Brèves de comptoir : 1. Rétrospective. SERIE : Brèves de comptoir.
TITRE : 1. Rétrospective.
AUTEUR : Tefnut
LANGUE : Français
DISCLAIMER : Je ne possède aucun des personnages de cette fiction : ils sont à Joss. Même leurs gueules de bois lui appartiennent. Cette histoire n'a pas été écrite en vue de faire un profit : la vente de la bière ne m'a pas rapporté le moindre centime !
DISTRIBUTION : Deux Anglais à Sunnydale (.html "illustré" et .pdf) ; Fanfiction.net ; ici ; et certainement ailleurs !
Si vous voulez héberger cette nouvelle chez vous, contactez-moi !
RATING : PG-13 (langage un peu cru)
FANDOM : Buffy the Vampire Slayer
CATEGORIE : Alcoolisée
SPOILERS : Saison 4
PERSONNAGES PRINCIPAUX :Giles, Spike
RESUME : Une petite discussion amicale, c'est tout !
Brèves de comptoir : Rétrospective.

Giles soupira, jetant un coup d'oeil distrait par la fenêtre. Personne. Il relâcha le rideau, fit quelques pas, au hasard. S'arrêta au centre de la pièce, les bras ballants - quelques secondes. Brusquement il fit volte-face, se rua sur le téléphone, attrapa le combiné. Et le remit en place, sans avoir composé de numéro. Qui appeler, d'ailleurs ? Willow ? Il entendait déjà sa réponse : "Giles ?... Non, non, vous ne dérangez pas... Enfin, j'étais en train de faire de la magie, avec Tara...". Alex ? S'il était en compagnie d'Anya - et il l'était certainement -, elle ne le laisserait même pas décrocher le téléphone. Buffy ? En patrouille. Avec Riley.

Joyce ? Giles tapota le meuble sur lequel dormait son téléphone. Soupira encore. Renonça.

Un tour dans la cuisine : il remplit sa bouilloire d'eau, la brancha - pour combler une vague envie de thé. Puis il se ravisa, et ouvrit la porte du réfrigérateur : non, il ne restait plus de bière. Un whisky, peut-être ?

D'un pas traînant, Giles retourna dans le salon, et s'écroula dans le canapé. Il contempla les deux packs de bière, posés comme par enchantement sur la table basse ; il ne réalisa pas avant un long moment qu'elles n'avaient certainement rien à faire là, ces 24 Kilkenny qui lui tendaient les bras. Soudain, la bouilloire siffla son air obsédant et identique : Giles gémit, regardant d'un air morne le bout de cuisine qu'il pouvait apercevoir depuis sa place - et la bouilloire se tût.

"T'as pas envie de boire autre chose que du thé, pour une fois ?" demanda une voix.

"C'est toi qui as amené la bière ?" demanda Giles en retour.

"Oui."

Spike s'avança dans le salon, d'un pas mal assuré. "T'as plus de sang, hein ?"

"Non."

Le vampire grommela et déchira le carton d'un des packs de bière. Il vint s'asseoir près de Giles, deux cannettes à la main ; ils les dégoupillèrent, et un bruit pétillant emplit soudain la maison.

"Les bouchers sont en rupture de stock," déclara Spike après avoir bu deux gorgées.

"Et la livraison de sang pour l'hôpital arrive quand ?"

"Mardi prochain."

"... On est vendredi, c'est ça ?"

Spike acquiesça.

"Tu tiendras le coup ?"

Nouveau hochement de tête, suivi d'un faible : "Je bois du lait, en attendant."

"Du lait. On aura tout vu," ricana Giles en s'offrant une rasade de bière.

Silence. Spike ôta son manteau et alluma une cigarette.

"Tu pues," remarqua-t-il.

Giles se passa la main sur le visage, se rapant les doigts au contact d'une joue mal rasée. "C'est possible. Je ne me souviens pas m'être lavé, ce matin."

"C'est pas 'possible', c'est sûr ! Tu pues."

"Tu ne vas pas commencer à me faire la morale, tout de même ?!"

"Non, c'est pas la peine de t'énerver. J'm'en fous, de toute façon."

Giles acquiesça, satisfait, et posa les pieds sur la table.

Silence. Spike s'enfonça dans le canapé et poussa un profond soupir, avant de parcourir la pièce des yeux. La bibliothèque, d'abord. Plafond. Les packs de bière. Retour au plafond. Enfin, la porte d'entrée.

"Ils ne viennent pas, ce soir ?"

Giles marmonna quelque chose d'incompréhensible.

"Ils ne viennent pas," traduisit Spike.

Pendant un moment, l'on n'entendit plus que la bière, péniblement arrachée de son carcan irrisé par des gosiers assoiffés.

"Ils ne viennent plus," corrigea Giles. "On dirait que je les gêne."

"Peut-être qu'ils ont tout bonnement oublié que tu existes."

"Merci, ça me réconforte, ce que tu dis."

"J'ai pas envie de te réconforter. Comme je t'ai dit : je m'en fous. Passe-moi une autre bière."

"Tiens." Giles attrapa deux canettes, qui s'entrechoquèrent dans un bruit métallique.

"Merde, fais gaffe ! Les secoue pas comme ça, on va foutre la moitié par terre !"

Dont acte : de la mousse s'échappa des canettes dégoupillées, pour dégouliner sur le tapis. Giles gloussa, la main devant la bouche.

"Bois, espèce d'andouille !" s'exclama le vampire, qui avait déjà redressé la situation, de son côté.

"Oui, oui. C'est mon tapis, après tout. Je fais ce que je veux," répondit Giles, tout en buvant.

"Je ne te reconnais plus, là. C'est la petite qui te met dans c't'état-là ?"

"Buffy ?" Pause. "Oui."

"Bah. C'est une garce. Aucune gratitude."

"Gratitude ? Je ne vois pas en quoi elle devrait avoir de la gratitude pour toi !"

"Ouais. C'est peut-être pas le bon mot... Respect ! Oui, c'est ça, elle n'a aucun respect pour ses vieux ennemis. Merde, jusqu'à y'a pas longtemps, j'aurais pu la tuer, pour sûr, et bon sang on se bagarrait bien - et elle aimait ça !"

"C'est toi qui le dis !"

"Hmm hmm. En tout cas, maintenant, elle me méprise. Pouah ! Elle ne manque pas une occasion de m'humilier."

L'homme et le vampire se turent, longtemps - finirent leur bière - en entamèrent une autre.

Enfin, Giles haussa les épaules : "C'est déjà quelque chose. Moi, c'est tout juste si elle me parle..."

D'un geste rageur, il essuya le filet de bière qui coulait sur son menton. "L'autre soir elle est restée, quoi ?, cinq minutes ! Elle était là, accrochée à son Riley, et elle minaudait : « Oui, on va en patrouille, ce soir, tous les deux... oh vous n'avez pas besoin de venir, Giles, Riley est assez fort...» Et Riley-ci, et Riley-ça... Mais elle oublie qui je suis, moi, son Observateur !", fit-il, en tambourinant son coeur avec un doigt. "C'est moi qui lui ait appris tout ce qu'elle sait... Elle n'a pas le droit de se débarrasser de moi comme ça !"

"Riley... C'est le boy-scout de l'Initiative, hein ?"

Giles fixa le vampire en levant un sourcil. Bien sûr, le boy-scout ! Bonne description.

"Tu ne sais pas leur nom, c'est ça ? Willow, Alex... ? Tu ne sais pas leur nom !"

"... cendrier... ?", répondit Spike au bout d'une minute.

"Pardon ? Ah oui, tiens..."

"Avoue, c'est le boy-scout qui t'emmerdes. Tu es jaloux, c'est tout !"

"Jaloux ? Hé, qu'est-ce que tu vas t'imaginer ? Je n'ai pas ce genre de rapports avec Buffy !"

"Tu es sûr ? Tu n'y a jamais pensé ?"

"Fiche le camp," ordonna Giles en désignant la porte.

"D'accord." Spike se leva, et fit mine d'emporter les packs de bière.

Giles s'humecta les lèvres, irrité. "Bah... reste."

Spike retourna s'asseoir sans se faire prier. "Faudrait savoir..."

"N'empêche... C'est quand même pas ce genre de rapports. J'aimerais bien la voir plus souvent, comme avant. C'est tout."

"La Tueuse n'a plus besoin de son mentor... Ça te fiche un coup de vieux, ça, pas vrai ?"

Giles reposa sa bière. "Vieux... Oui, c'est ça. J'ai l'impression d'être un ancien combattant, usé jusqu'à la corde..."

"... Et qui ressasse toujours les mêmes histoires... Ouais ouais ouais, je connais ça."

"Ah, toi aussi, tu te sens comme ça ?"

"Non, je pensais à Angel, là," répondit Spike. Il posa sa cigarette, se gratta le nez, et bût une longue rasade de bière.

"Ah, Angel..." L'oeil humide, Giles finit sa troisième bière. "Je regrette qu'il ait retrouvé son âme..."

"Moi aussi ! Bon sang, il aurait aussi bien pu rester en Enfer !"

"Je ne te le fais pas dire !"

"C'est bizarre, je croyais que tu l'appréciais."

"Tu veux une autre bière ?"

"Ouaip. A trois on dégoupille !"

Un, deux, trois... Petit claquement sec, suivi du bruit mousseux, si agréable.

"J'apprécie Angel... Tu parles. Je peux bien te le dire, à toi : je le supporte, c'est tout. S'il perdait son âme, à nouveau, je le tuerais dans la minute - et je te promets que je m'en ferais une joie !"

"C'est à cause de la gitane ?"

Giles ne répondit pas, mais son regard se perdit sur une photo de Jenny, qui trônait sur l'écritoire - et tout devint flou. Il serra les poings, tentant de se redonner une contenance.

"Tu sais, si tu n'avais pas cette puce... toi aussi je te tuerais avec plaisir."

L'Observateur ôta ses lunettes, et s'essuya les yeux avec une discrétion toute relative.

"Tu ne me laisserais même pas une petite chance ?" demanda Spike.

"Tu m'en laisserais une, de chance, toi ?"

Le vampire soupira. "Y'a quoi à la télé ?"

"Rien."

"Oh, bon sang, tu vois à quoi on en est réduit..." gémit le vampire après quelques minutes de silence. "On regarde la télé, et elle est même pas allumée !"

"J'ai une rétrospection sur Buster Keaton, si tu veux."

"Une rétrospective."

"Oui, c'est ça, une rétrospectative."

"Bon, allez, va pour Buster !"

Drriiiiiiiiiiiiiiiiing. Drriiiiiiiiiiiiiing.

Giles ouvrit un oeil injecté de sang - et s'en maudit. Une lumière cruelle était passée directement de l'iris au cerveau, explosant en un feu d'artifices. Oh la belle rouge. Et la belle rouge ! Et encore... une belle rouge. Les artificiers manquaient cruellement d'imagination. Giles grommela un "j'arrive" peu convaincant, et se traîna jusqu'au téléphone.

Drriiiiiiiiiiiiinng.

Oui, c'est vrai. Son téléphone ne faisait plus ce bruit-là depuis qu'Alex avait décidé de changer la mélodie. Cela ressemblait plus à un "ti lou dit tout tout", pas très heureux non plus, d'ailleurs.

Driing dring driiiiiiiiiiiiiiiiiiing.

Qu'est-ce que ça pouvait bien être ? La porte d'entrée ? Oh bon sang ! Il fallait...

"J'arrive, un instant !" cria Giles. Complètement réveillé maintenant, il se retourna, prêt à bondir sur la table pour cacher les canettes qui...

Pas de canettes.

A la place, une bouteille de whisky.

Vide.

"Giles, c'est moi, Buffy. Je peux entrer ?"

"Je viens, attends !"

Vite, il cacha la bouteille dans le bar, et vérifia une dernière fois l'état du salon : il ne resplendissait pas de propreté ni de fraîcheur, mais ça pouvait aller. Giles se gratta la tête, et ouvrit la porte.

"Vous avez une mine d'enterrement," remarqua Buffy.

"Moi aussi je suis ravi de te voir, Buffy."

La jeune fille sourit, et poussa l'Observateur, pour pouvoir entrer dans la maison.

"Ça ne sent pas très bon, chez vous."

Giles leva les mains au ciel.

"La patrouille s'est bien passée, hier soir ?"

"La patrouille ? Oh, oui, bien sûr. Et vous, bonne soirée ? Qu'est-ce que vous avez fait ?"

Giles se gratta le dessus de la lèvre. Il avait bu de la bière avec Spike... Mais il n'y avait pas de traces. Peut-être que le vampire avait tout emporté avec lui - ou peut-être qu'il avait englouti, tout seul, une bouteille de whisky, et qu'il avait tout rêvé. D'une façon ou d'une autre, il ne pouvait pas raconter ça à sa protégée.

"Alors ?"

"Oh, comme d'habitude. J'ai un peu lu, un peu regardé la télé. Buster Keaton."

"Super. Bon, je dois y aller. A plus !"

"C'est ça, au revoir, Buffy."

Elle sortit, vive comme l'éclair, et ferma la porte derrière elle. Dans un soupir, Giles la regarda s'éloigner par la fenêtre - plus personne - et laissa retomber le rideau.

Tefnut
Mai 2001