/!\ Cette fiction peut en choquer certains. Il y a des passages assez violents autant sur le plan psychologique que sur le plan physique. J'aborde un sujet assez sensible. Toute ressemblance avec des faits s'étant produits est complètement fortuite. /!\

Bonne lecture !


La face cachée de l'iceberg

Chapitre 1 – L'iceberg

C'était un jour comme les autres au lycée de Fukurodani, tout comme c'était un jour comme les autres pour l'équipe de volley. Les matchs éliminatoires se rapprochaient à grands pas et chaque joueur sentait l'excitation monter en lui. Ils n'avaient pas peur : ils savaient quel était leur potentiel et savaient qu'ils ne devaient craindre aucune équipe… ou presque. Il y a toujours plus fort que soit sur terre, et même s'ils avaient confiance en eux, ils avaient tous pris conscience de ce détail. Il y en avait un en particulier qui était toujours excité.

- Akaashi ! On recommence ! Fais-moi une meilleure passe !

- Oui !

Il réajusta sa puissance de tir, fit la passe et l'ace de l'équipe tapa fort dans le ballon qui vint rebondir au-delà des limites du terrain.

- Oh mais c'est pas vrai ! Pourquoi je les rate tout le temps ! Je suis nul !

- Calme-toi, Bokuto-san, c'était qu'un essai, soupira Akaashi, c'est pas comme si on était en vrai match.

- Mais tu comprends pas le bien que ça fait quand c'est réussi !

- Je sais ce que c'est, c'est juste qu'il y a des circonstances pour exprimer ce genre de chose. Mais pas pendant un entraînement. On essaye juste de se perfectionner, alors bien sûr que ça ne peut pas être toujours parfait.

Bokuto le regarda, résolu. Akaashi avait raison, comme toujours. Il se sentait un peu idiot quand il parlait.

- Bon, c'est pas le tout, je dois partir, il est l'heure.

- Quoi ? Mais on vient de commencer ! Les autres ne sont même pas encore partis !

- J'ai promis que je rentrerai pour 18h.

Les autres firent une pause dans leurs entraînements. Et vinrent discuter avec le duo.

- Tu peux toujours t'entraîner avec Sarukui-san ou Konoha-san.

- Mais personne ne fait de passes comme les tiennes !

- Désolé, mais faut vraiment que j'y aille. À demain.

Les autres le saluèrent et vaquèrent à leurs occupations.

- Il part tôt en ce moment, Akaashi, remarqua Komi. Qu'est-ce que tu lui as fait, Bokuto ?

- Mais rien ! Je suis exactement comme d'habitude !

- C'est peut-être ça le problème, se moqua le plus petit.

- C'est vrai que ce n'est pas dans ses habitudes, continua Konoha ignorant une bonne occasion de ridiculiser Bokuto. Il aime le volley autant que les cours et il est toujours partant pour faire des entraînements supplémentaires…

- Je ne sais pas si ça a un rapport, intervint Sarukui, mais vous avez vu ses bras ?

Les autres le regardèrent bizarrement.

- Ils sont couverts de bleus !

- Ah oui ! Se souvint Bokuto. Oui, ça j'ai remarqué, mais pour moi, il a juste dû tomber ou quelque chose comme ça.

- Pour en avoir partout sur les bras, je ne sais pas combien de fois il est tombé, mais il a dû dévaler plusieurs escaliers de suite ! pointa Konoha.

- Ce n'est pas la première fois qu'il en a surtout. Quand j'y pense, il en avait déjà l'an dernier…, se souvint l'ace.

- C'est bizarre cette affaire en tout cas… Faudra qu'on surveille ça de près.

o.x.O.x.o

Bokuto repensa toue la soirée à cette histoire de bleus. C'est vrai que pour lui, Akaashi avait juste chuté, mais était-ce vraiment la vérité ? Il avait envie de savoir, mais il ne pouvait juste pas aller voir son passeur et lui demander… si ? Oh et pourquoi pas ? Venant de lui, ça ne le choquerait sûrement pas !

Il le croisa dans la rue principale de son quartier le lendemain matin. Comme à leur habitude, ils allaient ensemble au lycée. Bokuto ne savait pas exactement où habitait Akaashi et lorsqu'il lui avait demandé son adresse pour venir le chercher le matin, il avait refusé. Il faisait ce qu'il voulait après tout : s'il trouvait le capitaine trop envahissant, il avait le droit de garder son espace privé. Bokuto n'en était pas du tout vexé.

Il arriva au point de rendez-vous plus tôt que lui, et l'attendit quelques minutes. Akaashi, d'habitude réglé comme une horloge, arriva avec trois minutes de retard.

Ce fut à ce moment que Bokuto se rendit compte que quelque chose n'allait pas.

Trois minutes n'étaient, certes, pas grand-chose, mais pour Akaashi, si. Bokuto le connaissait, et jamais au grand jamais il ne serait arrivé en retard à leur rendez-vous quotidien.

Il l'aperçut soudain au coin de la rue et le regarda marcher vers lui. Marcher n'était pas le bon terme car, en réalité, il boîtait légèrement.

Ils commencèrent leur marche en direction de leur lycée.

- Akaashi ! Qu'est-ce qu'il t'es arrivé ? Tu t'es fait mal ?

- Bonjour, Bokuto-san, oui, une mauvaise chute. C'était stupide.

- Hmm.

- Quelque chose ne va pas ?

- Non, non, c'est juste que j'espère que ça ne va pas t'empêcher de faire l'entraînement ! Tu es notre pièce maîtresse !

Le brun sourit un peu à la comparaison.

- Je pense que ça ira, ne t'en fait pas. Le muscle est juste un peu endolori, rien de plus.

- Ouais… Fait gaffe à l'avenir, hein. Ce serait bête de devoir te ramasser à la petite cuillère, haha !

Après quelques minutes de métro et de marche, ils arrivèrent à leur lycée où ils passèrent une journée encore normale. L'après-midi, quand Bokuto entra dans les vestiaires, Akaashi y était déjà. Il se changeait et parut surpris de voir Bokuto arriver aussi tôt. Il sursauta alors qu'il allait mettre son t-shirt.

- Hey, Akaashi ! T'as fait vite ! T'es sorti dès la sonnerie ou quoi ?

- Je vais encore devoir partir tôt, alors autant commencer le plus tôt possible.

Tout en parlant, il sembla vouloir se dépêcher d'enfiler son t-shirt, non sans quelques grimaces. C'en fut assez pour mettre la puce à l'oreille de Bokuto qui l'observa. Il eut non seulement le temps de voir des espèces de ronds rouges près de sa clavicule, mais il manqua encore moins l'énorme bleu qui recouvrait le côté droit de sa cage thoracique. Quand il eut fini de mettre son t-shirt, il s'approcha de lui.

- Akaashi, l'appela-t-il d'un ton sérieux inhabituel.

Le concerné qui était en train de ranger ses affaires dans son sac se redressa pour lui faire face. Mais aussitôt debout, Bokuto lui saisit le bras, le leva pour lui ôter toute résistance et souleva son t-shirt à l'endroit où il avait vu le bleu.

- C'est quoi ça ?

Le brun, pris de court, marmonna :

- Rien… c'est rien, je suis tombé je t'ai dit…

- T'as une côte de cassée, tu peux pas jouer dans ces conditions.

- Non… non, c'est rien, je te dis, je sens rien, je peux jouer sans problèmes !

- Tu sens rien ?

Bokuto ne fit qu'effleurer la peau bleue virant au violet et boursouflée d'Akaashi et lui décrocha un petit cri de douleur. Il ajouta en relevant un peu plus le t-shirt.

- Je sais à quoi ça ressemble et je doute que ce soit les escaliers qui t'aient laissé ces marques de cigarettes.

Akaashi devint silencieux. La pièce devint silencieuse. Silencieuse, juste quelques secondes avant que le passeur ne dise un « C'est rien » tout bas en évitant le regard de son aîné.

- Akaashi, il faut que tu me dises ce qu'il se passe. Tu es couvert d'ecchymoses, tu as une côte cassée et des brûlures de cigarettes sur le torse, alors ne me dit pas que ''c'est rien''.

Akaashi sembla hésiter. Bokuto essaya de l'encourager.

- Des voyous t'embêtent ? Des mecs du lycées ? Des adultes ?

À ce mot, Akaashi réagit.

- Écoute, Bokuto-san, je te dis que ce n'est rien. Ce ne sont pas tes affaires, et j'ai pas envie de t'y mêler. Donc maintenant, si tu veux bien qu'on aille sur le terrain pour commencer l'entraînement, ce serait bien.

Il se dirigeait vers la sortie quand Bokuto le retint.

- Non ! Non, je ne peux pas faire comme si je n'avais rien vu ! Tu te rends compte de ce que tu me demandes, Akaashi ? Je suis ton capitaine, et j'ai le droit de savoir ce qui arrive à mes coéquipiers !

- Je t'ai dit de me laisser avec ça ! Il n'y a rien à dire, point final !

- Akaashi, tu n'es pas en état de jouer, je ne te laisserai pas te pourrir la santé parce que tu prétends aller bien, alors que ce n'est pas le cas !

- Ce sont mes problèmes, dit-il froidement. Et tu n'as pas à t'en mêler. Et ne t'avises pas à en parler aux autres.

- Nous parler de quoi ? demanda une voix derrière Bokuto.

L'équipe arriva. Ils avaient entendu l'altercation entre les deux compères. Rien de bon. Ils ne savaient pas de quoi il en retournait exactement, mais ça sentait mauvais pour l'équipe.

- Très bien. Tu sais quoi ? Je vais suivre tes conseils, je ne pense pas non plus que je suis en état de faire l'entraînement d'aujourd'hui. Au revoir.

Il reprit ses affaires, mit sa veste blanche de sport et sortit de la salle, toujours en boîtant.

L'ambiance était glaciale. Qu'avait-il pu bien arriver entre ces deux-là ? Ils n'avaient jamais vu Akaashi aussi énervé, ni Bokuto d'ailleurs, et ils allaient ressentir sa colère tout au long de l'entraînement.

- On peut savoir ce qu'il se passe ? demanda le blond.

- On va s'entraîner, dépêchez-vous, je vous attends sur le terrain.

o.x.O.x.o

Après l'entraînement, Bokuto était toujours en colère, mais semblait quand même s'être un peu calmé. Ils rentrèrent dans le vestiaire pour se changer et l'ace s'assit sur une chaise. Il soupira.

- Je suis un idiot.

- Qu'est-ce que tu dis, Bokuto ?

- Que je suis un idiot ! J'aurai pas dû le forcer à tout me raconter.

- Il va falloir que tu nous expliques.

- Akaashi avait tout le haut du corps couvert de bleus et il avait une côte cassée. C'était pas beau à voir… Mais le pire ! Le pire c'était les brûlures.

- Les brûlures ? demandèrent les autres en chœur.

Bokuto hésita. Il avait le sentiment qu'il en avait trop dit. Et Akaashi lui avait défendu d'en parler. Sauf qu'il se faisait du soucis pour lui et qu'il avait le sentiment de ne pas pouvoir gérer ce problème seul.

- Apparemment… ce serait un ou des adultes qui lui font ça…

- Quoi ? Attends, tu veux dire qu'il se fait maltraiter par eux ? S'étonna Konoha. J'ai du mal à te croire.

- Pourtant, c'est ce qui est bel et bien arrivé… Écoutez, je ne vous raconte pas ça pour faire des ragots. Je suis vraiment inquiet pour lui et j'ai peur quant à sa sécurité.

- Hey, si ça se trouve, c'est arrivé une fois, et ça ne recommencera pas, supposa Sarukui.

- Je ne sais pas… Mais quoiqu'il en soit, faut vraiment que j'essaie d'en parler avec lui. Vous, n'en parlez à personne, même pas à l'entraîneur. Je vais lui dire que je vous en ai parlé. Je sais qu'il ne sera pas content, mais il finira par comprendre que c'était pour son bien. Je veux avoir des preuves avant de pouvoir faire quoi que ce soit.

Les autres acquiescèrent, incertains de la piste sur laquelle Bokuto s'était engagé.

o.x.O.x.o

Akaashi était sorti furibond de la salle de l'équipe. Comment osait-il se mêler de sa vie comme ça ? Il y avait des limites à l'amitié, et il les avait franchies ! Pourquoi devait-il tout le temps fourrer son nez partout ?! C'était agaçant ! Akaashi demandait juste à ce qu'on le laisse tranquille. Il voulait être tranquille… juste un peu… au peu auquel il avait le droit.

Depuis toujours, sa vie avait été un enfer. Il avait été habitué à être couvert de bleu, avoir des brûlures ou des côtes cassées. Ça faisait partie de son quotidien.

Il tourna à la première allée et rejoignit le métro aérien. Il entra dans le wagon, s'assit sur un siège. Il se prit la tête entre ses mains. Tout compte fait, peut-être avait-il eu tort de parler à Bokuto-san comme il l'avait fait. Ce n'était pas sa faute. Il voulait juste aider. Sauf que personne ne s'était jamais soucié de ses problèmes. Tout le monde l'avait toujours laissé tranquille. Il sourit vaguement. Bokuto était décidemment trop perspicace. Mais pour leur sécurité à tous les deux, il ne pouvait rien lui dire. Surtout en ce moment.

Le métro arriva à l'arrêt d'Akaashi et il descendit. Il ne se dirigea pas vers sa maison, mais vers l'école maternelle du quartier. Des enfants affluaient à la sortie de l'établissement, courant vers leurs parents. Il resta planté au portail. Il attendit quelques minutes avant de la voir arriver vers lui. « Keijiii-nii ! » Cria une petite fille aux cheveux noirs. La fillette courra vers lui et il se pencha à sa hauteur.

- Tu es venu plus tôt ! Je suis crop contente !

- J'ai pu me libérer plus tôt, exceptionnellement.

Il prit la petite fille dans ses bras et la souleva du sol. Il lui sourit et l'embrassa sur le front.

- Ça a été aujourd'hui ? lui demanda-t-il avec le ton le plus doux du monde.

La petite fille fit la moue et baissa les yeux.

- Ryuji et Kunjirou m'ont encore embêté… J'en ai marre d'eux.

- Ah ! Vous devez être le grand frère d'Eri, si je ne me trompe pas !

Une jeune femme s'avança vers lui. Akaashi hocha la tête pour la saluer.

- Bonjour, je suis la maîtresse d'Eri. Elle a des petits problèmes en ce moment avec des camarades de classe… Vous pouriez dire à vos parents que j'ai besoin de les voir ?

- Ils sont très occupés par leur travail, dit un peu trop précipitamment le brun. Ils… Ils ne vont pas pouvoir venir vous voir je pense.

- Ah… c'est embêtant. Vous ne pouvez pas leur dire que c'est urgent ?

- Je vais faire tout ce que je peux, mais s'il y a un problème, vous pouvez me le dire et je leur en parlerai.

- Je vous remercie, mais je préférerais d'abord les voir eux.

- Très bien. Je leur en parlerai. Bon, on va y aller, nous. Tu n'as rien oublié, Eri ?

La petite secoua la tête. Ils dirent au revoir à l'enseignante et partirent en direction du parc le plus proche. Akaashi sortit ce qu'il avait acheté pour le goûter de sa sœur et ils s'installèrent sur un banc. Ils mangèrent en silence quand Eri demanda :

- Dis… tu ne vas pas leur dire, hein ?

- Non. Il ne vaut mieux pas. Ils ont autre chose à penser.

- Tu penses qu'ils vont se mettre en colère ? demanda la petite fille, la peur dans les yeux.

Akaashi détestait la voir comme ça. Ça lui faisait mal. Il lui sourit pour la rassurer.

- Non, ils ne seront pas en colère puisqu'ils ne sauront rien.

Il lui caressa affectueusement les cheveux. Ils restèrent quelques temps au parc. Il faisait beau et d'habitude, Eri allait à la garderie. Autant profiter de ce moment à eux deux, loin des bruits, loin des cris, loin… de la maison.

Keiji aida sa sœur à faire le peu de devoir qu'elle avait, comme à son habitude. Sa sœur était ce qu'il avait de plus précieux au monde. Il l'aimait plus que tout, il ferait n'importe quoi pour elle.

L'heure continuant de filer, ils se mirent en route vers la maison. Akaashi tenait la main de sa petite sœur et ils marchaient lentement.

- Keiji-nii, j'ai pas envie d'aller à la maison, dit-elle tristement.

- Moi non plus. Mais on ne peut pas faire autrement… malheureusement.

Ils arrivèrent devant chez eux. Ils habitaient au bout d'une allée. Dans un cul-de-sac. Cela faisait des années que personne n'avait entretenu le jardin et les herbes hautes ne finissaient pas de pousser. Elles commençaient à être plus hautes que la fillette de six ans.

Keiji sentit la petite main d'Eri serrer plus fortement la sienne. Il avait peur, mais savait qu'elle était terrifiée.

Il poussa la porte d'entrée et la referma. Il aida sa sœur à enlever ses chaussures, et enleva à son tour les siennes. Eri l'attendait. Quand il eut fini, il prit sa main et lança « On est rentré », il eut un grognement en réponse. Il ne fit pas plus désirer que cela et monta les escaliers jusqu'à la chambre de sa sœur. Il déposa son cartable près de son lit et l'aida à enlever son petit manteau. Il lui donna un livre pour enfant et lui dit qu'il revenait. Il se changea en vitesse, optant pour un jean et un t-shirt gris. Puis, il prit son courage à deux mains et descendit les marches. C'était toujours la même chose.

Il arriva dans le salon, là où il savait trouver ses parents. Ils étaient avachis devant la télévision, comme les deux gros légumes qu'ils étaient. L'odeur d'alcool et de cigarette ne le choquait même plus : c'était devenue leur odeur. Qu'importe l'endroit où il la sentait, leur image faisait immédiatement irruption dans son cerveau.

Sa mère était maigre, trop maigre. La cigarette et l'alcool avait ravagé son corps autrefois séduisant pour en faire un sac d'os passant sa journée à cuver sur son canapé et à mater ses feuilletons abrutissants. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, et ce depuis longtemps.

Son père, c'était une autre histoire. Son père était grand, plus grand que Keiji. Son père était fort, malgré sa bedaine de bière qui grossissait d'année en année au-dessus de la ceinture. Il avait monté sa petite entreprise il y a maintenant des années de ça, et elle avait bien fonctionné. C'était lui qui remplissait les caisses de la maison, et permettait à lui et à sa sœur d'aller à l'école, mais aussi à sa mère de rester à la maison. Financièrement, ils étaient à l'abris de tout. Ils avaient même leur argent de poche avec Eri.

Sauf qu'à voir l'environnement dans lequel ils grandissaient sa sœur et lui, on n'aurait jamais imaginé cela.

C'était son père le plus dangereux. Il était déséquilibré mentalement, cela ne faisait aucun doute. Mais personne ne disait rien. Personne n'osait rien dire.

Quand il était né, Keiji avait une famille tout ce qu'il y a de plus normal. Puis, son père avait commencé à faire la tournée des bars avec ses copains, rentrait bourré le soir, frappait sa mère, qui elle aussi, pour le coup, avait commencé à boire. Keiji avait assisté à tout cette évolution sans vraiment la comprendre et se disait que c'était normal que ses parents agissent de la sorte, puisque c'était sûrement comme ça que se comportaient tous les parents du monde. Puis, il y avait eu cette fête d'anniversaire chez son ami Junta. Il avait réalisé que, non, ses parents n'étaient pas normaux. Il avait commencé à se faire battre dès l'âge de cinq ou six ans. Au début, ce n'était que des claques ou des fessées, mais elles se muèrent bientôt en coups de poings et coups de pieds. Ses parents s'arrangeaient toujours pour que les marques ne soient pas sur les parties de peau visibles, comme le visage, pour ne pas ramener les services sociaux à leur porte. Akaashi avait toujours été habitué aux bleus depuis lors. Plus les années passaient, plus les coups étaient violents. Parfois, c'était des objets qu'il se prenait. Le pire, selon lui, étaient les coups de ceinture. C'était atroce, c'était douloureux, il n'en dormait jamais de la nuit tellement il avait mal. Sa mère, elle, s'en fichait. Si battre ses enfants pouvait éviter de la battre elle, elle était heureuse. Elle prenait de plus en plus le parti de son mari et l'inverse aussi, les deux parents se retournaient souvent contre leur fils aîné, parfois pour des broutilles, mais le plaisir de se défouler était irremplaçable.

Selon Keiji, sa sœur était issue d'un viol. Son père était incapable d'amour, et vu comment il traitait sa mère, il avait dû l'obliger à faire tout ce qu'il disait. Sa mère avait détesté sa fille dès qu'elle avait vu le jour. L'accouchement (sûrement comme la conception) avait été douloureux. C'était Keiji qui avait choisi le prénom de sa sœur. C'était aussi lui qui l'avait élevé et lui avait donné toute l'affection dont elle avait besoin et que ses parents ne lui donneraient jamais. Sa sœur ne savait pas ce qu'étaient des parents, c'était lui qui avait fait son éducation de A à Z. Keiji lui avait expliqué ce que le mot ''parents'' signifiait pour qu'elle ne se fasse pas trop remarquer à l'école. Sa sœur était intelligente, très intelligente, comme lui. Quand il voyait ses parents, il se demandait d'où lui venait toute sa matière grise. Il avait appris à sa sœur à lire vers ses quatre ans. Il y était allé doucement, pour ne pas trop la brusquer. Il avait emprunté plein de livres sur le développement de l'enfant, sur sa psychologie et aussi des livres de pédagogie. Il doit bien reconnaître que sans sœur, il ne tiendrait pas. Il était triste de la vie qu'elle avait, mais il était heureux de l'avoir. Il mettait toujours un peu d'argent de côté pour qu'il puisse, un jour, se sauver avec elle, vivre loin de ses parents.

Il s'avança vers son père.

- Il y a des factures impayées. Si tu ne fais rien, ils vont finir par venir, et tu sais ce que ça veut dire.

- Ta gueule, sale môme, t'as pas à me dire c'que j'dois faire. Casse-toi !

Rassuré, Keiji s'exécuta. Au moins, il ne le frappait pas ou quoique ce soit du même genre. La dernière fois qu'il l'avait contrarié, hier, son père l'avait violemment amené au sol et un coup de pied lui avait refait les côtes. Il douillait encore. Ça lui faisait un mal de chien, mais il ne pouvait rien y faire.

Il remonta dans sa chambre, pris ses cours et partit travailler dans celle de sa sœur, comme à son habitude. Il avait terriblement peur pour elle. C'était à son âge qu'il avait reçu les premiers coups, mais il savait qu'elle s'était déjà prise quelques claques de sa mère. Eri était sage comme une image, il n'y avait jamais eu aucune raison de vouloir s'en prendre à elle. Mais ses parents n'avaient jamais besoin de raisons pour assouvir leur colère. Si le père engueulait la mère, alors cette dernière s'en prenait au premier mioche à disposition. Et il arrivait que ce soit Eri. Akaashi ne voulait pas la laisser seule avec eux. C'est pour cela qu'il leur avait demandé de la laisser à la garderie : elle ne leur courrait pas dans les pattes, et comme ça Keiji pourrait aller la chercher en sortant du lycée, après son entraînement de volley. Ses derniers jours avaient été différents. Ses parents, surtout son père, étaient de plus en plus violent et Eri avait besoin de la présence protectrice de son grand-frère. Il ne pouvait pas la laisser avoir peur seule. Tant pis pour le volley. Il adorait ça, mais sa sœur passait en priorité. Il arrivait toujours à trouver des subterfuges pour protéger sa sœur sans que ses parents ne s'en aperçoivent. Eux, ils étaient stupides, vraiment stupides. Akaashi s'en étonnait toujours. L'alcool et la cigarette les avaient transformés en zombies.

Eri n'était pas grande, comparé à son grand-frère, mais d'une taille normale pour son âge. Malgré l'environnement nocif dans lequel elle vivait, Keiji avait été rassuré de voir qu'elle se développait comme n'importe quel autre enfant. Elle avait des noir cheveux coupés en carré court, ils bouclaient comme ceux de son frère. Ses yeux étaient teintés du même bleu nuit, Keiji trouvait que, trop tôt pour son âge, elle avait un regard dans lequel se lisait qu'elle avait vu déjà trop vu d'aspects négatifs de la vie. Elle était d'ailleurs un peu plus mature que les autres enfants ce qui lui valait parfois d'être persécutée.

Sa mère les appela pour venir manger. Même si leur vie de famille était apocalyptique, le patriarche désirait qu'ils fassent tous les dîners en famille pour qu'il rappelle à toute l'assemblée QUI était le chef ici. Ils mangeaient toujours en silence. Personne ne parlait jamais. Le souper se passa donc en silence, ou presque, seuls les adultes avaient le droit d'échanger quelques paroles. Les mioches fermaient juste leurs gueules.

Le repas fini, leur mère leur ordonna de débarrasser et de faire la vaisselle, pendant qu'eux se mettaient devant leur émission stupide. Keiji lavait et Eri essuyait. Tout se passait bien jusqu'à ce qu'Eri fasse tomber une assiette qui se brisa sur le sol. Aussitôt, Keiji la décala pour ne pas qu'elle se coupe et entreprit de ramasser les morceaux.

- Qu'est-ce que j'ai entendu ?! Gronda leur père.

Ils se figèrent, tous les deux. Le brun se tourna aussitôt vers sa sœur qui commençait à pleurer. Oh non, pensa-t-il. Les parents arrivèrent en trombe dans la cuisine.

- Vous osez nous faire interrompre notre série pour vos merdes ? Eri ! Tu peux pas essuyer correctement comme une grande ? Non ? Oh elle pleure, regardez-la pleurer !

Keiji, toujours agenouillé, se rapprocha d'elle pour la prendre dans ses bras pour la consoler.

- On s'en occuper, dit-il en regardant son père dans les yeux.

- Pas question. Lâche-la. (Keiji refusa). Écoute, si tu ne la lâche pas sur-le-champ, je te jure que tu vas morfler, gamin.

Il s'exécuta à contre cœur. Aussitôt, Eri reçu une violente gifle de sa mère qui la mit au sol et accentua ses pleurs.

- Nan mais t'as pas fini de brailler, ouais ?! Ferme-la, bordel ! Cria la mère.

- Viens-là, Eri, ordonna son père.

Keiji savait ce qu'il allait lui arrivait. Il se releva et s'interposa entre lui et sa sœur.

- Ne lui fait rien. C'est pas sa faute, l'assiette était trop lourde et elle glissait. Si tu veux te venger sur quelqu'un, fais-le sur moi.

Les grosses lèvres dégoûtantes de son père se déformèrent en un rictus malsain.

- Très bien. Eri, tu me ramasses ces morceaux et tu regardes bien ce que tu risques au prochain débordement. Keiji, ton t-shirt.

Le passeur de Fukurodani avait déjà deviné ce dont il retournait. Il essaya de lui tenir tête avec son regard, mais même s'il gardait son calme à l'extérieur, à l'intérieur, il était terrifié. Ses mains tremblaient quand il retira ce qu'il avait sur le haut du corps.

- Tourne-toi et à genoux.

Son père souriait toujours comme un psychopathe découpant sa première victime. Keiji s'exécuta. Son dos était déjà plein de cicatrices plus ou moins anciennes. Il se souvenait de chacune d'elle. Il s'apprêtait à en recevoir des nouvelles. Il avait peur.

Il entendit la ceinture de cuir glisser à travers les passants du pantalon de son père. La lanière de cuir s'abattit six fois sur lui. Six coups qui lui lacérèrent la peau. Keiji sera les dents et ferma les yeux. Pour l'ultime coup, le plus fort, le père changea d'extrémité et frappa de toutes ses forces son fils avec la partie en fer. Keiji ne put retenir un cri de douleur. Il sentit le sang couler le long de sa peau. Il pensa immédiatement à sa sœur qui avait tout vu du spectacle. Ses parents retournèrent comme si de rien n'était à leur série.

Keiji se redressa, le sang coulant dans son dos. Il grimaça de douleur quand il se mit debout. Il se dirigea vers sa sœur pour l'aider à finir de ramasser les moreaux et vit qu'elle s'était entaillée la main. Pris de panique, il enroula sa main dans un chiffon, mit le reste des morceaux à la poubelle et emmena sa sœur dans la salle de bain pour la soigner.

Eri pleurait.

- Ça va, la blessure n'est pas profonde, c'est juste une éraflure.

- Je m'en fiche de ma main ! Mais toi, tu dois avoir tellement mal, Keiji-nii…

- Moi aussi c'est superficiel, t'en fais pas, je vais bien.

- Non, tu vas pas bien… Tu saignes et tu trembles… Je veux pas que tu meures !

Eri n'était pas censée dire ce genre de paroles à son âge. Voilà comment les avaient rendus leurs parents, si tenté peut-on les appeler ''parents''. Akaashi passait son temps à mentir à sa sœur, pas parce qu'il en avait envie, mais pour la préserver encore un peu de ce qu'elle finirait peut-être par vivre. Elle ne le supporterait pas. Il ne le disait pas, ne le montrait pas, mais il avait mal, physiquement mal. Les coups que lui donnait son père était violents, son corps commençait à ne plus tenir. Mais il ne fallait pas qu'Eri s'en rende compte.

- Eri, je ne vais pas mourir, dit-il en finissant de lui mettre un pansement. Tout va finir par se régler. Il faut juste être patients, d'accord ?

Il lui sourit tendrement et elle lui rendit son sourire. Il aimait la voir sourire, lorsque ses traits étaient déformés par la peur, il sentait son cœur se serrer. Il voulait juste la voir avoir une vie de petite fille de six ans comme les autres. Eri s'approcha de lui et s'accrocha à son coup.

- Je t'aime, Keiji-nii.

- Je t'aime aussi, Eri. Maintenant, va dans ta chambre, j'arrive dans deux minutes.

Elle lui fit un bisou sur la joue et partit de la salle de bain. Il devait aussi se soigner lui. Une douleur atroce lui traversait le dos de part en part. Il s'était arrangé pour qu'Eri ne voit pas sa blessure ensanglantée. Il ferma la porte, attrapa du désinfectant et entreprit d'éponger le sang et de se soigner. Il était habitué à faire ce genre de pratique. À force de s'auto-soigner ses blessures dorsales, il avait gagné en agilité. Il fit quand même une grimace parce que se tordre pour se soigner tirait sur sa côte cassée. Mais il n'avait pas le choix, il fallait qu'il passe outre la douleur. C'était faux de penser qu'on s'habituait à la douleur. Keiji était peut-être habitué aux coups, mais à chaque fois, la douleur était différente, et elle lui faisait toujours autant souffrir.

Il finit en silence de se soigner, et s'enroula le buste de bandes.

Il retourna dans la chambre d'Eri, la changea et la mit au lit. Elle demanda une histoire, il lui en lit une, comme à son habitude. Eri faisait des cauchemars la nuit, comme il en faisait à son âge… et comme il en faisait encore. Elle lui demanda de rester avec elle le temps qu'elle s'endorme, ce qu'il fit, comme d'habitude. Les émotions qu'elle vivait quotidiennement la fatiguaient plus que de raison. Ce n'était pas normal, mais Keiji ne pouvait rien faire mise à part la soutenir comme il le faisait déjà.

Quand elle fut endormie, il se leva doucement, et quitta sa chambre pour aller dans la sienne.

Il avait déjà essayé de les dénoncer à la police, ou appeler les services sociaux. Mais son père était trop influent, il avait tout réglé soit en disant que ce n'étaient que des mensonges ou en donnant quelques pots-de-vin pour qu'on oublie l'affaire. Keiji n'avait pas oublié, son corps non plus. C'est de là que venaient les brûlures de cigarettes et trois des nombreuses cicatrices qu'il avait dans le dos. Il s'était alors rendu compte que l'aide ne pourrait jamais venir de l'extérieur.

Pour une raison inconnue, ses parents étaient devenus plus violents ces derniers temps. Il y avait des phases comme ça. Mais là, c'était tous les jours. Tous les jours, il se prenait au moins un coup. D'habitude, c'était deux ou trois la semaine ; mais depuis deux semaines, c'était dur à supporter. Il avait toujours caché ses blessures aux autres avec succès, et utilisait beaucoup de maquillage aussi. Mais ces derniers jours, il n'avait plus le temps. Il se concentrait plus sur la protection de sa sœur, qu'à la protection de son image.

Leurs parents les avaient toujours laissé vivre leur vie. Son père leur donnait de l'argent pour ne pas les avoir dans les pattes. La seule raison de pourquoi il les gardait était d'une part pour la réduction d'impôts, et de l'autre pour asseoir son autorité sur un plus large public que sa femme. Keiji connaissait toute leur psychologie, et savait comment se comporter avec eux, même si parfois, leurs gestes étaient imprévisibles.

Il se coucha à son tour après avoir terminé le peu de devoirs qu'il lui restait. Il était intelligent et faisait toujours son travail rapidement et efficacement. Heureusement, parce qu'élever sa petite sœur était aussi beaucoup de boulot.

Il pensa d'abord à sa sœur. Elle avait aussi des problèmes à l'école, comme si ceux de la maison ne suffisaient pas. Deux garçons de sa classe la martyrisaient et tout le monde les laissait faire. Même les enseignants, pas très fins ceux-là se disait souvent Keiji. Il allait devoir s'en mêler s'il voulait que les choses évoluent. Eri lui racontait ce qu'ils lui faisaient : ils la frappent, l'humilient, lui cachent ses affaires, lui volent ses goûters, plein de petites choses comme celles-ci qui ne faisaient qu'ajouter plus de malheur chez la petite fille. Demain, ils allaient voir.

Ses pensées se tournèrent ensuite vers Bokuto-san. Avec tous les évènements de la soirée, il en avait oublié leur dispute de la veille. Voilà qu'il devenait comme ses parents, à crier pour n'importe quelle raison. Il fallait qu'il arrête s'il ne voulait pas devenir comme eux. Ce sera la pire chose. Mais d'un autre côté, il ne voulait pas mêler Bokuto-san à ses histoires familiales. Si jamais il découvrait l'environnement dans lequel il vivait, si jamais il décidait de parler à ses parents (parce qu'il en était capable), il avait peur de ce qu'il puisse lui arriver. C'était quelqu'un de beaucoup trop important pour Keiji : un des seuls vrais amis qu'il ait jamais eus. Il pensa qu'il faudra qu'il lui présente des excuses le lendemain.

Il s'endormit.


Je reviens rapidement avec une AUTRE fiction ! J'écris pendant mes pauses de révisions, ça fait toujours du bien de souffler un peu !

J'ai classé cette fiction T, mais vu la suite, il y a potentiellement des passages rated M...

J'ai deux autres chapitres déjà écris, je les posterai toutes les semaines je pense.

Reviews svp !