A noter : j'ai choisi de ne pas dérouler cette histoire, qui concerne principalement Kakashi, de manière chronologique. Ceci pour une raison toute simple, la première image qui me vient à l'esprit lorsque je songe à lui, c'est cet adolescent de 17 ans qui ploie sous le faix du passé, au dessus d'une tombe, et qui présente des excuse à cette même tombe, vide, celle d'Obito.
J'ai choisi le format court qui a ma préférence, et il y aura entre 5 et 10 chapitres. A celles ou ceux qui auront la gentillesse de laisser leurs mots, si vous pouviez me préciser si vous estimez que je touche juste en ce qui concerne Kakashi, cela me ferait très plaisir.
Chapitre 1 : 17 ans
Le papillon bat des ailes
Comme s'il désespérait
De ce monde.
Kobayashi Issa
Il avait à peine dix-sept ans cet adolescent figé sous la pluie, dans ce cimetière bien ordonné que les plus jeunes nettoyaient et fleurissaient, avec un respect confinant à la piété. Une dévotion telle que la volonté du feu demeurait si forte, à la hauteur de la croyance en leurs ancêtres. Eux qui portaient le legs du feu, qui se transmettait inlassablement, de génération en génération, avec la même régularité que les morts précoces.
Ces enfants qui chaque jour se relayaient pour entretenir les tombes, et priaient pour l'âme des défunts tant aimés, tellement pleurés.
Respectés. Honorés.
Chacune des familles du Village des Feuilles, bien qu'elles fussent nombreuses, y voyait son nom inscrit. Gravé dans les pierres sépulcrales et dans toutes les âmes, jusqu'aux plus jeunes.
Il fallait les voir, ces fillettes, ces garçonnets, courir de tombe en tombe, qui avec son seau et sa brosse, qui avec ses fleurs. La mort faisait partie intégrante de la vie de tous les jours. L'amour de la nation et le sens du sacrifice se préparaient tôt, à Konoha, bien que tous aspirassent à la paix, douce chimère.
Dans les champs, on pouvait les voir, ces enfants, préparer les couronnes de marguerites, lacer des bouquets de fleurs de toutes couleurs. Jusqu'aux enfançons babillant des chants d'honneur... C'était leur manière de participer à l'effort de guerre, qu'un jour, ils honoreraient de leurs corps. Une façon de les empêcher d'oublier qu'elle était là, la veuve belliciste tapie dans l'ombre, quoi qu'ils fissent. Réclamant son tribut de sang et de larmes. De chagrin, aussi. Une façon comme une autre d'entretenir l'esprit du feu des débris de leurs cœurs brisés.
Les morts étaient choyés, à Konoha, par toutes ces petites silhouettes penchées sur les plaques honorifiques. Marionnettes idolâtres. Futurs guerriers.
Il avait à peine dix-sept ans, lui qui n'avait pas eu le temps de pleurer son enfance immolée. Il ployait au-dessus d'une tombe que les enfants évitaient, ce jour-là, sachant que d'autres fleurs amenées par un qui l'aimait seraient plus appréciées. Le premier jour, il ne put répondre à leur salut, bien qu'il les vît sourire timidement. Il déposa des lys blancs, symbole de la pureté détruite. Sacrifiée, dans son humanité oblative. Pour le bien du Village. De la main de celui qui lui était si cher. Un ruban rouge sang les retenait. Les mains encombrées par les offrandes destinées à une autre tombe, vide, il grimaça. Las, il doutait que la douleur physique pût lui faire oublier le reste…
Dans l'ombre, un adolescent masqué l'observait, ce jour-là. Pas l'enfant au masque de chat, non. Un autre.
Bien qu'il accusât à peine 17 ans, il peinait déjà à vivre. Supportant, ne sachant comment, la malédiction d'avoir survécu. Demandant pardon, la tête penchée suivant la voussure de ses épaules. Sa faute. Sa technique. Son sang, à elle. Son amie. Rin. L'ostracisme qui le frappait lui paraissait infiniment mérité. Il avait détruit la lumière, et aucune offrande propitiatoire ne saurait laver ce blasphème. Même l'exécration lui aurait semblé trop douce. La culpabilité qui le rongeait était une lèpre infinie.
« Nous aurions dû naître plus tard… Obito, Rin… »
Une larme s'accrocha à un cil, prit un instant un reflet de lumière puis coula sur la joue glabre habituellement masquée, ronde, enfantine presque. Il remonta son masque, essuyant le chagrin de son visage blême et éprouvé. Une goutte tombe. Une goutte où le ciel vint miroiter tel un reflet éclairant son regard morne. Il sentit qu'il allait perdre pied. Cette vie lui semblait si lourde. Son cœur se serra, il revit la jeune fille choir, et le vide glacé l'envahit. Il n'imaginait pas qu'il fût aussi douloureux de survivre.
