Avertissement : Dans la vie, on naît, on meurt, et entre les deux, il se passe des trucs. Dans la vie de Luna Lovegood, selon l'auteure - moi -, elle tombe amoureuse. D'une fille. Si ce concept vous révulse, vous ne pourrez pas arguer que je ne vous ai pas prévenu.

Disclaimer : Rien ne m'appartient si ce n'est le personnage d'Abigail Rosenbach ainsi que l'intrigue.

Note : « Le chant des Moineaux », nommé ainsi parce que j'en avais envie, est mon premier écrit sur Fanfiction. N'étant pas fidélisée au site depuis le temps de la Conception originelle, je pourrais faire quelques écarts. Les chapitres ne seront pas postés à intervalles réguliers, navrée.

Je vous souhaite une agréable lecture !


Dream by Imagine Dragons.


« Quand tu es petit, tu crois que l'amour est blanc. Papa, maman.

Tu grandis. Tu apprends qu'il y a l'opposé. Parfois, c'est noir. Deux papas, deux mamans.

Au fil du temps, tu remarques les nuances de gris. J'aime les filles et j'aime les garçons, je n'aime personne, j'aime la personne.

Mais en réalité, l'amour est multicolore. J'aime. On ne définit pas, on ressent. Ce n'est pas explicable, c'est comme ça. » M. que j'embrasse très fort


« Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale d'être bien adapté à une société malade » Jiddu Krishnamurti


Mardi 3 Septembre 1996

La guerre approchait, personne ne pouvait le nier, pas même le pire des imbéciles. Depuis que Fudge lui-même avait reconnu le retour de Voldemort l'an dernier et avait abdiqué pour laisser sa place de Ministre de la Magie à Scrimgeour, le monde sorcier était plongé dans les ténèbres et la peur constante. Les morts et les agressions inexplicables s'enchaînaient, et plus que jamais, tout le monde se sentait en danger. Certains parents avaient même refusé de laisser leurs enfants retourner à Poudlard. Ils préféraient les cloîtrer chez eux, tentant ainsi de garantir leur sécurité comme ils le pouvaient.

Mais personne n'était en sécurité. Que ce soit dans l'école de sorciers ou chez eux, Voldemort pouvait agir d'un moment à l'autre. Idiots sont ceux qui tentent de se le cacher. Il faut vivre avec l'angoisse et le fait inéluctable qu'on peut mourir d'un instant à l'autre, point barre. La guerre est terrible, perverse, destructrice, c'est une horreur sans nom, et elle laissera des traces, quoi qu'il arrive. Elle tuera, fera bon nombre de victimes, elle terrorisera, elle fera souffrir, et à la fin seulement, elle mourra avec ceux qu'elle aura tués. Pour l'instant, Poudlard ne subissait ni assauts ni meurtres, mais ce n'était qu'une question de temps. D'un jour à l'autre, Voldemort débarquerait en furie pour assassiner l'Élu et tous ceux qui se trouveront sur son chemin. D'en ce qu'en disaient les rumeurs qui couraient dans les couloirs de l'école, du moins.

Mais quoi qu'il en soit, les élèves tentaient de profiter comme ils le pouvaient de la sérénité et du traître calme qui régnait au sein de Poudlard tant que c'était encore possible. Les cours avaient lieu, les retenues aussi, les examens n'étaient pas annulés, Harry et Malfoy se haïssaient plus que jamais, Ron faisait intoxications sur intoxications de Chocogrenouilles, Hermione avait le nez plongé dans ses bouquins même endormie et Luna Lovegood voyait des Nargoles partout où elle passait. Même les professeurs faisaient semblant que tout allait bien, c'est pour vous dire. Non, vraiment, en apparence, tout était normal autant que la normalité pouvait exister dans cette école.

En fait, le seul changement notable en ce début Septembre 1996 était l'arrivée d'une élève répartie à Serpentard à la beauté époustouflante. Son aura dévastatrice avait le don de charmer tous ceux qui posaient les yeux sur elle, et elle en profitait autant qu'elle le pouvait. Il se dégageait d'elle une beauté froide, presque malsaine, et son air hautain ne faisait que renforcer le charme qui émanait d'elle. C'était le fruit défendu, c'était la chaleur glacée, c'était tout ce qu'on pouvait imaginer de mieux. Ses longs cheveux bruns étaient la plupart du temps rehaussés en un chignon parfait, ce qui ne faisait qu'accentuer sa beauté, ses yeux verts menthes pénétraient ses interlocuteurs en les déstabilisant, et elle n'avait pas besoin d'être particulièrement grande pour être intimidante. Fière comme un paon, elle gardait toujours la tête haute, sa voix était grave et envoûtante, elle collait parfaitement à son physique. C'était le genre de personne qui possédait tellement de charme que ça en devenait rabaissant, humiliant et détestable. On se sentait privilégié quand elle daignait vous jeter un regard, on avait l'impression d'être intéressant quand elle vous adressait la parole, et sans avoir besoin de faire quoi que ce soit, elle avait été perçue comme grande reine de Poudlard. De quoi vous donner envie de lui mettre trois claques, à cette peste.

Il ne fallut que quelques heures pour que tout le château soit au courant de l'arrivée de cette nouvelle élève à l'air divin. Tout le château.. ou presque. S'il y avait bien quelqu'un qui n'était jamais au courant des rumeurs qui se propageaient — et c'était probablement dû au fait qu'elle s'en fichait pas mal —, c'était Luna Lovegood. La cinquième année de Serdaigle semblait parfaitement indifférente à cette arrivée pourtant remarquée, et même Ginny Weasley, sa plus fidèle amie, n'avait pas jugé nécessaire de la lui mentionner. Après tout, elle se rendrait vite compte par elle-même que tous les garçons de l'école n'avaient que le nom de la nouvelle Serpentard à la bouche.

Luna Lovegood, donc, parcourait les multiples couloirs de Poudlard accompagnée de son air rêveur, sifflotant légèrement l'air d'une musique inconnue de tous. Ah, il fallait bien dire que Luna, c'était un phénomène pas comme les autres. Elle se fichait des regards des autres comme de connaître la couleur du premier caleçon de Rogue. Elle enchaînait les critiques et les regards suspicieux, mais ça ne l'atteignait pas. C'était une fille à l'imagination démesurée qui vivait dans son monde, et ça semblait suffire à la rendre heureuse. Mais quand on apprenait la connaître, on pouvait se rendre compte que ce n'était pas qu'une fille marginale et mutique, elle savait être drôle à sa façon et bavarde. En fait, Luna se révélait être d'une compagnie plutôt agréable quand on prenait la peine de s'intéresser à elle. Elle était donc en train de trottiner gaiement vers une destination qui n'existait peut-être même pas quand elle sentit qu'elle venait de bousculer quelqu'un.

— Tiens, salut Luna, fit Harry en lui souriant, n'en voulant apparemment pas à la Serdaigle de lui avoir rentré dedans.

— Salut, répondit-elle avec un sourire encore plus grand. Qu'est-ce que vous faites là ?

— Bah.. On allait manger, s'enquit Ron en répondant à la place de Harry, laissant clairement paraître son étonnement face à sa question plutôt saugrenue. Tu.. Tu veux venir avec nous ?

— Oui, je veux bien. J'y allais aussi, de toute façon, fit Luna avec un sourire radieux, tout en replaçant une mèche derrière son oreille, laissant ainsi clairement apparaître ses boucles d'oreilles en forme de radis.

Aucun des trois Gryffondor ne jugea utile de lui mentionner qu'elle marchait dans le chemin opposé à la Grande Salle quelques secondes plus tôt. Seule Hermione haussa un sourcil étonné.

— Comment s'appelle-t-elle ? reprit la Serdaigle.

Il fallut quelques secondes de réflexion au trio pour que l'un d'eux comprenne de qui elle parlait. La nouvelle élève venait de passer sans leur accorder un seul regard.

— Abigail. Abigail Rosenbach, à Serpentard, répondit Hermione en observant attentivement la réaction de Luna. Il fallait dire que ce n'était pas dans les habitudes de la blonde de demander le prénom des autres. D'habitude, ça lui passait bien au-dessus, c'est à peine si elle avait conscience qu'elle n'était pas seule.

— Elle est jolie, dit simplement Luna.

C'était énoncé comme un simple fait, une vérité éclatante, comme si c'était la chose la plus logique du monde. Il n'y avait aucun sous-entendu, la Serdaigle avait toujours eu pour manie de dire ce qu'elle pensait sans passer par quatre chemins. Elle ne s'était peut-être même pas rendue compte du froid qu'elle venait de jeter dans le petit groupe par cette simple remarque. Un lourd silence s'installa avant qu'Hermione ne reprenne la parole.

— Ses parents sont Mangemorts, je crois.

— Comment tu le sais ?, s'enquit Luna, plus curieuse qu'autre chose.

Le malaise semblait s'amplifier, et tout le monde, à part Luna, cherchait quelque chose à dire pour changer de sujet. Si la Serdaigle était pourtant quelqu'un de remarquablement intelligent, elle avait aussi le don de dire ce qu'il ne fallait pas quand il ne fallait pas, et elle venait de faire la démonstration de ce talent une fois de plus.

— On le sait, c'est tout, coupa Ron alors que la brunette allait ouvrir la bouche pour fournir de plus amples informations.

Luna haussa les épaules et le petit groupe reprit le chemin de la Grande Salle en silence. La Serdaigle arborait à nouveau son air rêveur habituel tandis que les trois Gryffondor se jetaient des regards inquiets. Pourquoi est-ce que la Serdaigle s'intéressait-elle tant à cette fille ? En temps normal, elle n'aurait même pas fait attention à elle. Son comportement était pour le moins étrange, et ils n'arrivaient pas à se l'expliquer.

Tandis qu'ils venaient de passer les portes immenses pour entrer dans la Grande Salle somptueuse, dont les quatre tables étaient recouvertes de mets plus délicieux les uns que les autres, Luna posa une énième question, pour le plus grand agacement de ses amis.

— Ça vous dérange tant que ça, que ses parents soient Mangemorts ?

Harry poussa un petit soupir et passa une main nerveuse dans ses cheveux décoiffés avant de répondre.

— Oui Luna, ça nous dérange tant que ça. Et si ses parents sont Mangemorts, elle le deviendra probablement aussi.

Hermione lui jeta un regard réprobateur, mais ne elle ne l'interrompit pas. Même si elle n'aimait pas qu'il accuse des gens dont on n'avait aucune preuve de leur culpabilité, il fallait dire qu'il n'avait pas non plus totalement tort. Il y avait effectivement de grandes chances pour que cette fille suive la trace de ses parents et devienne Mangemort à son tour. Enfin, ce qui était sûr, c'est qu'elle ne serait pas de leur côté quand la guerre éclaterait, et Hermione n'avait pas besoin d'en savoir plus pour ne pas l'aimer.

— C'est pas quelqu'un de bien, et elle ne devrait même pas avoir reçu l'autorisation de venir à Poudlard. Elle sera du côté de Voldemort pendant la guerre, alors effectivement, on ne l'aime pas beaucoup, conclut-il avec un autre soupir las.

— Tu as raison, Harry, répondit finalement Luna comme si elle était professeure et qu'il venait de répondre correctement à une de ses questions.

Puis elle s'éloigna en direction de la table des Serdaigle, tout en saluant Ginny de la main. Lorsqu'elle fut assise, elle s'empara d'un gâteau au chocolat tout en laissant son regard divaguer sur Abigail Rosenbach qui mangeait élégamment en discutant avec Blaise Zabini.

xxx

— Vous avez vu comment Luna la regardait au dîner ?, murmura Hermione d'un ton inquiet à ses deux amis.

Harry, qui était en train de vérifier si tous les ingrédients dont ils auraient besoin pour la préparation de leur potion étaient bien sur la table, haussa négligemment les épaules.

— Crin de licorne, ok.. Venin de Doxy, c'est juste là.. Où sont les yeux de tritons, Hermione ?

— Harry, tu m'écoutes quand je te parle ?, fit Hermione, faisant cette fois transparaître de la colère dans sa voix.

Ron, qui semblait s'ennuyer ferme, prit part à la discussion.

— Écoute Hermione, on s'en fiche. C'est Luna, elle n'avait peut-être même pas remarqué qu'elle était en train de la regarder ! Tu t'inquiètes beaucoup trop pour rien !, s'exclama-t-il en passant une main dans sa chevelure rousse.

— Je ne m'inquiète pas pour rien Ronald, je m'inquiète du comportement étrange de Luna, elle n'est pas comme ça d'habitude. Et par pitié, essaie de te rendre utile, sinon le professeur Slughorn va retirer des points à Gryffondor !

— Mais où sont ces putains d'yeux de tritons, bordel de..., fit Harry qui paraissait au bord de la crise de nerfs.

— Harry, je les ai déjà mis dans le chaudron, coupa Hermione en jetant un regard en coin à Ron, qui semblait décidé à bouder dans son coin en relisant inutilement les instructions de son livre.

— Dans mon livre, il est écrit qu'il ne faut pas les mettre tout de suite.. Tu es sûre que tu ne veux pas suivre les conseils du Prince de Sang-Mêlé ? La dernière fois, ça a très bien marché, j'ai même gagné la potion de chance, proposa Harry.

— Non merci. D'ailleurs, tu devrais te débarrasser de ce livre le plus rapidement possible, je te l'ai déjà dit, il ne te servira à rien, si ce n'est à t'apporter des problèmes. C'était un coup de chance, mais il va rapidement t'induire en erreur, n'est-ce pas Ron ?, demanda Hermione en tentant de s'approprier l'approbation de son ami aux cheveux roux, mais celui-ci ne l'écoutait pas, car toute son attention était concentrée sur la nouvelle arrivante.

— Mais pour qui elle se prend celle-là ? Et elle se fait même pas engueuler, alors qu'elle arrive avec dix minutes de retard !, s'indigna Ron dont les oreilles devenaient rouges vif.

— Moi non plus, je n'aime pas beaucoup qu'elle soit privilégiée comme ça, lui confia Hermione. Le professeur Slughorn aurait du lui retirer des points, mais au moins, il ne lui en a pas ajouté, contrairement à ce que Rogue aurait fait, conclut-elle avec un petit soupir avant de replonger toute sa concentration dans la préparation de sa potion.

Mais le Gryffondor au sang chaud ne s'était pas calmé pour autant. La vue d'Abigail semblait le faire enrager au plus haut point, et il la regardait dédaigneusement en serrant les poings.

— Franchement, elle aurait au moins pu fai.., reprit-il avant de se faire couper la parole par Hermione.

— Vous pensez que ses parents sont vraiment des Mangemorts ?

— C'est ce que les membres de l'Ordre du Phénix disent, donc on n'a pas de raison d'en douter, répondit le roux en haussant les épaules. En plus, elle a une belle tête de Mangemort.

— Ah bon, tu trouves ?, intervint Harry en se désintéressant enfin des ingrédients posés sur la table pour fixer Abigail à son tour.

— Bah ouais.. Le menton pointu et tout.., s'expliqua Ron en faisant de grands gestes pour se donner contenance.

— C'est bon, vous avez fini de l'accuser de Mangemort juste à cause de son physique ?, coupa Hermione, énervée. On peut se concentrer sur la potion ?

Les deux amis échangèrent un regard étonné puis retournèrent à leurs tâches respectives.

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Depuis ce midi, la tête de Luna était remplie des images d'Abigail Rosenbach. Elle ne comprenait pas trop pourquoi ça commençait à tourner en obsession, mais ça ne la préoccupait pas plus que ça. Enfin, elle devait bien reconnaître qu'elle était, et de loin, l'élève la plus jolie de Poudlard. Luna se demandait comment elle faisait pour n'avoir aucune imperfection physiquement, car c'était loin d'être son propre cas. Bien sûr, elle était parfaitement au courant qu'elle ne prenait pas vraiment soin d'elle, mais quand même, la différence était choquante.

Ça l'avait dérangée que Harry, Ron et Hermione lui affirment que c'était quelqu'un de mauvais, et même qu'elle était sûrement vouée à être Mangemort. Elle aurait bien voulu sympathiser avec elle, il n'y avait pas de raison particulière à ça, c'était comme ça. Elle dégageait une aura que Luna ne pouvait tout simplement pas ignorer. D'ailleurs, c'était bien la première fois que la Serdaigle souhaitait autant parler à quelqu'un. D'habitude, elle laissait les gens venir à elle, et s'ils ne le faisaient pas, tant pis. Elle savait bien que les gens la trouvaient bizarre et inhabituelle, mais ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Elle avait des amis, des vrais, comme Ginny, Harry, Ron, Hermione et Neville, et ça lui suffisait amplement. Elle n'avait jamais voulu s'attirer la sympathie de qui que ce soit jusqu'à maintenant. Là, c'était différent. C'était comme impératif. Ça lui faisait tout drôle.

Abigail était le genre de personne qui avait l'air de porter tout le poids du monde sur ses épaules, même si elle le cachait remarquablement bien. Les autres voyaient en elle une fille prétentieuse, charmeuse et fourbe, mais Luna pensait qu'elle cachait quelque chose d'autre, que c'était une fille qui avait vécu des choses difficiles. Qu'il ne fallait pas se fier aux apparences. Et, instinctivement, elle savait qu'elle s'entendrait bien avec elle. Qu'Abigail ne lui en voudrait pas d'être un peu bizarre et que le courant allait bien passer entre elles.

C'était tous ces petits détails qui faisait que Luna n'avait pas abandonné l'idée de discuter un peu avec elle, malgré les avertissements de ses amis. De toute façon, elle ne les mettrait en danger pour rien au monde, et s'il s'avérait qu'Abigail était effectivement du mauvais côté, elle changerait d'avis. Mais pour l'instant, aux yeux de Luna, son allure mystérieuse la rendait fascinante, et non pas méchante.

Et puis, d'une certaine manière, elles étaient pareilles. La Serdaigle aussi était jugée sur son physique sans qu'elle n'ait rien demandé. Bon, pas de la même manière bien sûr. Si Luna avait été diagnostiquée bizarre, Abigail était la Mangemort canon, mais un jugement restait un jugement, et Abigail les subissait au même titre qu'elle. Devoir supporter qu'on vous colle une étiquette juste comme ça, sans raison, ça demande une force mentale énorme.

Pour une fois, elle ne trottinait pas dans les couloirs de Poudlard. Seul son éternel air pensif était au rendez-vous, et ses longs cheveux blonds — plutôt sales, d'ailleurs — flottaient allègrement derrière elle.

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Elle détestait ce pays, elle détestait cette école, elle détestait ces élèves, elle détestait cette maison dans laquelle elle avait été affectée. Putain ! En deux mois, sa vie de rêve s'était transformée en un cauchemar dont elle attendait désespérément la fin. Pour commencer, elle avait du quitter l'Allemagne, ce pays qui lui avait tant donné et qu'elle avait tant aimé.

Elle avait grandi en Allemagne, elle y avait passé ses plus belles années. Même enfant unique, Abigail avait toujours eu de quoi s'occuper quand elle était petite. S'amusant avec les nombreux jouets que ses parents lui offraient, elle ne s'ennuyait jamais. Quand elle avait grandi, elle avait commencé à visiter ce magnifique pays qu'était l'Allemagne, elle y avait rencontré ses premiers amours, ses premiers amis. Elle y avait fait ses premières sorties, elle aimait l'ambiance qui régnait là-bas. Pour rien au monde elle n'aurait envisagé de déménager autre part qu'en Allemagne. Et pourtant, là voilà qui habitait désormais en Angleterre, avec tous ces gens qui parlaient une langue qui lui donnait la nausée.

Elle avait le mal du pays, ça ne faisait aucun doute. Elle donnerait tout pour se casser d'ici, mais même ses parents qui l'avaient pourtant chouchoutée pendant toute sa vie refusaient d'obéir à ses caprices et de repartir. Apparemment, s'ils avaient déménagé mi-juillet, c'était pour « des affaires importantes ». C'est cela, et Abigail c'était la reine d'Angleterre ? Elle n'était pas stupide, au contraire, et elle savait parfaitement que ses parents s'étaient engagés dans une espèce d'armée de mages noirs dont elle ferait inévitablement bientôt partie.

Mais pour l'instant, elle se fichait pas mal de devenir Mangemort ou pas, tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle en voulait énormément à ses parents d'avoir déménagé. Non seulement l'Allemagne lui manquait, mais ses amis aussi. Dans cette école, ils étaient tous pourris jusqu'à la moelle, il y en avait pas un pour rattraper l'autre. Des espèces de gosses immatures, bien différents du genre d'élèves qu'on pouvait retrouver dans son ancienne école. Ici, elle avait constamment l'impression d'avoir affaire à des gamins prépubères. Les seules personnes qu'elle pouvait supporter étaient Blaise Zabini et Draco Malfoy. Et encore, elle avait l'impression qu'ils ne s'intéressaient à elle que parce qu'elle était démesurément belle.

Pas qu'Abigail ait un égo surdimensionné d'elle-même et de son physique, mais elle ne se cachait pas le fait que sa beauté était attrayante. Elle savait qu'elle possédait un charme fou qui ferait craquer n'importe quel garçon, et elle en jouait, quand elle habitait encore en Allemagne. Enfin, il fallait croire que même sans qu'elle le fasse exprès, les garçons continuaient à s'intéresser à elle. Quoi qu'il en soit, Blaise et Draco, même s'ils avaient l'air plus respectables que les autres, n'avaient apparemment pas encore compris qu'elle n'était pas qu'une beauté, mais qu'elle possédait aussi un cerveau et qu'elle savait s'en servir.

Car si il y avait quelque chose qu'elle détestait presque autant que cet endroit, c'était bien les gens qui n'avaient pas conscience qu'elle savait faire marcher ses neurones, et que ses capacités intellectuelles n'étaient pas réduites à néant, loin de là. Enfin, pour l'instant, elle se fichait pas mal de ce que pensaient les autres élèves, tout ce qu'elle voulait, c'était partir d'ici.

Plongée dans ses pensées, Abigail ne remarqua pas qu'une fille blonde, aux cheveux plutôt crasseux, se baladait seule. Et lorsqu'elle revint dans le monde réel, il était trop tard, son épaule avait heurté la sienne.

Ses yeux verts clairs rencontrèrent les iris bleues de l'autre jeune fille, et elle la toisa méchamment pendant quelques secondes avant que celle-ci ne lui adresse la parole.

— Bonjour. Tu t'appelles Abigail Rosenbach, on me l'a dit, fit-elle en lui souriant aimablement.

xxx

Sur Terre, il existe environ sept milliards de personnes. Sept milliards, quand on y pense, ça fait beaucoup. Imaginez mettre cent personnes dans votre maison, elle sera déjà bien remplie. Vingt dans la cuisine, vingt dans le salon, vingt dans la chambre.. Cent personnes, quand on y pense, c'est un grand nombre. Alors imaginez-vous mille personnes. Deux milles. Dix milles. Cent mille. Un million, ça en fait du monde ! Cent millions ! Sept milliards.. Répartis en deux cent pays différents, unis et désunis. Tant de personnes, tant de langues et de cultures différentes.. C'est là que se trouve la vraie richesse de ce bas-monde. Chaque jour, des divorces, des coups de foudre, des disputes.. Chaque jour, des femmes donnent la vie, et d'autres la perdent. Le cycle de la vie est inarrêtable, il continuera encore et toujours d'avancer, avec ou sans vous. La seule chose contre laquelle on ne pourra jamais luter, c'est le temps. Inlassablement, il avance, nous laissant plongés dans nos plus anciens souvenirs. On essaie de se rappeler du bon vieux temps, de la bonne époque où on était heureux et innocents. Mais le meilleur moyen de perdre du temps, c'est d'essayer d'en gagner. Alors sans qu'on s'en rende compte, on commence à avoir des rides, puis des pertes de mémoire. Et personne n'échappera à la seule et unique infaillible règle qui persiste parmi les siècles et les siècles ; le temps nous tuera tous. Même les plus grands personnages n'y ont pas survécu ; César, Einstein, Victor Hugo.. Si même eux n'ont pas su l'arrêter, alors comment nous, pauvres gens, le pourrions-nous ? Non, décidément et définitivement, si vous voulez gagner contre le temps, il faut que vous arrêtiez de vous battre contre lui. Aujourd'hui, deux âmes parmi sept milliards d'autres se sont rencontrées. Aussi insignifiantes qu'elles puissent être, ces personnes se sont trouvées. Personne ne se préoccupera d'elles, parce qu'il n'y a pas de raison pour qu'elles fassent exception à la règle. Mais voilà, un lien minuscule vient d'être créé, de s'être ajouté à la liste infinie de tous les autres qui existent déjà dans ce Monde, et elles parcourront leur chemin à deux comme le destin l'avait écrit pour elles.

C'est comme un fil transparent, qui serpente parfois sur le chemin rocailleux, qui foule les pierres dures et froides, qui arpente le vent en rafale et les tornades destructrices, qui plonge dans l'océan pour disparaître sous les vagues brumeuses et violentes de l'eau, qui rencontrera marins et sous-marins, pour enfin continuer à tracer son chemin parmi les mille et uns obstacles. Le fil suivra sa trajectoire, évitera les montagnes et les volcans, traversera le feu déchirant et douloureux, pour enfin arriver à destination. Il s'enroulera comme un enfant qui aurait perdu sa mère, deviendra aussi innocent qu'un poupon, et dès qu'on aura baissé la garde, il sautera et lui déchirera son cœur.