Bonjour à toutes. je vous livre le premier chapitre d'une nouvelle histoire commencée il y a quelques années, mais qui n'était pas terminée. J'en suis au 8e chapitre actuellement, le reste est encore dans ma tête. Toutefois, je me dois de vous mettre en garde, certaines scènes d'amour sont explicites... si vous n'aimez pas... passez-les. (Il n'y en a pas dans ce chapitre - je vous préviendrai au fur et à mesure). Merci à mes premières lectrices pour leurs continuels encouragements et précieux conseils. Merci également à toutes celles qui pensent à laisser une petite preuve de leur passage. C'est tellement stimulant d'avoir des commentaires, alors n'arrêtez pas... Sur ce bonne lecture... (la suite dans quelques jours...) Miriamme.

Première partie

Une tête brune aux cheveux bouclés m'obstruait la vue au moment où j'ouvris les yeux ce matin-là. Puisque certaines de ces boucles brunes me touchaient presque les narines, j'en déduisis que nous partagions le même oreiller. Refermant les yeux à cause de la douleur qui me vrillait le crâne depuis qu'ils étaient entrés en contact avec la lumière crue du soleil, je gémis, grimaçai puis repensai à tout cet alcool que j'avais ingurgité la nuit dernière.

«Oui, ça ne peut être que cela», compris-je en remontant mes mains jusqu'à mes yeux pour les couvrir, pas encore assez éveillée pour assumer totalement la présence masculine dont je sentais les jambes enlacées aux miennes.

Déterminée à ne pas l'éveiller, je me tins parfaitement immobile le temps de remonter jusqu'au dernier souvenir conscient que je possédais de la nuit dernière et qui se situait aux alentours de deux heures du matin, moment où Charlotte était venue m'apprendre que la salle dans laquelle nous avions multiplié par dix notre premier verre d'alcool allait fermer et qu'il nous fallait maintenant nous rendre dans un autre bar plus intime où elle savait que nous pourrions danser. Déjà très éméchée, je n'avais eu ni la force, ni la volonté de protester et encore moins le désir de me rendre si tôt dans la chambre qu'elle nous avait réservée.

Ce qui s'est passé ensuite dans cet autre bar, je n'en ai aucune idée puisque je n'en garde aucun souvenir. À bien y songer, j'imagine que le scénario le plus probable est que Charlotte et moi ayons pris possession de la piste de danse et que, comme en témoigne la présence masculine à mes côtés, je fus repérée puis séduite par un client de l'endroit.

«Où est-elle?» Me demandais-je alors avant de trouver le courage de m'intéresser à la pièce où je me trouvais.

«Suis encore à l'hôtel?» m'inquiétais-je dès que j'eus la confirmation, après un bref examen des lieus, que je ne me trouvais pas dans notre chambre. À vrai dire, l'endroit n'avait même rien de commun avec ce que je connaissais des chambres d'hôtel en général.

«On dirait une suite,» conclus-je avant de commencer à me redresser, lentement, prudemment. Pas question que j'éveille l'homme nu avec qui je suis presque certaine d'avoir fait l'amour plus d'une fois, évaluais-je en fixant horrifiée les nombreuses pochettes de préservatifs qui reposaient sur la table de chevet.

«Qu'ai-je fait?» Grognais-je les dents serrées pour retenir la longue plainte qui montait déjà de ma gorge. « Honte à moi! »

Le moins que l'on peut dire, c'est que cette soirée avait été tout sauf normale.

En fait, pour être totalement honnête, tout était allé de travers depuis les balbutiements de ce projet insensé que m'avait proposé Charlotte il y a deux jours, mais qu'elle avait planifié, puis orchestré depuis bien plus longtemps.

Premièrement, elle avait réussi le tour de force de convaincre mes parents de payer pour un bal de graduation bien qu'ils soient loin d'être à l'aise financièrement et savaient que je m'opposais fermement à ce type de célébrations que j'avais toujours jugées trop commerciales. C'est d'ailleurs à cause «cette fin de non-recevoir» que Charlotte avait accumulé les fonds sans m'en parler et avait emprunté une de mes robes pour prendre mes mesures. À cet égard, il faut admettre que son mérite ne fut pas si impressionnant étant donné qu'en matière de mode, nous avons les mêmes goûts. Alors, que n'ai-je protesté davantage hier midi lorsqu'elle s'est pointée chez moi pour m'obliger à l'accompagner à Bromont où elle affirmait avoir réservé une chambre pour nous deux?

Mais non, c'eût été trop beau, trop simple, trop facile.

Pourtant, pour l'avoir déjà expérimenté à la fin de mon secondaire, je savais que le banquet de même que le bal qui suivrait immédiatement seraient ennuyeux, mais puisque Charlotte s'est assuré que nos coupes restent pleines, je fus rapidement trop engourdie pour même songer à m'en plaindre. Voilà pourquoi également, je n'avais pas hésité une seule seconde à la suivre lorsqu'elle m'avait offert de finir la soirée dans le second bar de l'hôtel.

Puisque j'avais réussi à me lever sans que l'inconnu ne se rende compte de rien, je repérai puis ramassai une à une mes pièces de vêtement et me rendis dans la salle de bain. Comme je m'en doutais, mon visage était dans un état épouvantable. Je brassai vigoureusement mes cheveux indisciplinés, mis ma robe, renonçai à passer mes escarpins, puis me dirigeai vers le salon où je m'empressai d'ouvrir la porte, heureuse de reconnaître dans ce long corridor le style de décoration de l'établissement.

La peur d'être aperçue dans cet état me fit dédaigner l'ascenseur pour arriver devant la cage d'escalier où je tentai de déterminer mon emplacement à l'aide du plan qui était affiché bien en évidence sur la porte. Je compris alors qu'il me fallait descendre de trois étages avant de changer de bâtiment à deux reprises.

«Voilà ce qui arrive quand on couche avec un inconnu», ironisais-je.

Lorsque j'entrai dans ce que j'espérais être notre chambre, la tête qui émergeait de l'un des deux petits lits, me confirma que j'étais au bon endroit. Sans même me dévêtir, je m'allongeai sur le lit qui était encore inoccupé et plongeai dans un profond sommeil.

-Lizzie? Lizzie? M'éveilla la voix basse et rauque de Charlotte quelques heures plus tard.

-Qu'est-ce qui se passe, grommelais-je en me redressant lentement.

-Depuis quand es-tu là? M'interrogea-t-elle en consultant sa montre, je suis restée au bar jusqu'à cinq heures… et quand je suis arrivée ici, tu n'étais pas là… Est-ce à dire que tu as passé la nuit avec cet homme?

-Je me suis réveillée à côté d'un homme, narrai-je, m'arrêtant juste avant de spécifier qu'il était nu, mais je ne garde aucun souvenir de ce qui s'est passé avant…

-Tu t'es réveillée dans sa chambre? S'illumina-t-elle.

-Dans sa suite plutôt… quand je suis partie, il dormait encore…

-Tu t'es partie comme une voleuse, me désapprouva-t-elle.

-Hum… hum, acquiesçais-je.

-Pourquoi t'es pas restée?

-….

-Et si c'était l'homme de ta vie!

-Pffff, soufflais-je avant de me redresser pour ajouter, on ne peut pas rencontrer l'homme de sa vie quand on est complètement bourrée.

-Avez-vous fait «la chose»? Osa-t-elle finalement me demander.

-Il faut croire que oui, répondis-je en repensant aux pochettes de préservatifs déchirées que j'avais découvertes sur la table de chevet. Même si je ne me souviens de rien…

-Et bien… ça c'est une première, mentionna mon amie avant de siffler un bon coup, Élisabeth Bennet vient de coucher avec un inconnu.

-C'est de ta faute aussi… t'arrêtais pas de remplir mon verre, la grondais-je en la frappant avec mon oreiller.

Me rendant coup sur coup pendant plusieurs minutes, Charlotte mit soudainement fin à notre bataille d'oreillers en entrant dans la salle de bain où elle s'enferma à double tour. Le bruit de la douche qu'on ouvrait me permit de reprendre mon souffle et surtout de repenser à cet homme que j'avais sans aucun doute connu intimement.

«J'aurais dû prendre le temps de regarder son visage avant de quitter la suite», songeais-je alors que je me savonnais à mon tour. Je ne sais même pas son nom…

-Habille-toi vite Lizzie, m'accueillit Charlotte lorsque je sortis de la salle de bain on va aller prendre notre petit déjeuner dans la grande salle… et puis qui sait, ton amant de la nuit dernière sera peut-être déjà là?

-Pas question. J'avais déjà prévu de manger dans la chambre… Plus vite on aura fini, puis tôt nous rentrerons à Montréal, fis-je valoir.

-Que nenni! Notre forfait inclut l'accès aux pistes de ski alpin pour la journée. Si on mange rapidement comme tu dis, on aura l'occasion de skier pendant au moins deux heures. On a payé assez cher pour une seule nuit… et que tu le veuilles ou non, tu vas venir skier avec moi.

-Bon, va pour le ski… mais je ne mange pas ailleurs que dans cette chambre, m'obstinais-je.

-C'que tu peux être exaspérante quand tu veux, se défoula-t-elle.

Lorsque je la retrouvai une heure plus tard devant la billetterie et qu'elle m'apprit que mon amant d'une nuit ne s'était pas montré au restaurant, je retins mon commentaire et ne lui confiai pas non plus que chemin faisant, je n'avais pas pu m'empêcher d'observer attentivement tous les hommes que je croisais me demandant à tout instant si je ne le croiserais pas.

«Il est sans doute déjà parti», évaluais-je avant de m'asseoir pour mettre les bottes de ski que je venais de louer.

Contrairement à la plupart des gens de mon entourage, mon activité préférée n'était pas la descente en elle-même. J'avais beau préférer le ski à toute autre activité hivernale, je ne maîtrisais pas encore assez ce sport pour que l'exercice soit totalement plaisant. Alors, pour l'instant du moins, ce que j'appréciais le plus, et de loin, c'était ces instants de repos que je pouvais m'offrir lorsque je m'asseyais dans le remonte pente et où j'avais l'occasion de jeter un œil en bas pour observer les skieurs ou les planchistes qui zigzaguaient autant pour éviter les débutants qui bloquaient la piste (comme moi d'ailleurs) ou encore pour fuir les enfants qui ne contrôlaient pas plus la direction que leur équipement. Après avoir effectué une dizaine de descentes et tout autant de remontées (avec observations), j'informai Charlotte que je souhaitais rentrer me changer et boucler ma valise.

-Comme tu veux, m'approuva-t-elle. Pour ma part, je te rejoindrai après deux autres descentes.

Lorsqu'elle revint à la chambre, il était déjà 14h00 et je mourrais de faim. Préférant la laisser seule pendant qu'elle finissait sa valise, je lui suggérai de venir me rejoindre dans le hall d'entrée, quittai la chambre et me rendis dans la salle à manger secondaire afin de commander le «club sandwich» que nous pourrions commencer à manger une fois que nous nous serions mises en route.

Même si j'étais très bien installée sur une banquette de cuir, le temps me parut extrêmement long pendant que j'attendais mon amie. Surtout depuis que j'avais terminé de regarder les revues qui trainaient sur le présentoir et qui donnaient un aperçu des activités qu'on pouvait faire dans les environs. Délaissant cette lecture – pas si passionnante que ça pour qui connaissait déjà le coin, je me levai et commençai à explorer le hall de gauche à droite afin d'examiner les affiches qu'on retrouvait sur ses murs. Certaines annonçaient des banquets, des réunions d'affaire ou d'autres de futures conférences. Puisque c'était aussi sur mon chemin, mes pas me menèrent finalement devant la salle où s'était tenu notre bal de graduation. Quelques secondes me furent nécessaires pour reconnaître les lieux puisque les décorations un peu kitch de la veille avaient été retirées. Mon regard glissa alors sur la très grande affiche qui était exposée juste devant l'entrée de la salle et sur laquelle me fixait un visage bizarrement familier. Celui de mon amant. Il s'agissait sans aucun doute de la tête de celui avec qui j'avais passé la nuit. Celui-ci fixait son regard noisette sur tous ceux qui comme moi s'arrêtait devant lui.

Conférencier : William Darcy.

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-Oh my God! Me figeais-je en reconnaissant le nom au bas de l'affiche. Si vraiment il s'agissait de William Darcy, j'avais couché avec nul autre que celui qui avait été déclaré «Homme d'affaire de l'année 2013-2014».

«Comment peut-on continuer de respirer après ça?» Me demandais-je en état de choc. J'avais beau avoir tout oublié de ce qu'on avait pu faire au cours de la nuit dernière, j'avais maintenant la certitude qu'il s'agissait de lui. Je me souvenais avoir été conquise justement à cause de ce sourire un peu timide et de ce regard intelligent.

Une salve d'applaudissement éclata subitement derrière les deux larges portes me faisant craindre de voir surgir celui que j'avais fui à mon réveil. Percevant ensuite des voix et des pas qui se rapprochaient des deux portes, je m'empressai de reculer et de revenir vers mes valises en espérant que Charlotte serait bientôt là. Lorsque j'entendis les premières personnes émerger de la salle, je plongeai la tête dans une revue et feignis de m'intéresser à son contenu.

-Ça parait tellement facile pour lui, dit un homme à celui qui marchait avec lui, C'est impossible de ne pas l'admirer.

-Tu peux être certain que je vais appliquer plusieurs de ses idées dès demain matin, l'appuya son compagnon au moment où ils passaient à côté de moi.

-T'as raison, il faut passer à l'action pendant qu'on est aussi motivé.

-Ce qu'il est beau, se pâma ensuite une femme qui s'arrêta de marcher juste comme elle arrivait devant ma valise, j'ai entendu dire qu'il est célibataire… et fier de l'être.

-Ça tu peux être sûre, il a la réputation d'être insaisissable, commenta celle qui la suivait de près.

-En tout cas, hier soir, j'ai entendu dire qu'il était au bar, intervint une troisième jeune femme. J'ai un ami qui travaille dans cet hôtel… il m'a dit qu'aux petites heures du matin, William Darcy dansait avec une femme… et qu'il aurait quitté le bar en sa compagnie. Il parait que c'était CHAUD sur la piste de danse, termina-t-elle sur le ton de la confidence.

-Vraiment? S'étonnèrent les deux autres.

-On ne peut plus vrai!

-Il y en a une qui ne mesure pas sa chance… soupira la première.

-Alors Lizzie, tu es prête? Me fit sursauter Charlotte qui arrivait de l'autre côté.

Je remerciai mentalement mon amie qui avait pris l'initiative de régler notre facture avant de venir me chercher. Nous pûmes donc quitter l'hôtel plus rapidement, m'évitant ainsi de risquer une fois de plus de tomber sur William Darcy. Il faut dire également que ce que je venais d'entendre, m'ôtait définitivement tout désir de le revoir.

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Une dizaine de jours après ce fameux bal, un vilain rhume m'obligea à aller consulter un médecin. Il faut dire qu'en plus d'avoir le nez qui coulait sans arrêt et très mal à la gorge, j'estimais qu'il n'était pas normal et plutôt inquiétant que ces symptômes augmentent au lieu de diminuer. Voilà pourquoi je pris la décision de me rendre dans une clinique sans rendez-vous, presque certaine que j'en ressortirais avec une prescription d'antibiotique.

Après quatre heures d'attente, le médecin qui me reçut fut plutôt aimable. Il m'examina succinctement tout en m'écoutant décliner mes symptômes.

-J'ai dû prendre froid lorsque je suis allée faire du ski à Bromont, relatais-je.

-Avez-vous eu des relations sexuelles non protégées récemment? S'enquit-il ensuite sans même me regarder.

-Hein? NON, répondis-je après une légère hésitation.

-À quand remontent vos dernières règles? Exigea-t-il de savoir ensuite.

-Euh… je ne sais pas…. Attendez… laissez-moi réfléchir… C'était il y a une dizaine de jours... enfin je crois…

Le voyant prendre des notes dans mon dossier, je repensai soudainement à cette étonnante nuit que j'avais passée avec William Darcy et repris la parole pour corriger ce que je lui avais dit plus tôt.

-Êtes-vous certaine d'avoir utilisé des condoms?

La vision des enveloppes de préservatif qui traînaient sur la table de chevet remonta de ma mémoire, me permettant d'affirmer, Oui… à chaque fois…

-Prenez-vous la pilule? Poursuivit-il sans tenir compte de la rougeur qui avait depuis quelques instants coloré mes joues.

-Oui, mais seulement depuis deux mois…

-Bon… si vous le permettez… j'aimerais vous faire passer un test de grossesse.

-Pour… pourquoi? Paniquais-je.

-Je préfère m'assurer que vous n'êtes pas enceinte avant d'envisager autre chose…

-Je n'en vois pas l'utilité, protestais-je.

-Vous étiez ivre cette fameuse nuit, non? Une fois que j'eus acquiescé, il renchérit, vous m'avez aussi dit que vous ne prenez pas la pilule depuis très longtemps…

-Ça fait quand même deux mois… me défendis-je.

-Et bien, une seule de ces conditions pourrait faire en sorte que vous soyez maintenant enceinte, alors imaginez lorsque – comme dans votre cas, les deux sont réunies…

-Je ne peux pas être enceinte voyons, argumentais-je vraiment près de céder à la panique.

-Écoutez mademoiselle Bennet, ce test est ce que vous avez de mieux à faire selon moi. Je vous prie donc d'entrer dans la salle de bain qui est derrière vous et de suivre les instructions qui sont inscrites sur cette feuille. Après trois minutes, nous saurons à quoi nous en tenir

-….

-Si vous êtes enceinte, nous aviserons… si vous ne l'êtes pas… nous pourrons passer à autre chose…

-Bon… puisque vous insistez…

Étourdie, fatiguée et désormais également anxieuse, je pénétrai dans la minuscule salle de bain et jetai un œil mauvais en direction du bâtonnet que je venais de poser sur le bord de l'évier. Après avoir lu et relu les instructions au moins 10 fois, je m'activai pressée d'en avoir le cœur net. Cinq minutes plus tard, lorsque j'émergeai enfin de cette maudite pièce, je n'en revenais toujours pas et tendis le bâtonnet menteur au médecin. C'est à peine s'il y jeta un œil avant de se tourner vers moi, sourire en coin, ayant l'air de dire : je vous l'avais dit!

-Tu vas devoir prévenir celui avec qui tu t'es êtes envoyée en l'air, eussé-je l'impression d'entendre au lieu de : Félicitations, vous allez avoir un enfant!

J'avais beau l'avoir déjà compris la chose dans la salle de bain, ce ne fut qu'après l'avoir entendu directement de la bouche de cet homme que je réalisai pleinement la gravité de la situation dans laquelle je me trouvais. La panique me gagna et me fit même envisager, l'espace d'un instant, de mettre fin à cette grossesse qui (et c'est le moins que l'on puisse dire) arrivait dans ma vie à un très très très mauvais moment.

«Ça ne peut pas m'arriver à moi!» Me répétais-je sans arrêt, pendant que le praticien me décrivait les grandes étapes que j'aurais à traverser de même que le très grand nombre de rendez-vous que j'allais devoir prendre avec un obstétricien… mais je ne saisissais rien.

Je n'avais toujours pas accepté cette réalité lorsqu'il mit fin à notre rencontre, me laissant partir avec une prescription des vitamines et la liste des obstétriciens qu'il me faudrait appeler pour obtenir un suivi de grossesse. Telle une automate et dans le déni total, je me rendis à la pharmacie pour réclamer mes médicaments et fus saisie de vertige, lorsque le pharmacien me félicita à son tour en me remettant mes vitamines.

-Je vous souhaite un garçon. J'en ai élevé trois et ils sont tellement adorables!

Dix minutes plus tard, l'horrible réalité me rattrapa de plein fouet.

«Je ne veux pas interrompre mes études!» Gémis-je avant d'éclater en larmes.

Quelle position inconfortable! Je ne me sentais pas plus capable d'assumer cette grossesse que la force d'aller frapper chez cet homme - que je ne connaissais que de nom, je vous le rappelle – pour lui annoncer que j'attendais son enfant.

Ce genre de démarche ne pouvait que mal se terminer pour moi puisque ce monsieur m'accuserait très certainement d'avoir essayé de lui tendre un piège, d'avoir volontairement cherché à le séduire dans le but de lui extorquer de l'argent ou pire encore, dans le but de l'obliger à m'épouser. À moins bien sûr qu'il ne m'offre une importante somme d'argent afin que je me fasse avorter. Car ça aussi, c'était une possibilité.

Quant à l'avortement, je ne pouvais me résoudre à faire une telle chose. Pas sans avoir sérieusement et longuement réfléchi à la question.

Les jours qui suivirent furent pénibles. Non seulement fis-je partie de ces femmes qui ont des nausées dès le réveil, mais en plus, j'eus à supporter les sempiternelles remontrances de mon amie Charlotte, qui tenta pour tous les moyens de me convaincre qu'il fallait que je prévienne William Darcy de ma situation.

-Laisse tomber Charlotte, la contrais-je pour la énième fois. Je ne changerai pas d'idée.

J'avais déjà assez de mal avec ma propre conscience. La vie qui grandissait en moi et à laquelle je m'attachais un peu plus chaque jour m'avait déjà forcée à remettre en question mes propres valeurs. Dès lors que j'avais décidé de garder cet enfant, il n'était plus question pour moi de partager cette décision avec personne d'autre.

J'ai discuté avec ma mère hier soir, la-surpris-je ensuite, elle m'a proposé de revenir vivre avec elle jusqu'à mon accouchement.

-Oui, mais…

-Ensuite, la coupais-je, dès que possible, je reprendrai mes études en administration… Ma mère va me soutenir le temps qu'il faut… et j'aimerais bien que tu en fasses autant… mais ce ne sera pas possible si tu n'arrêtes pas de me parler de cet homme…

-Très bien… je ferai comme tu voudras, s'engagea-t-elle finalement.

Et elle tint parole. Se substituant à William Darcy, mon amie m'accompagna chez l'obstétricien, m'aida à me préparer psychologiquement pour l'accouchement et m'offrit même d'emménager avec elle par la suite afin de me permettre de poursuivre mes études en tout quiétude.

-J'ai un horaire flexible. Je pourrai donc m'occuper de ton fils pendant que tu es à l'université…

Il me fallut toutefois attendre un an après la naissance de mon fils Samuel pour pouvoir enfin envisager l'avenir avec une plus grande sérénité. Je venais d'être accepté à l'université et avais réussi à trouver une place pour Samuel en garderie.

Mes deux premières années au H.E.C. (Hautes études commerciales) furent extrêmement mouvementées. Entre les travaux de session et les maladies infantiles de Samuel, je trouvai tout de même le temps de faire mes travaux et de travailler à temps partiel, mais il est bien certain que rien de tout cela n'aurait pu être possible sans le soutien de Charlotte.

La troisième année fut toutefois un peu plus difficile. Samuel et moi eûmes tout d'abord à nous séparer de Charlotte qui souhaitait pouvoir vivre avec son petit ami puis à nous trouver un nouvel appartement. La transition eut beau être graduelle, bien préparée, le changement fut tout même pénible pour chacune des personnes concernées.

Un an après mon entrée sur le marché du travail, je préparais mon fils pour sa première journée d'école complète à la maternelle. J'avais le cœur gros, mais puisque Samuel avait déjà eu l'occasion de passer quelques heures en compagnie des autres enfants pendant les deux derniers jours, j'étais rassurée par le plaisir qu'il me disait avoir eu à ces moments-là.

Deux semaines plus tard, une routine rassurante s'était déjà installée me permettant de continuer à redresser la situation financière de la compagnie pour laquelle je travaillais depuis six mois et qui, n'eut été de mon intervention, aurait certainement dû fermer ses portes.

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Louis Beaudry, le patron de la compagnie Index Inc., était un homme sympathique, bourré de bonnes intentions, mais dont le style de gestion – sans aucune rigueur – devait absolument être pris en charge. Plusieurs rencontres nous furent donc nécessaires pour en arriver à un établir un fonctionnement qui permettrait à cette compagnie non seulement de se maintenir à flot, mais également de réaliser des profits.

Je m'investis tant et si bien dans ce nouveau projet que six mois plus tard, mon patron put enfin passer une annonce afin de combler deux postes majeurs dont nous avions grandement besoin.

-Lizzie, m'interpella Louis Beaudry en me passant le curriculum vitae de celle qu'il croyait la mieux qualifiée pour le poste de secrétaire de direction.

«Rassurez-vous, il n'y a que lorsque nous sommes seuls tous les deux que mon patron m'appelle Lizzie. Le reste du temps il m'appelle mademoiselle Bennet».

-Intéressant, très intéressant même, lâcha-t-il au bout de quelques secondes, cette jeune femme travaillait pour William Darcy auparavant. C'est plutôt bon signe non? Insista-t-il, les yeux plongés sur le cv en question afin de retracer cette information.

J'avais beau être devenue avec le temps parfaitement insensible à la lecture de son nom dans le cahier AFFAIRE des journaux montréalais, je ne pus m'empêcher de tressaillir lorsque Louis me pointa son nom sur la feuille.

-Assez en tout cas pour lui faire passer une entrevue, admis-je en plaquant un sourire de convenance sur mon visage blême.

Lorsque cette jeune femme se présenta devant moi le lendemain et que je la guidai en direction du bureau de Louis, j'avoue avait été fortement impressionnée par sa personnalité et par l'assurance qu'elle dégageait.

-Pour quelle raison avez-vous quitté votre dernier emploi? M'enquis-je tout de même avant qu'elle ne disparaisse dans le bureau de mon patron.

-Oh, vous savez, je n'ai pas quitté ce poste de gaieté de cœur, j'adorais cet emploi. William Darcy est l'un des meilleurs patrons que je n'aie jamais eu. En fait, je ne faisais que remplacer une personne qui était en congé de maternité. Elle est revenue alors j'ai dû partir, termina-t-elle en soupirant.

Rosa Lachance commença donc à travailler chez nous deux jours plus tard. Son efficacité et ses nombreuses compétences permirent à Louis de gagner un temps précieux. Ses documents étaient désormais bien classés, sa correspondance maintenue à jour et ses rendez-vous clairement notés. Trois semaines plus tard, après que nous nous fûmes également habitués aux manières un peu directes d'Astrid, notre nouvelle réceptionniste (celle-ci avait été engagée une semaine après Rosa), l'ambiance du bureau avait changée du tout au tout et une routine rassurante put enfin s'installer.

-Lizzie? Astrid? J'ai trouvé où je vais vous emmener dîner ce midi, nous prévint Rosa à la fin d'une semaine particulièrement difficile.

-Pas trop loin j'espère, j'ai encore beaucoup de travail, grimaçais-je.

-Oh non. C'est tout près d'ici. J'en ai pour dix minutes et je vous rejoints. Oh en passant, ça vous ennuie si une ancienne collègue à moi vient se joindre à nous?

-Une ancienne collègue de quel endroit? M'intéressais-je aussitôt, me souvenant très bien de ce que j'avais vu sur son curriculum vitae et dont nous n'avions jamais reparlé.

-Elle est archiviste chez WD finances. Mais vous allez voir, elle est très gentille, nous expliqua-t-elle.

-Très bien alors. À tantôt, rétorquais-je à moitié rassurée.

Rosa avait des goûts de luxe, mais comme je ne la laissais choisir le restaurant qu'une fois par mois, la somme hebdomadaire que je réservais à mes dîners n'en souffrait pas trop.

Ce midi-là, nous suivîmes donc Rosa jusque dans un restaurant de sushi où j'étais allée une fois, mais n'étais jamais retournée en raison des prix que je jugeais exorbitants. Aussitôt à l'intérieur, Rosa repéra son ancienne collègue et nous conduisit jusqu'à elle.

Cinq minutes plus tard mon idée était faite : son ancienne collègue était l'une des personnes les plus désagréables que j'aie jamais rencontrée. Non seulement elle ne nous adressa jamais la parole, à Astrid et à moi, mais encore elle monopolisait la conversation. Tous les sujets tournaient autour d'elle et de ce qu'elle aimait ou n'aimais pas. Après trente minutes de ce régime, j'en avais plus qu'assez. Je profitai de la pause qui s'imposa entre les sushis et les desserts pour me rendre à la salle de bain.

J'y passai exprès plus de temps que nécessaire. Après avoir retouché mon maquillage, je pris même le temps de vérifier si j'avais des messages à la maison. Une seconde avant de quitter la salle de bain, j'exhalai un profond soupir, adressai une grimace d'encouragement à mon reflet puis quittai la pièce, me promettant de trouver une manière correcte de demander à Rosa comment elle avait pu faire pour la supporter pendant tous ces mois où elle avait travaillé avec elle.

Peu de temps après avoir repris ma place, je constatai que mes deux collègues agissaient bizarrement et que Caroline de son côté regardait fréquemment par-dessus mon épaule.

-Euh, il s'est passé quelque chose en mon absence? Finis-je par m'enquérir.

-C'est que… il semblerait bien que le patron de Caroline, commença Rosa en s'exprimant à voix basse.

-Ton ancien patron aussi Rosa, la reprit Caroline avant de jeter un œil dans ma direction.

-Oui, c'est vrai. Mon ancien patron aussi, reprit Rosa avant de regarder derrière moi, blêmir et baisser subitement la tête pour nous avertir, ne vous retournez pas maintenant, il regarde encore par ici.

-Mais enfin, allez-vous me dire ce qui se passe? Exigeais-je en haussant légèrement le ton.

-Ce qu'il y a, c'est que le patron de Caroline – et mon ancien patron – n'a pas arrêté de regarder dans notre direction depuis que tu es ressortie de la salle de bain….

-Il a fait la même chose au moment où tu t'es levée pour t'y rendre, ajouta Astrid.

-Et il regarde constamment dans notre direction depuis que tu es revenue, conclut Caroline.

-Il se demande sans doute avec qui vous êtes? Suggérais-je courageusement, en espérant que mes compagnes ne percevaient pas la peur qui me nouait l'estomac.

-Et bien on va être fixées très rapidement puisqu'il vient par ici, nous prévint Rosa en se redressant.

-Caroline? Rosa? Entendis-je tout d'abord dans mon dos avant d'apercevoir le visage de William Darcy.

-Monsieur Darcy, le salua Rosa la première, suivie par Caroline.

-Je vous en prie Rosa, appelez-moi William, après tout, vous ne travaillez plus pour moi…

Un silence s'installa que Rosa se sentit obligée de combler. Pour ma part, la peur ne me quittait plus depuis que j'avais reconnu l'homme qui se tenait devant moi, tant Samuel et lui ont des traits communs.

-Monsieur Da… William, se reprit aussitôt Rosa, permettez-moi de vous présenter deux de mes nouvelles collègues, continua-t-elle tout en ayant l'air de se demander pourquoi cet homme restait auprès de nous.

Comme le regard de William se posa sur Astrid en tout premier lieu, Rosa s'empressa de décliner son nom et son occupation avant de jeter un œil dans ma direction.

À l'instant même où Rosa allait reprendre la parole, je la devançai, lui tendis la main et me présentai: Enchanté monsieur Darcy, mon nom est Élisabeth Bennet et je suis comptable.

-Enchanté mademoiselle Bennet, rétorqua-t-il en insistant un peu trop sur mon nom de famille.

-Élisabeth est une excellente comptable… Voyant William hausser les sourcils, Astrid crut bon d'ajouter, elle a redressé la situation financière de la compagnie en à peine six mois.

-Pour quelle compagnie travaillez-vous mademoiselle Bennet?

-Idex Inc., répondis-je aussitôt, mais en faisant exprès de jeter un œil sur ma montre en espérant qu'il saisirait le message.

-Notre patron se nomme Louis Beaudry, ajouta Astrid, tout sourire.

-Vous joindrez-vous à nous pour prendre le dessert, lui offrit alors Caroline.

Presque certaine qu'il allait accepter, je me levai rapidement et annonçai, prenez ma place, car je dois y aller. J'ai des livres de comptes à fermer avant la fin de semaine…

-C'est que… mon intention n'était pas de vous chasser, rétorqua-t-il, visiblement déçu de mon replis.

-Je sais, mais je dois vraiment y aller. Ravie d'avoir fait votre connaissance monsieur Darcy.

-Ne nous sommes-nous pas déjà rencontrés? Me surprit-il pendant que nous échangions une poignée de main.

-Certainement pas… Croyez bien que je m'en souviendrais si c'était le cas… Après tout, c'est vous qui êtes connu, pas moi… rétorquais-je avant de m'éloigner.

Je quittai le restaurant sans me retourner et revins rapidement vers le bureau.

Je savais bien qu'un jour j'allais inévitablement tomber sur lui, mais jamais au grand jamais, je n'aurais cru qu'il me reconnaîtrait et viendrait vers moi.

Il ne me restait plus qu'à espérer que mes réponses vagues et mon attitude peu avenante auraient eu raison de la furtive impression qu'il put avoir de me connaître et qu'il ne pousserait pas plus loin sa réflexion.

Arrivée au bureau, je me jetai sans tarder dans les livres de compte, ressentant plus que jamais le désir de rentrer chez moi pour profiter de Samuel et du beau week-end qu'on nous annonçait.

-Il n'a pas arrêté de nous poser des questions à ton sujet, tu sais? M'apprit Rosa lorsque je vins la saluer avant de quitter le bureau.

-Grand bien lui fasse, haussais-je les épaules avec indifférence.

-Mon petit doigt me dit qu'il ne va pas en rester là…

-Tu ne l'as pas encouragé j'espère?

-Moi non… mais… s'arrêta-t-elle avant de pointer en direction de la porte qui menait directement à la réception et donc vers Astrid.

-Qu'est-ce qu'elle a dit? M'inquiétais-je.

«Heureusement que personne au bureau ne sait que j'ai un fils» songeais-je tout en attendant que mon amie me réponde.

-Elle lui a dit que tu ne recevais aucun appel de l'extérieur…

-Bonne fin de semaine, la saluais-je avant d'éclater de rire et quitter la pièce.

«Vivement le week-end!» Songeais-je avant de sortir du building puis grimacer, comprenant bien qu'au-delà de cette fin de semaine, ma vie risquait fort de changer radicalement.

«Préserver Samuel est la seule chose qui importe…» me rappelais-je.

.À suivre….

Que vous dit ce début? Comment imaginez-vous la prochaine rencontre? Miriamme