlera de tout ça demain ? Ruby proposa.

Les trois autres acceptèrent, et lorsqu'elles se couchèrent enfin, chacune avait l'impression de flotter.

Comme à leur habitude, Ruby et Emma se réveillèrent tôt pour pouvoir prendre le café avec Mary avant que celle-ci ne parte au boulot. Elles étaient toutes les trois dans la cuisine, attablées, et Emma tentait de se réveiller tant bien que mal.

- J'ai fait des recherches dans le Livres des Ombres. Le démon était un marchand d'âmes. Il y en a peu, dans le monde. Et ils sont normalement sous les ordres d'un gourou qui a besoin de ces âmes pour survivre, Mary leur expliqua.

- Et vous avez tué l'âme, hier soir ? Ruby demanda.

- On ne peut pas tuer une âme, seulement la libérer. Mais oui… elle a été libérée de l'emprise de son voleur. Donc le gourou va sûrement chercher à en avoir une autre rapidement…

Ruby grogna.

- Est-ce que tu peux me dire ce qu'il s'est passé hier soir ? Mary demanda soudain, la voix moqueuse.

Emma leva les yeux de sa tasse, et vit que sa sœur s'adressait à Ruby, non à elle. Elle en fut soulagée.

- Euh… on a dansé ?

- Et… ?

- Et rien du tout ! J'ai entendu des gens commencer à s'affoler parce qu'il y avait eu une attaque, j'ai dû les calmer et leur demander de partir par la porte principale, et ensuite on est venu vous rejoindre, Ruby bougonna.

- Mais c'était bien ? Mary persista.

- Jusqu'à ce qu'un démon me gâche ma soirée ?

- Évidemment…

- C'était super, Ruby soupira, défaite.

- Alors t'en fais pas, on demandera à Belle de revenir ce soir ! Emma la rassura.

- A quoi bon de toute façon ? Si on continue comme ça, je vais finir par faire une dépression. On ne peut pas être ensemble quoi qu'il arrive…

- Ca tu n'en sais rien ! Tant que vous n'avez pas essayé, tu ne le sauras jamais, Emma enchaina.

- En parlant d'essayer… c'est moi ou tu as complètement craqué sur le procureur ? Mary interrogea.

Emma rougit, et tenta de cacher son trouble en buvant une autre gorgée de son café.

- Elle est… pas mal.

- Pas mal ‟j'ai envie de passer la nuit avec elle" ou pas mal ‟j'ai eu le coup de foudre" ? Ruby ricana.

- La deuxième option ? Emma dit d'une toute petite voix.

Mary et Ruby poussèrent un petit cri perçant et joyeux. Emma se boucha les oreilles. Les pitreries de ses sœurs l'exaspéreraient toujours.

- Je le savais ! Ruby s'exclama en lançant son poing en l'air, victorieusement.

- Tu sais, ça tombe bien, je crois que tu lui plais aussi… Mary ajouta, ravie.

- C'est possible… Emma approuva. Elle m'a donné sa carte avant de partir, hier.

- Et tu comptes l'appeler ? Ruby la pressa.

- Peut-être… Emma admit, après réflexion. Bref. Et toi, Mary ? Qu'est-ce qu'il voulait te dire David quand il t'a prise à part ?

Ce fut au tour de Mary de rougir.

- Il m'a invitée au restaurant… entre ‟vieux amis", répondit-elle sur un ton dégagé.

- Tu as dit oui ? Emma s'étonna.

- Je lui ai d'abord dit qu'il ne se passerait rien entre nous. Et il m'a assuré qu'il voulait juste discuter. Alors je lui ai dit oui.

Mary avait une voix bien trop détachée. Ce qui ne rendait pas crédible son explication.

- Mary… tu devrais vraiment lui dire la vérité… Ruby tenta de la convaincre.

- Non. Il ne comprendrait pas. Il a horreur de tout ce qui n'a aucune logique. Il est bien trop terre-à-terre.

- Tu n'en sais rien non plus ! Si ça se trouve, il l'acceptera, et vous pourrez vivre heureux.

- Comme papa et maman ont vécu heureux ? Mary riposta, sur un ton cinglant.

- Tout le monde est différent. Et puis maman a trompé papa avec son être de lumière en plus, Ruby lui répondit.

- Seulement après que papa est parti de la maison parce qu'il ne supportait plus la magie et les démons ! Mary conclut la conversation.

Emma savait qu'elle ne changerait pas d'avis. La relation de ses parents l'avait marquée. Et l'abandon de son père avait été vécu comme une véritable trahison, même si elle ignorait la raison de son départ, à l'époque.

- Bon allez ! Je dois vraiment y aller, maintenant. On se voit ce soir.

- On sera au club, Emma lui répondit avec bonhommie.

- Je sais.

Sur ces mots, Mary partit. Ruby la regarda et grimaça son mécontentement. Emma haussa les épaules, et se chargea de la vaisselle en silence.

Une fois la vaisselle terminée, elle se doucha, noua ses cheveux en une queue brouillonne, enfila une tenue de sport qui consistait en un pantacourt et une brassière noirs, et monta sur son vélo jaune.

Elle n'avait toujours pas passé le permis de conduire, mais cela ne la dérangeait pas : elle aimait le sport. Cela lui permettait de manger autant qu'elle le souhaitait, tout en gardant un corps sain et proche de la perfection.

Elle avait pour projet de retourner au H3 pour essayer d'avoir une prémonition. Et la montée raide pour y arriver lui permettrait de se dépenser comme elle en avait besoin…

Arrivée à destination, elle transpirait à grosses gouttes. Elle fit le tour du club, et entra dans la petite ruelle. Elle déposa son vélo contre le mur, et s'approchait de l'endroit où le crime avait été commis lorsqu'elle sentit une présence suspecte dans son dos, et une main toucher son épaule. Elle n'hésita pas : dans une rotation parfaite, elle balança sa jambe en direction de l'intrus.

Mais lorsqu'elle vit la personne qu'elle était sur le point de frapper, elle tenta de stopper son mouvement… elle ne parvint qu'à le ralentir. Son opposant lui attrapa le mollet sans difficulté.

- Vous saluez toujours vos amis de cette façon ? Regina demanda, rieuse.

- Vous les surprenez toujours comme ça, sans vous annoncer ? Emma répondit sur le même ton joueur.

- Je suis pleine de surprises, oui.

Le ton de Regina avait perdu de son humour. Il était redevenu le même que la veille : prédateur.

- Euh…

Emma réalisa sa position, tout à coup. Regina lui tenait toujours le pied, et elle avait les jambes bien trop écartées pour entamer un jeu de séduction tel que celui-ci. Elle fit un geste timide vers sa jambe. Regina suivit son regard.

- Très belle jambe, la complimenta-t-elle avec une voix enrouée.

Emma avait vraiment besoin de serrer les jambes, maintenant.

- Merci. Je peux la récupérer ?

Regina la lâcha aussitôt, comme si elle venait de se brûler. Elle semblait perplexe de sa propre réaction, et rigola, gênée. Emma profita de la gêne momentanée pour se trémousser sur place et apaiser la chaleur qu'elle ressentait dans son entre-jambes.

- Veuillez m'excuser.

- C'est pas grave, Emma sourit.

- Je voulais justement vous parler, Regina enchaina, tentant de dissiper le malaise.

- C'est pour ça que vous êtes ici ? Emma s'étonna.

- Oui. Je venais au H3 en espérant vous y croiser, quand je vous ai vue dans la rue sur votre vélo. Et je vous ai suivie.

- Vous auriez pu me téléphoner, Emma lui fit remarquer.

- Je préférais vous revoir, Regina répliqua la voix basse.

Son regard se promena sur le corps transpirant de la jeune blonde, et ses yeux s'assombrirent. Emma était flattée… et bien trop excitée par un simple flirt. Elle était presque prête à lui sauter dessus, et la prendre dans ce coin de ruelle sombre…

- L'agresseur s'appelle Ricardo Sanchez. Il est connu des services de police. Mais il affirme avoir cherché à sauver la victime. Le juge est un sombre crétin, qui ne condamne quasiment jamais les agresseurs, Regina interrompit le fil de ses pensées qui étaient devenues perverses.

Emma inspira profondément. La voix de Regina ne l'aidait pas vraiment… mais elle se fit violence pour comprendre les mots qui sortaient de sa bouche… Dieu, tout ce qu'elle voulait faire de cette boucheBon Dieu, Emma ! Réagis, se secoua-t-elle intérieurement. Regina attendait sa réaction.

- Euh… il ne cherchait pas à l'aider, ça j'en suis sûre, dit-elle d'une petite voix, qui ne trembla presque pas.

- Je vous crois. Mais la victime n'a aucune trace de coup ou de maltraitance. Donc aucune preuve concrète des intentions néfastes de son auteur, Regina continua.

- Pourquoi est-ce que vous me croyez, alors ? Emma s'étonna.

- Parce que vous me dites la vérité. Et que lui me ment, Regina répondit simplement.

- Vous savez quand les gens vous mentent ? Emma haussa les sourcils.

- Toujours, oui. Une sorte de sixième sens, Regina affirma.

Emma hocha la tête, ne sachant plus quoi répondre. Elle était relativement impressionnée.

- Vous m'avez dit que vous l'avez attaqué, c'est exact ? Regina continua comme si de rien n'était.

- Oui… Je lui ai donné deux coups de poing pour le détacher de la victime, et il est tombé dans les pommes.

- J'ai observé les photos. Comment se fait-il que le cadavre gisait ici, dit-elle en montrant du doigt l'endroit où le corps avait été découvert, et que l'agresseur ait fini là-bas, dit-elle en désignant la poubelle au bout de la rue, après que vous lui avez donné seulement deux coups de poing ?

Emma se mordit les lèvres… C'était Mary qui l'avait éjecté au bout de la rue… mais la télékinésie n'était pas une réponse valable. Emma était tellement distraite par son monologue intérieur qu'elle ne remarqua même pas que le regard de Regina s'était posé sur sa bouche, là où ses dents pénétraient la chair de sa lèvre inférieure, et qu'elle la fixait maintenant avec intensité.

- Euh… je ne sais plus trop… je l'ai peut-être trainé jusqu'à là-bas pour essayer d'attacher ses mains. Tout s'est passé très vite…

Regina écouta son explication avec scepticisme. Emma savait qu'elle ne la croyait pas. N'avait-elle pas dit quelques secondes auparavant qu'elle savait quand quelqu'un lui mentait ? Emma détourna le regard. Elle avait horreur de mentir.

- Monsieur Sanchez a déposé plainte contre vous, Regina continua pourtant, sans lui faire de réflexion supplémentaire.

- Quoi ? Il a le droit ? Emma s'étrangla.

- En l'absence de preuve physique quant à sa culpabilité présumée de meurtre, oui, il le peut.

- Mais sur quel fondement ?

- Violences volontaires, Regina grimaça. Sur sa propre personne, crut-elle bon de préciser.

- Il m'attaque parce que j'ai voulu protéger un innocent ? Emma s'insurgea.

Le démon était un beau salopard, ça c'était certain. Il devait bien se marrer dans sa cellule en imaginant sa réaction lorsqu'elle apprendrait qu'il portait plainte contre elle. Emma voulait crier sa frustration.

Regina posa sur son bras une main rassurante, et elle serra d'une légère pression. A nouveau des frissons parcoururent son corps, remontèrent le long de sa colonne vertébrale, et Emma sentit tous ses poils se dresser.

- Vous ne risquez rien. C'est moi qui suis chargée de l'affaire, et je vous assure que je vous protégerai.

La voix de Regina était si sincère… jamais Emma n'avait été autant bouleversée par quelqu'un.

- Merci, chuchota-t-elle, incapable de rajouter un mot de plus.

Regina lui adressa un sourire en coin rapide, et retira la main de son bras, gênée. Emma remarqua que Regina fuyait maintenant son regard. Sa solution avait été de baisser les yeux, mais cette décision n'était pas la plus judicieuse : son attention s'était portée sur la poitrine et le ventre plat d'Emma, toujours luisants de sueur. Regina déglutit difficilement, et la blonde se serait moquée d'elle, si elle n'avait pas été aussi excitée.

La brunette lui tourna soudain le dos, et s'éloigna. Par-dessus son épaule, elle lui lança :

- La séance aura lieu demain au tribunal à 14 heures. Ne soyez pas en retard !

Emma sourit en l'observant partir.

Le lendemain, les trois sœurs s'étaient libérées pour assister à l'audience. Mary et Ruby avaient été outrées d'apprendre que le démon avait déposé une main courante contre Emma. Et toutes les trois avaient hâte de pouvoir lui mettre la main dessus pour le vaincre, une bonne fois pour toutes.

Regina les attendait à l'entrée du tribunal. Les trois sœurs s'approchèrent avec détermination.

- Vous me laissez parler, vous ne dites rien, même si le juge fait des remarques déplacées, Regina instruisit.

- Il est hors de question que ma sœur soit condamnée pour les crimes de quelqu'un d'autre, Mary lui répondit sauvagement.

- Faites-moi confiance, elle ne le sera pas.

Regina semblait si convaincue que le doute n'était pas permis. Emma hocha la tête, et elles suivirent le procureur. La salle était bondée. Leur affaire n'était pas la seule à être jugée cet après-midi-là. Elles prirent place au second rang, derrière Regina. Emma ne pouvait s'empêcher de la fixer, même quand elle était de dos. Ruby le remarqua, et lui balança un léger coup d'épaule, taquin. Emma lui tira la langue, ce qui fit ricaner Mary et Ruby, et attira l'attention du procureur qui leur jeta un coup d'œil interrogateur. Emma haussa les épaules, silencieuse.

C'est à ce moment que le juge entra dans la pièce, et le silence régna immédiatement. Il était vieux, rabougri, et sa présence avait quelque chose de malsain, qui fit froid dans le dos aux trois sœurs. Elles s'échangèrent des regards entendus : il y avait un problème avec cet homme. Il s'assit, comme s'il s'installait sur un trône et dit d'une voix autoritaire, en frappant avec son marteau :

- La séance est ouverte.

Le greffier prit alors la parole, et énonça :

- Affaire no 4578-68, Ricardo Sanchez c. État de Californie.

- Faites entrer l'accusé, ordonna le juge.

Ricardo, les mains menottées dans le dos, entra, flanqué de deux gardes. Il avait un sourire suffisant, et il fixait Emma. Quelque chose n'allait pas : il avait l'air bien trop sûr de lui…

- La parole est au procureur, représentant l'État de Californie.

Regina se leva, et parla d'une voix assurée, et imposante. Emma frissonna.

- Votre Honneur. Monsieur le greffier. Mesdames et Messieurs. Nous sommes ici pour les évènements qui se sont déroulés le mercredi 24 mai à 22h30…

Emma n'écoutait le plaidoyer de Regina que d'une oreille : elle était distraite par le sourire moqueur de Ricardo Sanchez. Le démon savait qu'il ne risquait rien. Il devait y avoir une raison à cela : les démons étaient loin d'être des créatures idiotes… la plupart du temps, du moins. Emma jeta un coup d'œil à ses sœurs qui semblaient être arrivées à la même conclusion.

- Vous n'avez aucune preuve de ce que vous avancez, Madame le procureur, le juge coupa soudain Regina.

- Nous n'avons aucune preuve que l'accusé ait assassiné la victime, c'est exact. Nous avons en revanche la preuve qu'il n'essayait pas de l'aider.

- Et quelle preuve avez-vous de cela ? le juge demanda sur un ton peu convaincu.

- Le médecin légiste n'a noté aucune marque de massage cardiaque sur le cadavre. Monsieur Sanchez qui affirmait lui prodiguait les premiers secours a donc menti.

- Peut-être qu'il ne savait tout simplement pas ce qu'il faisait, le juge plaisanta, se faisant rire lui-même.

Les trois sœurs se regardèrent, outrées.

- Ruby, fige les humains présents dans cette salle, Emma chuchota, le plus doucement possible.

- Quoi ? répondit Ruby, horrifiée.

- Votre Honneur, malgré tout le respect que je vous dois, un homme est mort dans cette affaire, et chercher à faire de l'humour sur le sujet est non seulement déplacé, mais encore irrespectueux, Regina lança froidement.

Pendant que le juge, outré, envoyait promener Regina injustement, Emma continua ses chuchotements :

- Vas-y, Ruby !

- Mais j'ai jamais fait ça, Ems. Qu'est-ce qu'il va se passer si une seule personne est figée ? demanda-t-elle avec horreur.

- Tu peux le faire, Rubes. Quelque chose ne va pas avec ce juge.

- Mary ? Ruby implora.

- Elle a raison. Essaie ! Au pire, quelques personnes arrêteront de parler, et personne ne remarquera rien.

Ruby grimaça et attendit que le juge ait repris la parole. Elle pria pour que tout se passe bien, et se concentra : figerleshumains, figerleshumains, figerleshumains, figerleshumains

Elle ferma les yeux, et figea le temps. Elle entendit que le juge continuait de parler. Mais lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle constata que Regina, le greffier, et toutes les personnes dans l'assemblée étaient figées, mis à part Ricardo, le juge et les gardes.

Le juge cessa soudain de parler, comprenant ce qu'il se passait. Une boule de feu apparut dans sa main, et il la lança dans leur direction. Emma vit, horrifiée, qu'elle s'apprêtait à toucher Regina. Elle bondit sur celle-ci, et la plaqua contre le sol. La tête de Regina rebondit contre le carrelage et Emma grimaça. Elle aurait une bosse…

Ses sœurs étaient déjà en train de se battre contre les gardes et Ricardo qui n'était plus attaché. Le combat était relativement égal, mais elles virent toutes le juge s'enfuir, sans pouvoir rien faire.

Alors que Mary éjectait l'un des gardes, elle s'écria :

- Si l'on arrive à vaincre les trois voleurs d'âme, le juge en mourra aussi !

- Il faudra quand même vérifier ça, Ruby lui cria, cachée derrière une rangée de chaises pour éviter les boules de feu.

Emma se battait au corps à corps avec Ricardo, et était bien meilleure que celui-ci. Cassant une rangée de chaises, elle se servit d'un des pieds comme d'un pieu, et l'enfonça dans son cœur. Le démon explosa en fumée. Mary propulsa le même bout de bois dans le cœur de l'un des gardes qui explosa à son tour, et avant que le dernier ne s'attaque à elle, Ruby enfonça l'un de ses talons aiguilles dans le cœur du dernier. Ruby fut propulsée en arrière, et atterrit dans les bras d'Emma.

- Le juge ! Mary cria.

Elle s'élança en direction de l'endroit où il avait disparu. Entrainées par leur précipitation, aucun d'elles ne remarqua que le corps de Regina s'était volatilisé.

Et un peu plus loin, dans le bureau du juge, Regina apparut dans un miroitement devant le vieux démon qui cherchait désespérément à fuir les sorcières.

- Balthazar ! Laissez-moi passer, le juge implora, faible.

- Tu as osé me contredire, tout à l'heure, Regina susurra sur un ton meurtrier.

- Vous savez très bien que je ne pouvais pas condamner l'un de mes propres soldats. C'est à lui que je dois la vie… continua à supplier l'être démoniaque.

- En effet, Regina sourit.

Son sourire était assassin, et si effrayant que le juge se recroquevilla sur lui-même.

- Mais tu aurais dû savoir que si tu privilégiais celui à qui tu devais la vie, je deviendrais celle à qui tu devrais ta mort…

Les yeux du juge s'écarquillèrent de terreur. Au loin, Regina entendait déjà les pas précipités des trois sorcières. Elle conjura une boule de feu, et la lança sur l'autre démon avec désinvolture et désintérêt. Elle se fichait bien de tuer un démon. Aucun ne lui arrivait à la cheville, de toute façon. Et alors qu'il s'enflammait et hurler sa douleur, et son refus de mourir, Regina le fixait, un sourire satisfait sur le visage. Elle s'éclipsa dans son miroitement habituel au moment où la porte s'ouvrit sur les sœurs Halliwell, et que le juge explosa.

- Bon… ben il semblerait que le fait de vaincre ses disciples, l'ait bel et bien tué, Emma se réjouit.

- Un de moins à s'occuper. Ça nous a évitées d'utiliser le pouvoir des trois. On pourra le rayer du Livre des Ombres, Ruby souffla.

- On a un plus gros problème maintenant… comment on justifie la disparition du juge, des gardes et de Sanchez ? Mary s'inquiéta.

- On s'allonge par terre, tu les défiges, et on fait semblant de se réveiller comme tout le monde ? Emma proposa, penaude.

Apres tout, ça avait été son idée de tous les figer : elle se devait de trouver une solution.

- C'est un plan comme un autre, Mary sourit. Allons-y !

Elles suivirent les instructions d'Emma à la lettre. Personne ne comprit jamais ce qu'il s'était passé, si ce n'est un certain procureur, qui fit mine de se réveiller, perplexe.

- Vous allez bien ? Emma s'inquiéta en se rapprochant de Regina.

- Je crois que je me suis cognée la tête en tombant, mais tout va bien, la rassura-t-elle en se frottant le crane.

- Tant mieux. Nous serons surement au H3, ce soir, avec mes sœurs. Si vous voulez passer, je vous promets de vous offrir un verre, Emma proposa, charmeuse.

Regina sourit avec provocation. Mais elle n'offrit pas à Emma la réponse qu'elle aurait aimé entendre.

- Je vais avoir beaucoup de choses à faire ce soir, pour donner un sens logique à ce qu'il s'est passé ici, et lancer les avis de recherche contre Sanchez. Mais si je finis tôt, je vous promets de venir.

Emma sourit, compréhensive. Elle savait qu'elle ne prenait aucun risque lorsqu'elle se pencha sur Regina pour lui embrasser la joue. Ses lèvres adorèrent immédiatement la texture de la peau de la brunette, et elle sentit son cœur se serrer. Son ventre fit des bonds lorsqu'elle constata que Regina rougissait.

Les trois sœurs étaient assises au comptoir du club, à leur place habituelle, plus tard dans la soirée. Ruby observait ses serveuses travailler du coin de l'œil en sirotant son Monaco et riant aux blagues d'Emma. Mary buvait son martini, contente d'être près de ses sœurs.

- Quand est-ce que le diner avec David est prévu ? Emma s'enquit.

- Aucune idée… il m'a dit qu'il m'appellerait, Mary répondit avec un haussement d'épaule.

Le calme apparent qu'elle dégageait était trompeur : elle bouillait à l'intérieur d'avoir de ses nouvelles, même si elle savait les risques que cela représentait…

- Et toi, Ruby ? Tu as des nouvelles de Belle ?

- Non, celle-ci répondit, dépitée.

Mary sourit, en regardant par-dessus l'épaule de sa sœur.

- Quelque chose me dit que tu vas en avoir très bientôt…

Ruby se retourna avec vivacité, juste à temps pour voir Belle descendre les escaliers du club. Emma éclata de rire.

- Va la chopper, Rubes ! l'encouragea-t-elle vivement.

Ruby ne se fit pas prier. Elle se leva immédiatement et entraina Belle sur la piste de danse. Mary et Emma restèrent seules, souriant du bonheur de leur sœur.

- C'est juste toi et moi ce soir, Mary rigola.

- On dirait bien, Emma répondit.

- Regina ne viendra pas ?

- J'en doute…

- La prochaine fois, Mary lui dit sur un ton rassurant.

- Je pense, oui… à mon avis, cette histoire ne fait que commencer… Emma répliqua, songeuse.

A des kilomètres sous terre de là, un démon apparut dans un miroitement devant son maitre.

- Comment la mission se passe ? s'enquit l'homme, dont le visage était caché par l'obscurité de son capuchon noir.

- Très bien, répondit la brunette avec arrogance. La plus jeune des sœurs est fragile… ses pouvoirs ne sont rien comparés à celui des autres. Il sera facile de l'atteindre en priorité.

- Quel est ton plan ?

- La séduire. Ca ne devrait pas prendre très longtemps…

- Et ensuite ?

- J'ai déjà plusieurs idées, Maitre. Abraxas et Nox attendent mon feu vert.

- Tu n'as pas beaucoup de temps. La Source veut leur tête rapidement.

- Et elle les aura, répondit Regina avec un sourire mauvais.

- Prends garde à toi, Balthazar, l'homme la prévint, menaçant.

L'arrogance et le sourire de supériorité de la jeune femme ne disparurent pas de son visage.

- Mais je n'ai rien à craindre, Maitre…

Sur ces paroles, elle disparut à nouveau. Dans l'ombre, un sourire satisfait se dessina, et un caquètement sinistre retentit.

TBC.

Sincères salutations à tou(te)s !

Vous m'avez bien manqué, et depuis quelque temps, les idées me reviennent pour SQ… c'est celle de Charmed que j'ai décidé de publier…

Si vous n'avez jamais suivi la série, je pense que vous devriez comprendre ce qu'il se passe sans trop de problème :) Le but de cette fic, c'est de faire un épisode par chapitre… même si je ne reprendrai pas exactement l'histoire originale des sœurs Halliwell (sinon, où est l'intérêt ?).

J'ai déjà tout plein d'idées pour la suite, mais j'attends vos retours avant de voir si ça vaut le coup de continuer ou non :) Si l'histoire ne vous emballe pas, aucun intérêt !

Et puis, vous savez déjà que je marche aux encouragements pour combattre ma flemme incommensurable, de toute façon ^^

Je vous embrasse.

Au plaisir de vous lire :)

S.