Merci à Mélicerte de sa relecture avisée.


Root et Shaw essayaient chacune à leur manière de survivre à Samaritain. La première, libre, mais toujours traquée, cherchait en vain la seconde qui protégeait envers et contre tout ses amis. Séparées depuis des mois, on leur avait pourtant fait la même affirmation :

« Vos retrouvailles sont impossibles. »

Elles eurent alors le même sourire et la même réplique :

« L'impossible était juste un défi à relever. »


Chapitre 1 : Vaille que vivre

La Machine avait été restaurée ou du moins, en partie. Elle n'était cependant plus aussi omnisciente qu'auparavant. Elle avait donc besoin de ses agents humains plus que jamais. Malheureusement, l'un de ses atouts principaux était toujours porté disparu.

Root continuait inlassablement ses recherches tout en effectuant les missions que La Machine lui confiait. Il y a quelques mois, elle avait aperçu brièvement leur camarade. Elle quittait le QG de Samaritain escortée par des gardes lourdement armés. Son cœur s'était emballé, en vain. Au final elle n'avait pas pu la libérer. Toutefois, sa sociopathe préférée était en vie et c'était le principal ! Elle n'osait imaginer ce qu'ils avaient pu lui faire pendant tout ce temps.

Une seule chose était certaine, elle retrouverait Sameen quel qu'en soit le prix!

En attendant leurs retrouvailles, elle suivait les directives de la Machine avec persévérance. La lutte contre Samaritain était plus difficile que jamais. Ils devaient œuvrer dans la discrétion la plus complète. Root avait multiplié les identités. La hackeuse était à présent et ce depuis plusieurs jours, peintre en bâtiments. Intérimaire, elle rénovait avec ces nombreux collègues un vieux bâtiment de la zone portuaire de New York. Elle avait connu des identités bien plus difficiles à rendre crédibles. Comme auparavant, la Machine limitait au maximum les communications avec elle. Root avançait donc quasiment à l'aveuglette, à la recherche du moindre élément qui expliquerait sa présence ici. Une personne à sauver ? Samaritain ? Une piste pour Sameen ?

Elle ignorait quelle était l'objectif de cette nouvelle couverture. Il n'y avait aucun bureau et encore moins de documents dans ce bâtiment. Elle ne savait pas à qui il appartenait. Avec l'aide de Finch, elle avait pourtant effectué des recherches importantes. Ce bâtiment apparemment, était la propriété d'une nouvelle holding inconnue, sans doute une société écran. Cette absence d'information était plus que suspecte. Chaque jour, Root continuait d'explorer les lieux qui paraissaient à première vue, si anodins.

Ce nouveau job était physiquement épuisant, mais il lui garantissait une totale liberté de mouvement dans l'immeuble. Un après-midi, un groupe de techniciens fit son apparition, brisant la routine qui s'était établie. Ces hommes installèrent au sous-sol des caméras et des systèmes de sécurité dernier cri. Cet équipement lui rappelait étrangement celui de Decima. Il leur faudrait plusieurs jours pour le rendre opérationnel. Le bâtiment devenait décidément de plus en plus mystérieux.

Root décida d'inspecter une nouvelle fois le sous-sol pendant la nuit, profitant ainsi de l'absence des ouvriers. Prudente pour l'occasion, elle était venue armée. Jusqu'à présent, elle n'avait rien découvert au niveau souterrain. Les communications vers l'extérieur étaient impossibles, elle ne pouvait donc pas compter sur la Machine pour l'assister. Il était presque 23 h lorsqu'elle entendit un bruit émanant de l'ascenseur. Elle se cacha rapidement dans une petite pièce et dégaina son arme.

Elle identifia deux bruits de pas distincts. Du 2 contre 1, ce n'était même pas un désavantage pour elle si cela tournait mal. Elle attendit en silence, plaquée contre le mur, près du seuil de la porte. Les inconnus s'approchèrent et passèrent devant sa cachette sans la remarquer.

Root les entendit s'éloigner de quelques mètres. Elle entrouvrit alors légèrement la porte afin de jeter un coup d'œil à ses visiteurs. Dans le couloir mal éclairé, les silhouettes étaient floues. Elle vit toutefois scintiller la crosse métallique d'une arme dans le dos du plus grand des inconnus.

Root n'était pas vraiment surprise de voir débarquer des hommes armés, sans doute des agents de Samaritain. L'envie de les descendre sur-le-champ fut immense, mais elle devait préserver sa couverture et découvrir ce qu'il se passait ici. Elle les laissa donc s'éloigner à contre cœur. Elle devait prendre sur elle et faire preuve de perspectives, comme le dirait Harold. Si le bâtiment était à Samaritain, il y aurait peut-être des indices qui la mèneraient à Shaw.

Elle attendit presque une demi-heure avant d'entendre à nouveau des pas. Les agents étaient enfin de retour. Elle se colla de nouveau au mur, elle ne les voyait pas arriver, mais ils se rapprochaient. Une fois les deux visiteurs arrivés au seuil de la porte, Root faillit s'évanouir.

Tout se passa très vite, elle agit par pur instinct. Elle ouvrit la porte d'un mouvement brusque, puis elle assomma d'un crochet du droit surpuissant le plus grand des deux agents. Son poing était douloureux tant la force qu'elle y avait mise avait été démesurée, mais son esprit était ailleurs. À vrai dire, la hackeuse ignorait si elle avait cherché à le tuer ou juste à le mettre hors d'état de nuire. L'homme en question s'écroula immédiatement sans pouvoir riposter. L'interface de la Machine était tremblante, elle n'accorda aucun regard au corps inerte de ce dernier. Toute son attention était concentrée sur le deuxième agent présent. Il n'y avait aucun bruit, le temps était comme suspendu.

Root était sans voix, sans force. Le deuxième visiteur réagit aussitôt. L'ex-tueuse à gages reçut un puissant coup de genoux en plein estomac. Elle ne chercha pas à l'éviter. Déséquilibrée, mais toujours debout, elle ne quitta pas l'assaillant du regard. Saisie à la gorge, elle fut propulsée violemment contre le mur. Root n'eut ni la volonté, ni la capacité de se servir de son arme à feu. Elle la lâcha, sa chute parut durer une éternité. À son arrivé, elle rebondit deux fois, brisant le silence de plomb qui s'était installé.

Samantha immobilisée, était plaquée au mur, ses jambes n'arrivaient plus à soutenir son poids. À bout de bras, lui serrant la gorge, l'agent la maintenait debout. Nul ne pourrait imaginer que des mains pourtant si fines puissent avoir une poigne si ferme. Enfin, en réalité quelques rares personnes en avaient pleinement conscience. Root figurait en pôle position sur cette courte liste. Elle avait déjà vécu cette scène et elle connaissait parfaitement ces mains.

L'interface ne résista pas, quand bien même elle avait du mal à respirer. Tout son corps tremblait, sa gorge sous la pression de ces mains expertes en strangulation, était en feu. Elle ignorait depuis combien de temps cela durait. Elle ne savait même plus où elle était. Son regard déjà d'ordinaire si malicieux scintillait plus que jamais. Il plongeait dans celui de l'agent. Ce dernier l'observait sans ciller, avec une froideur et une violence aussi inattendues que blessantes. La vue de Root se troubla rapidement, mais elle savait parfaitement que ce n'était pas dû au manque d'oxygène. Si ses lèvres tremblaient de plus en plus à présent, cela n'avait aussi rien à voir avec la fraîcheur de la nuit.

Peu à peu le regard de l'agresseur se métamorphosa. Jamais auparavant Root n'avait lu tant d'émotions dans ces prunelles. La surprise apparut en premier évidemment. Puis, alors que Root s'attendait à retrouver au minimum une étincelle de joie, elle y décrypta de la peur. Jamais d'ordinaire cette émotion ne prédominait. La peur céda rapidement la place à une profonde détresse qui brisa le cœur de la hackeuse. Que lui avait-il donc fait ?

Finalement, vint ce que Root identifia facilement comme de la colère, une rage primaire, abyssale et brutale. Quelque part entre tout cela, elle y vit aussi du soulagement, une bouffée d'oxygène, comme si un poids accablant avait été retiré des épaules de son agresseur.

Elle posa une main vacillante sur le bras qui la maintenait fermement contre le mur. À ce contact une nouvelle lumière comme un douloureux espoir enflamma le regard de son opposant.

Elle lui murmura alors du bout des lèvres, du bout du cœur, un seul mot. Un seul prénom.

« Sameen »