Encore une traduction...oui, je sais, j'ai plein d'autres projets en même temps mais je ne pouvais pas résister ! (et puis No Expectations est facile à traduire) Cette fic-ci est en cours et compte à l'heure actuelle 9 chapitres. Je dépends donc directement du bon vouloir de l'auteur, ne m'en voulez pas si la fic n'est jamais terminée : je ne suis que la traductrice.
Disclaimer : Les personnages appartiennent à J.K. Rowling, l'histoire appartient à thisbluepeony, je ne suis que la traductrice.
Note de l'auteur : Ceci est une fic UA non-magique sur un groupe de rock, parce que j'ai toujours aimé ce genre-là. J'espère que vous apprécierez, même si je sais que les fics UA ne plaisent pas à tout le monde.
Notes de la traductrice : Comme dit juste au-dessus, c'est une fic sur un groupe de rock – britannique, on s'en doute. Attendez-vous à de très nombreuses notes de bas de page, parce qu'il faut de bonnes connaissances en cultures rock et britannique pour tout comprendre. Je ne mettrais des notes que pour ce que j'estime nécessaire (vous connaissez tous les Beatles, quand même?), pour le reste...pour reprendre une parole très sage : "Vous avez le même Google que moi !"
No Expectations
« Blue Stag ? »
Il était très probable que Remus ait mal entendu son patron. Après tout, il était huit heures du matin, il n'avait pas réussi à s'endormir avant quatre heures du mat' (grâce au Rottweiler timbré du numéro 24 et le Yorkshire Terrier névrosé du numéro 28), avait zappé petit-déjeuner et douche de peur d'arriver en retard au boulot et était, quand "Blue Stag" avait été mentionné la première fois, en train d'ajuster son T-shirt car il venait de seulement remarquer qu'il l'avait mis à l'envers.
Alors, oui, il était tout à fait probable que Remus avait tout simplement mal entendu Frank Longdubat.
Seulement, ce n'était pas le cas.
« C'est exact. » répondit Frank, prenant une gorgée tranquille de sa tasse aux couleurs de Woodstock '69. (1)
« Mais c'est...un groupe de rock. »
« Mm. »
« Je veux dire, un groupe de rock plutôt lourd. »
Frank soupira et balança sa tasse sur le bureau, renversant du café sur le dessous de verre. Le désordre avait tendance à le rendre mal à l'aise et il jeta un coup d'œil inquiet au liquide chaud avant de s'adresser à Remus avec une frustration renouvelée.
« Qu'est-ce que tu cherches à me dire, Lupin ? »
Frank ne l'appelait "Lupin" que quand il était énervé comme « Lupin, je t'ai demandé un profil détaillé sur Buddy Holly, pas le compte-rendu d'un de tes rêves érotiques » ou « Tu sais peut-être ce que "démiurgique" veut dire Lupin, mais le reste du monde n'en a pas la moindre putain d'idée. » (2)
Alors, Remus décida qu'il valait mieux être raisonnable ; s'il y avait bien une chose qu'il avait appris en travaillant pour le magazine Soundscape, sous la supervision de Frank Longdubat, c'était qu'il valait mieux laisser le sarcasme et les pointes de cynisme pour les articles (généralement, ceux sur des groupes du genre Adam and the Ants). (3) Du coup, il répondit du ton le plus poli qu'il put : « C'est juste que je suis un peu perplexe. En général, je couvre des sujets plus légers. »
Quand Frank tendit la main vers sa tasse Woodstock, l'air toujours aussi mécontent, Remus s'empressa d'ajouter : « En général, tu demandes à Benjy de couvrir le reste. »
Ce n'était pas un mensonge. Le nombre d'employés de Soundscape était très bas, surtout quand on considérait que le magazine indépendant se vendait à peine hors de Gloucester, qui n'était pas exactement le foyer de la musique et de tout ce qui était cool. Dorcas et Emmeline s'occupaient de la production. Benjy produisait en série des articles et des critiques sur des groupes de rock passés comme actuels avec toute l'admiration d'un auteur d'Évangile. Remus faisait le reste, ce qui lui convenait parfaitement parce qu'il n'y avait rien qu'il aimait plus que rester tranquillement chez lui avec les Beatles et Bob Dylan, et occasionnellement Robert Johnson, quand il se sentait d'humeur un peu plus folle. (4)
Il n'était certainement pas le type à tripper sur un disque de Blue Stag, mais il était certain d'avoir vu un de leurs posters de tournée derrière le bureau de Benjy, à côté d'une bannière des Sex Pistols.
Frank eut un reniflement dédaigneux.
« Et bien si tu crois que je vais laisser quelqu'un d'aussi incapable et pochard que Fenwick partir en tournée avec Blue Stag, peut-être que tu es trop stupide pour ça aussi. »
Les yeux de Remus s'écarquillèrent légèrement. Il avait définitivement mal entendu cette fois.
« Euh, pardon mais...tournée ? Partir en tournée ? »
Enfin, Frank sourit. Son air était plutôt suffisant, mais c'était mieux que la mine désapprobatrice qu'il avait arborée toute la matinée. Il glissa ses mains dans son dos d'une manière auto-satisfaite.
« J'essaie de nous mettre sur une tournée depuis des mois, tu le sais. Atlantic a finalement réussi à me mettre en contact avec un homme appelé Maugrey – carrément un psychopathe, mais bon, ce n'est rien – qui finalement m'a dit que je pouvais envoyer un journaliste pour un mois sur leur prochaine tournée au Royaume-Uni. Une chronique de trois pages sur la vie avec Blue Stag. Je veux que ce soit toi qui la fasses, Remus. »
Il devait vraiment tenir à l'avoir sur ce projet : il était revenu à "Remus".
« Je ne sais pas quoi dire. » répondit Remus. Il était submergé par un mélange d'excitation (heavy rock ou pas, Blue Stag restait un groupe connu et il était un journaliste musical en difficulté) et de nervosité parce que, vraiment, il n'avait pas menti en disant qu'il couvrait les "sujets plus légers". Le groupe le plus lourd qu'il ait jamais abordé avait été Fleetwood Mac, bon sang. Et Benjy serait anéanti.
« Et que dis-tu de "Merci Frank pour cette occasion unique ? » proposa Frank, sa voix retrouvant sa pointe d'exaspération. Ce n'aurait pas été une occasion unique si le bureau dans lequel ils se trouvaient faisait partie de, mettons, le magazine Rolling Stone ou NME (5), mais quand ils se trouvaient dans une des deux pièces qui composaient les bureaux de Soundscape, partir en tournée un mois avec Blue Stag était vraiment une grosse affaire.
« Merci. » dit-il bêtement, les bras ballants tandis qu'il tentait d'absorber l'information.
« Bien sûr, ce ne sera pas aussi simple. Je veux que tu fasses des recherches, avant de les rencontrer. Fenwick peut t'aider pour ça. Je refuse que tu fasses les éloges de ce foutu Woody Guthrie (6) à James Potter. » Remus le regarda fixement. Frank précisa, le ton mordant : « Chanteur de Blue Stag ! »
« Okay. » répondit rapidement Remus. « Okay, okay. James Potter. Bien sûr. »
Il ne reçut pas de réponse. Frank roula simplement des yeux.
Inutile de le préciser, après avoir annoncé la nouvelle à Benjy (une fois qu'il eut décidé de débarquer et leur faire la grâce de sa présence, plus tard dans la matinée), Benjy était, comme on pouvait s'y attendre, vexé d'avoir été snobbé par son patron en faveur du journaliste moins "hardcore" de Soundscape. Les mots réconfortants de Frank tinrent en « Tu peux avoir la prochaine exclu, Fenwick, si tu apprends à faire la différence entre ton ventre et un tonneau de bière, d'ici là. ». Une fois que Benjy eut suffisamment surmonté la trahison et le traumatisme de la nouvelle pour arrêter de geindre « Mais moi, j'aime Blue Stag ! », il mit de côté, à contre-coeur, son article sur le second album de Led Zeppelin pour informer son collègue journaliste de quelques détails apparemment importants.
« La tournée sur laquelle tu pars... » le renseigna-t-il, de mauvaise grâce, une fois que Remus se fut assis à côté du bureau désordonné de Benjy. « ...sert à promouvoir leur deuxième album. »
Il fourgua un disque à Remus, dont le titre, Filthy Voice (que c'était charmant), était en lettres d'un bleu criard. (7) Dessous, on pouvait voir quatre jeunes hommes, arborant des expressions assez intimidantes et se tenant dans des postures tout aussi intimidantes ; bras croisés ou mains dans les poches de leurs jeans ridiculement moulants, jambes écartées ou croisées, et corps avachi – juste pour montrer qu'ils n'avaient besoin de faire aucun effort avant de vous botter le cul. Remus déglutit et prit le CD, observant leurs T-shirts déchirés, bandanas et bottes. Et bien, pensa-t-il, il n'y aura certainement pas d'apologie de Woody Guthrie.
Benjy pointa chaque membre, commençant par un grand roux à l'extrême-gauche, en pantalon en cuir et gilet, l'air d'être juste sorti de la plus grande beuverie du monde.
« Fabian Prewett. » fit Benjy. « Batterie. » Il y avait une note d'admiration dans sa voix, et avant que Remus puisse répondre quoi que ce soit, Benjy expliquait déjà : « Fabian est un immense batteur. Immense. »
« D'accord. Immense. »
« James Potter. » continua Benjy, l'air légèrement irrité du manque d'enthousiasme de Remus pour les talents de batteur de Fabian Prewett. « Tu dois savoir qui c'est ? »
« Le chanteur. » répondit immédiatement Remus, se souvenant de ce que Frank avait dit, et espérant se racheter d'une certaine façon.
« Et guitariste solo, oui, bravo. » précisa Benjy, son doigt passant de l'homme maniaque aux cheveux en bataille et au sourire diabolique qui ne portait qu'un jeans délavé au garçon aux cheveux noir corbeau à côté de lui, vêtu juste un peu plus conventionnellement d'un pantalon-cigarette déchiré et d'un T-shirt avec un col en V si bas qu'il aurait tout aussi bien pu ne rien mettre. « Sirius Black. » poursuivit Benjy. « Bassiste. Incroyable, un peu comme John Entwistle, tu vois ? »
« Oui, oui. » répondit Remus, se rappelant quand Benjy, pratiquement en train de baver, l'avait forcé à écouter "The Real Me" des Who et en apprécier la ligne de basse déjantée.
« Et celui-ci, c'est Peter Pettigrow. » reprit Benjy, désignant le dernier du groupe, un type blond et petit, habillé d'un T-shirt et une cravate, ce qui était peut-être supposé être ironique. « Guitare rythmique. »
« Okay. » acquiesça Remus, reportant son regard vers les musiciens et essayant de se rappeler de leur rôle (il ne se souvint immédiatement que de Fabian, parce qu'il tenait ses baguettes).
« Je suppose que tu dois aussi écouter un peu leurs chansons ? » demanda Benjy.
« Tu sais, j'ai déjà entendu Blue Stag auparavant. »
Remus commençait à être légèrement exaspéré des regards jaloux et du ton froid de l'autre homme. Après tout, il n'était pas totalement ignorant du heavy rock. Il était journaliste musical et par conséquent, il se devait de connaître tous les différents genres de musique si il voulait être pris au sérieux. Il était obligé d'écouter ces groupes – il ne les aimait tout simplement pas beaucoup et du coup, ne connaissait pas le moindre détail de leur vie, comme leur marque préférée de shampoing...ce qui était très probablement le cas de Benjy. C'était exactement la même chose, pensa Remus, que Benjy qui était au courant que des chansons comme "Yellow Submarine" existaient, alors qu'il incapable de faire la différence entre les quatre Beatles.
Pourtant, il laissa Benjy jouer l'album et passer une chanson que Remus reconnut (dû au fait qu'elle passait perpétuellement à la radio ces derniers temps), tout en guitare électrique rapide et charlestons, suivis d'un soudain fracas de batterie et quelque chose qui ressemblait très fort à un cri de guerre. Quand la chanson fut à plein débit, complétée avec des accords de guitare et une basse rapide, Dorcas s'était éloignée de son bureau, un air rêveur dans les yeux.
« J'adore ce groupe. » dit-elle, attrapant la pochette du disque. « James Potter est tellement canon. » Elle soupira avec un air admiratif, oubliant pendant un moment qu'elle était une femme de vingt-cinq ans avec un travail et pas une pré-adolescente des années 70.
« J'aime bien Sirius. » fit Emmeline, qui s'était approchée et était à présent en train de fixer la pochette, par-dessus l'épaule de Dorcas. « Il est tellement mystérieux. »
Benjy avait l'air d'avoir envie de vomir, ou du moins, de se lancer dans une diatribe sur le fait qu'il y avait des choses plus importantes que l'aspect physique d'un groupe.
« Uh, mais il est tellement ennuyeux. Je veux dire... » Dorcas fit la grimace. « La basse ? »
Benjy craqua finalement, arrachant la pochette des mains de Dorcas et la tenant tout contre sa poitrine. « Un des plus grands bassistes de rock, alors regarde ça. » Il pointa l'air. « Je veux dire, écoute ça. »
Il faisait référence à l'importante ligne de basse, la dernière mode en matière de rock, mais Dorcas avait juste l'air confuse. Même quand Benjy imita la ligne de basse à grand renforts de "da'dum", elle ne pouvait pas la distinguer des autres guitares – ce qui eut pour résultat de désespérer totalement le fanatique de rock.
« Et toi, t'en penses quoi ? » demanda-t-il, une fois les filles parties.
« J'aime bien. » répondit Remus, plus pour ne pas recevoir encore un roulement d'yeux et des soupirs indignés de la part de Benjy qu'autre chose. Ça ne fonctionna pas. Benjy pensait juste qu'il mentait.
« Frank m'a dit de te les donner. C'est tout ce que j'ai pour le moment. »
"Tout ce que Benjy avait" prit la forme d'environ vingt magazines empilés et une grande enveloppe brune pleine de coupures de presse. Benjy saisit un Rolling Stone écorné du haut de la pile et en tourna rapidement les pages, le montrant à Remus quand il trouva une petite chronique de Blue Stag.
« La plupart sont comme ça. » fit-il, pointant la critique d'une page du premier album du groupe. « J'ai seulement vu quelques grosses chroniques sur eux. Je veux dire, comparés aux grands groupes, ils sont toujours en train de se faire un nom. Mais je pense que c'est cette tournée qui va réellement provoquer l'intérêt du public. Et de penser que toi, tu seras juste là, avec eux... » La fin de la phrase mourut, Benjy fixant intensément la critique, même si ses yeux ne bougeaient pas.
« Je suis désolé à propos de ça, Ben. » lui dit Remus, sentant un soudain élan de sympathie l'envahir tandis qu'il fixait la grande collection rock de Benjy et songea à son propre espace de travail qui ressemblait bien moins à un autel, dans le coin.
« C'est rien. » répondit Benjy d'un ton bourru. « Je comprends. Tu travailles plus dur que moi alors tu le mérites plus que moi. Seulement... » Il soupira, l'air de vouloir dire à Remus de ne pas se faire passer pour un idiot. « Seulement, essaie de m'avoir leurs autographes, tu veux ? »
Une semaine plus tard, Remus fut envoyé rencontrer Blue Stag et leur "psychopathe" de manager, Alastor Maugrey, au May Fair (8) où le groupe logeait. Considérant qu'une telle visite exigeait un voyage de deux heures depuis Gloucester et un retour qui prenait tout autant de temps (il n'avait pas les moyens de rester à Londres plus longtemps qu'il ne le devait), il n'était pas vraiment heureux. Et le fait qu'il était incroyablement nerveux n'aidait pas.
Frank avait voulu venir (et Benjy avait essayé de soutirer une invitation aussi) mais à la dernière minute, le manager du groupe avait téléphoné pour indiquer que seule la présence de Remus était requise, une chose dont Frank avait été terriblement offensé, jusqu'à ce que Dorcas casse la photocopieuse ; après ça, il avait tout oublié.
Quand Frank lui avait d'abord parlé de l'arrangement pour la tournée, Remus n'avait rien éprouvé d'autre que l'automatique excitation qui vient avec la perspective de rencontrer quelqu'un d'important, et un peu de nervosité à l'idée d'une telle nouvelle expérience. Mais rien de trop méchant. Cependant, depuis qu'il avait passé la dernière semaine à lire les magazines de Benjy, écouter les deux albums de Blue Stag (qui, décida-t-il, étaient comme les Ramones, en légèrement plus technique et britannique) et en général, chercher tout ce qu'il pouvait apprendre sur le groupe pour ne pas se faire passer pour un idiot, sa nervosité avait augmenté proportionnellement à ses connaissances.
Ils semblaient assez sauvages, pour le dire de façon édulcorée. Ils étaient tous âgés entre vingt-trois et vingt-cinq ans, comme Remus, et pourtant ils semblaient appartenir à un autre monde. Il avait lu des articles avec des titres comme "Blue Stag : Princes de Pandémonium", et dans toute la vingtaine de magazines de Benjy qu'il possédait, il était fait mention d'alcool, de drogue, de groupies, et, occasionnellement, de musique. Ils n'avaient encore balancé aucune télé par la fenêtre, mais apparemment Fabian Prewett avait déjà brisé une Ford Thunderbird de 1965 juste avec un tom, à en croire l'article, simplement parce qu'il le pouvait.
Ça ne faisait pas pour autant penser à Remus qu'ils étaient particulièrement cool. En réalité, pour l'image que tous les journalistes flagorneurs et trop exubérants et les hôtes d'émissions radios donnaient d'eux, Remus avait l'impression que les membres de Blue Stag étaient assez immatures. Malgré toutes les fois où il se l'était répété, il savait qu'il allait de toute façon être intimidé par eux comme la seule chose qu'il avaient en commun était de sortir de public schools. (9) Et même à cette époque-là, ils étaient déjà clairement rebelles alors ils ne pourraient probablement pas tisser de liens là-dessus. En aucun cas il ne leur admettrait qu'il avait en réalité aimé l'école.
Remus arriva en retard au May Fair, bien sûr. Il était un journaliste en difficulté venu rencontrer de grandes rock stars alors, bien sûr, rien ne pouvait aller comme prévu. Pour empirer encore les choses, il se sentit horriblement mal habillé quand il trébucha à travers les portes vitrées et vit tous ces beaux gens s'affairer autour du foyer de l'hôtel.
Il jeta un coup d'œil à ses vêtements (une chemise blanche à col boutonné et un jeans fripé) au même moment que la réceptionniste derrière le long comptoir doré et, de façon empruntée, essaya d'aplatir ses boucles indisciplinées quand il vit le regard peu impressionné qu'elle lui jetait. Elle le dirigea vers le groupe, qui se trouvait au bar de l'hôtel, et lui lança un dernier regard comme pour dire « Et vous ne devriez certainement pas les rejoindre. ».
Croyez-moi, avait-il envie de dire, je le sais.
Le groupe n'était pas difficile à repérer, étant donné que, à une heure de l'après-midi, ils étaient les seuls occupants du bar. Le fait qu'ils étaient vêtus d'accoutrements typiques des groupes de rock – tout en jeans moulant, T-shirts criards et bouts de métal à la place de véritables ceintures – aidait aussi.
Il traversa le bar argent-et-acier et s'approcha d'un homme recroquevillé au bout de leur table. Même de derrière, il lui semblait plutôt vieux, et, à moins que Blue Stag ait changé d'angle cette dernière semaine, Remus était sûr que c'était le manager. Avant de pouvoir dire un mot, cependant, l'homme se retourna, présentant un affreux visage couturé de cicatrices et un œil couvert d'un bandeau, encadré par des cheveux gris.
« Oh mon Dieu. » bredouilla Remus, avant de pouvoir s'en empêcher. Il entendit un éclat de rire et vit quelqu'un – Sirius Black, réalisa-t-il, quand il jeta un coup d'œil anxieux autour de lui – enlever un bandana pour découvrir des yeux très rouges et lui sourire.
« Meilleur réaction qu'il ait jamais reçu. » dit-il avec un surprenant fort accent londonien.
« Pour toi, ce sera Mr Maugrey. » fit l'homme dans un grognement, lui enfonçant un doigt dans la poitrine, comme si Remus l'avait juste appelé "Big Al" ou un truc du genre. « Et je suppose que c'est toi le journaliste ? »
« Oui, oui, c'est moi, je... »
« Tu es en retard. »
« Je sais, et je suis désolé, c'est juste que je viens d'arriver de... »
« Assis-toi. » Maugrey avait l'air de se refréner d'ajouter « Et ferme-la ».
Remus, immédiatement ramené à ses jours d'école, fit comme on lui disait, s'asseyant rapidement sur la chaise à côté du manager et jetant un regard nerveux aux visages qu'il avait appris à si bien connaître au fil de la semaine passée. C'était bizarre de les voir en chair et en os. James Potter, remarqua-t-il, portait des lunettes de soleil bien qu'ils soient à l'intérieur et à en juger par la façon dont Sirius avait noué son bandana autour de ses yeux, et la manière dont ils avaient tous l'air de vouloir être ailleurs, il supposa qu'ils subissaient les joies d'une bonne gueule de bois.
Pourtant, ils parvinrent tous à lui adresser un petit sourire, même Fabian, une fois qu'il fut capable d'extraire sa tête hors des confins de ses mains dangereusement grandes.
Ils se présentèrent, comme si c'était nécessaire, et avant même que Remus ait pu lâcher la main de Peter Pettigrow, Maugrey se lançait dans un discours qu'il avait de toute évidence préparé à l'avance. Même si c'était moins un discours qu'une liste de choses que Remus n'était pas autorisé à faire, incluant mentionner les groupies (ou plutôt "l'interaction avec les fans") et la drogue (non, bien sûr, que le groupe était dans ce travers-là, mais beaucoup de gens autour d'eux se permettaient un fix ou deux de temps en temps).
« Écoute. » interféra James, l'air un peu maladroit – une vision vraiment étrange pour quelqu'un qui gagnait sa croûte en respirant l'assurance. « Pour le moment, on a des disques à vendre, des fans à contenter. Tu vois ce que je veux dire ? »
Après une courte pause, Remus trouva le courage de dire : « Alors, vous voulez que je mente ? »
« Non. » grogna Maugrey. « Laisse juste de côté les détails fâcheux. Pense pouvoir arriver à faire ça ? Un joli p'tit article sur la musique et les fruits de l'amitié, hein ? »
Et c'est là que Remus comprit soudain pourquoi un magazine tel que Soundscape avait été autorisé à faire cette chronique, en premier lieu. Les grands magazines pouvaient écarter le groupe s'ils étaient un peu trop difficiles sur ce qui allait ou pas faire partie de l'article – Blue Stag se débrouillait bien, mais les éditeurs avaient plein de plus gros groupes pour continuer à les faire tourner – mais un magazine en difficulté n'aurait jamais refusé l'offre qu'on avait présenté à Frank. A recevoir une liste de à faire et à pas faire, Remus se sentit soudain comme un paysan au milieu de la royauté.
Il accepta quand même.
Maugrey le fit signer un contrat qu'il affirmait concerner le respect de la vie privée des membres du groupe, mais qui, en réalité, disait simplement à Remus qu'il n'écrirait rien qu'ils n'approuvaient pas. Une petite voix dans sa tête lui souffla qu'on lui volait le contrôle créatif pour lequel il avait envoyé ad patres les rêves de ses parents d'une admission au King's College de Londres. (10)
Une voix plus forte rétorqua qu'il était vraiment idiot s'il pensait dire non à ces gens pour le sacrifice de quelques paragraphes sur la drogue et les femmes. Il était certain qu'il aurait suffisamment de matière à écrire (même si, quand il lut le contrat, il découvrit qu'il n'était pas non plus autorisé à parler de leurs relations et vies de famille en détail).
« Excellent. » dit Maugrey, arrachant le contrat des doigts de Remus, son ton contrastant étrangement avec son choix de mots. « On se voit dans une semaine. »
« C'est tout ? » demanda Remus. Il n'avait pas voulu paraître impoli, mais les mots le semblèrent néanmoins. Maugrey étrécit les yeux. Merde, pensa Remus, il est susceptible. Et voilà, j'ai perdu ce putain de boulot maintenant.
« Seigneur, je suis désolé. J'ai oublié de vous dire. » fit Maugrey avec un ton dément et sarcastique. « Rappelez-vous d'emporter votre brosse à dents, voulez-vous ? » Il se leva soudain et contourna la table d'une démarche traînante. « Venez, les gars. »
Les quatre musiciens se levèrent pour le suivre, chacun d'eux de façon plutôt groggy. Seul Sirius prit la peine de tendre la main à Remus, déclarant qu'il était enchanté de faire sa connaissance. C'était une agréable surprise, considérant le fait que sur la plupart des photos du groupe qu'il avait vues, Sirius souriait rarement et que, de ce qu'il avait compris dans les articles et interviews, l'homme était e plus calme du groupe et par conséquent avait reçu l'étiquette du "morose" ou, comme Emmeline l'avait dit, "mystérieux".
Et à part James Potter qui lui avait dit de laisser certaines choses hors de l'article, Sirius était le seul à lui avoir réellement adressé la parole et à lui avoir souri. Remus se demanda si toutes ses prédictions sur le groupe allaient être fausses.
« Alors, tu restes à Londres, Remus ? » demanda Sirius, tandis qu'ils retournaient au foyer, traînant un peu derrière les autres, même Maugrey qui boitait.
« Non, non, je rentre chez moi maintenant. » répondit Remus. Il le fixa et détourna rapidement le regard à nouveau. Regarder Sirius Black dans les yeux semblait mal, d'une certaine façon, comme s'il n'était pas supposé faire ça. Peut-être que ç'aurait été plus facile s'il portait des lunettes de soleil, comme James.
« Mais tu vis à Gloucester, non ? » fit Sirius, surpris. Apparemment, la célébrité lui était tellement monté à la tête qu'il ne comprenait pas que des gens normaux ne pouvaient pas réellement se payer un hôtel à Londres s'ils vivaient à seulement deux heures de là.
« Et travaille là-bas. » les interrompit fortement Maugrey devant eux. « Alors il te remerciera de ne pas le laisser traîner. »
En réalité, Remus était juste content que quelqu'un avec qui il allait passer le prochain mois ne semblait pas totalement irrité par sa présence, même si Sirius ne faisait que feindre son intérêt pour la pauvre petite vie d'un journaliste de Gloucester par politesse. Il sourit à Sirius et parvint à le regarder dans les yeux, cette fois (qui étaient d'un bleu photoshopé dans chaque photo couleur que Remus avait vu de lui, mais étaient gris pierre en réalité) et lui dit qu'il avait hâte d'être le mois prochain.
Il serra également la main des autres, et puis ils furent tous partis, le laissant seul dans le foyer. Disparus dans les escaliers de l'hôtel pour s'adonner tout ce que de jeunes et riches rock stars faisaient en 1983. Casser des trucs et se bourrer la gueule, supposait Remus.
Il se retourna, les mains dans les poches, et sortit du May Fair en traînant les pieds. Il pouvait pratiquement sentir l'importance étincelante qui l'avait accompagné en leur présence glisser de ses épaules comme une substance visqueuse, tandis qu'il quittait l'endroit.
Il n'était pas jaloux de Blue Stag, ou même particulièrement en admiration devant eux comme Benjy l'aurait été, mais il savait parfaitement bien qu'il était entouré de gens plus cool, plus beaux et beaucoup plus riches que lui, et il se demanda à quel moment pendant ce mois avec eux, il parviendrait à oublier ce fait.
Puis, il s'arrêta dans la rue, tandis que cette pensée le frappait ; deux semaines auparavant, il se tracassait au sujet de factures, de dates limites, de relations insignifiantes, du Rottweiler voisin qui l'agressait chaque matin. Et le voilà, à la sortie du May Fair, à se demander s'il allait jamais se sentir à l'aise avec un groupe de rock stars.
Lui. Remus Lupin.
(1) Je suppose que tout le monde connaît Woodstock, mais sait-on jamais. C'est un festival de musique rock/folk et un grand rassemblement de hippies à quelques kilomètres de Woodstock, dans l'État de New York, qui a eu lieu en 1969. C'est un des plus grands moments de l'histoire du rock'n'roll.
(2) Buddy Holly est un chanteur-guitariste-compositeur de rock'n'roll, né en 1936, mort en 1959. Il a influencé des groupes comme les Beatles, les Beach Boys, les Rolling Stones ou encore Bob Dylan. Démiurgique vient de "démiurge" qui se réfère à la puissance créatrice du monde en religion et philosophie. Par extension, on l'utilise pour parler d'un esprit créatif et innovant.
(3) Adam and the Ants est un groupe de rock britannique actif dans la fin des années 1970 et le début des années 1980. Ils sont un des groupes qui ont marqué la transition entre le punk rock des années 1970 et le courant new wave/post-punk. Soundscape, traduit littéralement veut dire "paysage sonore".
(4) Gloucester, ville du sud-ouest de l'Angleterre et 53e agglomération la plus grande du Royaume-Uni, à environ deux heures de Londres. Robert Johnson (1911-1938) est considéré comme un des meilleurs guitaristes de tous les temps et a influencé des artistes comme Jimi Hendrix, Jimmy Page, Bob Dylan, Brian Jones, Keith Richards ou encore Eric Clapton.
(5) Rolling Stone est magazine mensuel américain sur la pop culture mais à dominante musicale, créé à San Francisco en 1967. NME ou New Musical Express, est un journal hebdomadaire musical britannique influent et spécialisé en pop/rock, tiré depuis 1952.
(6) Woody Guthrie (1912-1967) est un chanteur et guitariste folk américain. Pas le genre du groupe de James, on s'en doute.
(7) "Blue Stag" veut littéralement dire "Cerf bleu" (ce brave James), mais "stag" a également le sens de célibataire (d'où le nom "stag party" pour enterrement de vie de garçon) et de spéculateur. Quant à "blue", le mot peut vouloir dire également "triste", "cafardeux", "porno" et "cochon". Bref, vous comprendrez aisément le double sens que peut avoir Blue Stag, ici. Quant à Filthy Voice, le nom de l'album...continuons dans la lignée, "filthy" voulant dire obscène, ordurier, grossier, dégoûtant.
(8) Hôtel londonien 5 étoiles, très chic, près de Hyde Park.
(9) Contrairement à ce qu'on pourrait croire avec leur nom, les public schools, en Angleterre, ne sont pas publiques du tout. Ce sont des écoles privées, très chères, généralement anciennes et prestigieuses et qui dispensent un enseignement secondaire de qualité (bref, c'est par là que passent tous les grands noms). Vous voyez Eton College ? Ça.
(10) Le King's College de Londres est un établissement d'enseignement supérieur britannique, à la réputation académique solide et classé parmi les meilleurs établissements supérieurs du Royaume-Uni, d'Europe et même du monde. Ses cours de licence en Histoire, Politique, Philosophie, Culture classique, Musique, Médecine dentaire et Droit sont particulièrement difficiles, se classant souvent dans le top 5 des classements universitaires nationaux.
Aherm. Je sais que la plupart d'entre vous attendent le chapitre 2 de The Pursuit to Slow Realisation mais...je me suis un peu lassée de cette fic. Je l'aime toujours, soyons clairs, seulement, traduire des lemons me fait (pardonnez le vocabulaire employé) royalement chier. J'aurais dû y penser avant de traduire, je sais -_-' Et puis, honnêtement, je ne résiste pas aux Maraudeurs en groupe de rock (et des années 80 en plus ! Oui, c'est bon, je me tais). Aussi, j'ignore quand paraîtra le chapitre 2 (de cette fic comme celui de The Pursuit), ça peut être dans quelques jours comme dans quelques semaines (j'essaierais de ne pas atteindre les mois). La joie des examens.
Quant à Killing Loneliness, le chapitre 6 avance bien mais j'ai un gros blocage sur la relation Sirius/Antoine. Les autres projets, n'en parlons même pas. Beaucoup d'idées mais pas de muse pour écrire. Ni de temps.
Bref, voilà Sorn en examens qui, pour éviter de devenir dingue et se détendre de ses cours...traduit. En étant étudiante en traduction. C'est tellement logique. Vous voulez bien dire à mon cerveau que quand j'ai besoin de bosser, je dois bosser et pas traduire pour le plaisir ?
Bon courage à tous ceux qui sont dans l'enfer des examens : la délivrance est proche ! (ou pas)
Sorn
