Voici la traduction de la superbe fanfiction de Pyrophoric, avec son accord. La vie étant ce qu'elle est cependant, je ne promets pas de publication régulière, et invite les impatient-e-s à vaincre leur peur de la lecture en anglais pour lire l'originale (id : 8635485) !
"Si tu pars, tu ne pourras jamais revenir en arrière. Tu t'en rends compte ? Tu te rends compte de ce que ça signifie ?"
"Oui."
"Tu en es sûre ?"
"Je suis là, non ? Je sais dans quoi je me lance."
"Et tu es... Tu es prête à faire ce sacrifice ?"
"Oui."
"..."
"C'est la meilleure chose à faire. Ça doit se passer comme ça. Il le faut."
"Pourquoi ?"
"Elle doit vivre."
"Au prix de ta propre vie ?"
"C'est mon choix."
"Tu as du cran, il faut l'avouer, mais tu es surtout complètement folle..."
"Quelqu'un que j'admire m'a dit un jour que tout acte de bravoure demande un brin de folie, donc je prends ça pour un compliment."
"Y a-t-il quelque chose qui puisse te faire changer d'avis ?"
"Non, je suis désolée."
"Tu perdras tout si tu fais ça."
"Je perdrai tout si je ne le fais pas."
"L'amour n'est pas le fait de trouver quelqu'un avec qui vous pouvez vivre ;
c'est de trouver quelqu'un sans qui vous ne pouvez vivre."
- Rafael Ortiz
Nous sommes le six octobre.
Un samedi banal dans la ville endormie de Storybrooke, située dans le Maine, aux États-Unis ; un jour qui aurait dû être insignifiant dans le grand ordre des choses. Mais ce n'est pas le cas. Loin de là, même.
Ce jour n'est pas un jour ordinaire, mais personne ne réalisera l'importance de ce six octobre avant qu'il ne soit trop tard. Dans une année, les gens commenceront à le voir d'une autre manière. Et ils se rendront compte de la bénédiction, du sacrifice, du dévouement qui aura changé à jamais la vie d'une femme brisée. Ils sauront, mais ne saisiront pas complètement l'enjeu du sacrifice d'une âme dans le but d'en sauver une autre.
Personne ne le comprendra, avant qu'il ne soit trop tard.
Nous sommes le six octobre. Un moment crucial de l'histoire de Storybrooke et le point tournant dans la vie de Regina Mills.
Et tout commença avec un sort, un Shérif, et un voleur.
Regina débuta sa journée avec un café. Noir, sans sucre ; réduit à sa forme la plus pure. Elle appréciait la brûlure que provoquait le liquide le long de sa gorge, les saveurs qui jouaient avec ses papilles, et le parfum qui l'enveloppait. Elle avait pris goût à cette boisson depuis son arrivée dans ce nouveau monde devenu sa maison. Dans l'ancien monde, son éducation l'avait privée de ce délice. Le café, disait sa mère, était pour les paysans, les servants et les soldats. Une dame de bonne famille ne boit que du thé.
Regina sourit avec mépris à cette pensée. À l'exception du temps où elle avait retenu en otage la précieuse tasse ébréchée de Rumplestiltskin, elle n'avait pas touché de tasse de thé durant ses vingt-huit années passées à Storybrooke. Le thé et son rituel lui évoquaient des souvenirs déplaisants qu'elle préférait laisser enfouis dans les restes calcinés de la Forêt Enchantée. Briser son caractère et tout ce qu'elle aimait avait été la seule compétence parentale de Cora. Et, sans réelle explication logique, Regina en était venue à associer le thé avec cela.
Le son de l'eau parcourant les tuyauteries dans les murs ainsi que les mouvements provenant des étages supérieur et inférieur sortirent Regina de ses pensées. Elle enroba ses mains autour de son café et rapprocha la tasse de son nez, inhalant l'arôme par de profondes et régulières inspirations. Jetant un coup d'œil aux nombres affichés sur le micro-ondes, elle fut légèrement surprise de constater que ses deux colocataires avaient réussi à s'extirper eux-mêmes de leurs lits chauds avant que leurs réveils respectifs ne sonnent. C'était un vrai miracle.
Regina avala une gorgée avec précaution et se demanda qui serait la malheureuse victime du jour ; c'était du pile ou face, ses deux colocataires partageant la même habitude de traîner dans la douche bien plus longtemps que nécessaire. Henry s'endormait parfois au milieu du rinçage, et Regina suspectait sa mère biologique d'en faire de même quand la voix insupportable d'Emma arrêtait soudainement de massacrer une chanson, bien que l'on pouvait encore entendre l'eau couler dans la salle de bain. L'eau chaude n'avait jamais été un problème dans le foyer Mills auparavant, mais depuis qu'il y avait trois personnes obligées de la partager chaque matin, la régularité et la fiabilité de son chauffe-eau étaient dûment compromises. Regina, ayant appris la leçon dès le tout premier jour où Emma Swan avait envahi sa maison, prenait sur elle pour se réveiller avant tout le monde et se laver en premier. Plus jamais elle ne serait celle qui hurlerait et sauterait hors de la douche, du savon sur tout le corps et du shampoing dans les yeux.
Vingt longues minutes plus tard, elle obtint finalement sa réponse. Regina sourit en entendant à l'étage le son étouffé des pas lourds d'Henry. Son sourire s'élargit en un rictus malveillant au son du chant tyrolien provenant du niveau inférieur. Le monstre vivant dans la cave serait celui qui recevrait la vague glaciale quotidienne. Parfait. Inexplicablement ravie à la pensée du très prochain désagrément d'Emma Swan, elle finit le reste de son café et patienta, anticipant le cri perçant qui mettrait fin au silence de la demeure.
Malheureusement, elle n'eut pas l'occasion de l'entendre.
Au moment où Regina posa sa tasse pour prendre une fraise, un phénomène très étrange se produisit. Une onde d'énergie. Comme si la terre s'était penchée un instant, elle dût s'agripper aux bords de la table pour garder l'équilibre. La sensation lui coupa le souffle et lui donna la nausée. Et cela s'arrêta aussi vite que c'était venu. Secouée, Regina inspira profondément et prit quelques instants pour retrouver ses appuis. Elle savait ce qu'il venait de se passer. Elle l'avait senti ; ce picotement manifeste à la base de sa nuque qui se propageait sur l'ensemble de sa peau lorsqu'une puissante magie était pratiquée. Cela ne venait pas d'elle, c'était certain.
Quelqu'un, quelque part, jouait avec le feu.
On pouvait faire confiance aux imbéciles de cette ville pour ruiner un samedi matin parfaitement sympathique.
Regina lâcha un faible grondement de protestation avant de se redresser et de déposer sa tasse dans l'évier. Être à la merci de Blanche-Neige et de son infiniment idiot de prince signifiait que peu importait l'énigme magique qui se produisait en ville, la résoudre et en réparer les dégâts était son job. Car comme si ce n'était pas suffisant d'avoir imposé leur précieuse petite princesse chez elle comme une sorte d'espionne/gardienne/protectrice, ils avaient aussi l'audace de faire travailler Regina en tant que « experte en défense magique » de Storybrooke - une fonction ridicule de bureau de consultation, et sous la juridiction du Shérif, rien que ça.
C'était grotesque – être rétrogradée de Reine suprême à puissante Maire d'une petite ville pour finir laquais magique d'Emma Swan. La Reine Maléfique en elle avait voulu transformer tout le monde en crapaud, les embrocher sur un pic, les cuire à outrance dans un four en pierre et donner leur peau caoutchouteuse en pâture aux trolls tapis sous le 'pont à péage'. Mais, hélas, la mère en elle avait maîtrisé son désir de vengeance. Finalement, avoir Henry de nouveau dans sa vie l'incitait efficacement à bien se comporter.
Regina dressa la liste des suspects potentiels dans sa tête tandis qu'elle préparait le petit-déjeuner d'Henry, son corps se déplaçant avec fluidité dans la cuisine, comme en pilotage automatique. Elle plaça les céréales de son fils ainsi qu'une brique de lait sur la table puis récupéra un bol et une cuillère dans le lave-vaisselle. Machinalement, elle posa également une banane et une tasse vert foncé à côté de la cafetière préparée plus tôt. Emma, sans gêne comme à son habitude, avait revendiqué cette tasse dès le premier matin dans la demeure Mills, trois mois plus tôt. Les nerfs de Regina avaient été soumis à rude épreuve en voyant à quel point la blonde s'était sentie à l'aise dans sa propre maison. Elle la suspectait d'agir de la sorte dans le seul but de la faire sortir de ses gonds. Et cela fonctionnait à merveille.
Mais, à sa grande déception, l'envie irrésistible d'étrangler la précieuse petite princesse de Blanche-Neige semblait s'atténuer. Bien qu'elle eut fait de son mieux pour s'y accrocher, son irritation avait lentement décliné en voyant Emma se rendre utile et prendre en charge des tâches ménagères sans y être poussée. La vieille dame qui lui faisait le ménage auparavant n'avait plus voulu venir depuis que la malédiction avait été brisée. Emma avait pris le relais et gérait toutes les tâches que Regina détestait – passer l'aspirateur, faire les poussières, désherber, etc. Et, étonnamment, Emma n'avait encore rien cassé – pas à sa connaissance, en tout cas. C'était étrangement… plaisant… pour Regina de ne plus être obligée de s'occuper de tout. Pouvoir compter sur quelqu'un était agréable, quoiqu'un peu étrange. Mais elle ne l'avouerait jamais, surtout pas à Emma Swan. Du point de vue de Regina, elle avait maintenant à disposition une domestique vivant sur place, seul compromis acceptable.
Préoccupée par ce qu'il venait de se produire, Regina tapotait distraitement ses doigts sur le plan de travail en granit et fixait la fenêtre extérieure dominant le jardin, ses yeux marrons perdus dans le vague. C'était un sujet à prendre au sérieux. La magie était imprévisible dans ce monde, et, comme elle l'avait découvert quelques temps auparavant, lourde de conséquences.
Regina examina ce qu'elle savait déjà : a) ce qu'elle venait de sentir était sans aucun doute une onde de choc provenant d'un puissant sort ; b) c'était, à sa grande surprise, de la magie blanche ; et c) la force avait été suffisante pour pousser son corps vers la droite – ce qui indiquait essentiellement que la magie provenait de l'ouest.
La forêt. Regina plissa les yeux à cette pensée. Si l'épicentre se situait là-bas, et qu'elle l'avait senti d'ici, alors les répercussions étaient réellement considérables. Une magie de grande puissance – qu'elle soit noire ou blanche – pourrait ouvrir une autre brèche.
Et, si cela se passait comme la dernière fois, ils avaient un gros problème.
"Regina !"
L'appel provenant de l'étage inférieur la sortit de ses pensées soucieuses dans un sursaut. À peine une seconde plus tard, la porte de la cuisine menant au sous-sol s'ouvrit violemment, faisant cliqueter la porcelaine dans l'armoire et manquant de faire chuter un tableau du mur. Regina grimaça en entendant le vacarme et se tourna vers l'embrasure de la porte avec un regard meurtrier, prête à donner le fond de sa pensée à la femme des cavernes faisant office de shérif.
"Mademoiselle Swan, je n-"
L'ancien Maire de Storybrooke ne put finir cette phrase.
Elle ne s'attendait pas le moins du monde à voir Emma Swan enveloppée dans une simple serviette. La blonde était clairement perturbée, son corps dégageant une détresse si intense que Regina fut à nouveau prise de nausée face à une telle énergie nerveuse.
Elle leva un sourcil devant l'air tourmenté du shérif, mais la confusion dans son regard céda immédiatement place à la fureur lorsqu'elle baissa les yeux sur la flaque d'eau qui commençait à se former aux pieds de la blonde. La jeune femme dégoulinait. Regina lâcha un soupir irrité. Il n'y avait que sa colocataire peu évoluée pour la perturber en faisant irruption dans sa cuisine quasiment nue et en salissant son sol impeccable.
Emma vit la mine de Regina et comprit instantanément. Elle recula pour se placer sur la dernière marche des escaliers du sous-sol.
"Je passerai la serpillière, promis."
"Vous avez intérêt," répondit Regina en serrant les mâchoires.
Elle reprit son habituelle expression impassible, intimant ses joues à ne pas rougir, et força ses yeux à se concentrer sur le visage d'Emma. C'était suffisamment embarrassant pour toutes les deux ; elle ne s'était pas fait – et ne se ferait pas – prendre en train de reluquer.
"Mademoiselle Swan, je sais que vous avez une fâcheuse tendance à vous pavaner en sous-vêtements le matin, mais ne pouvez-vous pas restreindre cet exhibitionnisme à votre cagibi ? Mon fils pourrait descendre d'une minute à l'autre et-"
"Je n'ai pas d'habit," lâcha Emma.
"C'est plutôt flagrant, ma chère."
"Non, je veux dire que je n'ai pas d'habit," insista Emma, se balançant d'un pied sur l'autre. "Il n'y a rien dans mon armoire. Nada. Il ne me reste plus qu'un vieux jeans que j'avais l'intention de jeter."
"Mademoiselle Swan, ne nous leurrons pas. La plupart de vos vêtements méritent la poubelle, de toute manière," répliqua Regina d'un ton las. "Et, avant que vous ne me blâmiez pour cette bien heureuse mésaventure, laissez-moi simplement dire que je n'ai rien à voir avec ceci. Vérifiez la machine à laver ; Henry a peut-être eu de la compassion pour vos vêtements crasseux et fait la lessive pour vous. Pour ma part, je ne m'aventurerais pas à toucher vos vêtements sans une combinaison Hazmat et un spray désinfectant."
Emma leva les yeux au ciel mais essuya l'affront sans broncher.
"Noté, Regina. Et, pour information, je n'allais pas vous accuser," dit-elle. Emma planta son regard dans le sien et déclara d'une voix grave. "Je pense que quelqu'un s'est introduit dans notre maison."
Cela capta toute l'attention de Regina. Sa magie s'était montrée capricieuse dernièrement, mais restait suffisamment puissante pour inspirer la peur. Mise à part la foule en colère qui avait demandé sa tête lorsque le sort fut brisé, personne n'avait osé mettre un pied près de son manoir depuis plusieurs mois. Et bien qu'elle ne le dirait jamais à haute voix, le fait que le Shérif réside dans sa maison participait également à décourager les éventuels fauteurs de trouble. Avant d'avoir pu méditer là-dessus, une pensée surgit et Regina se raidit.
Si quelqu'un était rentré, alors… "Henry !"
"Il va bien. Je viens juste de lui parler sur nos talkies-walkies. Il est en train de vérifier s'il lui manque aussi des affaires," la rassura Emma, levant ses mains dans un geste apaisant.
Sa serviette manqua de glisser et Regina détourna brusquement le regard. Elle était certaine que sa tête avait viré instantanément au rouge en s'angoissant pour son fils, et elle n'avait pas besoin qu'Emma la voit tourner au pourpre à la vue du shérif dans le plus simple appareil. Ce serait mortifiant.
"Je suis certaine que mes affaires étaient encore là avant que j'aille me doucher. Quand je suis sortie de la salle de bain, j'ai senti un courant d'air et j'ai vu la trappe qui donne sur l'extérieur grande ouverte. Le cadenas a été coupé. Est-ce que vous avez vu quelqu'un dans le jardin ?"
"Je… non. J'étais un peu préoccupée."
"Est-ce que quelqu'un est passé par cette porte ?" Questionna Emma, appuyant ses mains contre l'encadrement de ladite porte. Regina priait intérieurement pour qu'elle arrête de gigoter. La serviette tenait à peine dans cette position.
"Seulement vous," répondit-elle froidement, focalisant son attention sur la source de lumière au-dessus de la tête d'Emma.
"Vous pensez que des affaires à vous ont disparu ?"
"Je ne sais pas, je n'en suis pas certaine," murmura Regina, plissant les lèvres. Elle allait devoir faire le tour du manoir et répertorier rapidement ses biens. Tout ce qui avait vraiment de la valeur à ses yeux se trouvait dans son coffre-fort. Regina se nota mentalement de commencer par là.
"Ok, dîtes-moi si quoi que ce soit vous a été volé. Le voleur n'est peut-être pas allé plus loin que le sous-sol mais ça ne coûte rien de vérifier. J'appellerai le poste pour demander à Ruby de ramener ses fesses ici avec de la poudre pour empreintes digitales."
"Oui, d'ailleurs, vous voudriez peut-être commencer par enfiler des vêtements avant que votre adjointe n'arrive," suggéra Regina d'un ton sec, lançant un regard méfiant vers la porte menant aux salon et hall d'entrée.
Henry pourrait descendre d'un instant à l'autre à présent, et, c'était par ailleurs de plus en plus difficile pour Regina de trouver autre chose à regarder sans donner l'impression d'avoir des troubles de l'attention.
"Hum, c'est drôle que vous parliez de ça-" dit Emma en forçant un petit rire, une main grattant inconsciemment sa nuque avec embarras. Regina s'étonna de l'entendre si penaude, et reposa ses yeux sur la blonde avant de s'en rendre compte. "Je n'exagérais pas quand je disais que tous mes vêtements ont été volés," marmonna Emma, incapable de croiser le regard de la brune.
"Qu'en est-il des vêtements que vous portiez cette nuit ?"
"J'ai dormi nue."
"Oh." Regina se serait vraiment passée de l'apprendre. Maintenant cette image s'insinuait dans son esp- "Rappelez-moi de laver trois fois vos draps à haute température quand je ferai la lessive," rétorqua-t-elle hâtivement.
"Ouais, ouais," marmonna Emma, toujours incapable d'établir un contact visuel.
Regina pencha la tête, observant l'autre femme curieusement. Et elle percuta. Oh. Voilà qui est tout simplement divin.
"Vous n'avez pas de sous-vêtements," déclara Regina sans détours, ses yeux scintillant d'amusement.
La teinte rouge qui se répandit sur le visage et le cou d'Emma parla d'elle-même.
"Je suppose que je peux vous prêter un chemisier, mais ce sera tout," dit Regina avec un sourire diabolique, savourant pleinement le retournement de situation. Voir une Emma exceptionnellement décontenancée lui était très plaisant.
"Vous allez devoir vous contenter de porter le jeans qu'il vous reste. Je ne vous prêterai aucun de mes pantalons en sachant que vous vous baladerez sans culotte aujourd'hui – la dernière chose dont j'ai besoin étant d'être contaminée par vos microbes et de développer une éruption cutanée. Et non, avant que vous ne le demandiez, je n'ai pas de sous-vêtement neuf ou non utilisé à donner," continua-t-elle, rejetant effectivement ce qu'Emma était sur le point de dire.
"Je suis déjà obligée de partager mon fils et ma demeure avec vous, Mademoiselle Swan, je fixe la limite aux sous-vêtements."
La bouche d'Emma s'ouvrit et se referma à la manière d'un poisson, totalement à court de mots. Au bout d'un moment, elle baissa la tête et se contenta de soupirer, acceptant la défaite.
"Ok, j'ai compris. Pas de culotte, pas de pantalon, pas d'éruption cutanée. Merci pour le chemisier," marmonna-t-elle sans enthousiasme.
"Je suppose que le bleu que mon fils vous a si généreusement prêté par le passé vous conviendra, Shérif Swan ?"
Emma hocha faiblement la tête avant de tourner les talons et descendre les escaliers en traînant des pieds. Regina relâcha le souffle qu'elle avait retenu sans s'en rendre compte.
Merci Mon Dieu.
Cette pauvre serviette avait tenu jusqu'au bout. Regina n'était pas prude, mais la simple pensée de voir l'une de ses plus grandes adversaires ainsi exposée la désarçonnait complètement. Emma Swan était déjà une source constante d'irritation, la brune n'avait pas besoin qu'elle devienne également le cauchemar (nu) qui hanterait ses rêves.
Néanmoins, trouver le Shérif habituellement si exubérant, ainsi dérouté, avait été une réelle satisfaction.
Regina prit quelques instants pour jubiler avant de se diriger vers sa chambre et récupérer ledit chemisier. Elle savourerait ses victoires, peu importe qu'elles soient petites ou d'apparence insignifiante. Avec les Charmant s'emparant de sa ville, elles se faisaient rares.
Emma soupçonna une conspiration universelle quand elle tenta de se glisser dans son pantalon. Comme si devoir se déplacer sans sous-vêtement n'était pas suffisant, il fallait maintenant qu'elle sautille comme une idiote en serrant les fesses pour que le tissu passe ses hanches. Moulant n'était même pas un début de description pour ce Levi's miteux. Son jeans usé et décoloré avait non seulement déjà quelques années – mais elle avait en plus pris du poids depuis son arrivée à Storybrooke. Être garante de caution impliquait souvent de longues heures sans sommeil ni repas. La vie en tant que Shérif d'une petite ville, et par ailleurs Chevalier Blanc, était l'exact opposé. Enfin, la partie sommeil ne s'était pas grandement améliorée, mais la qualité et la quantité des plats oui. Et maintenant, elle en payait le prix.
Elle parvint à s'y introduire à force de volonté ; mais, pour couronner le tout, il lui fallut encore un temps fou pour fermer le bouton. Elle mit une à deux minutes pour le boutonner, et se laissa tomber sur le lit, en nage et seins nus, haletante.
"Nom de Dieu," lança-t-elle dans un souffle, complètement épuisée.
Elle fixa le ventilateur mural accroché au-dessus de son lit et se laissa hypnotiser par les lames tournantes. C'était le début du mois d'octobre et la température commençait à se rafraîchir, mais elle le gardait allumé malgré tout. Vivre dans le manoir de Regina lui apportait l'avantage du chauffage centralisé. Elle appréciait simplement le léger bruit de fond.
Le sous-sol pouvait être un peu trop silencieux, parfois.
Quand une personne autre que sa famille et ses amis proches lui posait des questions sur son cadre de vie relativement particulier, Emma se contentait de hausser les épaules en répondant qu'elle vivait dans la chambre d'invités de Regina. Techniquement, ce n'était pas vraiment un mensonge. Emma était une invitée et vivait dans une chambre. Point final. Les autres n'avaient pas besoin de savoir que cette chambre se situait au sous-sol, que c'était la minuscule pièce supplémentaire dont Henry et Regina se servaient pour stocker les vieux jouets et les décorations de fêtes, et qu'il arrivait parfois que Regina l'appelle le donjon. Elle plaisantait, bien sûr, mais cela n'avait pas empêché Emma de passer la pièce au peigne fin à la recherche d'éclats de sang et d'équipements de torture lors de sa première nuit au manoir (elle n'avait rien trouvé).
Emma ne pouvait pourtant pas vraiment se plaindre. En réalité, elle aimait cette chambre – spartiate et isolée. Elle avait son intimité. Sa propre salle de bain. Sa propre télévision. Son propre ordinateur (même si c'était l'un des modèles préhistoriques des années 90 de Regina). Et par-dessus tout, elle vivait sous le même toit que son fils. Oh, Regina n'était pas de mauvaise compagnie non plus. Elle pouvait être vraiment amusante si l'on appréciait de bonnes joutes verbales de temps à autres. Et de plus, c'était un vrai cordon bleu (quand elle évitait le poison).
En parlant de Regina…
Emma tendit une main et tâtonna à la recherche de la chemise que la brune lui avait jetée alors qu'elle tremblait dans sa serviette. Elle s'était attendue à ce que Regina lui relance un 'Profitez-en bien, Mademoiselle Swan' en souvenir de la dernière fois, mais la brune s'était contenté de ricaner devant son air pathétique en s'éloignant tranquillement de l'entrée du sous-sol. Emma pouvait jurer entendre encore son rire diabolique résonner dans ses oreilles. De toute évidence, en dépit de son meilleur comportement des derniers mois, quelque part au plus profond de l'énigme qu'était Regina Mills résidait encore la Reine Maléfique.
Emma trouva la chemise sur son coussin, et dans un effort considérable, s'assit pour l'enfiler. L'absence de soutien-gorge rendait un peu étrange la sensation, et elle aperçut ses mamelons ressortir sous le tissu. Cependant, la matière la fascina tout autant que la première fois qu'elle porta cette chemise. Emma pouvait reprocher beaucoup de choses à Regina, mais cette femme avait indubitablement de bons goûts en matière de vêtements (comme pour tout le reste, pour être honnête).
Penser aux vêtements ramena brusquement Emma à la réalité. Étant habituée à une existence de nomade, tous les habits qu'elle possédait rentraient parfaitement dans un sac de voyage. Si quelqu'un regardait la définition de 'fuite' dans un dictionnaire, son nom serait inscrit en-dessous. Elle n'avait pas beaucoup de vêtements ; elle n'en avait pas vraiment besoin. Son style était plus pratique que tendance ; d'où ses jeans serrés et débardeurs et tout autre vêtement dont Regina se moquait tous les jours. Ses blousons - les quatre – étaient à peu près la seule chose dans laquelle elle avait mis beaucoup d'argent (ce qui n'empêchait pas Regina de les trouver hideux). Emma n'avait jamais eu beaucoup d'habits depuis le départ, et n'en avait plus à présent. En dehors du jeans trop petit qu'elle portait, plus rien du tout. Pas de chemise, pas de débardeur, pas de pantalon, pas de blouson, pas de chaussettes, pas de culottes, pas de soutien-gorge. Heureusement qu'elle avait arrêté de cacher son argent dans ses chaussettes ou elle aurait été complètement foutue.
Ses yeux s'élargirent magistralement. "Merde !"
Elle sauta du lit et faillit trébucher, se précipitant vers le compartiment à chaussures de la commode. Deux paires de chaussures manquaient, mais trois avaient heureusement été laissées. À genoux, elle plongea ses deux mains dans ses Doc Martens abîmées et blêmit en ne sentant que la semelle rugueuse de ses chaussures.
Ce n'est plus là.
Son filet de sécurité n'est plus là.
Une grosse part des rémunérations perçues pour ses cinq dernières missions réussies en tant que garante de caution, plus rien.
Oui, la plupart de son argent reposait sagement à la banque, mais quand même. Trois mille dollars étaient tout de même trois mille putains de dollars. Peu importe qui était l'auteur du crime, Emma avait bien envie de lui incendier le visage, lui éteindre le feu avec une fourche et le piétiner avec les Jimmy Choo de Regina aux talons hauts de sept centimètres. Elle était le Shérif et devait respecter la loi, mais bon sang ce qu'un châtiment lui ferait plaisir à cet instant. Cet enfoiré l'avait visée personnellement ; seules ses affaires avaient été volées. Celles de Regina et Henry n'avaient pas été touchées.
C'était personnel.
Les jambes en coton, Emma retourna lentement vers son lit pour s'y effondrer la tête dans les draps, et étouffer un hurlement contre son matelas. Cette journée ne pouvait pas être pire.
Mais, comme disait Mary Margaret, il fait toujours plus sombre avant l'aube. Et, si elle n'était pas encore au plus sombre, alors la situation s'annonçait vraiment critique.
Cependant, quelqu'un là-haut eut pitié d'elle et lui envoya un petit cadeau de réconfort.
Emma la sentit avant même de la voir.
Son parfum. Une pointe de transpiration. Une odeur prononcée de cuir.
Elle manqua de se tordre le cou en tournant brusquement la tête vers son oreiller, faisant craquer sa nuque. Quelque chose dépassait d'en-dessous. La couleur du sang et des pommes. Sans plus attendre, elle attrapa le coussin et l'envoya valser en arrière. Il renversa quelques DVD et magazines sur son bureau, mais Emma s'en fichait complètement.
Elle fixa la veste, aux bords des larmes.
Elle avait perdu beaucoup durant cette journée, mais il lui restait au moins ceci. C'était peut-être suffisant. Pour l'instant, en tout cas.
Regina savait qu'il serait mieux qu'elle fasse cela dans son bureau, mais en voyant Henry assis tout seul pour le petit-déjeuner, elle prit ses cartes et outils et déploya l'ensemble devant lui sur la table de la cuisine. Cela semblait peut-être pathétique, mais dernièrement, elle sautait sur n'importe quel prétexte pour profiter de sa compagnie. Leurs échanges n'étaient plus aussi formalistes et embarrassants qu'auparavant, même si encore bien loin du comportement qu'il avait avec Emma.
Regina enviait la facilité avec laquelle son fils montrait de l'affection à cette autre femme et se prenait à désirer insatiablement ce traitement au fur et à mesure que les jours passaient. La pilule était dure à avaler ; mais que pouvait-elle faire à part accepter en silence et espérer ne pas mourir de jalousie ? C'était difficile, et parfois déchirant, mais elle faisait de son mieux. Elle espérait au moins qu'il s'en rendait compte.
"Tu n'as pas besoin de te presser, il ne passera pas te récupérer avant une heure," lui dit-elle en remarquant la hâte avec laquelle il enfournait la nourriture dans sa bouche.
Henry sembla se détendre à ses mots ; s'affalant contre le dossier de sa chaise et mâchant sur un rythme plus lent.
Regina lui lança un petit sourire avant de retourner son attention sur la carte étendue devant elle.
Normalement, Henry dormait jusque neuf heures le week-end ; mais, depuis quelques samedis, son fils apprenait l'art de manier l'épée avec son grand-père. Henry n'était pas matinal et ne le serait probablement jamais, mais les épées en bois semblaient avoir suffisamment de pouvoir pour que son fils adoré ne soit pas tenté de traîner au lit. Regina aurait aimé avoir su cela cinq ans plus tôt, quand l'état léthargique matinal d'Henry l'obligeait à le laver, l'habiller et lui donner elle-même à manger, étirant au passage chaque muscle de son corps et testant les limites de sa patience.
Regina ne put empêcher un sourire mélancolique à ce souvenir. Le jeune garçon la regarda curieusement depuis son côté de la table mais ne dit rien.
Peu importe à quel point ces moments avaient été pénibles, Regina en avait apprécié chaque minute. Elle souhaitait parfois pouvoir simplement revenir au temps où elle était le centre de son univers. Quand il lui faisait les bisous les plus adorables et les câlins les plus forts aussi facilement qu'il lui disait 'Je t'aime' chaque soir avant d'aller au lit. Ces jours où elle était son idole et son héros – pas la méchante dont il avait peur depuis qu'il possédait ce livre. Regina souhaitait simplement, non, voulait désespérément, revenir à ces années précieuses où Henry rampait dans le lit à ses côtés et jouait avec le lobe de son oreille pour s'endormir. Ce n'était pas parfait, mais c'était ce qui s'en était le plus rapproché. Et elle l'avait pris pour acquis.
La voie de la rédemption était longue, solitaire et difficile. Regina le savait à présent ; pourtant, elle était disposée à faire un aller-retour en enfer pour ne serait-ce que la plus petite preuve d'affection de la part de son fils. Leur relation n'était toujours pas ce qu'elle avait été, mais ils allaient néanmoins quelque part. Elle savait au fond d'elle qu'il l'aimait encore, mais la blessure était faite de trop de mensonges, secrets et trahisons, et quel que soit l'amour qu'il avait pour elle, celui-ci était enfoui si profondément que son petit garçon avait du mal à le percevoir – ou même se souvenir qu'il avait déjà existé. Ramener Emma Swan et Blanche-Neige à Storybrooke avait participé à restaurer une légère confiance, mais ce n'était pas suffisant. Réparer les pots cassés était un processus lent et ardu demandant patience et compréhension ; et Regina mettait toute son énergie à rafistoler le pont qu'elle avait elle-même détruit négligemment à cause de son désir fou de maintenir une malédiction qui n'avait rien fait d'autre que de ronger son âme depuis le début.
Elle voulait obtenir sa confiance. Gagner son respect. Mériter son amour.
Henry était son monde, et si elle s'y prenait correctement, il finirait peut-être par la laisser revenir entièrement dans le sien.
"Maman ?"
"Hm ?"
"J'ai senti quelque chose tout à l'heure," partagea Henry à voix basse, jouant avec les céréales de son bol avec sa cuillère. "Je ne suis pas sûr, mais je pense que c'était de la magie."
Une explosion de fierté retentit dans la cage thoracique de Regina. C'était vraiment un garçon doué et extrêmement perceptif. Peu de gens auraient pu le détecter.
"C'était le cas. Je l'ai sentie également."
"C'était pas toi ?"
"Non," répondit Regina en secouant la tête. "Mais je vais découvrir qui en est responsable."
Henry acquiesça et recentra son attention sur son petit-déjeuner.
"C'est pour quoi faire ?" Demanda-t-il, la bouche pleine de céréales, en regardant l'assortiment d'objets étalé devant elle.
"J'essaye de trouver des lieux d'énergie concentrée," expliqua Regina patiemment. Elle leva la main et lui montra le cristal d'un blanc terne qu'elle avait suspendu par une ficelle au-dessus de la carte de Storybrooke. "Ce cristal m'a été donné par Maléf-une vieille amie. Il a des caractéristiques spéciales, dont celle d'être attiré par l'énergie magique. Vois ceci comme une sorte de boussole. Je tente de localiser la provenance de la magie que nous avons ressentie plus tôt. Quand le cristal trouvera le lieu sur la carte, il rayonnera d'un bleu éclatant."
Henry semblait absorber ces renseignements comme une éponge, et à partir de ce moment, commença à observer son travail d'un regard beaucoup plus intéressé.
"Est-ce que ça va t'aider à savoir si une autre brèche s'est ouverte ?" Questionna-t-il au bout d'un moment.
"Je l'espère," répondit doucement Regina, ses yeux quittant la carte pour se poser sur le visage de son fils.
Henry essayait d'être le brave jeune prince, mais elle sentait qu'il s'inquiétait. Ces petits froncements de sourcils en disaient long. Elle ne pouvait pas lui en vouloir ; la dernière fois qu'une brèche s'était produite dans la forêt – le jour où Rumplestiltskin avait mystérieusement disparu de Storybrooke, rien que ça - des gobelins avaient surgi pour ravager la ville. Il fallut deux jours de bataille au service de Police pour rassembler les gobelins et les renvoyer d'où ils venaient. Regina avait reçu une mauvaise entaille sur l'épaule droite tandis qu'Emma s'en était sortie avec une collection de coupures et de bleus sur les bras et les jambes. Les autres adjoints avaient écopé de légères brûlures et tout le monde mit des jours à s'en remettre. Henry n'avait pas dormi pendant deux nuits, se faisant du souci pour elles, traumatisé à l'idée qu'elles avaient failli mourir. Regina ne voulait pas qu'il revive ce calvaire encore une fois, c'est pourquoi elle s'empressa de rassurer son fils.
"S'il y a une brèche, je la trouverai sur-le-champ et la scellerai avant que quoi que ce soit n'en sorte. Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer."
Henry sourit faiblement et acquiesça, enfournant une autre cuillerée de céréales dans sa bouche.
"Maman ?" Poursuit-il après un moment.
"Oui ?"
"Quand tu la trouveras, emmène Emma avec toi. N'y va pas toute seule comme la dernière fois."
Regina sourit doucement et sentit son cœur se serrer puis se dilater, touchée par son inquiétude. Les mots s'échappèrent douloureusement de sa bouche. "B-bien sûr."
"Promis ?"
"Je le promets."
"C'est le Chevalier Blanc, c'est son travail de protéger les faibles," continua-t-il.
La brune voulut contester en indiquant qu'elle était loin d'être faible et d'avoir besoin de protection – surtout de la part d'Emma Swan – mais décida de se mordre la langue et de laisser son fils continuer à partager sa pensée. Rejeter son opinion n'avait jamais fait de bien à leur relation.
Comme s'il avait lu dans ses pensées, Henry revint sur ses mots et s'expliqua, "Maman, je sais que tu n'es pas faible. Mais les monstres sont effrayants et dangereux et tu as besoin de ta magie pour les vaincre. Et si Emma n'est pas là pour te tenir la main, ta magie devient… bizarre."
"Non," nia rapidement Regina. "La magie est différente ici, tu le sais. Les règles ne sont pas les mêmes. Dans l'ancien monde, un plus un font deux. Ici, un plus un valent trois. Cela va demander un temps d'adaptation. De plus, après vingt-huit ans sans pratiquer, je suis juste un peu rouillée. Ma magie fonctionne très bien."
Henry lui décocha un regard entendu. "Tu as transformé notre voiture en poney."
"C'était un accident."
"Il est toujours au zoo. Ça fait trois semaines."
"Le sort disparaîtra," balaya Regina d'un revers de main. Henry leva un sourcil. "-au bout d'un moment," finit-elle maladroitement.
Malheureusement, Henry n'en avait pas terminé. "Quand Emma est tombée dans le lac, le sort de vent que tu as utilisé pour sécher ses vêtements lui a donné des gaz à la place."
"Peut-être ai-je fait exprès."
"T'as rendu nos pommes pourpres." Dit-il en plissant les yeux.
Regina haussa les épaules, feignant l'indifférence. "C'est ma couleur préférée."
"T'as donné des seins à Leroy."
"Tout le monde a… de la poitrine, même les hommes. C'est l'anatomie humaine," marmonna-t-elle faiblement, ses joues prenant de la couleur.
Regina avait simplement voulu le soigner après l'attaque des gobelins. C'était parti d'une bonne intention, après tout. Au bout d'une semaine, le nain avait fini par perdre son bonnet D pour revenir à sa taille normale (qui était probablement un petit B).
"Maman," soupira Henry avec lassitude, faisant presque oublier qu'il n'avait que dix ans. "Le poulet que tu faisais cuire hier dans le four courait dans le jardin."
Regina se dressa sur sa chaise. "Tu as vu ça ?"
"Pourquoi j'ai rien mangé hier soir, à ton avis ?" Répliqua-t-il en grimaçant. Malgré son dégoût évident à la vue d'un poulet à moitié cuit sans tête ni peau gambader dans leur jardin de derrière, Henry la regarda avec un grand sourire. "Ce qui veut dire que tu as tout donné à Emma."
"Elle a aimé," répliqua Regina en haussant les épaules, et elle partagea un petit rire avec son fils avant même de le réaliser. Son corps s'emplit de chaleur. C'était… agréable.
Regina devint plus réceptive à ses paroles après ce bref échange complice, ce qui l'empêcha de donner plus d'excuses quand il recommença à partager son point de vue.
"Emma fait fonctionner ta magie correctement. Elle pense qu'elle est ton sauveur magique ou quelque chose comme ça. Alors, s'il-te-plaît Maman, laisse-la te protéger," supplia-t-il, sérieux au plus haut point. "Et puisque ta magie ne fait pas de choses bizarres quand Emma est là, tu peux l'utiliser pour la protéger aussi. Papy m'a dit qu'elle n'était pas très douée avec une épée – et que j'étais même plus doué qu'elle."
Regina ne put s'empêcher de ricaner face à cette vérité. Le fait qu'Emma soit mauvaise avec une épée était l'euphémisme du siècle. Le Chevalier Blanc ne donnait pas de coups d'épée ; il la jetait sur ses ennemis. C'était à peu près son seul et unique mouvement. Si combattre à l'épée se rapprochait du lancer de javelot, peut-être qu'Emma Swan aurait pu avoir un niveau convenable.
"Maman ? Promis ?" Poussa Henry d'un regard plein d'espoir.
Regina expira lentement et lui adressa un sourire sincère. Comme si elle était capable de dire non à ce petit bonhomme et sa petite bouille.
"Tu as ma parole," murmura-t-elle.
Rassuré, il lui sourit timidement avant de finir les restes de corn-flakes imbibés dans son bol. Regina pensait savoir d'où cela venait. Henry avait toujours été un enfant aimant, toujours soucieux du bien-être des personnes qui lui étaient chères. La vérité était qu'il ne voulait tout simplement pas que l'une de ses mères soit blessée ; et, si cela voulait dire qu'Emma et elle devaient travailler ensemble et veiller l'une sur l'autre en dépit de leurs différences, Henry était prêt à en faire jurer au moins une des deux pour garder l'esprit tranquille. Son fils était à la fois attentionné et rusé – une parfaite combinaison du Chevalier Blanc dont le sang coulait dans ses veines et de la Reine Maléfique qui l'avait éduqué. Regina respectait ceci. Et ce n'était pas loin de lui embuer les yeux.
"Nous avons une bonne et une mauvaise nouvelles," déclara Emma en entrant dans la cuisine, Ruby sur ses talons. "Vous voulez laquelle en premier ?"
"La mauvaise," répondirent mère et fils en cœur, au grand amusement d'Emma. Regina et Henry semblaient toujours vouloir se débarrasser des mauvaises nouvelles avant d'apprendre les bonnes.
Emma jeta un œil à Ruby et tendit la main, donnant la parole à son adjointe.
"Donc, je viens juste de finir d'inspecter la chambre d'Emma tout comme la trappe que le malfaiteur a utilisé pour entrer dans le sous-sol. La trappe et le cadenas coupé étaient complètement clean, ce qui suggère qu'il portait des gants ou a effacé ses empreintes avant de partir," expliqua Ruby tout en enlevant ses gants en latex pour les fourrer dans son kit de prélèvement. "J'ai des empreintes dans la chambre d'Em' mais ce sont plus les siennes que-"
"Il ?" L'interrompit Henry. "Tu as dit 'il', donc le voleur est un homme ?"
"On est pas sûrs à cent pour cent, mais il est très probable que le voleur soit un homme," annonça Emma, s'appuyant contre l'îlot central, les bras croisés. "Ou un garçon. Ou des garçons. Rufio et sa bande de délinquants juvéniles ont passé leur temps à piéger les trois-quarts de la ville dernièrement. Ils n'ont jamais été assez courageux pour me viser directement, par contre."
"Les Garçons Perdus ?" Demanda Henry avec un grand sourire, ses yeux brillant comme des étoiles. Emma et Regina échangèrent un regard. Sur toutes les personnes que leur fils pouvait aduler, il fallait qu'Henry soit fan de ces morveux immatures. Elles espéraient que cette phase se termine rapidement ; de meilleurs modèles ne lui feraient pas de mal.
"Peut-être, peut-être pas. Pas encore sûr," répondit Ruby en souriant à Henry.
"Je pense pas que ce soient eux. C'est des blagueurs, pas des voleurs."
Emma se retint de soupirer aux mots du gamin – il était toujours le premier à défendre ses idoles à chaque fois que ces garnements entraient dans une discussion.
"Dans tous les cas, on ne les écarte pas tant qu'on a rien de concret," dit-elle à Henry, recevant une moue déçue de la part du garçon. "Storybrooke est une petite ville ; on finira par avoir une piste. Et c'est pas comme si quelqu'un pouvait quitter cette ville. On trouvera bientôt cet enfo-enflure et on jettera ses fesses en prison."
"Pourquoi êtes-vous toutes deux si sûres que ce soit un homme ? N'est-ce pas trop tôt pour tirer de telles conclusions ?" Interrogea Regina, rejoignant finalement la conversation. Sa voix avait le même ton autoritaire souvent utilisé par un certain Maire, et sans s'en apercevoir, Emma et Ruby se redressèrent légèrement. À en juger par la façon dont elle les regardait, Regina ne fut pas le moins du monde impressionnée. "Comme vous le précisiez, vous n'avez aucune preuve," finit-elle.
"C'est plus un pressentiment," dit Emma en détournant les yeux, pas vraiment d'humeur à aller dans les détails.
"Les sous-vêtements d'Emma," admit Ruby sans préambule, au grand agacement de son amie. L'adjointe ignora le regard meurtrier qu'Emma lui jeta et s'expliqua. "Voler des vêtements tels que des vestes, des pantalons et des chemises est compréhensible. Le voleur pourrait les utiliser, même les vendre. Mais, les sous-vêtements de quelqu'un d'autre ? Beaucoup trop intime pour recycler. Donc ça ne peut vouloir dire qu'une chose : le malfaiteur est un pervers. Oui, on sait qu'un dingue de culottes peut aussi être une femme, mais dans la plupart des cas, c'est un homme."
"C'est quoi un pervers ?" Questionna Henry.
"Quelque chose que tu n'a pas l'intention de devenir," répondit Regina du tac au tac.
"Mon Dieu, ce pervers est probablement en train de faire tu-sais-quoi avec tes sous-vêtements, Em'," dit Ruby d'une voix basse en se penchant vers elle. Mais évidemment, son fils et son ouïe super fine réussirent quand même à entendre.
"Qu'est-ce qu'il fait avec ?" Demanda-t-il avec son visage pur et innocent.
"Rub'," avertit Emma, les dents serrées.
"Il fait quoi ?" Répéta Henry.
"Euh, il les brûle," mentit l'adjointe comme si de rien n'était.
"Eh bien, voilà une chose sur laquelle lui et moi sommes d'accord," marmonna Regina. Une Emma toute rouge lui lança un regard acerbe.
"Bref, je devrais y aller," déclara Ruby en inclinant la tête vers la porte tout en posant la main sur l'épaule du Shérif. "Je vais mettre les empreintes sur la base de données et voir s'il y a une correspondance. On se voit au poste ?"
"Ouais, mais je serai euh, un peu en retard. Je dois faire un arrêt quelque part pour acheter… tu vois quoi." Emma fixa son adjointe intensément, espérant qu'elle saisirait l'allusion.
Elle prévoyait de passer sa pause-déjeuner à réapprovisionner son armoire vide dans l'un des trois magasins de vêtements de la ville ; mais, là tout de suite, il n'y avait qu'une chose sans laquelle elle ne pouvait continuer plus longtemps. Emma commençait à être irritée à un endroit où personne ne souhaitait l'être. Ceux qui affirmaient que se promener sans sous-vêtements était sexy devraient essayer de le faire en portant un jeans moulant. Le simple fait de marcher lui donnait la sensation d'être découpée par une scie tranchante au niveau de ses parties intimes et elle commençait à avoir peur pour leur intégrité.
"Désolée, tu vas où ?" Demanda Ruby. Emma se retint de grogner. Évidemment que sa meilleure amie allait fouiner.
"Chez Little Miss Muffet", marmonna Emma, trouvant le sol intéressant tout à coup.
Les yeux de Ruby s'illuminèrent comme un sapin de Noël.
"Oh, j'y étais justement l'autre jour ! Ils viennent d'avoir un arrivage de ces dentelles super sexy. Ils en ont de plein de couleurs différentes," chuchota Ruby dans son oreille en pressant son corps contre le flan d'Emma, s'assurant qu'Henry ne les entende pas cette fois.
Emma ne le vit pas, mais elle crut sentir une paire d'yeux ardents perforer son crâne. Elle était certaine que ce n'était pas Henry. Mais, ça voudrait dire que… non. Nan, pas possible.
"Achètes-en quelques-unes, je parie que tu seras canon avec – tu pourrais même te sentir assez sexy pour franchir le pas avec quelqu'un dans cette ville. Dieu sait à quel point tu as besoin de t'envoyer en l'air," finit Ruby avec un clin d'œil coquin.
Emma se contenta de lever les yeux au ciel en ricanant, poussant gentiment son amie en direction de la sortie.
"Ok, va faire ton travail, je te rejoins là-bas."
"Oui, M'dame ! Je connais le chemin," salua-t-elle le Shérif avant le faire un signe de main à Henry. Elle inclina rapidement la tête en direction de Regina et tourna les talons pour prendre congé.
"Quelle est la bonne nouvelle ?" Continua Henry en se tournant vers Emma, ses doigts jouant avec la bretelle de son sac à dos posé sur ses genoux.
"Hein ?"
"Tu as dit que tu avais aussi une bonne nouvelle à nous annoncer," lui rappela Henry.
"Oh, ça. Ouais, failli oublier."
"Alors, c'est quoi ?"
"Vous l'avez devant les yeux," répliqua Emma avec un large sourire, gonflant la poitrine.
Henry et Regina affichèrent tous deux une totale incompréhension. Emma souffla de déception, sentant sa fierté retomber.
"J'ai encore ma veste," lança-t-elle avec évidence, montrant le cuir rouge qu'elle portait dans un grand geste.
"C'est bien malheureux," soupira Regina, retournant à ce qu'elle faisait avec son cristal et sa carte. "Le voleur n'était pas très consciencieux."
Emma se mordit la langue et se contenta de fusiller Regina du regard. Comme elle pouvait s'y attendre, elle fut complètement ignorée.
"Emma," dit Henry en tirant sur le bout de sa manche, l'incitant à reporter son attention sur lui. "Comment ça se fait que la Police trouve facilement les criminels à la télé ? Des fois, ils trouvent juste un cheveu et ils attrapent le méchant tout de suite."
"Ils ont beaucoup plus de moyens à leur disposition, Henry. Labos, technologies et tout le reste."
"Pourquoi t'en as pas ?"
"Avec le budget avec lequel je travaille ?" Dit-elle en reniflant, s'empêchant d'éclater de rire. "Je ne sais pas, petit, peut-être qu'on aurait de meilleurs outils si une certaine personne n'avait pas réduit mon budget et refusé tous mes ordres de réquisition."
"Le budget annuel avait été approuvé au temps où la seule occupation quotidienne de votre département était de délivrer les chats de grands méchants arbres et d'arrêter Leroy pour ébriété et trouble de l'ordre public au Café Mère-Grand." Répliqua Regina sur un ton si professionnel qu'Emma eut un flash de son exigeant Maire préféré.
Le Maire Mills lui manquait un peu. Pas trop. Juste un peu. Elle pouvait être une emmerdeuse de première. Une emmerdeuse canon, certes, mais une emmerdeuse quand même.
"De toute évidence, durant mon mandat de Maire, mon bureau n'avait pas prévu que vous briseriez ma malédiction et que nous aurions des trolls et des gobelins hors de contrôle à Storybrooke. Si j'avais su, peut-être aurais-je reconsidéré votre demande de grenade aveuglante et de lance-roquettes."
"T'as demandé un lance-roquettes ?" S'enquit Henry en élargissant les yeux, admiratif.
"J'avais, euh, bu une petite bière quand j'ai rempli ce formulaire," admit Emma d'une toute petite voix.
Henry et Regina lui lancèrent tous deux exactement le même regard sceptique, aucunement convaincus.
"Ok, peut-être quatre. Cinq. Sept bières," rectifia-t-elle tout aussi faiblement.
Regina leva les yeux au ciel. "Je m'en doutais."
"Ah bon ?"
"Mademoiselle Swan, vous avez dessiné un bonhomme supposé vous représenter tirant une roquette sur moi."
"J'ai fait ça ?" Dit-elle d'une voix montant dans les aigus. Elle ne se souvenait vraiment pas grand-chose de cette soirée, à part d'avoir été saoule et enragée contre Regina pour quelque chose d'insensé que la brune avait encore fait.
"Oui, et vous avez été assez aimable pour ajouter une légende sous le dessin afin de vous assurer que je comprenne le message."
"Qu'est-ce que t'as écrit ?" Lui demanda Henry. Comme Emma ne pouvait répondre, il se tourna vers Regina. "Qu'est-ce qu'elle a écrit, Maman ?"
Regina, dans un rictus des plus sournois, fut plus qu'heureuse de satisfaire la curiosité de son fils. "Eh bien, Henry, pour citer Mademoiselle Swan : 'juste au cas où vous vous demanderiez pour quoi j'en avais besoin – voici une roquette, de la part de mon cœur plein de bonté pour votre cœur noir, vide et sans vie.' "
Henry resta bouche bée et Emma aurait aimé pouvoir faire la tortue, ramper dans sa coquille et s'y cacher. Elle n'arrivait pas à croire que Regina avait pris le temps de mémoriser cela. Elle lui avait vraiment fait impression – même si c'était une mauvaise.
"Elle s'est aussi dessinée envoyant des grenades aveuglantes en ma direction pour 'illuminer ma journée'," continua Regina, au plus grand désarroi d'Emma. "Si elle ne l'avait pas dessiné au crayon, j'aurais pris ses menaces au sérieux et l'aurais fait mettre en prison par son adjointe."
"Emma," dit Henry sur un ton de reproche, secouant la tête. Il ressemblait tellement à Mary Margaret à cet instant, quand elle l'avait surprise à parier et jouer au poker avec ses adjoints lors d'une journée calme au poste. Sauf que cette fois, la déception dans la voix du garçon faisait plus mal.
"Je pense avoir encore le formulaire dans mon bureau. Voulez-vous que je vous l'encadre ?" Demanda Regina avec un sourire éblouissant, savourant clairement son malaise.
Plus que gênée, une honte écrasante s'insinua dans le corps d'Emma. Sa tête se mit à bourdonner. Bel exemple à donner au petit, hein ?
"Je suis désolée," murmura doucement Emma en croisant brièvement le regard surpris de Regina, teintant sa voix du maximum de sincérité.
Ce n'était pas bien difficile, étant donné qu'elle regrettait réellement d'avoir agi de façon si puérile. La lueur de déception dans les yeux d'Henry resurgit dans sa tête. Elle était le Chevalier Blanc, au cœur pur et aux nobles intentions ; il s'attendait à mieux de sa part et cela se lisait sur son visage.
"Je n'aurais pas dû faire ça, c'était mal. Peu importe ce que vous m'aviez fait ce jour, vous ne méritiez pas ce comportement immature. De plus, c'était du gaspillage de documents officiels et des crayons de Mary Margaret."
Regina, en incorrigible tortionnaire, la laissa mijoter en silence pendant une longue minute avant de l'épargner avec un simple : "Ok."
"Ok ?"
"Excuses acceptées."
Emma sourit et la brune répondit avec un minuscule soulèvement de lèvres à peine perceptible. Henry les observa curieusement en penchant la tête avant que le son du pickup de David remontant l'allée ne le précipite vers la porte d'entrée, son sac à dos balançant frénétiquement dans ses bras. Il disparut avant que ses mères ne puissent le rappeler pour un câlin ou un bisou.
"Pas même un simple au-revoir," reprocha Emma en claquant la langue.
Elle jeta un coup d'œil vers Regina et se sentit immédiatement mal devant la résignation silencieuse de l'autre femme. Celle-ci arborait l'expression de quelqu'un qui avait vu cela se produire bien trop de fois. Le fait que Regina se soit habituée à voir son fils la quitter constamment sans un mot ni même un regard en arrière la dérangeait. Et sans le voir venir, Emma fut prise de compassion pour la brune. Regina pouvait être beaucoup de choses, mais elle n'était pas une mauvaise mère. La blonde se nota mentalement d'avoir une discussion avec Henry à ce sujet. C'était un bon garçon, mais qui parfois ne se rendait pas compte d'avoir fait mal avant que quelqu'un ne le lui fasse remarquer. Il l'écouterait, elle en était sûre.
Emma se dirigea vers la cafetière posée sur le plan de travail et se servit. Elle entoura la tasse verte de ses mains et la souleva, inspirant une bonne bouffée de l'odeur s'échappant du liquide. Un soupir satisfait s'échappa de ses lèvres.
"Alors, vous travaillez sur quoi ?" Demanda-t-elle. Elle prit une petite gorgée et ses yeux vacillèrent brièvement en réaction à la chaleur du liquide passant dans sa gorge.
Regina, apparemment très concentrée, ne leva même pas les yeux de sa mission du jour.
"Une recherche d'énergie magique," répondit-elle simplement.
Emma s'appuya contre le plan de travail et inclina la tête, observant le froncement de sourcils de Regina. La pauvre semblait épuisée. Et plus que frustrée. Inlassablement, la brune soulevait un bout de cristal noué à une ficelle et le laissait planer au-dessus de chaque centimètre de la carte de Storybrooke étendue devant elle. Emma n'avait aucune idée de ce qui était censé se produire, mais il était évident que ça ne s'était pas produit – et ne se produirait sûrement pas de sitôt. La magie de Regina semblait faire des siennes, comme d'habitude.
Après un bon moment à regarder la brune s'enfoncer de plus en plus dans sa frustration, Emma décida de lui tendre la main – littéralement. Déposant sa tasse à présent vide à côté de celle de Regina dans l'évier, elle prit la banane que cette dernière lui avait mise de côté dans sa grande bonté et fit le tour de la table de la cuisine pour s'arrêter à côté de la chaise de Regina.
En silence, Emma tendit sa main libre vers l'ancien Maire et attendit de voir si elle mordrait à l'hameçon. Elle scruta la réaction sur le visage de Regina et lutta contre le sourire qui commençait à apparaître sur ses lèvres. À en juger par son expression 'je-viens-juste-de-croquer-un-citron', il était plus que clair que Regina préférait être mutilée et éventrée par un loup-garou plutôt que d'accepter son aide. Mais, le fait que sa main se soit imperceptiblement crispée indiqua à Emma que la brune était au moins tentée.
"Besoin d'aide ?" S'enquit-elle doucement, mettant cette fois des mots sur son offre, lui redonnant une chance.
Emma n'obtint de réponse qu'au bout d'un long moment.
"Non, merci," répondit Regina inflexiblement, sa fierté reprenant le dessus.
"Vous êtes sûre ?"
"Oui."
"Sûre de sûre ? Parce que vous donnez vraiment l'impression d'avoir besoin d'un coup de main."
"Tout va bien."
"Vous ramez."
"Je suis l'une des plus, si ce n'est pas la plus puissante sorcière de ma génération. Je ne rame pas, surtout quand il s'agit de magie."
"Ok, vous ne ramez pas. Vous échouez lamentablement, alors."
"Je n'échoue pas."
"Pas encore."
"Cela prend du temps, je l'ai presque. J'approche du but."
"Si votre plan est d'aller nulle part, alors ouais, vous êtes sur la bonne voie."
Un grognement menaçant s'échappa de la gorge de Regina. "Shérif Swan, n'avez-vous rien de mieux à faire, comme je ne sais pas, attraper un voleur ?"
"Oui. C'est pourquoi vous devez me laisser vous aider pour que je puisse enfin quitter la maison et commencer à traquer cet enfoiré. Ce ne serait pas très chevaleresque de ma part de partir en laissant une âme en détresse. Maintenant laissez-moi vous aidez pour que je puisse y aller."
"Je suis loin d'être en détresse," rétorqua Regina d'un ton méprisant.
"On pourrait dire également que vous êtes loin d'avoir une âme, mais là n'est pas la question," riposta Emma effrontément, une lueur espiègle dans ses yeux. "Maintenant arrêtez d'être bornée et prenez ma main."
"Je ne vous la demande pas."
"Eh bien vous l'avez quand même."
"Je ne veux pas tenir votre main, Mademoiselle Swan."
"L'agitation de vos doigts dit le contraire."
Regina contracta sa main libre en un poing, le foudroyant du regard comme s'il l'avait trahie. Et oui, c'était peut-être le cas. Emma expira profondément devant l'expression conflictuelle sur le visage de l'autre femme. Regina était sans doute tellement habituée à exiger et menacer les gens pour qu'ils lui obéissent, qu'elle n'avait aucune idée de comment reconnaitre - encore moins accepter - une aide qui lui était offerte gratuitement et sans aucune condition.
"Allez Regina, voyez ça comme ça : votre magie est une batterie morte et me toucher fait office de câbles de démarrage. Je suis votre source de pouvoir marchant, parlant et respirant. Que vous le vouliez ou non, vous avez besoin de moi," continua Emma sur un ton totalement décomplexé. Elle avança quasiment sa main devant le visage de Regina. "Touchez-moi, utilisez-moi. Vous savez que vous en avez envie."
Les yeux ronds et la bouche grande ouverte, Regina arbora une expression teintée de surprise, de dégoût, de curiosité et d'autre chose. Emma n'avait pas prémédité la consonance vicieuse de cette dernière déclaration, mais ce fut le cas, à la grande horreur de la brune et au grand amusement de la blonde. Reprenant ses esprits, Regina repoussa violemment la main comme si Emma avait tenu une déjection pour lui faire sentir. Après ce rejet magistral, Emma rit intérieurement et fit le tour de la table dans l'autre sens pour se glisser sur la chaise qu'occupait Henry avant de partir.
"Allez travailler, Shérif. Pourquoi êtes-vous encore là ?" Soupira Regina, semblant extrêmement agacée et exaspérée par sa présence.
"Petit-déj," répondit simplement Emma, pelant la banane et prenant une énorme bouchée de façon peu distinguée. "Pourquoi essayez-vous de trouver une satanée énergie magique au fait ? Il s'est passé quelque chose ?"
Le pli entre les sourcils de Regina s'accentua à cette requête. Emma observa avec intérêt la façon dont sa mâchoire se resserra. Après un moment de tension, Regina arracha son regard du cristal et fixa la blonde, l'expression grave.
"Henry et moi avons ressenti quelque chose tout à l'heure."
Emma s'arrêta de mâcher. Elle avala de travers et faillit s'étouffer, mais força la bouchée à descendre dans sa gorge.
"Quand ?" Demanda-t-elle sur un ton rauque.
"Quand vous étiez sous la douche."
"Magie ?" Interrogea Emma, sa voix diminuant d'un ton.
"Oui."
"Assez forte pour ouvrir une brèche ?"
Regina acquiesça faiblement et Emma sentit son estomac se nouer.
"Pourquoi vous ne me l'avez pas dit plus tôt ?" Lança Emma avec un froncement de sourcils, incapable de retenir l'intonation accusatrice.
Évidemment, Regina se mit rapidement sur la défensive, n'appréciant pas du tout le ton employé. Elle planta son regard dans celui de la blonde.
"Je voulais en comprendre l'origine avant de vous faire part de mes découvertes. Je ne voulais pas délivrer d'informations incomplètes, ce n'est pas comme cela que je fonctionne. Je n'aime peut-être pas travailler pour vous en tant que consultante, Shérif Swan, mais lorsque l'on me confie des tâches importantes, je ne leur donne jamais moins d'attention qu'elles ne le méritent."
Les deux femmes se dévisagèrent un moment, trop déterminées et têtues pour leur propre bien. Sans surprise, Emma flancha en premier.
"Ouais, vous avez raison. Je connais votre travail et à quel point il est minutieux. Et j'en suis reconnaissante. Je suis désolée."
Ces excuses étonnèrent Regina et la désarmèrent complètement. Emma était aussi sincère que la première fois, ce qui était encore plus surprenant, mais elle n'aurait probablement rien dit si elle n'avait pas été si préoccupée par la menace de l'apparition d'une autre fissure en ville.
"Pensez-vous que Gold soit derrière tout ça ? Est-ce qu'il est de retour à Storybrooke ?"
Regina secoua la tête rapidement en réponse à la question. "Non. Et ce n'est certainement pas lui."
Les yeux d'Emma rétrécirent en un geste de suspicion. Elle était plutôt difficile à convaincre. "Comment pouvez-vous en être aussi sûre ?"
"La magie laisse toujours une sorte de… résidu. Je suppose que l'on peut comparer cela à une sorte de marque. Elle est propre à chacun, comme une empreinte, si vous voulez. C'est difficile à percevoir ; la plupart du temps c'est une sensation, et il faut être extrêmement familiarisé à l'art de la magie pour la saisir. Je connais Rumplestiltskin depuis suffisamment longtemps pour reconnaître son empreinte magique. Croyez-moi, Mademoiselle Swan, ce n'était pas lui," affirma Regina. "Ce que Henry et moi avons expérimenté plus tôt ne donnait pas la sensation de vide et de désespoir que j'ai fini par associer à ce diablotin. Ce que nous avons senti était puissant et… pur. Magie blanche."
Emma prit un moment pour enregistrer l'information. Si c'était de la magie blanche, cela ne pouvait dire qu'une chose.
"Les nonnes, alors," déduit-elle.
Regina acquiesça. "Ce serait la conclusion la plus logique."
"Nom de Dieu, saloperies de fées célibataires," maugréa Emma, se frottant le visage de fatigue et d'agacement. "Pardon, langage. Je sais, au temps pour moi," marmonna-t-elle rapidement en voyant le regard désapprobateur de Regina. Emma poussa un soupir et passa les mains dans ses cheveux. "Bon sang, à peine trouvé de la poussière de fée dans les mines qu'elles font n'importe quoi."
"À quoi vous attendiez-vous, Shérif Swan ? Êtes-vous si naïve pour croire que la Fée Bleue saurait se retenir de pratiquer la magie maintenant qu'elle est en possession de sa précieuse poussière de fée ?"
"Ils ont à peine trouvé de quoi remplir un petit sachet de cette saleté de poussière. Je pensais qu'elle serait assez maligne pour la garder pour des jours difficiles," Emma haussa faiblement les épaules, agacée par sa propre naïveté.
Elle aurait dû forcer la Fée Bleue à prêter serment ou quelque chose du genre. Ignorer de petits sorts était envisageable, mais des puissants qui pouvaient ouvrir des fissures magiques ? Emma ne pouvait pas fermer les yeux là-dessus et ne le ferait pas. Pas après la dernière fois.
"Je ferai un saut au couvent et j'éclaircirai tout ça," déclara-t-elle sur un ton qui lui rajoutait des années. Cette journée s'améliorait de minute en minute. "Je m'en fous si on n'a pas de loi contre l'utilisation de la magie dans cette ville, mais si une brèche apparaît et que les fées ont quelque chose à voir avec, je vais traîner leurs fesses en prison et je leur collerai une amende si importante qu'elles devront vendre des bougies éternellement. J'en ai rien à foutre si je passe pour la plus grosse méchante de la ville pour avoir enfermé des nonnes."
"Allez donc embrasser votre côté sombre dans ce cas," répliqua Regina avec un petit rictus diabolique avant de retourner son attention sur sa tâche ô combien importante. "Je vous appellerai quand j'aurai localisé le point d'origine du sort. J'ai le sentiment qu'il se trouve quelque part à l'ouest d'ici. Peut-être au bord de la forêt à côté de la rue Camden."
Emma acquiesça et sortit son téléphone de sa poche dans l'intention de passer un coup de fil au poste afin d'informer ses adjoints des derniers avancements. L'achat de sous-vêtements et la chasse au voleur allaient attendre. Ils avaient un problème plus important à gérer. Emma était sur le point de pousser son siège pour partir quand un frisson lui parcourut l'échine. Les derniers mots de Regina l'envahirent et l'ancrèrent sur sa chaise. Et si…
"Regina," commença-t-elle timidement. "La rue Camden est à un pâté de maison d'ici. Vous dîtes que j'étais sous la douche quand Henry et vous avez ressenti l'énergie magique, et je suis quasiment sûre que je me douchais encore quand mes affaires ont été volées. Est-ce que… vous croyez que ce qu'il s'est passé peut être lié d'une quelconque façon au cambriolage ?"
La main de la brune se figea et le cristal se balança le long de la ficelle. Il était évident qu'elle n'avait pas considéré cette possibilité jusqu'à cet instant. Les yeux marrons rencontrèrent ses yeux verts, et Emma était certaine que l'inquiétude visible dans les yeux de Regina luisait également dans les siens.
Il fallait qu'elles en aient le cœur net.
"Regina," Emma se pencha sur la table et tendit une main vers l'ancien Maire. Sur un ton doux et implorant, elle murmura : "S'il-vous-plait."
Et il n'en fallut pas plus.
Emma n'avait pas le même pouvoir que celui de Gold pour contraindre Regina, mais néanmoins, ce simple mot suffit à inciter l'ancienne Reine à mettre sa fierté de côté, s'avancer et prendre sa main. Ils avaient peut-être raison ; peut-être que ''s'il-vous-plait'' était réellement le mot magique. Au moment où leurs paumes se touchèrent et leurs doigts s'entrelacèrent, elles le sentirent. Ce picotement qui se répandit sur leur peau depuis la plante de leurs pieds jusqu'au sommet de leurs crânes. C'était comme être frappé par un éclair ; cette sensation d'un courant électrique circulant librement entre leurs corps, les faisant frissonner sur leurs sièges. Submergées et désorientées, les deux femmes durent prendre une grande inspiration. L'air semblait crépiter et chargé d'étincelles, et avant qu'elles ne s'en rendent compte, le cristal se mit à tournoyer furieusement au-dessus de la carte décolorée.
Regina suffoquait tandis qu'Emma regardait bouche bée. Elles pâlirent quand le cristal devint bleu éclatant avant de stopper sa course sur un endroit qu'elles ne connaissaient que trop bien.
Regina avait eu raison sur un point. La magie provenait de l'ouest.
Mais pas de la forêt aux abords de la rue Camden.
Elle venait de la clairière située juste derrière leur maison.
