1. Retour au bercail
Konoha, village caché du Pays du Feu, huit heures du matin.
Le ciel était d'un bleu parfait, agrémenté ça et là de nuages moutonneux qui dérivaient lentement, au gré d'une légère brise de printemps. La forêt qui entourait le village déployait un incroyable kaléidoscope de couleurs, d'odeurs et de sons. Le vert clair des feuillus qui revenaient à la vie après un long hiver. Le clapotis de l'eau de la rivière. Le vert foncé des épineux, droits et fiers. L'odeur âcre de la résine. Le vert humide de la mousse sur les rochers. Les plumages et fourrures colorés des animaux. Le vert vif des herbes multiples. Le chant des oiseaux. Le marron brut de la terre. Le chuchotement du vent dans les branches. Le marron rugueux des troncs. La nature même respirait la paix.
Juste devant les grandes portes du village, dans un abri en bois, Izumo et Kotetsu surveillaient comme souvent les entrées et sorties, tenant à jour le registre qui finirait sa route dans le bureau de l'Hokage, pas plus tard que le soir même. Kotetsu baillait, Izumo promenait son regard autour de lui. Des enfants jouaient dans les rues, pendant que leurs aînés se rendaient à l'Académie et leurs parents au travail. Un chien aboyait, sur le balcon d'un appartement, apparemment désireux de sortir courir dehors. Des Genins couraient après un très reconnaissable chat tigré qui portait un ruban sur l'oreille droite. Des couples et des amis se baladaient nonchalamment dans la grande rue du village. De temps en temps, des ninjas ou des voyageurs passaient les grades portes, partant ou arrivant. Une matinée normale pour les deux teneurs de registre.
Le temps passait... et rien ne se passait. Kotetsu bailla une énième fois, avant de s'affaler sur la table de l'abri, se demandant si piquer un somme pendant son boulot serait préjudiciable à sa candidature à l'examen Jounin. A côté de lui, Izumo dodelinait de la tête, une main soutenant son menton, les yeux dans le vague. Oh, et puis... L'Hokage ne dirait rien, elle-même devait encore être en train de pioncer sur son bureau... Ou de se soûler au saké... Ou de s'endetter au casino. Oui, si Tsunade avait pu devenir Hokage malgré ses vilaines habitudes, on ne lui refuserait pas le grade de Jounin pour avoir dormi pendant ses heures de travail. La conscience tranquille, Kotetsu ferma les yeux, en vue d'une bonne sieste.
« Yaaaaouuuuu ! »
Sursautant violemment, Kotetsu tomba de sa chaise. Le coude d'Izumo ripa et le menton de ce dernier percuta durement la table. Reprenant leurs esprits, les deux compères se relevèrent tant bien que mal, cherchant la cause de ce soudain tintamarre.
Ils n'eurent pas à chercher bien loin. Plissant les yeux devant le très coloré survêtement du ninja qui se tenait au beau milieu des grandes portes, un sourire jusqu'aux oreilles et les yeux brillants, les deux Chuunins finirent de se relever, et comprirent doucement qui ils avaient devant eux. Kotetsu déglutit bruyamment tandis qu'une goutte de sueur perlait sur la tempe d'Izumo. Le calme de Konoha ne serait bientôt plus qu'un lointain souvenir...
Désabusés, les deux compères regardaient le groupe qui s'était formé. Au beau milieu, souriant comme un idiot, se tenait le responsable de leur réveil forcé, engoncé dans son éternelle tenue orange pétard, Uzumaki Naruto. Derrière lui, en train de bailler, se trouvait un colosse aux longs cheveux blancs, aux joues barrées d'un trait rouge, Jiraya du Trio Légendaire. Les deux regardaient, quoique vaguement, deux énergumènes en train de se disputer : l'un était un garçon aux cheveux bleutés et aux dents taillées en pointes, se trimballant un énorme coupe-chou, l'autre était une fille aux cheveux rouge vif, des lunettes sur le nez, à l'air violente. Un peu sur le côté, regardant les deux précédents cités comme s'ils étaient transparents, se tenait un grand gaillard à l'air calme et sérieux, arborant des cheveux roux et un moineau sur l'épaule. Enfin, à l'exacte opposé de l'Uzumaki, se trouvait un garçon aux cheveux et yeux complètements noirs, l'air totalement impassible, avec un katana glissé dans la ceinture. Si Izumo et Kotetsu étaient incapables d'identifier le bleu, la rouge et le roux, ils ne mirent pas longtemps à identifier le dernier venu de la petite troupe, Uchiwa Sasuke. M'enfin, se dirent-ils, s'ils sont avec maître Jiraya, c'est que ça doit être bon. Et les deux compères se rassirent donc, notant les noms de ceux qu'ils connaissaient dans le registre, et un point d'interrogation assorti d'une description physique pour les autres, alors que le groupe, mené par un blond surexcité, s'engageait dans la grande rue du village.
Naruto boudait. Oui, c'était débile. Oui, c'était gamin. Oui, ça ne ferait pas changer grand chose. Mais même. Il n'était pas content. Alors il boudait. Il fallait dire qu'il avait quand même des raisons d'être mécontent.
Déjà, il avait un cocard à l'oeil gauche parce que Tsunade lui avait envoyé son poing dans la face pour l'avoir appelée Mamie. Elle devrait être habituée depuis le temps. Sept ans qu'il la connaissait, et sept ans qu'il l'appelait comme ça. Bon, d'accord, il venait de passer six ans et demi hors du village à chercher Sasuke, mais même. Ca ne se faisait pas.
Ensuite, il avait voulu aller manger chez Ichiraku pour midi, mais Jiraya avait disparu discrètement. Naruto le soupçonnait d'être aux sources chaudes. Et pas forcément dans le bain des hommes. Juugo n'avait pas pu venir parce que Tsunade voulait examiner son cas à l'hôpital. Karin refusait de manger des pâtes, Suigetsu l'avait charriée, le tout avait terminé comme d'habitude en dispute et le Hôzuki s'était vu contraint de prendre la fuite devant la furie rousse qui lui avait couru après jusqu'à l'autre bout du village. Finalement, il s'était tourné vers Sasuke, mais celui-ci l'avait gratifié de son regard froid n°3, « Même pas en rêve », et avait filé il ne savait où. Bande de lâcheurs.
Arrivé chez Ichiraku, il avait commandé son bol de ramen dont il rêvait depuis pas mal de temps, et l'avait engouffré à vitesse éclair. Mais quand Teuchi lui avait donné l'addition, et que le blond avait ouvert son porte-monnaie en forme de grenouille, il l'avait trouvé vide. Il s'était donc retrouvé à faire la plonge pendant tout le service du midi, avec sur le dos un tablier blanc, sur lequel était écrit en rose flash, « J'aime la L.H.I.S.O.K. ».
Après ça, il était arrivé au terrain d'entraînement n°7 en retard (quoique avant Kakashi), puant le produit vaisselle au citron, avec les doigts fripés, et Sasuke lui avait lancé son regard froid n°1, « Tu vas crever », pour l'avoir laissé poiroter comme un abruti pendant une heure. Pour couronner le tout, Kakashi leur avait fait repasser le test des clochettes, et une fois celui-ci terminé, Sasuke avait prétendu qu'il avait attrapé sa clochette avant Naruto, alors que ça n'était même pas vrai, et Kakashi n'avait rien dit, le nez dans son bouquin interdit aux mineurs.
Puis, il avait voulu aller saluer Sakura chez elle, mais les voisins de la rose lui indiquèrent que celle-ci avait déménagé (premier choc) quatre ans plus tôt, suite au décès de ses parents (second choc). Peiné pour son amie, il était parti vers la tour de l'Hokage pour demander à Tsunade où vivait désormais la rose, et avait fait un crochet par le cimetière, trouvant effectivement une stèle au nom des parents de Sakura. C'était donc déprimé qu'il était entré dans le bureau de Tsunade, qui l'avait engueulé pour être entré sans frapper (A son avis, c'était plutôt pour l'avoir dérangé pendant sa pause saké), avait bataillé avec la blonde pendant dix minutes avant de réussir à en placer une, pour finalement entendre que Sakura était en mission à durée indéterminée.
N'ayant pas apprécié sa (bruyante) réaction, Tsunade lui avait finalement envoyé à la tête le dossier de la rose, avant de l'envoyer valser par la fenêtre. C'était donc le moral dans les chaussettes qu'il était reparti, essayant d'intégrer que, de une, Sakura était devenue Jounin, de deux, qu'elle ne faisait plus partie de l'équipe sept, de trois, qu'elle avait un sacré paquet de missions de rang A et S à son actif, de quatre, qu'elle était en mission depuis quatre ans, et, de cinq, que personne ne savait quand elle reviendrait.
Et encore, il ne comptait pas le chien de Kiba qui lui avait uriné dessus (son pantalon était ruiné), ni le chat qui lui avait sauté dessus toutes griffes dehors en essayant d'échapper à trois jeunes Genins, ni Shino qui lui en voulait à mort pour avoir soi-disant écrasé un de ses insectes, ni Hinata qui s'était évanouie en le voyant et qu'il avait du ramener sur son dos au domaine Hyuga, pour en retour se faire fusiller du regard par Neji, ni Tenten qui lui avait éraflé l'oreille avec ses kunais.
Alors oui, c'était peut-être puéril de bouder, mais il estimait en avoir le droit. Et il le faisait, assis en tailleur sur son lit, en caleçon, le menton appuyé sur une main. ... Berk, il puait toujours le citron.
Konoha, village caché du Pays du Feu, huit heures du matin.
Assis à la même place que la veille, Izumo et Kotetsu admiraient exactement le même paysage que la veille, et l'avant-veille, et l'avant-avant-veille... Raides, une goutte de sueur sur la tempe, déglutissant de temps en temps, la gorge serrée, ils attendaient anxieusement ce qui pourrait bien leur tomber sur le coin du nez maintenant que le duo le plus imprévisible de l'équipe sept était de retour au bercail. Toutefois, après plusieurs heures sans accident, catastrophe ou autre, les deux compères commencèrent à se détendre. Peut-être que l'Uzumaki et l'Uchiwa s'étaient assagis, finalement. Kotetsu se permit même de se balancer sur sa chaise, en équilibre sur deux pieds, les yeux fermés.
« La vache, c'est pas trop tôt ! »
Ouvrant brusquement les yeux, Kotetsu voulut se lever... Et s'écrasa par terre pour la deuxième fois en deux jours, ayant oublié la position bancale de sa chaise. Izumo se leva d'un coup, cherchant le propriétaire de la voix qui venait de crier, et se cogna le haut du crâne contre le toit de l'abri. Sous le choc, il se rassit, se tenant le crâne d'une main. Levant les yeux, les deux Chuunins regardèrent qui leur avait fait risquer l'infarctus.
Devant les grandes portes, ayant laissé tomber son sac à ses pieds, une jeune femme était en train de s'étirer, mains jointes au-dessus de la tête et bras tendus. Jusque là, rien d'anormal. Les deux compères bloquèrent sur sa couleur de cheveux. Rose. Ils n'y en n'avait pas cinquante à Konoha. La disciple de l'Hokage, Haruno Sakura, venait de rentrer de mission.
Toutefois, sa tenue leur fit ouvrir grand les yeux. Les cheveux longs jusqu'à la taille, en bataille le pantalon noir typique des ninjas un débardeur noir, couvert par une veste apparemment en cuir d'un bleu foncé presque noir et son bandeau ninja attaché négligemment à la taille, de travers, noir également. Exit la gamine modèle aux vêtements rouges/roses qui portait son bandeau frontal dans les cheveux. En fait, sans ces fameux cheveux roses, les deux Chuunins ne l'auraient probablement pas reconnue. La kunoichi dégageait quelque chose de... spécial. Ils n'arrivaient pas à définir plus précisément ce quelque chose. Mais bon, ce qui dominait chez eux était tout de même le soulagement. Le membre le plus raisonnable de l'équipe sept était de retour. Ca, plus l'Hokage et Kakashi, devrait être suffisant pour tenir en laisse les deux énergumènes blond et brun.
« Sakura ? C'est toi ? » , demanda finalement Izumo.
Attrapant son sac et l'envoyant sur son épaule, la rose se tourna vers l'abri des deux teneurs de registre.
« Hey ! Izumo, Kotetsu ! Comment ça va les sempais ? » , fit-elle avec un grand sourire sur le visage.
Choqués. C'était le mot. Où était passée la gentille fille qui respectait parfois trop ses aînés ? Izumo avait les yeux exorbités, Kotetsu la bouche grande ouverte.
« Hé, ça va pas ? , demanda la jeune fille en haussant un sourcil.
- Si... Si, ça va. , fit Izumo, se reprenant, et envoyant un coup de coude à son voisin.
- Ah ! Euh, oui, je veux dire, on va très bien. , acquiesça Kotetsu.
- Ah ? Vous aviez l'air bizarre. »
Et c'est elle qui dit ça... , pensèrent les deux Chuunins, une goutte d'eau derrière la tête.
« Non, en fait, c'est juste qu'on... Qu'on réfléchissait ! , broda Kotetsu.
- Oui, continua Izumo, on réfléchissait... A comment améliorer les registres des entrées et sorties du village !
- Vraiment ? Bon, bah puisque vous êtes à fond dans votre boulot, je vais vous laisser, hein ? » , fit Sakura, avant de partir d'un pas vif dans la grande rue du village.
Elle a vraiment cru ça ? , pensèrent-ils, une deuxième goutte d'eau derrière la tête.
« Ah ! Au fait, puisque vous avez l'air vraiment passionnés par le sujet, je demanderai à l'Hokage de vous affecter ici plus souvent ! » , s'exclama la rose en se retournant à demi à vers eux.
Heeeiiinnn ? , pensèrent les deux hommes, les yeux écarquillés.
« De rien ! » , fit-elle en repartant, un grand sourire sur le visage.
... Nooooonnnnnn !
