Après la pluie…

Genre (amélioré) : guimauve (désespérément GSR comme d'habitude), friendship et absolument pas d'aventure ni de policier (où alors juste en arrière fond, mais très très loin…)

Saison : après la cinq à priori (et le dernier épisode en particulier par contre je situe l'action environ trois semaines avant Noël et je ne pense pas que ça corresponde vraiment…)

Spoilers : à peu près tous les épisodes à connotation 'GSR' et la saison 5 en particuliers (mais voilà, je n'ai pas vu à la saison alors je ne m'appuie que sur ce que j'en ai entendu et ce que tout le monde en sait : les changements d'équipe, la présence de Sofia, le comportement de Catherine, la confession de Sara, l'enlèvement de Nick…) peut-être un peu la 6 aussi

Disclaimer : ni les personnages ni l'histoire originale ne sont à moi (j'imagine que je ne vous apprends pas grand-chose, là…)

Notes : C'est mon deuxième essai avec CSI donc je demande – une nouvelle fois – votre indulgence ;-) par contre tous les conseils sont les bienvenus. J'essaye de m'améliorer mais ce n'est pas encore ça, en plus je veux trop en mettre donc ça donne quelque chose de pas très cohérent, enfin vous verrez… Comme je l'ai déjà fait la dernière fois, je vais utiliser quelques expressions en anglais ('Honey', 'Sunshine', 'Darling', 'sweetie'… ça rend mieux qu'en français je trouve – opinion personnelle) mais je pense que tout le monde les maîtrise – relativement parlant. Une dernière chose, j'aime autant vous prévenir, ça risque d'être long et très… 'fleur bleue' vers la fin. Désolée, je ne peux pas m'en empêcher.

Dédicace à : Isa (nouvelle fan de GSR à cause de moi, mea culpa… ;-)), Morgane (ou Lily ou quelque soit le nouveau pseudo qu'elle se soit choisi, hein miss ?), Leïla (qui refusera catégoriquement de lire cette fiction mais que j'adore quand même) et à Megara ma première 'revieweuse' des experts et qui a été adorable (et pour qui je vais tenter de découper cette histoire en chapitres :-))

(Every times, B. Spears)

- « Je t'ai dit que je n'avais pas faim ! » s'exclama Sara en faisant voler d'un geste rageur le plateau de nourriture que Warrick venait de poser sur ses genoux.

Le bruit de la vaisselle s'écrasant sur le carrelage résonna longtemps dans le couloir du Desert Palm Hospital. Déchirant ainsi le silence qui y régnait depuis quelques heures. La tension – déjà on ne peut plus électrique – grimpa d'un seul coup. Mais des quatre autres personnes présentes, aucune ne dit mot. Ils étaient bien trop effondrés pour ça. Bien trop bouleversés. Trop épuisés aussi. Ils attendaient ici depuis des heures. Dans ce couloir sombre et désespérément vide. La jeune femme brune sembla soudain réaliser ce qu'elle venait de faire. Confuse, elle pâlit encore davantage et pinça ses lèvres l'une contre l'autre. Ses yeux étaient brillants de larmes. Elle leva un regard éperdu et désolé vers le jeune afro-américain qui lui faisait face.

- « Je suis désolée… Je… je ne voulais pas… » Sa voix se brisa dans un sanglot avant qu'elle ne puisse aller plus loin.

Mais elle n'avait pas besoin d'aller plus loin. Son ami avait compris. C'était prévisible. Toute cette pression ces derniers jours… Et Nick à quelques mètres, entre la vie et la mort. Il était normal qu'elle craque. Il fallait qu'elle le fasse. Personne ne c'était vraiment étonné du fait qu'elle n'ait pas perdu son sang-froid avant ça. Après tout, c'était Sara. Du reste ils avaient tous fait preuve d'un sang-froid exemplaire contenue de la situation. Mais elle surtout. Et c'est elle qui avait largement contribué à la localisation du jeune expert. Elle n'avait pas prononcé un mot depuis qu'ils l'avaient retrouvé. Jusqu'à maintenant.

- « Ça va aller » fit Warrick à voix basse. Gentiment. Avec précaution. Comme on parle à un enfant dont on appréhende une réaction violente – sur le point d'entrer dans une colère terrible… ou de fondre en larmes.

- « J'ai… j'ai tellement peur… » murmura Sara d'une voix si faible qu'il crut un instant l'avoir rêvé. Mais la détresse dans ses yeux ambrés était réelle, elle. Ils avaient tous peur.

Le jeune homme s'approcha d'elle et l'attira doucement à lui. La brunette se laissa aller contre son torse. Bientôt ses frêles épaules furent secouées de sanglots silencieux. Warrick resserra son étreinte autour d'elle. Il déposa un baiser sur son front et caressa affectueusement ses boucles brunes. Très lentement. En lui murmurant des paroles réconfortantes. Il n'était pas vraiment doué pour ça. Normalement c'était Nick qui s'occupait de sa 'petite sœur'. Mais Nick n'était pas là. Justement. Les mots qu'il prononçait n'avaient aucun sens. Mais ça n'avait pas d'importance. Elle était dans un état de fatigue bien trop avancé pour y prêter la moindre attention. Pour l'instant elle n'avait conscience que de la chaleur réconfortante de son corps contre le sien. Rien d'autre.

Le couloir était de nouveau calme. Sara et Warrick enlacés en son milieu. Greg assis à même le sol un peu plus loin. La tête dans ses bras. Jim sur une chaise de l'autre côté. Un café à la main mais le regard dans le vide. Et Grissom, adossé au mur. En retrait. Tous pâles et les traits tirés. Catherine avait finalement du rentrer auprès de Lindsay. Elle ne l'avait pas vue depuis plus de 48 heures. L'explosion n'avait heureusement blessé personne. Mais Nick n'était pas sorti d'affaire. La séquestration, la sous-alimentation, la déshydratation, le manque d'oxygène et surtout le traumatisme psychologique l'avait grandement affaibli. Il avait sombré dans le coma peu après son arrivée à l'hôpital. Quatre heures auparavant. Depuis ils n'avaient aucune nouvelle. Si ce n'est qu'il allait s'en sortir. C'était déjà ça.

Sara nicha son visage dans le cou de Warrick, les yeux clos. Ses larmes s'étaient taries. Elle n'avait plus qu'une envie. Se réveiller de ce cauchemar. Cet horrible cauchemar. L'enlèvement de Nick, la course contre la montre, l'explosion… La peur, l'angoisse, la terreur, le doute, la monté d'adrénaline et puis la chute. Brutale. Douloureuse. Irréelle. Elle n'arrivait pas à se convaincre que tout était fini à présent. Personne n'y arrivait. Mais la vérité était que son propre cauchemar durait depuis bien plus longtemps que ça. En fait, son cauchemar, à elle, durait depuis près de deux ans. Un très long cauchemar. Peut-être même que celui là durait depuis cette nuit une vingtaine d'années auparavant. Ou peut-être que toute sa vie n'était qu'un mauvais rêve… Elle voulait juste que ça s'arrête.

Ce furent des bruits de pas qui sortirent Grissom de la semi torpeur dans laquelle il était plongé. Il ouvrit les yeux et se redressa sur son siège – sur lequel il ne se rappelait même pas s'être assis. Comme à chaque fois la présence de décorations festives tout autour d'eux – guirlandes lumineuses, pères Noël débonnaires, boules étincelantes, arbres de Noël synthétiques, guis – lui sembla mal placée. En leur rappelant la proximité des fêtes de fin d'années, ces décorations formaient un contraste saisissant avec leur état d'esprit actuel. L'entomologiste chassa ses pensées d'un geste de la tête. Puis il se leva pour aller au devant du médecin qui arrivait. L'homme semblait fatigué mais ces traits étaient détendus. Cela rassura le scientifique. Les nouvelles ne devaient pas être mauvaises. Bon point.

Il jeta un œil à la pendule – qui indiquait 13h20 – et se rendit compte qu'il ne s'était écoulé que deux heures depuis la dernière fois qu'il avait regardée. Il échangea un regard avec Brass, assis à ses côtés avant de se tourner vers les autres membres de son équipe. Un sourire étira ses lèvres quand ses yeux se posèrent sur la silhouette endormie de Greg. Toujours par terre. A moitié affalé contre le mur. Ensuite Grissom reporta son attention sur le couple un peu plus loin. Son visage s'adoucit et son sourire se fit plus tendre. Sara était à demi allongée contre le torse de Warrick. Ses boucles brunes encadraient son visage angélique. Elle semblait si sereine. Si vulnérable aussi… La joue du jeune afro-américain reposait sur la tête de la brunette alors que ses bras enserraient sa taille fine. Ils dormaient.

Quand il revint au médecin, il remarqua – non sans un certain agacement – que le regard de l'homme en blanc suivait la même direction que le sien précédemment. Et le sourire – mi-attendri mi-appréciateur – qu'affichait le docteur ne lui disait rien qui vaille. Oui, Sara était adorable comme ça. Mais c'était sa Sara. La sienne. Il mesurait bien le ridicule d'une telle affirmation. Surtout en ce moment. Quand leur complicité était à son niveau le plus bas. Que leur attitude l'un envers l'autre était des plus 'fraîche'. Et que leurs échanges se limitaient au strict minimum. Les tords étaient sans doute partagés. Même si sa responsabilité à lui… Bien, oui. C'était en grande partie de sa faute. Il le savait. Il le regrettait. Vraiment. Mais, pourtant, il ne faisait rien pour y remédier. Paradoxale comme attitude. Et lâche aussi.

Et injuste. Envers elle. Elle, qui était la dernière personne qu'il aurait voulu faire souffrir. Elle qu'il aimait plus que sa vie. Elle, qu'il repoussait inlassablement – alors qu'il invitait Sofia à dîner… Sa dernière stupidité en date… Il ne prétendait pas – et n'avait jamais prétendu – agir rationnellement. Certains le considéraient comme un génie. Cela ne valait manifestement pour les relations humaines. C'était quelque chose qu'on n'apprenait pas dans les livres. Ça s'apprenait toutefois. Mais n'était-ce pas trop tard ? La seule avec qui il aurait aimé, voulu apprendre…Sara… était sans doute en train de le maudire dans son sommeil. Et elle aurait raison. Il l'avait fait souffrir. Pas volontairement, certes. Mais le mal était là. Il s'était longtemps demandé pourquoi elle semblait encore tenir à lui. Et puis un jour c'était fini. Plus de sourires. Plus de regard. Plus d'espoir…

Elle avait renoncé. Et là, il s'était senti sombrer. Il avait tout fait pour ça mais il ne l'avait pas voulu. Pas vraiment. Vraiment pas. Ça c'était encore vérifié quelques heures auparavant. Il y a cinq ans, c'est vers lui qu'elle se serrait tournée dans de telles circonstances. Mais c'était dans les bras de Jim puis de Warrick qu'elle s'était réfugiée – Greg étant lui-même bien trop dépassé. Dieu sait que pourtant il ne l'aurait pas repoussée. Sa Sara... Enfin, il devait relativiser. Depuis qu'il l'avait défendue devant Ecklie et qu'elle c'était confié à lui, les choses allaient mieux. Relativement. Disons qu'elle lui épargnait ses regards meurtriers et ses remarques cinglantes. Et il lui épargnait son ingérence dans ses enquêtes et ses réflexions acerbes. Ils travaillaient ensemble dans une relative harmonie.

Mais la complicité des débuts n'était définitivement plus là. Elle préférait être avec Greg maintenant. Il en avait conscience. Et ça aussi il l'avait cherché. Il avait sciemment entretenu une certaine compétition entre Sara et Sofia. Bêtement. D'autant plus que la brunette avait d'ores et déjà l'exclusivité de son affection – même si elle ne le savait pas. Tout ça pour dire que Sara et Greg s'étaient énormément rapprochés. Et ce n'était pas pour lui plaire. Le jeune homme n'avait jamais caché son attirance pour sa coéquipière. Il l'entourait. Il était là pour elle… Si jamais elle venait à choisir, Grissom se doutait bien qu'en toute objectivité il ne pouvait pas gagner. Il ne le méritait pas. Il ne la méritait pas. Mais quelque part il n'était pas sûr que ce genre de considération fût à prendre en compte…

Il n'avait jamais mérité l'attention qu'elle lui portait. Jamais. Mais pourtant elle la lui avait accordée. Elle l'avait aimé. Aimé comme il n'avait jamais pensé pouvoir l'être et comme il ne le serait probablement jamais plus. Et elle avait fait naître en lui ce même sentiment. Un sentiment profond, troublant, fort, effrayant. Il s'était souvent demandé pourquoi. Pourquoi l'aimait-elle ? Comment elle – si belle, si jeune, si intelligente – pouvait aimer un homme comme lui ? Ça n'avait pas de sens. Pendant longtemps il n'y avait même pas cru. Il n'avait pas voulu y croire. Et lorsqu'il avait finalement compris que toutes ses peurs, tous ses doutes n'étaient rien face à ce qu'il ressentait, il n'avait pas su quoi faire. Non, il savait ce qu'il voulait faire. Mais la vérité c'est qu'il était terrifié. Totalement.

- « Vous êtes les collègues de Nick Strokes ? » interrogea le médecin en arrivant à la hauteur des experts.

- « Oui » répondit immédiatement l'entomologiste alors que Brass les rejoignait. « Comment va t'il ? » reprit t'il en réajustant ses lunettes sur son nez.

- « Il va bien » le rassura immédiatement le docteur – Mattew Carter comme il était indiqué sur son badge – avec un sourire engageant. « Il est sorti du coma depuis une heure maintenant. Il dort à présent. Il ne se réveillera pas avant quatre heures mais il ne gardera aucune séquelle physique. Il a du la chance malgré tout… »

- « On peut le voir ? » le coupa une voix féminine pas très assurée, derrière Grissom, le faisant se retourner par la même occasion.

C'était Sara. Toujours aussi pâle – et toujours aussi belle selon lui. Et manifestement bien réveillée. Warrick et Greg, debout eux aussi, se tenaient juste à ses côtés. Anxieux. Visiblement au bord de l'épuisement. Mais soulagés aussi par les dernières paroles de l'intervenant. L'arrivée récente du médecin les avait manifestement sortis du sommeil. Carter s'adressa à la jeune femme brune avec un regard des plus amicales – et qui aurait pu tout aussi bien être qualifié de 'charmeur' dans d'autres circonstances rumina intérieurement Grissom. Encore plus irrité par le fait que ce médecin ne dépassait pas la quarantaine et avait des allures de play-boy. Pire, de play-boy intelligent – bien plus dangereux. Il secoua la tête Cela témoignait bien de l'emprise que Sara avait sur lui. Il n'avait jamais été jaloux avant 'elle'…

- « Et bien… » commença le docteur, visiblement embarrassé. « Normalement, seule la famille est autorisé à voir le patient à ce stade » expliqua Carter, à regret. « Toutefois, étant donné les circonstances je pense que l'on pourrait envisager… » Il se tourna plus particulièrement vers l'entomologiste. « Monsieur Grissom, étant donné que vous êtes le supérieur du patient, je pense que je peux faire une exception, ne serait-ce que pour le bien de l'enquête » proposa t'il avant de se tourner vers Sara avec un air entendu. « Et il me semble qu'en tant que fiancée de monsieur Strokes, miss Sidle pourrait également aller le voir… Chambre 342 » conclut-il en hochant la tête.

La jeune scientifique le remercia d'un sourire. Le médecin savait parfaitement qu'elle n'était en aucun cas fiancée à son ami mais c'était un moyen de contourner le règlement. Et elle lui fut reconnaissante de cette attention. Grissom, lui, se retourna vers ses deux collègues. Ils savaient Warrick et Greg plus proches de Nick que lui-même. Et il savait qu'ils auraient aimé le voir. Les deux jeunes hommes acquiescèrent cependant. Signe de leur approbation face à la proposition du médecin. Le scientifique rencontra ensuite les yeux de Sara qui lui sourit faiblement. Il glissa une main dans le dos de la jeune femme et l'invita à avancer. Ils suivirent le médecin qui les laissa devant une porte blanche. Et puisque que sa collègue ne semblait pas se décider, l'entomologiste prit sur lui d'abaisser la poignée.

(Wherever you will go, The Calling)

Sara entra la première dans la pièce. Pleine d'appréhension. Elle fit quelques pas. Son regard embrassa brièvement la salle. Impersonnelle. Froide. Et silencieuse – mis à part les 'bip' répétitif des machines. Une banale chambre d'hôpital… Le cœur au bord des lèvres elle concentra son attention sur le lit qui lui faisait face. Et sur le jeune homme dans ce lit. Nick. Celui qu'elle considérait comme son grand frère… Retenant avec peine un sanglot, elle ramena ses bras contre elle. C'est un goût étrangement métallique dans sa bouche qui lui fit réaliser qu'elle se mordait la lèvre inférieure. Vieux réflexe pour ne pas pleurer. Ça semblait si irréel. Lui, ici. Lui si pâle. Si fragile. Si loin du jeune homme qu'elle connaissait. Si loin du jeune homme plein de vie et toujours de bonne humeur qu'il était.

Si loin du jeune homme qui savait si bien la réconforter et la faire rire. Lui qu'elle avait failli perdre pour de bon, cette nuit. Elle ferma les yeux un instant. Elle n'arrivait pas à se faire à l'idée que c'était fini. Vraiment. Qu'il était sauvé pour de bon. Qu'ils avaient réussi. Une main – ferme et rassurante – sur son épaule la fit se retourner à moitié. Son regard accrocha celui de Grissom. D'un bleu sombre. Plein du même soulagement et de la même incertitude. Lui non plus ne parvenait pas à croire que la course contre la montre était finie. Que Nick n'était plus en danger. Mais il y avait autre chose dans ses yeux. De l'inquiétude, de la douceur… pour elle. Aussi, quand il l'attira dans ses bras, elle ne résista pas. Les paupières closes, elle le laissa l'envelopper dans une étreinte réconfortante. Réconfortante et tendre.

Ses mains sur sa taille. Son souffle dans son cou. La chaleur de son épaule contre sa joue. Dieu comme elle aimait ça… Ses propres bras vinrent se nouer autour de la nuque de son superviseur. Là elle était sûre de rêver. Mais là elle se sentait bien. Si elle appréciait le confort des bras de Warrick, il n'avait pourtant rien de comparable avec celui que lui procuraient ceux de Grissom. Sans doute parce que, si elle aimait énormément son coéquipier, elle était désespérément amoureuse de son supérieur. Et quand bien même ce sentiment n'était pas réciproque, les faits étaient là. Ça pouvait être très douloureux. Comme la plupart du temps. Ou délicieux. Comme à l'instant… Elle s'était promis quelques mois auparavant que c'était fini. Qu'elle ne devait plus l'aimer. Qu'elle ne voulait plus l'aimer.

Alors, elle avait essayé. Essayé de s'éloigner. Ce n'était pas très difficile en soi. Le propre comportement – l'indifférence – de Grissom l'aidait... En fait, ce n'était pas tout à fait juste. Son comportement l'aurait aidé, avant. Mais juste quand elle avait enfin réussi à se convaincre que c'était sans espoir, qu'elle ne pouvait rien attendre de lui, il s'était radouci. C'était quasiment imperceptible mais c'était bien réel. Il avait été là. Il l'avait écouté. Il l'avait réconforté. Puis il s'était de nouveau éloigné. Enormément. Pourtant quelque chose avait changé. Alors, si elle s'était fait violence pour contrer de vains espoirs, elle s'était dit que peut-être, ils pourraient redevenir amis. Comme avant. Elle ne savait pas si elle supporterait d'être son amie. Juste son amie. Elle ne savait pas si une nouvelle complicité platonique ne lui ferait pas plus de mal que de bien. Si ça en valait la peine…

Le fait est que parfois elle se demandait se il ne lui serrait pas plus facile de tout quitter… de le quitter. Mais abandonner ses amis juste pour le fuir 'lui'… Non. C'était injuste. Elle ne pouvait s'y résoudre. Pourtant parfois il lui faisait tellement mal… Parfois elle le haïssait si fort… Comme quand elle avait appris qu'il avait invité Sofia à dîner. Là, elle l'avait vraiment détester. Disons qu'elle avait surtout détesté le fait d'être jalouse. C'était par trop ridicule. Elle n'avait plus 16 ans… Toujours était-il que si son cœur n'avait pas déjà été en miettes, il se serait sans doute brisé. Le problème n'était pas tant dans le fait qu'il puisse aimer 'l'autre' et ne pas l'aimer 'elle.' Mais plutôt parce que cela signifiait que si 'elle' ne valait pas la peine de prendre des risques – comme il l'avait expliqué à Lurie – il acceptait d'en prendre pour l'autre. Ça c'était vraiment blessant et douloureux.

Cependant, d'un autre côté, même si elle désirait de toute son être l'oublier… Elle savait qu'elle n'y parviendrait pas. Comme lui avait dit sa mère il y a longtemps, 'on aime avec son cœur, pas avec sa tête'. A l'époque la petite fille qu'elle était avait trouvé – une fois de plus – Elisabeth Sidle en train de pleurer. Dans la cuisine. Elle lui avait demandé pourquoi elle restait avec son père si il lui faisait du mal. Ce proverbe avait été sa réponse. Elle le comprenait maintenant. Mais si sa mère avait fini par sombrer, elle ne sombrerait pas. Elle l'aimait. La lutte était inégale. Elle se souvenait de la douleur qu'elle avait ressenti quand elle avait su qu'il y avait eu une explosion. Que Grissom y était. Elle avait eu tellement peur. Il aurait pu mourir. Nick aussi aurait pu mourir. Elle aurait pu les perdre tous les deux…

Soudain elle ne contrôla plus rien. Tout son corps était prit de tremblements. La pression se relâchait pour de bon cette fois. Des larmes forcèrent le barrage de ses yeux et roulèrent sur ses joues. Ses pensées s'embrouillèrent. Ses jambes vacillèrent. Elle se sentait nauséeuse. Sa tête était douloureuse. Et puis ce fut le noir. Elle eut à peine conscience des bras qui la retenait contre un torse chaud. D'un appel. De bruit de pas précipités. Quelqu'un la portait. Quelqu'un qui marchait. A travers un doux tissu, elle sentait une sourde et rapide pulsation. Il y avait une voix qui parlait tout bas. Une voix tendre. Sara, honey… honey… Lointains, très lointains des bruits lui parvinrent. Ce furent ces bruits qui la ramenèrent à la réalité et lui firent ouvrir les yeux. Elle les referma aussitôt.

Trop de lumière. Elle détestait les hôpitaux pour diverses raisons et pour ça en particulier. Leur lumière crue et blafarde. Agressive. Désagréable. La première chose dont elle prit conscience, c'est qu'elle était allongée. La deuxième chose dont elle prit conscience c'est que la haute silhouette dressée près d'elle était celle de Grissom. Et que la main qui recouvrait la sienne était également celle de l'entomologiste. Les bruits lointains étaient ceux des machines. Une légère pression sur ses doigts l'incita à relever les yeux. A peine avait-elle songé que cette mèche brune et légèrement ondulé – et qui lui barrait accessoirement le front – l'agaçait au plus haut point, qu'une main vint doucement la replacer derrière son oreille en s'attardant fugitivement sur sa joue. La main était chaude et contrastait agréablement avec la froideur de sa propre peau.

- « Hey, honey… ça va ? » murmura Grissom en souriant légèrement. La jeune femme hocha brièvement la tête et emmêla ses doigts aux siens. Le sourire de l'entomologiste s'élargit. Leurs yeux s'accrochèrent. Pourquoi avait-il l'impression de ne vivre que pour ces moments ? Si rares maintenant et pourtant si précieux.

- « Humm… » La voix du docteur leur fit tourner la tête. « Une bonne chute de tension du à un stress et à une fatigue intenses » commença Carter en examinant la feuille de soin qu'il tenait dans ses mains. « Ainsi qu'une légère hypoglycémie. Depuis quand n'avez-vous pas mangé miss Sidle ? » demanda t'il en relevant les yeux avec un large sourire pour sa patiente.

- « Je ne sais pas » avoua Sara en se redressant aidée de Grissom. Déjà qu'en règle générale se nourrir n'avait jamais constitué l'une de ses priorités alors là…

- « C'est bien ce qui me semblait » fit le médecin en hochant la tête. « Je reviens dans une minute » ajouta t'il en quittant la pièce.

- « Comment va Nick ? » interrogea brusquement Sara en se retournant vers son supérieur.

- « Comme il y a 10 minutes je suppose » lui répondit-il, malicieux, amusée de sa fougue soudaine.

- « Je veux le voir ! » exigea t'elle en tentant de se relever malgré les protestations de sa tête encore douloureuse et de son corps courbaturé.

- « Non, non, non… » répliqua Grissom en l'obligeant à rester assise. « Tu es restée inconsciente près de 8 minutes. Tu as besoin de repos. »

La jeune femme brune lui jeta un regard meurtrier mais il ne s'en émut pas plus que ça. Derrière la noirceur feinte de ses pupilles, elle ne parvenait pas à cacher cette étincelle de malice qui l'habitait. Jamais il ne s'était aussi proche d'elle depuis des années. Dans des circonstances autres que dramatiques s'entend – quoique que dans la catégorie 'dramatique' celle-là n'était pas mal non plus. Et cela lui réchauffait le cœur. Ils restèrent silencieux quelques minutes, goûtant au simple plaisir d'être ensemble. C'est le retour du médecin qui les ramena à la réalité. Il poussait devant lui un fauteuil roulant qui fit grimacer Sara. Les deux hommes échangèrent un regard entendu et sourirent.

- « Bien, je vais vous proposer quelque chose » lança le docteur d'un ton joyeux. « Soit vous restez ici, dans cette chambre, allongée avec une perfusion… » Sara allait protester mais un regard de Grissom l'en dissuada. Elle adopta cependant la mine boudeuse d'un enfant que l'on oblige à faire la sieste. « Soit je vous laisse rejoindre la chambre de votre ami là-dedans. » Il désigna le fauteuil. « Et vous devrez manger ce-ci » conclut-il en sortant de sa poche une barre chocolatée. « Alors ? »

- « Il est hors de question que je m'asseye dans ce… truc. Je ne suis pas infirme ! » se récria la jolie brune en croisant les bras sur sa poitrine.

- « Sara… » la gronda gentiment Grissom.

- « Pas question ! » rétorqua Sara, plus butée que jamais.

- « Je pourrais aussi vous donner un sédatif et vous dormirez jusqu'à demain… » suggéra Carter avec un petit sourire en coin.

L'entomologiste se retint difficilement d'éclater de rire devant la mine effarée de sa jeune subordonnée. Il imaginait aisément les pensées qui traversaient actuellement la jolie petite tête de son amie. Elle détestait plus que tout l'inaction. Elle ne supportait pas de laisser transparaître sa fragilité. Son humanité. C'est pourtant ce qu'il chérissait le plus en elle. Cette vulnérabilité derrière la femme forte, courageuse et déterminée.

- « Et de toutes façons vous allez devoir vous reposer » renchérit Carter. « Au moins une semaine sans travailler… »

Grissom fit discrètement signe au médecin de ne pas aller plus loin. Certes, la situation l'amusait mais pousser la jeune femme à bout n'était certainement la meilleure des choses à faire. Surtout dans ces circonstances. D'autant plus que, le cas échéant, cela se retournerait probablement contre lui.

- « Ok, et si j'accepte d'aller dans ce foutu fauteuil ? » soupira la jeune femme en passant une main sur son front, résignée.

- « Cinq jours de repos » annonça le docteur avec un sérieux exagéré.

- « Deux » répliqua la brunette en soutenant son regard.

- « Quatre » renchérit le médecin, visiblement amusé par cet échange.

- « Trois » proposa Sara, presque suppliante, dans une dernière tentative de négociation.

- « Quatre. Et c'est mon dernier mot » trancha Carter en souriant. « D'une manière ou d'une autre ça ne vous sera que bénéfique » ajouta t'il, espiègle. « De plus cela vaut pour vos collègues également. Je ne veux voir aucun de vous sur le terrain ce soir ou demain. »

- « Okay… » céda la jeune experte sur le ton qu'elle aurait adopté pour se résigner à subir un quadruple pontage du cœur suivi de trois mois de complète inactivité. Elle voulait bien faire sentir au médecin qu'elle lui accordait un privilège et qu'il n'avait pas intérêt à en rajouter. Et il semblait avoir bien compris le principe. « Je peux retourner voir Nick, maintenant ? » reprit t'elle sans cacher son exaspération.

- « Oui, mais pas plus de d'une heure, après vous devrez vous reposer » répondit Carter, toujours souriant.

- « Mais s'il se réveille ? » s'exclama la jolie brune, manifestement réellement angoissée à cette idée. « Il va être tout seul… »

Le médecin secoua la tête en souriant puis leva les yeux au ciel. Il allait céder. C'était évident du point de vue de Grissom. Qui pouvait humainement résister à ses tendres yeux chocolat suppliant et à son sourire enjôleur ? Pas lui en tous cas. Du reste Sara savait aussi qu'elle avait d'ores et déjà gagné cette manche. C'était écrit dans ses yeux.

- « D'accord. Admettons que je vous autorise à rester avec lui jusqu'à ce qu'il reprenne conscience… » commença Carter. « Mais vous devez me promettre que dès que ce sera fait vous irez dormir » ajouta t'il, amusé par l'air triomphal qu'arborait la jolie brune. « De toutes façons monsieur Strokes aura besoin d'énormément de repos. »

Grissom et Sara acquiescèrent. Il ne doutait pas que Nick aurait besoin de temps pour se remettre de cette épreuve. Beaucoup de temps. Et qu'il aurait besoin d'eux. Ils seraient là… L'entomologiste laissa ensuite son regard dévier sur Sara. Elle aurait besoin de lui, elle aussi. Et il était prêt à lui donner tout ce qu'elle voudrait. Tout. Peut-être qu'alors ils retrouveraient cette complicité qu'il avait pris soin de saboter et qui lui avait tant manquée. Oui, paradoxale. Il était au courrant. Et peut-être même qu'elle lui laisserait une autre chance. Il aurait bien dit une 'deuxième chance' mais il se doutait qu'elle lui en avait déjà accordées un certain nombre. D'abord il voulait regagner son amitié. Mais Dieu savait que lui désirait plus…

- « C'est promis » assura Sara au médecin. « Je veux juste être là à son réveil. Après j'irais me reposer. » Son air était on ne peut plus sérieux mais ses yeux… Espiègles. Voilà ce qu'ils étaient. Espiègles et magnifiques songea Grissom.

- « Bien, je vais vous laissez maintenant. J'ai encore du travail » fit le médecin en consultant son biper. « Je passerais vous voir plus tard pour vérifier que tout va bien » ajouta t'il, un peu moins 'professionnellement', avec un sourire et à l'attention de la jolie brune uniquement.

Les deux experts le saluèrent alors qu'il quittait la salle. La jeune femme releva la tête vers son superviseur et le gratifia d'un sourire rayonnant. Exceptionnel. Un de ceux qui lui avait tant manqué. Il lui sourit en retour. Comment un simple sourire pouvait-il avoir cette faculté extraordinaire de le faire se sentir aussi bien ?

- « Alors ? » demanda t'il finalement Grissom en glissant négligemment ses mains dans ses poches. Il affichait une nonchalance qu'il était loin de ressentir.

- « Alors, on y va… C'est parti ! » lança t'elle en se levant avec enthousiasme. Elle se sentait étrangement à l'aise avec lui à ses côtés. Le fait est qu'elle n'aimait pas se faire surprendre en position de faiblesse mais elle s'était déjà laissée aller pas mal de fois devant Grissom. Et puis son support à lui représentait tellement… Sans compter qu'elle le sentait ce soir beaucoup plus ouvert, beaucoup plus proche d'elle qu'il ne l'avait été depuis bien longtemps.

Anticipant ce qui allait suivre l'entomologiste s'approcha d'elle juste à temps pour la recevoir dans ses bras alors qu'elle vacillait. Rares étaient les fois où il pouvait lui apporter un vrai soutien physique. Ou un vrai soutien tout court. Parfois il le lui avait refusé. Rarement. Juste quand il avait peur de ne pas pouvoir résister. Juste quand il avait peur de ne pas pouvoir maintenir cette distance entre eux. Cette distance qui lui semblait nécessaire auparavant. Cette distance qu'il savait intolérable à présent. Il devait réparer ses erreurs avant qu'il ne soit trop tard. Avant qu'elle ne décide qu'il est trop tard.

- « Allons, où crois-tu aller comme ça ? » la taquina t'il tandis qu'elle prenait appuie sur sa main. « Dans le fauteuil, et plus vite que ça ! » lui ordonna t'il gentiment en passant un bras autour de sa taille fine.

- « P-a-s q-u-e-s-t-i-o-n ! » lui répliqua t'elle en articulant avec aplomb, mais souriante.

- « Il faut toujours écouter ce que disent les docteurs » reprit Grissom avec un grand sourire en la soulevant dans ses bras sans prévenir.

Il ne savait pas trop comment il avait osé faire ça. Ni même pourquoi. En fait il n'avait pas vraiment réfléchi. Ça lui était venu spontanément – c'était d'ailleurs bien la première fois depuis longtemps qu'il agissait spontanément envers. Mais après tout c'était juste amical, non ? Bon, il n'aurait certainement pas agit de la même façon avec Catherine mais Sara ne pouvait pas le deviner, pas vrai ? Il la contempla un instant. Ses yeux chocolat qui l'interrogeaient en silence. Ses sourcils froncés. Son petit nez délicatement retroussé. Ses joues rosies. Ses lèvres légèrement entrouvertes… Adorable. Définitivement adorable. Ce n'était pas un scoop en soi. Il l'avait toujours trouvée adorable. Déjà la première fois qu'il l'avait vue 10 ans auparavant… Sur ce banc. Dans cet immense amphithéâtre.

Au milieu d'une centaine de personnes, c'est sur elle que son regard s'était posé en premier. Et il ne l'avait pas quittée de toute la séance. Il n'avait tout simplement pas pu… D'abord trop surprise pour avoir une quelconque réaction, elle secoua ensuite ses boucles brunes avec amusement. Elle posa un doigt accusateur sur le torse de son supérieur alors qu'il la portait jusqu'au fauteuil roulant et l'y déposait avec précaution. C'était certes inattendu de la part de l'entomologiste – voire extrêmement inattendu, ou même totalement inattendu – mais ce n'était pas désagréable. Bien au contraire. Et puisqu'il avait l'air à l'aise avec ça…

- « Vous dites ça parce que vous êtes docteur » répliqua Sara, faussement boudeuse, décidée à calquer son comportement sur le sien.

Il voulait la jouer ami-ami ? Parfait. Elle avait justement besoin d'un ami en ce moment. Et elle n'était même plus très sûre de vouloir qu'il devienne plus qu'un ami, un jour. Il lui avait fait trop de mal. Elle ne voulait plus souffrir. Elle ne voulait plus dépendre de quelqu'un comme elle dépendait de lui. Elle ne voulait pas revivre ça. Appréhender chaque jour de travail en se demandant de quelle humeur il serait aujourd'hui. En se demandant si il allait se montrer amical ou, au contraire, détestable. C'était trop dur, bien trop douloureux. Elle ne comptait plus les nuits – ou les jours – qu'elle avait passées lovée dans son grand lit froid et vide, pleurant toutes les larmes de son corps… Non, elle ne revivrait pas ça. Plus jamais. Elle se l'était promis.

- « Pas du tout » la contredit Grissom en commençant à la pousser à travers les couloirs. « Je dis ça parce que c'est une vérité universelle » exposa t'il doctement.

Sara se contenta de lever les yeux au ciel, tentant sans grand succès de camoufler le sourire qui menaçait d'étirer ses lèvres. Elle savait qu'il était aussi touché qu'elle par la situation. Elle savait qu'il n'était pas dans un meilleur état qu'elle. Elle savait aussi qu'il se sentait coupable par rapport à tout ça. C'était son équipe. Il s'en sentait responsable. Il aurait voulu avoir trouvé Nick plus tôt. Oui, elle imaginait aisément ce qu'il pouvait éprouver… Et pourtant il était là pour elle. A bien y réfléchir il était tout le temps là pour elle dans les situations les plus dramatiques. Le problème résidait dans son comportement le reste du temps. Hors des temps de crises, il était plus ou moins lunatique – avec une tendance à pencher du mauvais côté de la balance. Et c'était extrêmement… désagréable.

Un léger mouvement près de son visage réveilla Sara. Ses yeux papillonnèrent. Elle mit un moment à déterminer où elle était et ce qu'elle faisait là. Elle était assise dans la chambre de Nick. Près de son lit. Et elle s'était assoupie, la tête posée sur les draps, à côté de sa main, tournée vers lui. La brunette se redressa doucement, un peu courbaturée, en se demandant si elle n'avait pas rêvé. Mais les doigts du jeune homme bougèrent à nouveau et ses paupières frémirent. La scientifique glissa une main dans celle de son ami et passa l'autre sur son front encore très pâle. Elle sentit Grissom se rapprocher derrière elle et se pencher par dessus son épaule. Son souffle chaud caressa sa nuque et elle se retourna vers lui. Son visage se retrouva à quelques centimètres du sien. Les battements de son cœur s'accélérèrent.

- « Il se réveille ? » demanda l'entomologiste dans un murmure avec un doux sourire, la faisant inconsciemment frissonner.

- « Je crois… » répondit la jeune experte sur le même ton avant de se retourner vers l'occupant du lit. « Hey, Nicky » fit-elle très tendrement en caressant de son pouce le dos de la main de celui qu'elle considérait comme son grand frère.

- « Sara ? » souffla le texan sur un ton à peine audible, sans ouvrir les yeux mais en exerçant une légère pression sur les doigts de la jeune femme.

- « Mon dieu, Nick… » soupira t'elle de soulagement en posant son front brûlant sur leurs mains unies. Elle ferma les yeux une seconde et une larme unique roula sur sa joue pour finir sa course sur le drap immaculé. Le soulagement qui l'avait envahie lorsqu'elle avait entendu sa voix était pour le moins indéfinissable.

- « Alors la belle au bois dormant daigne enfin revenir parmi nous ? » ironisa Grissom alors que Nick ouvrait difficilement les yeux.

Un sanglot secoua les épaules de Sara et immédiatement l'entomologiste plaça une main dans son dos et le caressa en faisant jouer sa paume le long de sa colonne vertébrale dans de lents allers et retours. Avant de venir finalement glisser ses doigts dans ses boucles brunes pour les poser sur sa nuque. Nick sourit difficilement mais avec sincérité et leva sa propre main pour balayer de son pouce les traînées humides qui marbraient le visage pâle de sa coéquipière. Il voulut parler mais Grissom le devança.

- « Ne parle pas » lui recommanda son supérieur. « Je vais appeler le médecin… et je suis content que tu ailles bien » ajouta t'il, avec plus d'émotion qu'il ne l'aurait souhaité, avant de passer la porte. Le texan hocha la tête et grimaça en signe de reconnaissance avant de se retourner vers Sara.

- « Tu m'as fait vraiment peur, tu sais ? » commença la brunette après le départ de Grissom, retrouvant doucement son calme. « Ne me refait plus jamais ça Nicky… » ajouta t'elle dans un murmure, les yeux brillants.

Le jeune homme articula un « Je te le promets » silencieux en jouant avec une de ses mèches brunes. Sara soupira de soulagement. Un grand poids semblait s'être envoler de ses épaules. Il était vraiment là, vivant, devant elle, lui souriant avec tendresse. Malgré sa pâleur, ses yeux cernés et les quelques petites cicatrices qu'il conservait, il avait l'air d'aller bien. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux une nouvelle fois. Il fallait vraiment qu'elle le dise maintenant. Peu importe si cela devait briser son image de femme forte et insensible une fois pour toute… A vrai dire, Nick savait déjà qu'elle n'était pas cette femme-là. Il était peut-être celui qui la connaissait le mieux ici à Vegas. Le seul qui la connaissait vraiment.

- « Je n'aurais pas supporté de te perdre… » souffla t'elle tout contre la main du texan, l'effleurant du bout de son nez.

Le jeune homme se contenta de l'attirer à lui de sa main libre et déposa de ses lèvres sèches un baiser sur son front. Sara nicha sa tête contre son épaule et ferma les yeux. Il clos ses paupières à son tour, se laissant aller au réconfort de cette présence amie. Pour une fois depuis plus de 24 heures il se sentait enfin en sécurité. Il avait eu tellement peur. Il s'était senti tellement seul, tellement impuissant. Il avait même voulu mourir. Mais maintenant le cauchemar était fini. Il avait du mal à y croire… C'est ainsi que les trouvèrent Grissom et Carter quand ils pénétrèrent dans la pièce quelques minutes plus tard. La jeune femme se redressa quand elle les entendit entrer. Elle répondit au sourire sincère et tendre que lui adressait l'entomologiste puis se détacha doucement de Nick.

- « Repose-toi » lui glissa t'elle à l'oreille. « On reviendra demain… » ajouta la brunette avant de déposer un baiser sur son front. En réponse la jeune texan serra une dernière fois sa main dans la sienne puis la laissa s'écarter.

Sara suivit ensuite son supérieur hors de la pièce pour laisser le champ libre au médecin. Elle sentit à peine la légère pression de sa main dans son dos et se laissa guider dans un état second. Le fauteuil avait été abandonné. Elle n'en avait pas vraiment besoin. Elle avait juste besoin de… de dormir. Pour la première fois depuis une éternité elle ressentait l'envie de se pelotonner sous sa couette, de clore ses paupières et de se laisser aller. La jeune femme ne reprit conscience des choses que lorsque qu'elle fut 'happée' par deux bras musclés et serrée contre un torse ferme et chaleureux. Amusée et attendrie, elle ne songea pas un seul instant à se dérober à ce débordement d'affection. Pourtant elle dut tempérer légèrement les ardeurs de son jeune coéquipier.

- « Greg ! » s'exclama t'elle en riant. « Tu vas finir par m'étouffer ! »

- « Alors, comment va t'il ? » l'interrogea t'il fébrilement en consentant à relâcher quelque peu son étreinte.

- « Il va bien » répondit Grissom, d'une voix posée, à la place de la jeune femme. « Il s'est réveillé. Le docteur Carter est avec lui. »

Le scientifique s'était tenu à l'écart lorsque Greg s'était jeté sur Sara. Un léger sourire avait étiré ses lèvres. Ils étaient toujours là. Ils avaient attendu. Il n'en était pas surpris. Bien sûr, il était passé les voir lorsque Sara dormait. Il leur avait suggéré de rentrer. Mais les deux experts et le policier avaient été catégoriques. Pas question de quitter l'hôpital sans être sûrs que Nick était définitivement sorti d'affaire. Après tout, ils étaient une équipe. Enfin, ils avaient été une équipe… Et il était clair que ce temps-là leur manquait à tous. A lui aussi du reste. Ça ne pouvait pas continuer comme ça. Lui ne le pouvait pas. Sara ne le pouvait manifestement pas non plus. Et il en allait de même pour chacun d'entre eux. Catherine était sans doute celle à qui la situation pesait le moins.

Il y avait un moment qu'elle avait exprimé le désir de diriger une équipe… Toujours est-il qu'il avait ressenti un pincement au cœur en observant ses deux jeunes collègues s'étreindre. Leur complicité était de plus en plus évidente. Toute cette année il lui avait semblé que c'était de plus en plus Sara et Greg d'un côté et Sofia et lui de l'autre. Et ça, ça ne lui plaisait pas. Parce que, si Sofia était une – en toute objectivité – excellente collaboratrice, Greg et Sara comptaient bien plus pour lui. Sara surtout. Tellement plus… Après la réponse succincte – mais encourageante – de Grissom, Warrick s'était joint à ses deux amis. La jolie brune enlaçait à présent les deux jeunes hommes sous le regard paternel de Jim.

(She, Elvis Costello)

- « Tiens » fit Grissom avec un sourire tout en tendant à Sara un gobelet fumant avant de s'asseoir à ses côtés.

- « Merci » lui répondit la jeune femme en lui souriant en retour. « Du chocolat chaud ? » réalisa t'elle après avoir trempé ses lèvres dans la boisson.

- « Tu es bien assez énervé comme ça » lui rétorqua l'entomologiste, malicieux. « Il faut que tu puisses dormir cette nuit. »

- « D'autant plus qu'il paraît que tu t'es encore faite remarquer, hon' » plaisantant Warrick en entourant ses épaules de son bras et en l'attirant contre son torse.

- « Qu'est-ce que tu veux ? » répliqua Sara avec espièglerie. « J'adore être le centre d'attention... »

- « Mais tu es toujours le mien, mon ange » lui lança Greg en lui adressant un clin d'œil coquin qui eut pour principal effet de faire éclater de rire la jeune brunette et le jeune afro-américain qui lui servait de coussin.

Même Grissom et Jim affichèrent de larges sourires, amusés par la réflexion de Greg. Cependant leurs visages joyeux retrouvèrent vite leur sérieux quand le médecin refit son apparition. Immédiatement ils furent tous sur pieds, suspendus aux lèvres de l'homme en blanc. Il les rassura d'un sourire.

- « Tout va très bien » commença t'il. « Monsieur Strokes va aussi bien que possible compte tenu de la… situation. Je viens de lui donner un sédatif, il va dormir jusqu'à demain. Vous pourrez venir le voir mais il faudra faire attention. Et je ne veux personne ici avant 10 heures » ajouta le docteur Carter avec un regard appuyé en direction de la jolie brune qui ouvrit de grands yeux innocents. « En attendant, tout le monde dehors ! » ordonna t'il mi-sérieux mi-plaisantant.

- « Bien, merci docteur » répondit Grissom, sincère. Il parlait pour les autres aussi. Le médecin hocha la tête, adressa un léger sourire à Sara puis les laissa seuls. Gil se retourna vers son équipe. « Vous avez votre nuit. Reposez-vous. Je vous verrais demain » conclut-il alors qu'ils acquiesçaient en silence.

- « Allez, hon' » lança Warrick à sa Sara en passant un bras autour de ses épaules. « Je te ramène à la maison » ajouta t'il en resserrant son étreinte. « Greggo, tu viens ? » demanda t'il en se tournant vers le jeune homme.

- « Oui chef ! » s'exclama Greg, enthousiaste.

Grissom eut un pincement au cœur quand il les vit s'éloigner tous les trois, bras-dessus bras-dessous, sans même un regard en arrière. Il avait l'impression qu'elle lui échappait à nouveau. Et plus que tout il avait l'impression que c'était juste. Qu'elle était à sa place avec eux. Ils ne la feraient pas souffrir, eux. Ils avaient toujours été là, eux. Pas lui. Pourtant il se sentit abandonné, trahi… jusqu'à ce qu'il voie le petit groupe s'arrêter. Elle se retourna doucement. Elle s'avança vers lui puis se figea. Elle resta ainsi, immobile, avec un demi-sourire comme si elle n'était pas sûre de qu'elle allait faire, de ce qu'il convenait de faire. Il fit donc le pas qui les séparait et l'enlaça tendrement.

- « Merci » murmura Sara au creux de son oreille avant de s'écarter. Elle passa ensuite dans les bras de Jim puis se détourna pour rejoindre ses deux amis au bout du couloir.

Grissom voulut la retenir, la sentir à nouveau contre lui, respirer son parfum… Mais il ne le fit pas. Manque de courage sans doute. Il la regarda s'éloigner. Il avait l'impression de ne faire que ça depuis 5 ans. La regarder s'éloigner sans rien faire…