Bonjour tout le monde! Ou toi âme solitaire qui passe par là :P

Voilà une idée que j'ai eue il y a quelques temps... et qui continuera par ici si vous êtes intéressés.

L'histoire commence quelques temps après la saison 4. Je vous souhaite une bonne lecture... et vive les reviews.


"Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé."

Chapitre 1 : Inquiétude.

Samedi 15 octobre 2016 - 7h.

D'abord, ce fut une sensation d'engourdissement. Une apathie générale, qui partait de la pointe de ses orteils, se nouait dans son ventre, lui remontait le long de l'échine et s'achevait par ce frisson glacial, à la base de sa nuque. Cet engourdissement qui lui donnait l'impression de flotter dans l'air. Qui générait cette incapacité à définir les limites de son corps, à décrire dans quelle position elle se trouvait, sur quelle surface elle reposait. Etait-elle assise? Couchée? Sur le dos ou bien sur le ventre? Se trouvait-elle chez elle? Ailleurs? Elle ne parvenait à prendre une décision. Toutes ces pensées peinaient déjà à s'acheminer clairement et à traverser son esprit embrumé.

Ensuite arriva cette sensation d'étouffement, ce poids sur sa poitrine, son corps qui pesait bien trop lourd. Ses poumons qu'elle ne parvenait à remplir pleinement. Elle était oppressée, se sentait écrasée, mais n'était pas certaine que quoi que ce soit repose réellement sur elle. Sa cage thoracique l'emprisonnait et elle haletait. Chaque inspiration se faisait dans la douleur, chaque expiration la tiraillait de l'intérieur.

Puis vint cette migraine, lancinante, qui révélait sa présence par à-coups, alors qu'elle sentait les différentes parties de son être s'éveiller, dans la souffrance. Comme si quelqu'un avait rebranché la prise et que le courant reprenait, rallumant au passage un vieux circuit encrassé. Elle sentit ses doigts se mouvoir sous l'effet de la douleur et prit conscience de ses bras, longs, eux aussi cloués à terre par un poids inexistant. Elle tenta d'amener une main sur son front, pour calmer le marteau-piqueur qui vrillait sa boîte crânienne. Rien ne se passa. À peine si ses phalanges réagissaient. Dans une deuxième tentative, elle y concentra toute son énergie, mais c'est tout juste si elle avait senti son pouce glisser sous sa paume, sur une surface lisse et chaude. Elle ne parvenait à se mouvoir mais retrouvait des sensations, c'était déjà ça.

Sa cheville gauche lui rappela alors son existence, dans un atroce tiraillement, comme pour se venger d'avoir omis sa présence jusque là. Un gémissement franchit ses lèvres. Elle tenta de changer de position, tourna la tête, sentit ses muscles se révéler un à un, chacun d'entre eux lui paraissant meurtri. Elle avait le sentiment d'avoir accompli l'impossible, bien qu'elle eut à peine bougé. Son corps ne l'écoutait plus, elle n'avait plus le contrôle. Elle ne savait si elle était en plein cauchemar, si elle se réveillait après une soirée beaucoup trop arrosée, si elle avait eu un accident, ou si elle avait été passée à tabac. Sa mémoire était une autre pièce du puzzle qu'elle ne parvenait à retrouver. La crainte et l'angoisse qui l'étreignirent soudainement achevèrent de la paralyser.


L'inquiétude. La peur. La culpabilité. Le regret. S'il avait été plus présent… S'il avait fait plus attention… S'il s'était montré moins fuyant… Si elle se réveillait avec des séquelles… si elle ne se réveillait pas… S'il était arrivé plus tôt… S'il avait pris le temps de lui parler… de lui communiquer son inquiétude… s'il n'avait pas ignoré son inquiétude… Heureusement Emma s'était fait du souci pour elle. Heureusement elle avait gardé un œil sur sa mère, veillé sur elle, quand plus personne ne lui prêtait attention. Emma avait tenu un rôle qui aurait davantage dû être le sien. S'il n'avait pas fui ses responsabilités…

Soupir. Sa main vint frotter son front, puis descendit jusqu'à sa nuque. Il massa ses cervicales, fatiguées d'être penchées au-dessus de ce lit depuis hier soir. Il n'avait pas fermé l'œil cette nuit. Il en aurait été bien incapable. Il ne s'en serait voulu que davantage. Elle dormait pour deux depuis hier soir. Il se reposerait quand il aurait la certitude qu'elle serait tirée d'affaire.

Soupir. C'était de sa faute s'ils en étaient là. C'était lui qui avait tout gâché. Qui l'avait laissée tomber alors qu'elle avait eu la force de baisser la garde. Le courage de se mettre à nue, sans artifice. L'honnêteté d'avouer ses faiblesses, pour lui, pour eux. C'est lui qui lui avait claqué la porte aux nez, qui l'avait abandonnée au moment où elle était le plus vulnérable. Elle se montrait solide, voulait convaincre qu'elle était capable d'assumer, de gérer à la fois sa famille et la brigade, seule, sans personne, en toutes circonstances. Elle s'affichait infaillible, mais il savait que ce n'était que pour protéger ce à quoi elle tenait le plus. Pour prouver qu'elle ne regrettait pas d'avoir quitté sa famille, d'avoir divorcé et d'être revenue en France, d'avoir repris un poste de commandant alors qu'elle avait quatre enfants à sa charge. Pour se convaincre elle-même qu'elle pouvait le faire, qu'elle était une femme libre. Elle se négligeait au profit de ceux à qui elle tenait. Elle enfermait son cœur à double tour pour continuer d'avancer et pour ne pas qu'un autre homme ne vienne l'émietter. Avec lui, elle avait accepté de baisser la garde et de faire confiance, de laisser quelqu'un d'autre gérer à sa place. Elle avait pris le risque de se révéler fragile et lui avait offert son cœur sur un plateau. Et il avait fait comme les autres. Il le lui avait piétiné et lui avait prouvé qu'elle avait eu tort de se livrer entièrement. Comme les autres, il l'avait trahie, lui avait montré qu'elle n'aurait pas dû faire confiance. Il s'en voulait. S'il avait fait le bon choix à l'époque, ils n'en seraient pas là. Elle n'aurait pas rebâti cette forteresse autour des failles qui la composent. Elle n'aurait pas été si seule. Elle n'aurait pas risqué sa vie à ce point.

Il avait tellement voulu arranger les choses, faire comme si tout se passait au mieux, qu'il n'avait pas vu la solitude dans laquelle elle s'était murée. Il l'avait crue quand elle lui avait dit, dans un sourire, que tout allait bien. Il avait cessé de chercher plus loin, de fouiller son regard, car il avait voulu se concentrer sur son couple, sur cet enfant qui arrivait. Il avait refusé de voir qu'il y avait de quoi s'inquiéter. Il s'était éloigné, n'avait pas vu que ce lien qui les avait unis s'était brisé, qu'elle s'enfonçait, lentement mais sûrement. Elle avait réussi à l'avoir avec cette façade rassurante qui en bernait plus d'un, celle qu'auparavant il réussissait toujours à déjouer, ce qui l'énervait bien souvent.

Comment en étaient-ils arrivés là? À devenir des étrangers, alors qu'il y a huit mois encore ils étaient prêts à s'engager tous les deux. Un regard leur suffisait pour se comprendre, pour deviner quand l'autre allait mal. Aujourd'hui elle s'était jetée dans la gueule du loup, avait sciemment frôlé la mort, et il n'avait rien vu, rien voulu voir. Parce qu'il avait cessé de lui prêter attention.

Il soupira une fois de plus, anéanti, rongé par la culpabilité. Il rouvrit les yeux et les posa sur le visage pâle de Candice. Ses joues qui prenaient si rapidement des couleurs avaient perdu leur éclat. Ses prunelles océans restaient dissimulées sous des paupières closes. Ses cheveux blonds qu'elle prenait plaisir à coiffer collaient à son front sous l'effet de la transpiration. Ce n'était pas la femme à la personnalité si surprenante qu'il côtoyait depuis plus de quatre ans. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même.

Il laissa glisser ses yeux jusqu'à sa main gauche qui reposait sur les draps blancs du lit, inerte. Ses ongles étaient toujours ornés du même rose poudrée que la veille, quand il avait quitté la BSU en fin de journée, persuadé qu'elle aussi allait rentrer chez elle. Il se souvenait qu'il avait trouvé cette couleur originale, peut-être un peu trop flashy, très Candice. Cette dernière pensée lui arracha un maigre sourire. Il saisit sa main entre les siennes, entrelaça leurs doigts, caressa la sienne de son pouce. La chaleur de sa peau lui apporta la preuve de la vie qui coulait toujours en elle. Il en avait douté un instant. Il serra ses doigts un peu plus fort, dans un énième soupir.

À cette heure matinale, personne ne venait le déranger dans cette chambre d'hôpital. Chrystelle et Medhi étaient retournés à la BSU pour tenter de remonter jusqu'à ceux qui avaient fait ça. Jules et les jumeaux dormaient tranquillement dans leurs lits, ignorant encore tout de la situation. Emma avait fini par accompagner le lieutenant et le brigadier jusqu'à leurs bureaux pour leur dire tout ce qu'elle savait. Il avait dû promettre une dizaine de fois qu'il l'appellerait dès que sa mère bougerait ne serait-ce qu'un cil pour qu'elle accepte enfin de quitter son chevet. Lui était resté pour veiller sur elle, et officiellement pour monter la garde au cas où quelqu'un viendrait profiter de son état de faiblesse pour attenter à sa vie une fois de plus, pour finir ce qui avait été commencé. Jennifer et Lola devaient seulement, elles aussi, tranquillement s'éveiller, dans leur nouvel appartement. Il ne les avait pas contactées depuis son mensonge d'hier soir. Il n'était rentré chez lui que depuis une petite heure quand il avait dit devoir retourner à la brigade. Il avait préféré inventer une planque imprévue plutôt que d'avouer l'urgence de la situation. Jennifer l'avait laissé partir, la mine boudeuse, et il ne l'avait pas rappelée depuis. Chrystelle avait dû alerter Leclerc. La nouvelle devait commencer à se répandre à l'hôtel de police parmi les affectés au service de nuit. D'ici neuf heures, tout le monde saurait. Il devrait rapidement faire part à Jennifer des réels événements, il ne pourrait les lui cacher plus longtemps. Il ne savait d'ailleurs pas pourquoi il lui avait menti en premier lieu. Il faudrait aussi rapidement en parler à Jules, Léo et Martin, qu'ils ne l'apprennent pas de la bouche de quelqu'un d'autre. Emma aurait certainement envie de leur dire elle-même, il l'accompagnerait sûrement dans cette tâche. Il ne voulait pas la laisser affronter cela seule. Il soupira une fois de plus quand il aperçut les premiers rayons de soleil qui traversaient les persiennes de la chambre d'hôpital et venaient chatouiller le linoléum verdâtre. Le lever du soleil annonçait l'arrivée de ces moments qu'il redoutait à l'avance, et par la même occasion son départ du chevet de Candice, de cette place à laquelle il avait le sentiment d'appartenir.

Il souhaitait qu'elle se réveille rapidement et sans séquelle. Il avait envie d'être là quand elle reprendrait conscience. Il voulait pouvoir lui sourire, s'excuser de son absence, passer ses doigts dans ses cheveux et lui dire que tout irait bien désormais, qu'il était là, avec elle. Il ne voulait pas qu'elle ouvre les yeux quand il serait parti à la BSU, qu'elle retrouve ses esprits seule dans cette chambre vide. Il voulait qu'elle sache qu'il était là pour elle, malgré tout.

Il observa son visage quelques secondes encore… puis se résolut à lâcher sa main. Il la reposa avec tendresse sur le drap. Il se leva, remit le fauteuil à sa place contre le mur, puis se pencha en douceur au-dessus du lit. Il déposa sa main sur la tête de Candice dans une caresse légère puis frôla son front du bout de ses lèvres.

- Soigne-toi, je reviens vite, lui chuchota-t-il.

Puis sans un autre regard il se redressa, quitta la chambre, et referma en silence la porte derrière-lui.

Dans le couloir il se saisit aussitôt de son téléphone. Il appela Chrystelle, tandis qu'il faisait les cent pas devant la porte de la chambre de Candice. Elle décrocha rapidement.

- Allo.

- Chrystelle? Vous en êtes où à la BSU, du nouveau?

- Salut Antoine. Non… pas grand chose. On a pris la déposition d'Emma, en détails, pour avoir une solide base de travail. Medhi et moi on a fait nos rapports sur la situation telle qu'on l'a trouvée en arrivant hier soir. On attend le tien pour combler quelques vides entre l'arrivée d'Emma et la nôtre, et faire concorder nos témoignages.

- Comment elle va?

- Elle est chamboulée, elle s'embrouille un peu, certains passages de ce qu'elle raconte ne sont pas très clairs. Elle a besoin de repos pour l'instant, avant de continuer. De faire une pause.

- Tu as parlé à Leclerc?

- Oui. On a hésité, mais on a fini par l'appeler un peu plus tôt ce matin. On ne pouvait pas gérer tout ça tout seul.

- Vous avez eu raison.

- Elle a fait remonter l'affaire auprès du substitut, c'est toi qui est en charge de l'enquête. Elle veut qu'on aille vite sur cette affaire.

Antoine acquiesça d'un signe de la tête. Il s'y attendait. C'était soit ça, soit ils étaient totalement exclus de l'enquête. Le fait que ce soient eux qui soient intervenus sur la scène de crime et qu'ils aient commencé à récolter les premières informations, qu'ils aient été au plus près du commandant Renoir ces derniers jours, leur avait permis d'avoir la priorité. Au moins de cette manière ils continueraient d'être informés et ils sauraient qui a fait ça. Ils ne resteraient pas dans l'ignorance et l'attente face à une enquête classée confidentielle. Quant à aller vite… comme si quelqu'un pouvait douter du fait qu'ils feraient tous leur maximum pour résoudre cette enquête!

- Ok. C'est bien. Des nouvelles d'Aline?

- Pas pour le moment. La BSU commence seulement à se réveiller… on était en effectif réduit jusque là.

- C'est vrai. Michel est arrivé?

- Je crois, il y a quelques minutes.

- Oui, je l'ai croisé à la machine à café, intervint alors le brigadier Bahdou.

- Ok, Medhi tu vas voir Michel, tu lui dis qu'il vienne à l'hôpital, il va s'occuper de la protection de Candice. Je l'attends pour venir vous rejoindre. Je ne préfère pas la laisser seule… on sait jamais…

- Oui…

- Comment elle va? osa enfin demander Chrystelle.

- Toujours inconsciente, en état stationnaire. Les médecins attendent son réveil pour faire d'autres tests et mieux évaluer son état.

Silence au bout du fil. Ils espéraient mieux.

- Je vais prévenir Michel, annonça Medhi.

- Chrystelle, tu peux dire à Emma qu'elle vienne avec Michel. Elle doit n'attendre que ça… et elle pourra se reposer ici dans la chambre, elle sera mieux. On va passer voir Jules et les jumeaux. Je les ramènerai tous ici. Ensuite je vous rejoins à la brigade. En attendant tu vas voir si Aline a une piste et Medhi s'occupe de contacter l'opérateur téléphonique de Candice pour qu'on puisse savoir avec plus de précisions quelles antennes elle a bornées hier soir, et avoir l'historique de ses conversations. Ça nous aidera à commencer à reconstituer sa soirée. Je vais profiter de passer chez elle pour fouiner un peu et voir si je trouve quelque chose.

- Ça roule. Je m'occupe aussi d'en savoir un peu plus sur Pastier, l'homme qu'on a retrouvé avec Candice.

- Ok… À plus.

Il raccrocha, rangea son portable, et retourna au chevet de Candice en attendant l'arrivée d'Emma et Michel. Il se rassit dans le fauteuil matelassé vert foncé, mais cette fois ne le rapprocha pas du lit. Il garda ses distances avec Candice, bien que son regard lui resta aimanté sur elle. L'arrivée d'Emma et Michel était imminente. Il ne voulait pas être surpris dans un moment d'intimité, il ne voulait pas être pris de court. Candice restait son amie, ni plus ni moins. De toute manière après les événements de la veille et ce qui y avait conduit, il ne méritait même plus son amitié.

Les doigts qui martelaient les accoudoirs du fauteuil, le regard vissé sur le visage pâle et impassible Candice, Antoine attendait que la porte s'ouvre, et que l'enquête commence vraiment pour lui aussi. Ils voulaient des réponses, et rapidement. Ils voulaient rendre justice à Candice, comme elle le méritait. Et il voulait être de retour avant qu'elle ne se réveille.


Voilà... les chapitres suivants sont plus longs. J'attends votre avis!