Notes de l'auteur : J'ai pondu cette fic en une soirée, je sais j'ai pleins de choses en cours mais ça arrive ! Je viens de découvrir cette série, tardivement, mais j'en suis déjà accro, surtout à cause de Ressler et Red... et oh surprise c'est un slash justement avec ces deux personnages !
Warning : Comptons un spoil de la saison 2 (j'en suis au 19eme épisode) et certainement un spoil du scénario central si vous n'avez pas relié les points livrés par la série en ce qui concerne Keen et Red. àAmoins que je me goure... sait-on jamais ! En tout cas je déconseille la lecture pour ceux qui n'ont pas vu ce qui se cache dans le bateau au début de la saison 2 et si vous n'avez pas eu le plaisir de voir le dos de Reddington après l'épisode de la prison fantôme et la mention du fulcrum, il me semble.
Acrystar.
Mille vies !
1
Ressler soupire, assis dans sa voiture personnelle, il regarde distraitement par la fenêtre vers la chambre d'hôtel de Liz. Lorsqu'elle s'était retrouvée seule, la femme avait frappé à sa porte, parce qu'il devait être le seul véritable ami qu'elle avait. Ce n'était pas totalement à sens unique puisqu'elle avait essayé de l'inviter à de nombreuses reprises, mais c'était lui qui avait refusé. Aujourd'hui, les pilules ne font plus effet et si il continue, il fera soit une overdose, soit il laissera Liz mourir. Il a failli la perdre une fois, à cause de son manque de réactivité, il a failli mourir de trop nombreuses fois et même si il pense rejoindre Audrey tous les jours, tous les jours la même réponse se pose à son esprit : pas encore.
Il a tant à faire… tant à voir. Il a sacrifié sa vie pour mettre sous les verrous le fameux Reddington et aujourd'hui ? Il se bat dans le même camp que l'homme, aujourd'hui il est le jouet de l'homme qu'il a un jour pourchassé avec ferveur. Il se sent las. Las de courir sur l'échiquier de Red, mais il ne sait pas comment s'en tirer. Mourir ou partir, il n'avait que ces deux choix et aucun des deux ne le satisfaisait vraiment.
Soupirant, il se frappe le crâne contre son volant en poussant un gémissement à fendre l'âme. Il doit voir Liz, si il ne le fait pas, il trouvera un moyen pour combler le vide des pilules par quelque chose de plus puissant et il ne veut pas finir junky, le chinois lui aura au moins ouvert les yeux à ce sujet.
Il a à peine le temps d'ouvrir la porte de sa voiture et faire trois pas vers la chambre d'hôtel qu'un homme l'immobilise, une main sur sa bouche, l'autre tenant un objet contre son flanc et soudainement la douleur, un vif spasme et le voilà qui quitte son corps. Il ne veut certainement pas mourir.
Le réveil est l'un de ceux que l'on regrette de faire, son crâne se serre sous un étau invisible, Ressler voudrait se tourner sur le ventre, mais son corps ne fait pas plus que quelques mouvements discordant avant de retomber inerte dans les draps. Ses chevilles et ses poignets lui font mal et vu qu'ils sont fermement attachés au bois de lit, ceci explique cela. Aussitôt son cerveau reptilien se met en marche et son cœur s'accélère, il fait le tour des lieux de ses yeux, mais ne voit personne. Par contre il y a une sorte de grosse coupe en faïence à côté de lui et un linge humide posé sur la table de chevet. Il y a aussi une tache de sang sur les draps, mais elle ne semble pas venir de sa personne, aussi il se questionne, mais n'arrive pas à comprendre le scénario.
Soudainement Dembe lui fait face et il n'est qu'à moitié surpris de voir l'homme pénétrer sa chambre, l'observer silencieusement, puis déposer un plateau de nourriture avant d'aller chercher son maitre. Étonnement c'est Monsieur Kaplan qui entre dans la chambre, de quoi le rassurer ! La femme prend son pouls, observe ses pupilles ne répondant pas à ses questions vaines sur le pourquoi du comment et ce qu'on lui voulait !
Lorsqu'elle a enfin terminé, elle se lève appelant l'homme qu'il ne veut absolument pas voir sur le moment.
- Agent Ressler, comment allez-vous aujourd'hui ? »
Aujourd'hui ? Mais depuis combien de temps est-il attaché à ce lit ? Ses sourcils se froncent, il a envie de s'énerver sur son hôte, ou son geôlier, il hésite encore sur le terme approprié, mais quelque chose le pousse à rester calme. Reddington a du mal à se mouvoir, il semble boiter et lorsque Kaplan a fini de l'aider à s'assoir malgré le ton admonestant qu'il lui lance quant à sa capacité à s'occuper de lui-même, Donald s'aperçoit du dégât subi par l'homme. Qui diable a pu passer à tabac le fameux Reddington ? Qui a pu le mettre à mal de la sorte ?
- Qui vous a fait ça ? »
Le silence est la seule réponse, d'une main flegmatique mais légèrement tremblante, il congédie Kaplan mais Dembe reste à son poste contre le chambranle de la porte, les yeux rivés sur lui, comme si il s'attendait à ce que l'agent puisse faire quoi que ce soit à Raymond alors qu'il est ligoté sur ce lit.
- Vous devez manger. »
Red essaye de paraitre désinvolte, mais quelque chose dans sa voix chevrote et ce n'est pas dû à la douleur, car il sait que l'homme est capable d'endurer les pires tortures sans ciller. Oui, lorsque l'on est le prince du crime et la première source de renseignements mondiaux, on doit savoir cloisonner son esprit, sa vie, ses secrets de la meilleur des façons !
Donald se rembrunit directement en voyant l'homme prendre le plateau tandis que Dembe, installe un gros oreiller dans son dos, histoire qu'il puisse manger sans s'étouffer. Que quelqu'un le pince, l'autre n'allait quand même pas le nourrir à la béquée comme une mère oiseau ! Dans quelle putain de dimension avait-il atterri ? Jamais de la vie ! L'homme gronde, il ne lui faut qu'une demie seconde pour incendier le criminel en face de lui et le traiter de tous les noms qui peuvent traverser son esprit à ce moment même. Reddington, surélève un sourcil, il croise les jambes faisant retomber la fourchette dans l'assiette. Il soupire, lève les yeux théâtralement au ciel en leur faisant faire un arc de cercle hautain qui lui fiche l'envie de mettre son poing dans le crane du type, mais Donald ne peut même pas se torcher le cul !
- Voyons voir, il existe deux moyens pour vous faire avaler ce repas, la manière douce, que vous semblez peu enclin à accepter, alors dois-je passer à la manière forte et vous gaver comme une oie ? »
- Aller vous faire voir Reddington, jouez pas à ce jeu avec moi et détachez-moi ! »
- Par pitié Donald ne faites pas l'adolescent rebelle avec moi. »
- Oh, excusez-moi, de ne pas être heureux de vous revoir dans ces conditions-là ! »
L'homme est impassible, il observe l'assiette nonchalamment.
- Un si bon risotto… vous savez j'ai été le chercher spécialement pour vous dans le restaurant de la sixième avenue… »
- Aller vous faire foutre, si vous voulez que je mange détachez-moi ! Il est hors de question que je vous laisse approcher de ma personne. »
- Dembe pourrait le faire, ou même Monsieur Kaplan, quoi que je doute qu'elle apprécie se mettre à disposition d'un homme, même tel que vous, agent Ressler… »
- Et ça veut dire quoi ça ? »
- Que Monsieur Kaplan vous découperait plutôt les parties génitales pour vous en faire une paire de boucle d'oreilles, plutôt que d'accepter cette requête. »
- Pourtant elle s'occupe de vous. »
- Et bien parce que je la paye, agent Ressler et surtout parce qu'elle sait que jamais de ma vie, je n'oserais lui demander quoi que ce soit me concernant ! »
- Je vous demande rien non plus. »
- Non, vous préférez rester tapis dans l'ombre, espérant que personne ne voit votre désespoir, que l'obscurité ne vous dévore pas les entrailles ou que vous ne soyez pas accro aux médicaments. »
- Oh et que savez-vous de ce que je ressens, vous avec un cœur Red ?! »
- Croyez ce qui vous fait plaisir Donald, mais j'ai eu une vie avant celle-là, une vie que l'on m'a prise, une vie que l'on a détruite et j'ai appris à vivre dans la haine, le mensonge et l'obscurité. Il n'y a plus rien de ce que je fus jadis parce que j'ai embrassé la voie la plus obscure qui soit et si vous faites de même, un jour vous serez assis à ma place avec un agent du FBI attaché dans un lit en face de vous et vous verrez l'opportunité qu'il a, de ne pas vous ressembler un jour. Bien que je sois bel homme et charmant charmeur, j'espère pour vous un autre scénario ! Et peut-être un peu plus de cheveux ! »
- Si vous croyez pouvoir m'amadouer ainsi. »
- Je ne crois rien agent Ressler. Bien… Dembe, puisque notre cher ami ne semble pas d'humeur à se sustenter, avons-nous quelque chiens errants dans le coin ? »
- Rien d'autres que des rats… j'en ai bien peur. »
- Des rats, grand Dieu, je parie qu'ils n'auront pas d'autres chances de gouter un met quatre étoiles. Ils vous doivent une grande aubaine agent Ressler, j'espère qu'ils ne seront pas les premiers à vouloir vous grignoter lorsque vous serez mort de faim. Bien Dembe, que les rats se régalent ! »
Il hait cette mascarade, mais lorsque le grand black est enfin parti et que le fumet délicat se déploie dans la pièce son estomac se retourne et il doit se mordre la lèvre pour ne pas flancher sous le regard aiguisé de Red qui se retire silencieusement.
Le premier réveille n'était, au final, pas le pire, car il n'avait pas été provoqué par des tremblements, les cris de Reddington et un poids colossale qui l'écrase sur le matelas qu'il occupe.
- Respirez agent Ressler. Respirez nom de Dieu ! »
Ce ne sont pas des tremblements, mais Dembe qui se tient au-dessus de lui et lui fait un massage cardiaque. Lorsque le blond ouvre les yeux, Kaplan l'éblouie d'une petite lampe qui lui déchire la rétine durant une fraction de seconde.
- Comment va-t-il ? »
- Il faut qu'il se repose, les crises vont être plus fortes. Si cela se complique il faudra faire venir un staff médical. »
- Pas de médicaments pour lui, il a eu le choix de la manière douce, maintenant on passe au plan B, la manière forte. Agent Ressler ? Vous n'allez pas mourir entre mes doigts, pas après que je vous ai transfusé de mon propre sang pour vous sauver les miches, vous m'entendez ?! Je vous interdis de baisser les bras ! »
L'obscurité le dévore vivant, il essaye de s'accrocher à quelque chose tandis qu'il tombe dans le vide. Une chaleur semble attraper ses doigts, la main forte d'une présence au fond des ténèbres, celle de Raymond Reddington, aussi, il sourit tandis que l'inconscience le fauche.
Liz a besoin de lui, elle est entouré de trois mercenaires, elle hurle, crie, demande son aide, mais il la regarde impuissant. Lorsqu'il baisse son regard, il s'aperçoit que son ventre a été ouvert et que ses boyaux pendant le long de son corps jusqu'à la terre. Des centaines de rats se précipitent sur le festin tandis qu'il hurle à la mort. Il ressent une présence derrière lui et va pour l'implorer, mais l'ombre disparait sous son regard pour se coller contre lui. Elle rigole. Pendant un laps de temps, il pense que c'est Reddington qui se moque de lui, mais la présence est plus noire, jamais Reddington ne lui a fait autant peur. Cette personne qui se découvre sous ses yeux c'est lui-même. Un homme que la mort n'émeut plus, un homme qui joue avec. Sa main invisible se saisie de la sienne amenant son arme à pointer le visage de Liz qui l'observe de ses grands yeux étonnés. Tire… tire… ses susurrements sont merveilleux, mais il ne succombe pas, alors l'ombre appuie sur la gâchette avec son doigt. Le visage de Liz est blafard, le rouge dévore ses prunelles vides de vie, il hurle, il essaye de se défaire de l'emprise, mais elle ressert ses intestins le long de sa gorge, comme les fils visqueux d'une toile d'araignée. Reddington ! Reddington !
Lorsqu'il ouvre les yeux, le plafond blanc et mal entretenu le soulage, c'était un simple cauchemar, il met un moment avant de se rendre compte qu'il serre quelque chose entre ses doigts. Reddington sourit comme un père, légèrement amusé par la situation, mais avec une drôle d'attention qui pourrait, s'il ne s'agissait pas de l'homme qu'il maudissait le plus sur cette planète, être quelque peu rassurante voire même touchante !
- Ne vous inquiétez pas, je n'ai pas daigné laisser les rats faire de vous leur quatre heures. »
- Pourquoi faites-vous ça ? »
- Parce que je ne laisserais pas l'équipier de Lizzie la mettre en danger à cause d'un problème qu'il ne veut pas voir en face. Dans mon monde, dans notre monde, Donald, une telle faiblesse pourra vous couter la vie, celle de Liz et peut-être bien celle de Dembe et de moi-même. Et sachez une chose… si je dois mourir, ça sera pour moi et pour moi uniquement, ne vous donnez pas le crédit de vous voir comme l'homme qui me mettra à terre. »
L'homme peut s'essayer à la nonchalance et son humour bien à lui, cela dit, ça ne fonctionne pas avec Donald, pas lorsqu'il voit que l'homme s'est laissé capturer par Ressler rien qu'avec la force de ces cinq doigts tremblotants.
- Maintenant, voulez-vous boire un peu de thé ? Je l'ai fait importer du Tibet. Soit, il est dit qu'une consommation excessive peut vous noircir les dents d'une façon très peu glamour mais il est d'un tel fumet que je ne peux m'en prohiber. En parlant de ça, j'ai connu une japonaise, une femme d'une beauté… vous n'en avez certainement jamais vu une comme celle-ci. On aurait dit une fleur de sakura bercée par le vent, une beauté céleste, pleine de délicatesse et changeante comme la brise. Un regard qui vous ôte la raison et une sourire… oh un sourire de déesse, enfin jusqu'à ce que je vois ces grandes dents mal placées et noires comme la suie ! Mais elle était d'une beauté, une beauté ! »
- Oui, oui, comme une fleur de cerisier bercée par le vent. »
- Vous vous sentez l'âme d'un poète, bien, vous méritez un peu de thé et pourquoi pas, quelque chose à manger ! »
La main quitte ses doigts, le temps de se servir d'une tasse et d'y verser quelques larmes de thé. Il laisse l'homme se baisser vers lui, passer l'un de ses bras derrière sa tête afin qu'il puisse s'abreuver d'une gorgée de thé.
- Doucement… juste une gorgée, vous n'avez rien avalé depuis des jours. »
- Combien de temps ? »
- Six jours. »
- Six ? Et Liz et Cooper ? »
- J'ai dit à Liz que je prendrais soin de vous quelques jours, elle a dû dire à Cooper pour votre petit secret. »
- Vous n'avez pas à vous introduire dans ma vie privée, bordel ! »
Il crie des insanités envers l'homme qui semble décontenancé par son changement d'humeur, mais il se redresse bien vite, laissant l'agent s'égosiller seul. Il attend que l'autre n'en puisse plus et soit fauché par une quinte de toux pour reprendre la parole.
- Criez comme bon vous semble, ici, il n'y a que des rats et ils dorment, repus du repas dont vous n'avez pas voulu ! »
Les tremblements sont de plus en plus terrifiants, lorsqu'il convulse dans les draps, hurlant à la mort, son geôlier fait demander Kaplan qui accourt aussitôt.
- Restez avec moi Donnie, Donnie restez avec moi. »
- Il me faut quelque chose, juste, juste… »
- Rien du tout, vous serez bientôt clean et on va faire ça de la seule façon que vous connaissez. En douloureuse compagnie et en cris, que vous compreniez Donnie, que je ne vous laisserais pas prendre cette route. Vous vous souviendrez de chaque seconde de douleur et d'agonie pour que vous ne soyez pas tenté par succomber une autre fois à toutes ces drogues légales. »
- Je vous hais Reddington, j'ai entendu que vous avez une fille et bien si j'étais elle, je prierais pour jamais voir votre visage en face de moi, si j'étais elle, je souhaiterais vous voir disparaitre ! »
Il aurait mis une balle en pleine de tête de Red qu'il aurait été certain de ne pas voir ciller l'homme plus qu'il ne l'avait jamais vu s'émouvoir, mais ces mots qu'il ne contrôle pas sous son désespoir et sa rage mette l'homme invulnérable à mal, bel et si bien qu'il ne savoure même pas cette victoire car pour un temps cet homme en face de lui n'est pas l'homme qu'il hait, l'homme suffisant qu'il a traqué, ce marchand d'informations qu'il honni du plus profond de son âme. Alors qu'il tire sur ses liens comme un animal sauvage Dembe lui décoche une droite, avant de se lever et de tirer Raymond loin du fiel de ses mots.
- Dites à Raymond que je m'excuse. »
Dembe observe l'agent en inclinant la tête. Ressler voudrait se frotter la mâchoire car l'homme de main de Red n'a pas été de main morte avec lui, mais Donald a connu pire et la douleur physique rompt la monotonie de ce mal qui se glisse à l'intérieur de son crâne. Quelques longues heures plus tard Reddington entre dans la chambre comme s'il en était le propriétaire, ce qui est fort possible et se lance dans des palabres interminables parlant de mets savoureux et de jeunes femmes charmantes.
- Si l'agent Ressler veut bien me faire l'honneur de manger… »
- Je m'excuse. »
L'homme le toise silencieusement, puis son visage se fend d'un sourire presque doux.
- Vous aviez raison, mon jeune ami. Je ne peux pas la protéger de l'homme que je suis devenu c'est un fait, et je déteste profondément l'homme qui se tient devant vous pour lui être si nocif, mais c'était ma fille et je l'aime toujours, parce qu'un père quel qu'il soit, aime ses enfants, à part peut-être quelques cas désespérés dont heureusement je ne fais pas parti ! J'ai les mains peut-être sales, mais avant d'être Red j'ai été un père aimant et fier de sa fille. Mais si je ne peux la protéger de l'homme que je suis aujourd'hui, au moins je me dois de la protéger des gens qui ont placé une cible dans mon dos quel qu'en soit le prix, dussè-je y perdre la vie ! »
C'est certainement la première et dernière fois qu'il entend Reddington parler si ouvertement, sans détour, sans ellipse et tout à coup le cerveau de Ressler imbriqua les pièces manquantes et son corps entier frémit de cette découverte, mais aussi du choix de l'homme de lui livrer ce précieux renseignement.
- Maintenant on ouvre la bouche et on fait ha ! »
- Red, pourquoi me dire ça ? »
- Je l'ignore, pourquoi je me suis battu pour vous garder en vie ? Vous ne m'êtes d'aucune utilité, pourtant me voilà luttant encore pour le même but. Est-ce là la future configuration de notre nouvel intérêt commun ? Allons savoir, quoi qu'il en soit, j'estime que vous êtes bien meilleur homme que la moitié de ceux qui n'oseront jamais partager le même air que Lizzie. »
- Est-ce une sorte de façon obscure de ma dire que vous m'accordez ma bénédiction. »
- Plutôt mourir et si vous aviez dans l'idée de faire une chose aussi idiote, je viendrais moi-même m'assurer que ce sera la dernière de votre pathétique existence cher ami. »
Et avec ça Reddington lui enfourna la fourchette dans le bec l'empêchant de répliquer. Ce n'est qu'après la diffusion du fumet du magret de canard et des épices le long de son palais qu'il se rendit compte de la faim qui le tenaillait et bien malgré l'inconfort de voir Reddington le nourrir comme un enfant et le fait qu'il soit toujours attaché au lit, Donald se laissa faire bon gré, mal gré ouvrant la bouche sagement à chaque fois que le sourire bienveillant de Reddington le lui intimait. Il semblait que ce drôle d'instant remplisse l'homme d'une certaine joie et d'une paix étrangère aux observations de l'agent du FBI. Qui avait été Raymond Reddington ? La glace de son visage a disparu et Reddington lui permet de voir les pétales de lumière d'un bleu lagon iriser son regard. L'homme sourit parfois sous l'observation minutieuse dont il est victime pourtant Red ne se cache pas, à la place, il nourrit minutieusement son hôte comme un véritable gentleman. Ce n'est que lorsque l'assiette est vide qu'il la repose puis croise les jambes s'inquiétant de la qualité du plat.
- Délicieux. »
- Parfait, grand dieu, j'ai cru qu'il était infecte mais que vous aviez décidé de ne rien dire à ce propos. »
- Quand je pourrais être détaché ? »
- Quand vous ne serez plus un danger pour vous, mais aussi pour les autres. »
Cette phrase le fait soudainement réagir, il ausculte la marque de griffure que porte Raymond sur le bras de sa manche relevée, les différents bleus qui maculent son cou et sa tempe puis son sang se glace. Reddington n'a pas été frappé par un quelconque agresseur, mais par sa propre personne et l'homme ne s'était semble-t-il pas défendu… Quelque chose lui soulève le cœur, il n'a pas oublié ce qu'a fait Reddington pour lui, le fait qu'il l'ai sauvé alors qu'il aurait pu le laisser avec sa balle à terre et crever comme un chien, le fait qu'il lui ai envoyé le meurtrier de sa fiancée et de leur enfant, ou tout du moins, sa tête, dans une jolie boite. Raymond n'était pas charitable avec les gens, Donald savait que l'homme, un jour, appuierait sur ces clémences pour l'amener à faire quelque chose en contrepartie, peut-être d'ailleurs que sa façon d'agir avec le criminel a déjà été changée à cause de ça. Comment ne pas se souvenir des efforts qu'à fait cet homme pour le garder en vie alors qu'il se vidait de son sang ? Lui ? Qui avait passé sa vie à le traquer comme une bête et qui n'aurait pas eu de cas de conscience à le laisser crever si les rôles avait été inversés.
- Détachez ma main gauche. »
- Impossible. »
- Reddington faites ce que je vous dis bordel de dieu ! »
- Sinon quoi ? »
- Je n'ai pas envie de dire ça, mais maintenant que je sais votre petit secret… »
Le visage de Reddington s'assombrit, il décroise les jambes et fait retomber la manche de sa chemise contre son bras, ensuite il en referme le bouton ne regardant plus Ressler avec le même regard ouvert et profondément joyeux. Ressler s'en veut, il n'est pas Reddington, pourtant que fait-il à appuyer sur la seule faiblesse que l'homme a osé lui montrer ?
- Je vois que j'ai fait une grossière erreur de jugement en vous livrant ceci, sachez que je ne vous laisserais pas faire une telle chose quitte à vous tuer de mes propres mains. »
- Raymond, je ne veux pas faire ça, je vous jure que je ne veux pas le faire, j'ignore ce qui vous a poussé à me dire ça… C'est un teste ? Et bien je l'ai foiré, mais je ne réfléchis plus droit, j'ai besoin que vous détachiez ma main gauche. »
- Pour ? »
- A vous de voir, êtes-vous joueur ? »
Reddington debout à côté du lit, observe intensément son prisonnier, il est froid, glacial, ce n'est pas le père qui le scrute, mais l'homme au casier judiciaire long comme son bras. Soudainement l'homme se retourne hélant Dembe qui, un couteau de chasse à la main, s'approche des barreaux du lit. L'homme silencieux indique par son regard qu'il n'hésitera pas à faire de lui une passoire si l'envie lui prenait de se libérer ou de faire du mal à l'homme à qui il a prêté allégeance. Donald fait tourner son poignet deux fois, afin de s'assurer qu'il en a toute la mobilité puis la main se tend vers son geôlier qui attend toujours une indication de ce qu'il s'apprête à faire.
- Venez là, Reddington… »
Sa voix est une supplique angoissée, il ne s'en rend compte que lorsque l'homme en face de lui incline la tête comme se demandant ce qu'il a en tête. Son regard hautain et défiant le cloue sur place. Il ne veut pas faire ça à cet homme-là, mais Red et Raymond ne sont-ils pas les deux faces d'une seule et unique pièce ? Tandis que l'homme concède à se baisser, son indexe peut enfin se poser sur la tempe de l'homme contournant la peau meurtrie qu'il a laissé sur son passage, se rendant compte que la forme est celle de son poing. Il se permet ensuite de caresser le violacée de la fine peau qui tressaute nerveusement, le regard de l'informateur est illisible, puis tout à coup ses iris se fendent d'une douce luminosité qui rassure Ressler. Aussi étrange que sa requête soit, il espère qu'elle sera exaucée.
- Laissez-moi le revoir de temps en temps. Laissez-moi revoir cet homme dont vous avez tout oublié, ou que vous croyez avoir laissé quelque part à la croisée des chemins. Il attend Raymond, il attend patiemment que vous le laissiez sortir pour quelques instants, laissez-le vivre… le temps d'un battement de cil. »
Son bras faible ne peut plus continuer de dévaler la nuque de Reddington, il retombe sur les draps et tout à coup son corps se met à trembler, fauché par une sensation de manque bien moins puissante que la dernière. Discipliné, l'agent retend sa main en direction de Dembe, toisant Reddington d'un regard déterminé.
- La manière forte… ne me laissez jamais refaire ça, Red, ou je vous tue. »
Le criminel va d'un éclat de rire froid, il se redresse, amusé par l'agent Ressler au plus haut point.
- Et qui a dit que vous seriez capable de faire une telle chose. La desintoxe vous fait délirer très cher ! Bien, je suis attendu à Honolulu, un ancien ami à soudoyer, je passerais vos amitiés à l'agent Keen. En attendant, Sara et Kaplan vont s'occuper de vous. »
La demie journée qui le sépare du criminel est atroce, Sara, l'infirmière que son geôlier et ami a recruté est gentille ce n'est pas le souci, mais il se refuse de faire appel à elle pour ce qui lui arrive présentement et se demande si la chose en sera plus facile avec Reddington. L'homme l'a vu au plus bas, se vidant de son sang dans une boite de plexiglass, craignant la mort comme un enfant. Il a dû le voir dans des épisodes peu glorieux lorsqu'il a commencé son sevrage, aussi il sert les dents et attend patiemment que la porte s'ouvre sur…
- Piña Colada ? Sans alcool bien sûr ! »
- Je ne pensais pas dire ça un jour, mais dieu soit loué. »
- Vous ai-je manqué ? Quel accueil ! »
- Reddington ? C'est charmant de votre part de ne pas me laisser seul avec Monsieur Kaplan, car je dois avouer que lorsqu'un nettoyeur s'occupe de votre personne on commence à se poser des questions sur notre avenir… mais… Sara ?! »
- Qu'y-a-t-il ? J'osais espérer que vous la trouviez digne de confiance. Elle travaille dans un centre de désintoxication, nous avions besoin du conseil de quelqu'un qui s'y connait véritablement. »
- Oui, et jamais je ne demanderais ça à une femme. »
Reddington se tait un instant, il observe l'agent Ressler quelques courtes secondes, dubitatif, puis il incline la tête questionnant l'homme du regard.
- J'ai pensé que vous ne voudriez jamais me demander une telle chose, c'est bien pour ça que Sara est encore dans les parages. »
- Par pitié, vous m'avez charcuté la cuisse pendant que je piaillais comme un gosse. Je me demande quelle genre de conneries j'ai bien pu vous dire pendant mon délire et la dernière semaine est un trou noir, qui s'est occupé de moi tout ce temps ? »
- Moi, quand mon emploi du temps me le permettait, sinon c'était Monsieur Kaplan, ou Dembe si sa présence n'était pas requise. »
- Mon dieu… et je vais devoir vivre avec ça. »
L'informateur du FBI, se dirige vers le fond de la pièce, il attrape du matériel médicale qu'il attire vers le lit de Donald, l'homme soulève le simple drap qui cache le bas de son corps sans outre passer une certaine barrière personnelle dont Donald est reconnaissant. Il aimerait pouvoir se lever et aller de lui-même aux toilettes, mais c'est peine perdue, aussi il fixe fermement le plafond tandis que son corps fait la vidange et après s'être autant retenu, c'est presque une félicité.
- Ça va mieux ? »
- Pitié Reddington… »
- Nous en revenons donc aux noms de famille, agent Ressler, il faut savoir. »
L'homme dont il a toujours reconnu une certaine droiture d'esprit, ne tacle pas un homme à terre, il fait ce qu'il a à faire, tout en parlant de choses et d'autres, de la piste, du suspect, de l'affaire pour ramener Ressler dans un endroit familier.
- Si vous ne refaites pas de crises sévères, je pense que dès samedi on vous détachera, tenez bon encore deux jours agent Ressler et tout ceci ne sera qu'une parenthèse que l'on oubliera bien vite. »
- Je n'oublierais pas. »
- Vous voulez vous souvenirs de ce genre de choses, êtes-vous un étrange fétichiste, agent Ressler ? J'ignorais ça… »
- Non, je ne parlais pas de ça, vous me prenez pour qui Reddington ? Je parle de vous, de lui… »
Il n'en dit pas plus tandis que l'homme l'examine puis roule des yeux comme pour empêcher l'homme derrière de faire une nouvelle apparition.
- Quel que soit le mirage que vous pensez avoir vu, dites-vous que c'était les restes de drogues qui ont tout inventé. »
- Si ça peut vous rassurer… »
Il ne veut pas miner son propre échiquier, mais il ne peut pas laisser Reddington jouer avec son esprit ou le persuader de sa propre vérité. Ressler s'accroche à ce bleu irradiant d'une paix interne, il veut se souvenir de ce sourire doux, il veut que l'image de ce père se grave dans son esprit et ce, jusqu'à la mort.
