Ma manière de rendre hommage à ceux qui sont tombés. Attention toutefois, les trois chapitres de cette fic ne sont qu'un seul et énorme spoiler du film !

Si vous l'avez déjà vu, vous connaissez le déroulement des événements. J'ai comblé les trous et rajouté les pensées des personnages.

(J'ai évidemment écrit de mémoire. Vous ne m'en voudrez pas s'il y a quelques oublis ou erreurs).

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Chapitre 1: Fili

Silencieux comme une ombre, Fili progressait doucement dans le couloir sombre de la tour en ruines. Il eut un demi sourire dans l'obscurité, qui n'était adressé qu'à lui-même, en pensant qu'il n'avait pas pu s'empêcher -un vieux réflexe, dira-t-on- d'éloigner Kili en l'envoyant explorer les niveaux inférieurs, à l'opposé du bruit qu'ils avaient tous deux entendu.

C'était absurde, la situation était non seulement sérieuse mais encore grave, pourtant le jeune guerrier faillit se mettre à rire : voilà si longtemps qu'il appliquait les seules paroles, prononcées par son père, dont il ait le souvenir ! A la naissance de Kili, Fili n'avait pas pu s'empêcher, comme beaucoup d'enfants, d'éprouver de la jalousie. De se sentir rejeté, moins aimé par ses parents qui, lui semblait-il, n'en avaient plus que pour le nouveau venu. Son père s'en était aperçu et l'avait pris sur ses genoux :

- Tu seras toujours le premier, Fili, lui avait-il dit. Tu es l'aîné, notre premier fils, et si ton oncle n'a pas de descendant direct, tu seras son héritier. Ne l'oublie jamais ! Ne crois pas que nous t'aimons moins, c'est seulement qu'un bébé a besoin de beaucoup de soins et d'attention. Tu comprends ?

Peu convaincu, l'enfant s'était contenté de faire la moue. Comprenant son état d'esprit, Skalli avait pris entre ses mains la tête blonde de son fils et, le fixant gravement, lui avait confié cette mission qui lui donnerait une importance nouvelle et un rôle à jouer dans leur vie à quatre :

- Fili, en tant qu'aîné tu dois veiller sur Kili. Le protéger. Il y aura beaucoup de choses que tu devras lui apprendre toi-même. Il va avoir besoin de toi, mon grand. Et lorsqu'il sera un peu plus âgé, tu découvriras qu'avoir un frère... eh bien... c'est une excellente chose !

Cela avait rasséréné l'enfant, très fier de se voir confier une tâche aussi importante. Et bien entendu, les paroles de son père s'étaient avérées justes : avoir un frère, c'était quelque chose !

Toutefois (et Fili fit dans le noir une petite grimace) le temps avait passé et, si l'habitude était restée, elle n'avait plus lieu d'être, il fallait l'avouer. Kili était non seulement un adulte mais un guerrier, et pas des moindres ! Il n'avait plus besoin de personne pour veiller sur lui.

Il était même suffisamment adulte pour songer à fonder une famille... durant un bref instant, le souvenir de l'elfe aux cheveux roux revint à l'esprit de Fili qui pinça les lèvres. Bien que ce soit une elfe, il lui était reconnaissant d'avoir sauvé la vie de son jeune frère, qui sans elle serait mort de sa blessure à la cuisse, et dans quelles souffrances ? Mais Fili était suffisamment avisé pour comprendre que cet amour impossible ne causerait que douleur et chagrin à l'un comme à l'autre. Enfin, ce n'était guère le moment de songer à cela...

Comme pour confirmer sa pensée, une vive lueur apparut au bout du couloir. Hum... Fili recula prudemment, cherchant une cachette. Il voulait voir combien de ses ennemis se trouvaient là avant d'aller renseigner Thorin. Mais alors qu'il se glissait à reculons dans un renfoncement du mur, qui s'avéra en fait être un escalier étroit, une autre lumière s'alluma brusquement en contrebas, juste au-dessous de lui. Le coeur battant, le jeune nain se tourna alors dans la direction dont il était venu, espérant avoir encore le temps de battre en retraite avant d'être vu. A ceci près qu'une troisième torche s'y alluma...

- Un piège ! C'était un piège...

Et il s'y était jeté tout droit ! Si ses mains devinrent moites sous ses gants, Fili n'en dégaina pas moins sa seconde épée et s'adossa au mur afin de protéger ses arrières. Son cerveau fonctionna à toute vitesse. Kili entendrait certainement le bruit du combat qui se préparait. Fili espérait qu'il n'aurait pas l'idée stupide de venir à son aide tout seul et qu'il filerait directement retrouver les autres ! Si lui-même pouvait tenir suffisamment longtemps, alors ils viendraient tous les trois à la rescousse, Thorin, Dwalin et Kili, et à eux quatre ils balaieraient cette vermine !

Sauf qu'il suffit au jeune guerrier de voir surgir les orcs pour comprendre que les choses ne se passeraient pas ainsi. Ils étaient bien trop nombreux et l'encerclaient de toutes parts. Puis une voix s'éleva, qui contenait un monde de menaces :

- Prenez-le vivant ! C'est l'un de ces infâmes rejetons de Durin !

Azog.

Fili l'avait à peine entrevu dans les Monts Brumeux, avant que les aigles ne sauvent la Compagnie in extremis, et il n'avait entendu sa voix qu'une seule fois, mais il sut avec certitude qu'il s'agissait de lui. Une sueur froide lui coula le long du dos. Pourtant, dans le même temps il sentit la colère monter en lui : là se tenait le meurtrier de son arrière-grand-père, l'ennemi mortel de Thorin, la créature qui avait juré d'exterminer toute sa famille. Perdu pour perdu, Fili se jeta férocement sur ses ennemis, ne demandant qu'à en découdre et à en tuer le plus possible avant de succomber. Hélas, les orcs avaient décidément l'avantage.

L'une de ses épées lui fut arrachée et son index, sectionné net, partit avec elle ! Ignorant le sang qui jaillissait par saccades, Fili empoigna l'arme qui lui restait à deux mains et se jeta sur ses ennemis avec une furie renouvelée. Pas pour longtemps : une masse tomba sur ses épaules et le fit tomber, l'aplatissant au sol. Le garçon n'avait pas lâché son épée mais Azog lui écrasa la main du talon, pesant de tout son poids, jusqu'à ce que les doigts s'ouvrent malgré eux. Déjà cependant, l'autre main de Fili (sa main blessée) remontait le long de son flanc, extirpait un poignard de sa cachette et frappait au jugé l'orc qui pesait sur son dos et ses épaules. Un cri de douleur lui apprit qu'il avait touché son adversaire mais, malheureusement, cela ne changea rien car déjà ses ennemis s'emparaient de lui et le relevaient sans douceur.

- Désarmez-le !

La fouille fut relativement sommaire, ce qui n'empêcha pas que la majeure partie de ses armes lui soit retirée, avant qu'une magistrale paire de gifles ne l'étourdisse en lui faisant sonner les oreilles !

- Ce n'est qu'un avant-goût ! siffla Azog.

Là-dessus, il saisit vigoureusement son captif par le col et le traîna, ni plus ni moins, à travers les couloirs. Fili lutta pour conserver son équilibre mais il trébucha. L'orc pâle le tenait ferme et n'en poursuivit pas moins sa progression, allongeant le pas à mesure qu'il avançait, empêchant le garçon de se remettre sur ses pieds.

- Ecu-de-Chêne va apprécier ! gronda l'albinos avec une jubilation évidente. Je vais me faire un plaisir de lui montrer que malgré toute sa prétention, la lignée de Durin est destinée à s'éteindre ! Et qu'il le verra !

En un éclair, Fili comprit les intentions du monstre. Il tenta de lutter mais en vain, Azog courait presque à présent, et ses sbires, qui le suivaient de près, surveillaient chacun de ses gestes. Le jeune prince comprit que son heure était proche. Un millier de pensées tumultueuses défilèrent dans son esprit : Kili, Thorin, ses compagnons, sa mère, même, et puis les Montagnes Bleues, dans lesquelles il avait grandi. Devant lui, il vit soudain la lumière du jour se rapprocher.

- Levez haut vos torches ! lança Azog. Que cette vermine arrogante, là dehors, nous voit venir !

Ils passèrent sans s'arrêter devant une ouverture donnant sur l'extérieur, cela étonna le prisonnier qui cependant fit fonctionner son esprit à toute allure, essayant de trouver un plan qui le sortirait de ce guêpier et épargnerait à Thorin ce que son ennemi lui réservait. Malheureusement, le temps lui manquait, il avait peine à suivre le mouvement tant Azog, dont la seule main le maintenait toujours avec force, l'obligeant à progresser courbé, allait vite, remontant le couloir à pas de géant. Fili n'avait pas envie d'être traîné à terre comme un sac, même si sa situation présente n'en était pas loin. Il s'efforçait de garder ses pieds sur le sol et de suivre l'allure imposée (bien qu'à dire la vérité, il manque un pas sur deux !). Il leva les yeux pour voir grandir la luminosité de l'extérieur, droit devant lui. Lorsque son ennemi le traîna au sommet de la tour, en pleine lumière, et le remit debout d'une traction, Fili sut que son temps de vie était définitivement écoulé. D'un rapide regard, il parcourut les alentours, espérant envers et contre tout qu'aucun nain n'était dans les parages. Il vit hélas précisément ce qu'il craignait par-dessus tout de découvrir : son oncle se tenait en contrebas avec Dwalin et le semi-homme et tous avaient les yeux fixés sur lui. Au même instant, Azog lâcha ses vêtements et l'empoigna par la nuque avant de l'arracher de terre, le brandissant devant lui comme un vulgaire trophée de chasse, comme il avait autrefois brandi la tête du roi Thror sur le champ de bataille.

- Celui-ci mourra en premier !

Un nerf coincé par la redoutable poigne de l'orc pâle, paralysé, Fili serra les dents à les briser pour ne pas crier de douleur tandis que ses joues rougissaient d'humiliation : mourir était une chose, à laquelle tous ceux qui ont choisi la voix du guerrier sont préparés. Ils savent qu'elle peut survenir à tout moment et ils n'en chérissent la vie que plus ardemment. Mais mourir comme ça ! Comme un lapin pendu à la poigne du chasseur qui va lui briser l'échine ! Fili aurait de très loin préféré la mort au combat, comme ses aïeux avant lui. C'était là son seul véritable regret : de tout ce qui avait conduit à cet instant fatidique, il n'avait rien à renier.

Il apparut toutefois qu'Azog n'était pas si pressé d'en finir :

- Ensuite le frère, et puis toi, Ecu-de-Chêne !

Avec mépris, l'albinos laissa Fili retomber à terre.

- Tu mourras en dernier ! cria t-il encore, tourné vers l'autre rive de la rivière gelée, là où se tenaient les deux nains et le hobbit impuissants.

- Kili ! pensa Fili.

La terreur l'envahit. Il en oublia tout le reste. Bien sûr. Azog éprouvait une telle haine envers Thorin qu'il ne voulait pas seulement sa mort. Il voulait le faire souffrir.

Mais s'il était trop tard pour lui-même, songea Fili, blême de peur en pensant à ce qui risquait d'arriver à son frère, il était encore possible de sauver Kili ! Le visage défait, il chercha le regard de son oncle et cria :

- Tue-les !

Il ne vit pas son cadet, à la porte de la tour, dont le regard sombre était levé vers lui et dont le visage se décomposait. Il ne regardait que son oncle, celui qui l'avait élevé et aimé comme un père, le vit esquisser un geste de dénégation. Bon sang, pourquoi restait-il planté là ?

- Tue-les ! cria-t-il encore, désespéré.

Thorin ne comprenait-il donc pas que pour lui, quoi qu'il arrive, tout était terminé ? Il était autant dire déjà mort, c'était aux vivants qu'il fallait songer !

Il ne vit pas venir le coup mortel. La lame d'Azog le frappa par derrière, sectionna net sa colonne vertébrale et sa moelle épinière et, dans sa lancée, transperça ses poumons et son coeur.

La douleur fut aussi fulgurante que brève. Le corps du jeune prince se raidit dans un spasme d'agonie. Il ouvrit la bouche, mais nul cri n'en sortit.

Lorsque l'orc pâle, d'une brutale poussée, le précipita dans le vide, Fili était déjà mort.

Son corps inerte tomba comme une pierre et il s'écrasa sur le sol, plusieurs dizaines de mètres plus bas, ses yeux bleus grands ouverts sur l'éternité, fixant le ciel sans plus le voir.