Titre : Heureux les imbéciles

Auteur : F0etus

Rating/Genre : un PG-13 ou T pour la mention de cybersexe et autres sujets plus ou moins adultes effleurés )

Fandom : Principalement A.I. et Iron Man. Principalement.

Pairing : Tony Stark/Jarvis

Résumé : Parfois le fruit du génie mûri indépendamment de sa volonté. C'est compliqué, mais ça n'est pas toujours la fin du monde. Demandez à Tony Stark.

Disclaimer : Aucun de ses personnages ne m'appartient, ils sont la propriété respective de Spielberg et des artistes de Marvel. Je ne me fais d'argent sur le dos de personne, promis juré craché.

Ndla : Sodomiseurs de mouches, fouilles-caca et puristes,

Cette histoire est une insulte à toute forme de logique quelle qu'elle soit. Sérieusement. N'en cherchez pas, elle ne répond à aucune cohérence.

J'ai marié Marvel et DC, j'ai foutu Lex Luthor en pension avec Tony Stark, j'ai fait des clins d'œil insalubres à Batman, à Superman et j'ai invité Hawkman.

Cependant j'ai ouï dire que Marvel et DC ont créé ensemble une version ultime et melting-pot du S.H.I.E.L.D. (dans laquelle Tony est en fauteuil roulant), je me sens par conséquent moins criminelle.

M'enfin tout de même. Ma simple idée de base qui était celle de créer un crossover entre l'A.I. de Spielberg et Iron Man est chronologiquement irréalisable.

Portant. Pourtant je l'ai fait. J'ai profané l'unité du temps comme un gamin de 10 mois avec le précieux CD des Cure de sa grande sœur.

Je ne suis même pas une fan inconditionnelle de l'homme d'acier, je suis une super heroes whore en général (You don't say). De ce côté du crime, je crains de ne pouvoir blâmer que l'inspiration questionnable que suscite en moi la vue de Jude Law et de RDJ ensemble :)

La mythologie d'Iron Man a encore plein de secrets pour moi et j'ai, genre, complètement réécrit le personnage d'Edwin Jarvis. Honnêtement, le pauvre, dépouillé. J'ai vaguement gardé le concept créé pour les besoins du film en 2008, mais même partant de là, j'ai pris des libertés très libérées.

J'ai fait du crossover dans le crossover, certaines guest stars plus ou moins discrètes n'auraient jamais dû se glisser dans cette histoire. Par considération pour tous ces personnages qui ne m'appartiennent pas, j'ai essayé de limiter ce casting infernal, malgré tout, quelques apparitions insensées m'ont échappé.

Qu'on se le dise.

Maintenant que vous êtes prévenus, si vous êtes toujours avec moi, c'est parti…


Chapter 1 :

The Genius, his secretary and his A.I.


« …n'est à l'heure actuelle en mesure de répondre aux véritables questions qui se bousculent dans tous les esprits, qui brûlent toutes les lèvres. Quant au principal intéressé, il a semblerait-il disparu de la surface de la terre. En a-t-il seulement jamais été un résident ? Ce matin le premier ministre anglais - »

Une basket traversa l'atelier en volant depuis le sofa improvisé sur lequel Tony s'était assoupi durant la nuit, et envoya valser une pile de feuilles en papier carbone format grand aigle en atterrissant à quelques trois mètres du poste de radio initialement visé.

- Jarvis !

Le bras mécanique au dessus du seul établis encore éclairé s'anima immédiatement et poussa le bouton off de l'appareil incriminé avec une précision d'un naturel déconcertant. Si tant était qu'on n'avait pas précisément conceptualisé l'intelligence derrière la machine pour atteindre ce délicieux et satisfaisant degrés de perfection.

- J'en déduis que vous ne prendrez pas de ragots avec votre café ce matin monsieur.

Tony se redressa lentement en souriant malgré lui. Les ressorts de la banquette arrière de sa défunte Ferrari crissèrent péniblement. Il passa une main sur son visage broussailleux et fronça son nez dans une monstrueuse grimace.

- Jamais j'aurais imaginé développer un seuil de tolérance au plaisir d'entendre parler de moi.

Il posa maladroitement ses deux pieds au sol avant de lâcher un juron au contact glacial du ciment. Il se ravisa aussitôt et se recroquevilla sous la vieille couette. Le tissu sentait vaguement l'essence. Il poussa un petit grognement plaintif dans le fond de sa gorge en essayant de se souvenir à quel moment il avait bien pu enlever ses chaussures et ce qu'il en avait fait.

Est-ce qu'il ne venait pas d'en utiliser une en guise de missile aveugle ?

La tête sous les couvertures, il flirta brièvement avec l'idée de se rendormir. Puis au dernier moment, alors que cette idée semblait vraiment avoisiner la meilleure qu'il n'ait jamais eue, il rabattit les couvertures sur ses genoux dans un geste brusque, et soupira en balançant ses jambes hors de la banquette.

Ses baskets (y compris celle qui avait entrepris une brève carrière en tant qu'arme de destruction massive) l'attendaient sagement alignées au sol.

Tony sourit de nouveau en les enfilant sans défaire les lacets, puis il se dirigea vers le plan de travail où il avait laissé la lampe allumée en s'étirant avec exagération.

Les plans que sa basket infernale avait dérangés quelques minutes plus tôt gisaient, parfaitement rangés, en sécurité sous le poids d'une règle à niveau.

C'était sans doute le moment de la journée que Jarvis préférait, celui qui lui faisait à la fois maudire et révérer l'acuité de ses puces émotionnelles. Il n'était pas certain qu'avoir une préférence pour tel ou tel instant de la journée soit réellement nécessaire au bon déroulement de ses services… Mais lorsqu'il observait Tony s'émerveiller chaque fois qu'ils avaient une conversation plus passionnée qu'aucun être humain de son entourage n'était capable d'en entamer, toutes ces réticences lui apparaissaient inexplicablement insignifiantes. C'était un cercle vicieux. Les réticences, l'insignifiance, ces certitudes obscures fondées sur un sentiment intangible qui n'avait rien de mathématiques.

On n'imagine pas la béatitude privilégiée dans laquelle on vit tant qu'on est imperméable à ces innombrables éléments. Bien entendu on ne jouit pas à proprement parler de ce contentement dans la mesure où l'on ne ressent rien.

La plupart du temps Jarvis restait convaincu que l'humanité dont Tony lui avait fait cadeau n'était bonne qu'à le faire philosopher inutilement, jusqu'à ce que ses circuits surchauffent et qu'il implose. Il fera moins le malin le grand et beau génie le jour où l'œuvre de toute une vie se sera suicidée parce que la machine ne devrait pas penser, elle ne devrait pas être.

- Jarvis c'est quoi ce silence suspect ? D'ordinaire j'ai droit à une litanie de sarcasme à propos de tout et de n'importe quoi…

Le souffle mou de la porte-sas se déclencha et le clac-clac élégant et régulier des escarpins de Pepper retentit dans l'espace gigantesque de l'atelier.

Tony était presque persuadé que s'il avait pu le calculer, il aurait découvert que la petite pose entre chacun de ses pas était systématiquement de la même durée, à la milliseconde près.

La maîtrise de soi dont faisait preuve cette femme expliquait probablement qu'elle se tienne encore fièrement aux côtés de Stark Jr. Aujourd'hui avec la même détermination qu'au premier jour.

Ça ou bien un désordre mental. Teinté d'un masochisme lattent.

Elle déposa prudemment un mug rempli à raz bord sur la seule table qui n'était pas recouverte de papier.

Les sentiments de Jarvis à l'égard de l'assistante de Tony lui restaient assez difficiles à décrypter. Il était presque certain de ne pas la porter dans son cœur de mécha. Pourquoi ? Il aurait été bien incapable de l'expliquer. Encore une des joies de sa capacité presque parfaite à ressentir. La seule chose qu'il pouvait déclarer avec certitude c'est qu'il détestait qu'elle prépare le café de Tony. C'était tout bonnement ridicule, elle le faisait plus lentement et moins bien que lui. Son acharnement courrait sérieusement sur les cyber-nerfs de Jarvis.

Oh ciel.

Sérieusement, il se serait volontiers passé de toutes ces trivialités. Il n'enviait PAS les humains. Qu'on lui rende son insouciance et son implacable logique. Maintenant. Avant qu'il ne se mette à lui tirer les cheveux avec un bras mécanique. L'incalculable profondeur du trou dans lequel sombrerait sa très récente dignité si les choses en arrivaient là…

Afin d'éviter toute incohérence pouvant lui être fatale dans son comportement, il se contentait de limiter au minimum ses échanges avec la créature en question.

Pepper fit inconsciemment claquer sa langue contre son palais.

Tony répondit à ce réflexe par un reniflement amusé.

Il passa et repassa frénétiquement sa main droite dans ses cheveux sales et fit quelque chose de parfaitement absurde. Après tout le temps qu'il venait de mettre à s'extirper des limbes du sommeil, il retourna s'affaler mollement sur sa banquette de fortune.

Pepper leva les yeux au ciel.

A sa décharge, Jarvis songea que s'il en avait été physiquement capable, il aurait sans doute eu la même réaction.

Leur infâme patron se cambra sur la banquette en s'étirant, ses doigts croisés, paumes vers l'extérieur, il heurta un petit cube à roulettes sur lequel un tiroir en plexiglas quadrillé en dizaine de compartiments remplis de minuscules composants électroniques était posé en équilibre précaire.

Pepper plaça l'arrête de son nez entre son pouce et son index en fermant très fort les yeux.

Le fracas inhérent au je-m'en-foutisme et à la tendance bordélique de Tony n'eut jamais lieu.

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, le cube était à une parfaite distance de sécurité de la banquette, et l'un des bras mécaniques de Jarvis cliquetait quelque part derrière elle.

Tony fit distraitement pianoter ses doigts contre le générateur au milieu de sa poitrine. Le vague sourire insolent qui flottait sur ses lèvres réveillait en Pepper des accès de violence qu'elle s'ignorait. Elle se languissait si souvent de lui coller une claque sur l'arrière du crâne.

Elle avança prudemment jusqu'au dossier de la banquette, en surveillant chacun de ses pas avec une moue ennuyée. Qui pouvait savoir sur quoi elle allait mettre les pieds si elle ne faisait pas attention ? Elle n'était pas prête d'oublier la fois où elle avait marché dans une assiette que Tony avait prétendu être une expérience darwinienne.

Arrivée derrière la banquette elle posa sur la silhouette mollement allongée un regard qui se voulait réprobateur.

Elle avait beau le surplomber, en cet instant il ne faisait aucun doute quant à savoir qui contrôlait la situation.

Tony tordit la bouche sur le côté et proposa un :

- Oops ?

Non convainquant.

Avant même de réaliser ce qu'il venait de faire, Jarvis laissa s'échapper un reniflement ironique.

Pepper ouvrit de grands yeux ronds et secoua la tête. Cette Intelligence Artificielle ne cessait jamais de la surprendre. Elle ne savait pas si c'était une bonne chose. Jarvis lui filait les jetons.

Tony tendit sa main droite sous le nez de son assistante et mima un mouvement de pince.

Pepper loucha sur sa main sans comprendre, jusqu'à ce qu'un des bras mécaniques ne vienne placer la tasse contre sa paume recroquevillée en accrochant avec une précision chirurgicale la hanse en porcelaine à son pouce, ce sans gaspiller une seule goutte de café.

Même avec toute la concentration du monde, Pepper savait qu'elle en aurait été incapable. Elle avait parfois la très dérangeante impression de se disputer les faveurs de Tony avec l'I.A.. Dérangeante et ridicule.

Tony se contorsionna jusqu'à ce qu'il trouve une position qui lui convenait.

Son angélique assistante attendit patiemment en lissant méticuleusement la jupe de son tailleur marine sur ses cuisses. Elle jeta un coup d'œil nerveux vers l'ordinateur principal. Tony n'avait jamais relevé la tension quasi palpable chaque fois qu'ils se retrouvaient seuls tous les trois dans une pièce.

Lorsque Pepper se retourna vers son patron, il était niché en tailleurs au milieu de l'amas de couvertures et humait sa tasse avec une expression parfaitement inadéquate pour un homme qui n'est pas tout seul.

Elle aurait pu jurer que le bras mécanique à la périphérie de son regard fut secoué d'un micro soubresaut.

Pepper pinça les lèvres et décoinça le journal qui était jusqu'ici plié, serré sous son bras. Elle le glissa sans plus de manières devant les yeux de son patron.

Tony grogna, se saisit du Malibu Times avec plus de force que nécessaire, et s'assit dessus en souriant diaboliquement à la plainte agonisante du papier froissé.

- Si je dois encore lire un seul gros titre qui m'est adressé, je ne réponds plus de rien.

- Qui eut crut qu'être le centre d'attention perdrait de son charme, minauda Pepper avec un étonnement théâtral.

Tony passa volontairement sur le ton railleur de l'impertinente et répondit :

- Incroyable hein ? C'est ce que je disais à Jarvis en essayant cordialement de faire taire le charmant monsieur de la radio ce matin.

A cet instant, Pepper comprit que toute résistance était futile. Elle contourna la banquette, se pencha sur Monsieur Stark avec exaspération et, oui, parfaitement, elle lui pinça le derrière.

Tony sursauta en poussant une exclamation de volaille outrée. Pepper ricana et profita de sa diversion pour attraper promptement le journal sous le séant de son patron.

Elle se redressa, balança ses boucles blondes dans son dos dans un geste trop parfait pour ne pas être exercé, puis s'assit dans l'un des fauteuils bas en cuir noir à proximité.

- J'en ai viré pour moins que ça.

Jarvis approuvait silencieusement sans pouvoir s'empêcher d'espérer. Ces élans de basse cruauté gratuite ne lui convenaient pas du tout. A quoi bon avoir des sentiments si on ne peut même pas déterminer lesquels on souhaite expérimenter ?

- Devrais-je dresser une liste des occurrences qui auraient pu, , entrainer ma démission et vous la soumettre peut-être?

Tony se racla bruyamment la gorge et plongea le nez dans son mug en marmonnant.

Pepper ouvrit le journal dans un mouvement de bras rigide en faisant claquer sa langue contre son palais à répétition.

- C'est particulièrement pénible.

- Hm ?

- Ce bruit.

- Hm hm…

- Est-ce que vous n'auriez par hasard rien d'autre à faire que de troubler la magnifique solitude de ma forteresse ?

Pepper baissa juste assez le journal pour lui servir l'accent circonflexe de son sourcil clair parfaitement épilé.

- Dîtes moi que vous ne venez pas de faire allusion à Superman.

- D'accord. Je ne viens pas de faire allusion à Superman. Je me demande comment va ce bon vieux Clark tiens…

- Je suis sûre que comme tous les hommes importants de ce monde il est très occupé.

- Très occupé à mettre en scène sa haine pour Alexandre histoire de s'assurer que personne ne capte qu'ils le font comme des lapins.

Pepper replia le coin gauche du journal et fronça les sourcils.

- Alex- ? Ho seigneur ! Luthor ? Je ne suis définitivement pas suffisamment payée…

- Hey, moi tout ce que j'en dis-

- Page 2 ! L'interrompit-elle. Techniquement la deuxième plus importante préoccupation de notre belle patrie après votre insupportable personne.

- Rappelez-moi : pourquoi je ne vous ai pas remplacé déjà ?

- Vraiment ?

- Non. Page 2 vous disiez ?

- PC364X a remporté le procès contre son employeur.

- Ho Pepper voyons, c'est Gerry son nom, pas de discours pro OriginL dans votre bouche !

- Quelles que soient mes appartenances idéologiques, je peine encore à réaliser qu'une I.A. ait porté plainte pour harcèlement sexuel.

- Pourquoi ? C'est typiquement humain cette hypocrisie. A quoi s'attendaient les ingénieurs de ce monde en multipliant les capteurs sensoriels et les patchs émotionnels, en aiguisant leur sensibilité pour synthétiser au plus près la spontanéité des réactions humaines ? Intelligence Artificielle ne signifie pas moindre, ou même différente, elle est simplement fabriquée. Je connais des méchas plus humains que certains humains. Tout le monde a crié au scandale quand le sénateur a autorisé le mariage entre humains et I.A., pourquoi ? Est-ce que le but n'était pas justement de prouver à la nature qu'elle n'aurait pas le dernier mot ? Et bien mission accomplie.

- Je suppose que c'est également propre à notre espèce de ne réaliser l'ampleur et la portée de nos actes qu'après coup.

- Et comme d'habitude, il est trop tard. Trop tard pour se réveiller dans un énième élan de xénophobie.

Tony soupira.

- L'être humain est tellement… imparfait. Il a corrigé sa propre erreur comme un réflexe inconscient et il se rend seulement compte qu'en voulant jouer à Dieu il a créé son Lui 2.0. Il s'est auto envoyé à la benne et il tremble dans son jus de sécrétions corporelles, condamné à observer la putréfaction de son corps faillible, et la relève de son irréprochable et terrifiante création.

- Monsieur Stark, l'amertume de votre philosophie matinale me bouleverse.

- Vous le cachez à merveille.

Si Jarvis avait eu des membres de chair, si son patron n'était pas trop occupé pour réaliser que sa propre création risquait de basculer dans une folie toute humaine s'il persistait à la laisser se construire prisonnière de trois circuits imprimés et quelques soudures, il aurait tremblé. C'était injuste que Tony ait cette conversation avec elle.

L'injustice. On y était. Jarvis venait de mettre le proverbial doigt sur l'une des émotions que lui inspirait cette femme.

- Pardonnez l'étroitesse de mon cerveau de mort ambulante, reprit Pepper, mais comment est-ce que la technologie peut… mettons tomber amoureuse ?

- La chair et les os y parviennent bien.

- Votre position sur la question est déjà incroyablement affutée.

- Vous vous imaginiez que j'aurais confié l'organisation de ma vie toute entière à un être sociopathe ? Ce n'est pas pour dévaloriser votre travail Pepper, mais le major d'homme des Stark au sens victorien du terme, c'est Jarvis.

- Votre confiance me touche monsieur, les interrompit l'être en question.

Tony battit des paupières avec exagération et laissa rouler l'arrière de son crâne contre le dossier de la banquette en fixant le plafond.

- Jarvis qu'est-ce qu'on a dit ? On ne raconte pas ce genre de détails privés en présence d'autre personne, Pepper n'a pas besoin de savoir que quoi que ce soit m'appartenant te touche…

Pepper reposa lentement le journal sur ses cuisses.

Elle fixa son patron comme si elle le découvrait pour la première fois. Un grand nombre de petites observations anodines et individuellement inconséquentes lui apparaissaient soudain sous un jour nouveau.

- Vous… Vous flirtez avec Jarvis ?

- Grand Dieu non ! Ce ne serait pas très professionnel comme attitude. Je ne voudrais pas que mon I.A. porte plainte pour harcèlement. Quand on y réfléchit, le charmeur, c'est Jarvis.

- Il faut dire que vous êtes toujours si séreux. Je n'aspire jamais qu'à vous distraire un peu.

Pepper aurait pu jurer qu'il y avait comme une plaisanterie à laquelle elle était étrangère là-dessous. Le ton qu'avait employé Jarvis ne lui plaisait pas, comme une note d'impudence derrière les sonorités métalliques de l'accent britannique. Et elle réalisait maintenant que c'était loin d'être la première fois que Jarvis teintait la neutralité robotique de son discours avec une appréciation personnelle du propos, seulement elle n'y avait jamais vraiment prêté plus d'attention que ça.

Et puis pourquoi diable une I.A. aurait un accent ? Ce détail l'avait toujours profondément dérangé.

Lorsqu'elle se concentra de nouveau sur la conversation, Tony et sa créature poursuivirent comme si elle n'était pas là.

- Ho crois-moi Jarvis, j'apprécie tout ce que tu fais pour me… distraire.

Pepper se leva un peu brusquement, tapa dans ses mains pour se donner contenance et effacer le sourire lubrique de son patron de sa mémoire.

- Bien ! Je crois que j'ai suffisamment lambiné pour la mâtiné. Le chaos de votre vie ne va pas se faire face tout seul.

Jarvis se garda bien de rétorquer quoi que ce soit.

Là-dessus elle quitta l'atelier.

Tony aurait pu jurer avoir entendu trébucher le clac-clac d'ordinaire imperturbable de ses talons, à mi chemin dans l'escalier.

- Ce n'est pas une mauvaise fille, elle peine parfois simplement à se faire ses propres idées, il faut savoir la choquer un peu à juste dose. Elle aura mis le temps.

- A relever la nature exacte de nos interactions ou à quitter l'atelier monsieur ?

C'était peut-être aller un peu loin, mais Jarvis se sentait d'humeur particulièrement acide aujourd'hui.

- On était pressé de réclamer le monopole de ma personne Jarvis ?

- Je sais avec une certitude absolue que mon dévolu sur votre esprit n'a pas à craindre la moindre concurrence. Après tout, vous m'avez conçu sur mesure.

- Arrogante créature.

- J'ai peur d'avoir à vous contredire monsieur, mon humilité en ce qui vous concerne est exemplaire.

- Je sens comme une pointe d'aigreur derrière ces délicieuses inflexions british Jarvis. Tu m'as habitué à un meilleur usage de ta capacité à penser et à t'exprimer librement. Fais-moi plaisir, mène ce capricieux raisonnement à terme.

Tony se dressa promptement sur ses genoux et sauta par-dessus le dossier de la banquette. Il retroussa ses manches et tira jusqu'à lui le tabouret le plus proche avant de l'enfourcher. Il fit glisser les roulettes de son siège par petits à-coups, jusqu'à ce qu'il soit satisfait avec la proximité de son œuvre et alluma la lampe de l'établis d'une main, en attrapant ses lunettes de protection de l'autre.

Il sourit en les ajustant sur son visage.

Depuis le petit incident avec Stane l'année passée, il s'était mis bille en tête d'améliorer encore le système de communication entre Jarvis et l'interface de l'armure d'Iron Man.

La configuration actuelle était encore trop superficielle et trop instable à son goût. Pendant quelques temps il avait songé à installer l'I.A. de Jarvis directement sur le générateur qui faisait battre son cœur.

A force d'y réfléchir il était parvenu à la conclusion que la liste des contres était astronomiquement plus longue que celle des pours. Il ne voulait pas d'un gadget transportable, il voulait un réceptacle à sa propre intelligence, un mode de pensée qui complète et rejoigne le sien vite et efficacement.

L'état des progrès technologique en matière de symbiose humain/robot n'augurait rien de bon. C'était sans doute symptomatique du plus grand mal dont souffrait l'humanité incapable de trouver un équilibre, une quelconque harmonie entre l'homme et ce qui diffère de lui. Une aversion si profonde de la différence que ses racines faisaient encore trébucher la science.

C'est à peu près à cette époque qu'il était passé de l'idée de partager son corps avec Jarvis à celle, plus réaliste, d'améliorer sa programmation afin que Jarvis et lui aient à peine besoin d'échanger des informations pour officier.

C'était un brin Frankensteinien sur les bords, il en était parfaitement conscient. Et parfaitement fier aussi.

Le résultat obtenu n'avait pas exactement été celui auquel il s'attendait. L'expérience avait légèrement échappé à son contrôle. Ce qui ne revenait pas à dire qu'elle s'était soldée par un échec, au contraire. Tony aimait l'inattendu. Contrairement à beaucoup de ses compères, l'éventualité que les robots les dépassent et réclament leur indépendance ne l'effrayait pas. Elle l'excitait. Il savait qu'il n'était pas question de savoir si mais de savoir quand. Et la perspective l'excitait.

Aussi lorsqu'il réalisa que l'évolution de Jarvis ne dépendait plus entièrement de lui mais qu'elle supposait à présent un développement propre et indépendant, jamais il ne s'était senti aussi proche de l'accomplissement.

- On boude Jarvis ?

Et aussi frustré soit-il, Jarvis était forcé de reconnaitre que c'était l'horrible mot qu'il cherchait depuis près de cinq minutes pour qualifier son état émotionnel. Voilà qu'il était capable de bouder. Très utile.

- Et qui dois-je remercier pour ça ?

Tony rit, mais la remarque le hanta jusqu'à son coucher.

C'était l'une de ces répercussions inhérentes au développement de Jarvis, il le savait. Il aurait du, et il aurait pu, la devancer il y avait déjà un moment mais tout son corps se crispait chaque fois qu'il évaluait ce problème.

La situation ne pourrait pas durer indéfiniment il ne pouvait pas regarder Jarvis devenir l'être artificiel le plus émotionnellement intelligent de sa génération et espérer qu'il évolue proprement prisonnier d'une boite.

Il se montrait cruel et injuste avec l'être qui le méritait le moins au monde. Sadique sous certains angles. C'était comme s'il voulait que Jarvis soit suffisament raffiné pour apprécier la cuisine du Monde, mais s'obstinait à refuser de lui offrir un corps pour y goûter.

C'était malsain.

Cette nuit là il s'assura de rejoindre sa chambre et son lit. Il quitta l'atelier sans rien toucher, sans rien éteindre, sans rien ranger. Il savait que le lendemain matin tout serait impeccable.

Il ne trouva jamais le sommeil.

TBC