Bonjour à vous chers lecteurs,

Vous qui passez par ici, nous vous souhaitons la bienvenue dans notre univers qui nous le souhaitons vous plaira!

Nous sommes donc quatre mains pour écrire cette fiction. Derrière Emeraudeinlove il y a deux auteurs, deux personnalités, deux fans de Castle et surtout deux amis : Sarah d'Emeraude et Gillesinlove.

Cette histoire est née de discussions et d'une forte envie d'écrire quelque chose en commun. Elle comportera 21 chapitres (épilogue inclus). Elle est en rating T, sauf le chapitre 17 qui sera M. Celui-ci pourra être passé si vous n'avez pas l'âge requis pour ce genre de lecture ou si vous n'aimez pas le M. Cela n'affectera pas votre progression dans l'histoire.

Nous avons tenu à avoir un peu d'avance avant de commencer la publication. Nous essaierons de vous livrer un nouveau chapitre par semaine environs. Mais précisons d'ores et déjà que Sarah d'Emeraude est une étudiante qui est dans une année cruciale de sa scolarité et nous voulons tous qu'elle réussisse et brille. Gillesinlove de son côté est très pris par sa profession, l'écriture n'étant qu'un passe temps.

Enfin, avant de vous laisser découvrir notre premier chapitre, sachez que comme l'a si bien dit Paul Aster "Les écrivains ne savent jamais juger leurs œuvres" nous serons tout aussi avides que ravis d'avoir vos commentaires, critiques et appréciations sur notre histoire. Nous avons en tout cas éprouvé un grand plaisir pour écrire ce premier chapitre et les suivants et espérons que vous le ressentirez à la lecture...

Sans laisser de traces...

Chapitre 1. Sénateur Bracken,

- Sénateur Bracken, un certain Matthew Stein est ici pour vous, m'informa John le chef de ma sécurité qui s'occupait de filtrer les entrées et sorties dans ma villa, se tenant sur le seuil de la porte de mon bureau.

- Merci John, dis-je en faisant pivoter ma chaise pour me trouver face à mon interlocuteur. Faites-le entrer.

- Bien Monsieur.

En attendant Matthew Stein je me dirigeais vers le buffet et me servais un verre de brandy que je gardais précieusement dans un de mes vaisseliers. Je tournais le dos à l'entrée, contemplant à travers la fenêtre le vent agitant les arbres plantés devant la propriété tout en faisant tournoyer le liquide ambré dans mon verre d'une main distraite. Stein était une de mes nouvelles recrues. C'était un jeune homme très intelligent major de sa promotion de droit à l'université d'Oxford, considérée comme la meilleure institution universitaire dans cette branche. Mais il n'était pas seulement un bon étudiant connaissant sur le bout des doigts toutes les nuances du droit constitutionnel, les subtilités du droit international ou encore les ficelles de la fiscalité ; il était aussi un excellent praticien, très malin connaissant autant les lois que les manières de les détourner. C'est pour cela que je veillais à ce qu'il reste dans mes fréquentations proches, un allié de cette taille pouvait se montrer très utile en cas de gros ennuis avec la justice.

C'est en toute logique qu'il avait franchi très rapidement les échelons dans mon équipe de campagne, s'imposant comme mon nouveau conseiller à tout juste 27 ans. C'était très jeune et je savais que ce n'était pas sans risques, mais ce garçon avait ce qu'il manquait parfois à des praticiens plus aguerris ; certes moins d'expérience de terrain mais beaucoup d'audace.

Suite à ma réélection l'année dernière au sénat, je m'étais fixé un nouvel objectif en politique : devenir gouverneur de l'Etat de New-York. C'était un sacré défi quand on savait toutes les étapes restantes, mais la politique avait pour maître mot l'ambition et je savais depuis mon plus jeune âge que j'étais destiné à de grandes choses pour ce pays, ce qui avait été confirmé par mes professeurs et mes parents bien assez tôt, voyant en moi un visionnaire et un futur homme politique de taille.

Le mandat du gouverneur actuel courrait jusqu'en 2015, mais les campagnes de ce type étaient de longue haleine et se préparaient bien en amont. Ma famille politique était écartée de ce poste depuis 2007, et les trois dernières éditions avaient été remportées par les démocrates.

Bien évidemment quand on parlait de politique, des raisons qui font le choix des électeurs, beaucoup de gens répondent que c'est une question idéologique. Mais il est un fait que dans nos sociétés actuelles la personnalité, le charisme du candidat pesaient lourd dans la balance. Dans un lointain souvenir je me rappelais les trois types de domination décrites par Max Weber dans Economie et Société. La domination charismatique faisait partie de la catégorisation de ce sociologue allemand du début du XXème siècle.

Je fus interrompu dans mes considérations socio-historiques par l'arrivée de Matthew escorté par John. J'avais suffisamment attendu pour que mon verre soit vide, mais John et son équipe avait sans doute vérifié méticuleusement les affaires de Stein avant qu'il n'entre. Depuis qu'on avait attenté à ma vie l'an dernier, mon équipe de protection était sur le qui-vive à chaque instant et se montrait totalement intransigeante, y compris avec ma proche famille.

Après avoir salué mon visiteur, je remerciais John et lui indiquais qu'il pouvait disposer pour le moment. Il prit congés et ferma soigneusement la porte de mon bureau derrière lui, sachant que j'aimais bien être au calme quand j'étais avec mes collaborateurs pour pouvoir ainsi discuter convenablement et sans cette peur constante d'être écouté aux portes. Je lui désignais un fauteuil club afin qu'il s'installe et retournais vers le buffet pour me servir un nouveau brandy et prendre un autre verre pour mon visiteur. C'était toujours plus agréable de parler politique avec une bonne mise en bouche de ce type, cela rendait la discussion plus conviviale à mon goût. Une fois les verres remplis je les posais sur une table basse et prenais place en face de lui. Loin d'être timide, après avoir levé nos verres à la prospérité, Matthew entama la conversation.

- Sénateur, je vous ai pris rendez-vous avec une équipe de journalistes dans un mois pour que vous fassiez une interview afin de déclarer votre candidature. Tous les attendus ont déjà prononcé leur engagement, mais vous devez être le premier à faire la surprise.

- Très bien, où se déroulera l'interview? Demandais-je.

- Ici même, il est bon que l'opinion publique vous voit dans votre environnement. Pour l'instant c'est le citoyen américain qui doit dominer. Et c'est pourquoi il serait également bien que votre femme et votre fille soient toutes les deux présentes, montrant une famille unie à vos côtés dans l'épreuve que vous allez engager.

J'approuvais d'un hochement de tête, sans pour l'instant en dire davantage à Matthew. Il allait falloir que je m'entretienne au sujet de ma fille avec Victoria, ma femme.

- La presse sera chez vous vers 10 heures, continua mon conseiller en prenant délicatement son verre pour le porter à ses lèvres, buvant une petite gorgée de liquide.

- Parfait.

- Une fois que votre candidature va être déclarée vous allez être au centre de l'attention. Vous serez le premier outsider de cette campagne, l'homme que tout le monde va regarder.

Je sentais qu'il me détaillait comme pour attendre ma réaction après avoir prononcé cette phrase du bout des lèvres et je relevais les yeux pour les planter dans les siens, ne flanchant pas face à ce regard perçant.

- Où voulez-vous en venir Matthew?

- Il est très important que vous n'ayez pas de secrets car il est très difficile de les juguler le moment venu et l'opinion publique y est très sensible, répondit-il. La crise actuelle ne nous aide pas, les gens en ont assez qu'on leur raconte des sornettes, or s'ils s'aperçoivent que vous avez des squelettes dans le placard il y aura de la défiance, et vous pouvez perdre des électeurs. Donc je veux que vous pensiez à vos ennemis, sont-ils susceptibles de faire éclater un scandale?

Je laissais un sourire se dessiner sur le bord de mes lèvres.

- Vous savez Matthew "un homme n'arrive pas à ma position sans énerver personne sur le chemini".

- C'est certain Sénateur, mais je vous invite vraiment à y penser avant votre déclaration. Dès que l'information sera relayée dans les médias du pays, vos ennemis ; ceux de votre propre parti et ceux du camp adverse vont chercher par tous les moyens à vous discréditer. Des détectives privés seront engagés, des paparazzi vous épieront. Vous devez montrer carte blanche. Vous serez d'autant plus disséqué par vos opposants, que vous êtes plutôt apprécié par l'opinion publique et les médias. Votre côte de popularité est au beau fixe et ils feront tout pour la faire descendre.

Une nouvelle fois j'acquiesçais, ne délivrant aucune de mes pensées à mon interlocuteur. Matthew était avec certitude un atout dans mon équipe, mais je préférais être prudent et ne pas mettre tous mes œufs dans le même panier, comme le disait une expression populaire. Mes petites erreurs passées ne devaient en aucun cas se répandre et même si j'avais confiance en mon équipe je savais par expérience qu'un petit secret pouvait chambouler bien des choses y compris la loyauté que me vouaient certains de mes alliés.

- Je vois totalement ce que vous voulez dire, répondis-je d'une voix posée.

- J'étais persuadé que nous nous comprendrions parfaitement Sénateur. Je vais à présent vous laisser. Commencez à préparer l'interview avec les journalistes, il faut que tout soit parfait. N'oubliez pas que cela sera votre première apparition à la télévision en tant que gouverneur potentiel, et vous savez comme moi que la première impression compte énormément.

Il se leva avant de passer une main sur sa veste qui s'était plissée lorsqu'il s'était assis et me tendit une main que je serais vigoureusement, mettant ainsi terme à notre échange.

- Très bien Matthew, merci de votre temps. Je vous propose que nous nous revoyions d'ici deux semaines pour faire le point.

- Quand vous voudrez Sénateur et entre temps n'hésitez pas à m'envoyer de quoi travailler, je suis impatient de me mettre au travail. Bonsoir Sénateur, transmettez mes salutations à votre épouse.

- Bonsoir Matthew.

Sur ces paroles j'appelais John qui vint chercher le jeune homme dans mon bureau et alla le raccompagner à la porte. Comme à son habitude il ferma derrière lui afin de me laisser à ma tranquillité. Cette séance de travail avait été très riche. Elle n'avait en rien entaché mon désir de me présenter en tant que candidat mais m'avait fait réaliser l'étendue du défi qui se présentait à moi. Mon verre étant vide et ma séance de travail avec Stein terminée, j'allais me resservir et je repensais à ce qu'il venait de me dire. Posant le verre rempli sans y toucher pour le moment, je passais ma main distraite sur une cicatrice que j'avais à la joue.

Cette marque avait plusieurs mois à présent et représentait ce que Matthew qualifierait de grand danger si jamais il était au courant de l'affaire. Je m'étais fait beaucoup d'ennemis dans ma vie, mais cette femme flic était de la catégorie des coriaces. On dit souvent notamment aux enfants quand on les éduque que les actes ont des conséquences et qu'on finit toujours pas les payer. Moi-même j'avais fait ce discours moralisateur à ma fille quand elle avait commencé à prendre de la drogue il y a de ça quelques années. Cependant, à l'époque je caressais encore l'espoir que certains de mes actes resteraient impunis.

Mais comme s'il existait une justice immanente, le passé était ressurgi des abîmes dans lesquelles je le pensais enterré à jamais. Il y a maintenant 15 ans j'avais commandité l'assassinat d'une avocate. J'étais à l'époque substitut du procureur de New-York, et cette femme n'avait pas écouté les divers avertissements plus ou moins directs que je lui avais fait parvenir, continuant de monter un dossier dans lequel j'étais inculpé et qui nuirait à ma carrière aussi bien à ce moment-là que celle que j'envisageais de bâtir dans un futur proche.

Ainsi, voyant le danger se rapprocher j'avais fait appel à un tueur à gages pour l'éliminer. Il avait pour consigne de faire passer ça pour un crime de gangs, ce qui fut une tâche aisée pour lui. A l'époque les flics étaient plus facilement achetables que maintenant et sans aucun problème l'assassinat que j'avais ordonné avait été mis sur le dos des bandes organisées. D'autres avocats et personnes étaient sur le même dossier et je les avais également fait disparaître.

Seulement, la première avocate avait une fille de 19 ans à l'époque étudiante en droit à Stanford. Et c'était elle qui était devenue lieutenant de la police criminelle de New-York. A l'occasion du meurtre de Jack Coonan, un des hommes de main des Westies, la mafia irlandaise de Hell's Kitchen ; elle et son équipe avaient mis la main sur le tueur à gages que j'avais engagé pour tuer l'avocate et ses confrères. Dick le tueur à gages avait été tué en plein commissariat par la fille de Johanna Beckett, l'avocate en question. A ce moment-là j'avais bien évidemment suivi l'affaire dans les journaux, mais j'étais loin de me douter que je serai inquiété et que l'affaire allait prendre de telles proportions. Mais cet évènement avait été le début, un peu comme les premières rafales de vent avant la tempête.

Près d'un an après, un des flics corrompus alors qu'il était sur le point de mourir souhaitait se confesser à la fille de Johanna Beckett, lui apportant des informations qui pourraient me nuire. Heureusement, un de mes hommes Hal Lockwood était chargé de protéger mes arrières et il avait intercepté des communications de Raglan annonçant qu'il allait mettre fin à son silence. Lockwood m'avait averti et j'avais ordonné que Raglan soit tué avant qu'il ne révèle ces informations. Comme à son habitude le travail avait été impeccablement fait. Malheureusement pour lui et pour moi, Kate Beckett et son équipe avaient réussi à remonter jusqu'à lui et il avait été mis en prison. Mais à ce moment là encore, j'étais encore protégé.

Néanmoins, j'avais pu constater que mon adversaire était sérieuse et pour ne pas avoir à être inquiété j'avais mis un contrat sur sa tête à exécuter si jamais elle se rapprochait trop de la vérité. Les deux autres flics corrompus étaient morts, notamment Roy Montgomery qui servait de lien ayant négocié que l'on épargne Beckett à condition qu'elle ne reprenne pas l'affaire. Celui-ci mort, le pacte était brisé. J'engageais donc un nouveau tueur à gages pour exécuter Kate Beckett. Il devait accomplir ceci à l'occasion des funérailles de Montgomery où elle avait été désignée pour faire un discours face à l'assemblée. Mais la balle avait été au dernier moment déviée par un homme qui avait aperçu au loin une lumière et bondi sur le lieutenant, la sauvant in extremis d'une balle dans le cœur qui l'aurait assassinée sur le coup.

Elle s'était remise, entre temps un certain Michael Smith me contacta m'informant qu'il avait reçu des dossiers de la part de Montgomery et souhaitant rétablir le pacte, protégeant à nouveau la vie de Kate Beckett en l'échange du silence sur des dossiers me nuisant. Je lui avais demandé de s'assurer qu'elle ne remue pas l'affaire, et l'engagement avait tenu pendant plusieurs mois, avant qu'au détour d'une affaire Beckett ne retrouve la trace du sniper qui lui avait tiré une balle dessus. J'avais chargé Maddox d'identifier Smith et de mettre la main sur les dossiers afin de les détruire et de pouvoir en finir avec Beckett. Mais lorsque Maddox avait été retrouvé mort j'avais compris qu'elle se rapprochait très dangereusement de moi. J'avais mis beaucoup d'hommes sur son chemin, mais elle en était toujours sortie indemne ou presque et eux étaient six pieds sous terre en train de manger des pissenlits par la racine.

C'est quand elle remonta jusqu'à moi qu'elle me donna cette cicatrice. C'était la première fois que je la rencontrais, et je fus impressionné. J'avais compris depuis un moment qu'elle était coriace, mais ce jour-là j'en avais pris la mesure. Nous nous livrions à un duel, cherchant tous deux à montrer à l'autre qui avait le pouvoir. Et tout comme j'aimais avoir un adversaire talentueux dans une partie d'échecs, j'appréciais quelque part de me retrouver face à elle. Cette adversité avait quelque chose de stimulant. Pierre Corneille dans Le Cid n'avait-il pas dit "à vaincre sans péril on triomphe sans gloire"?

Et la lutte que nous avions engagée s'était poursuivie quelques mois plus tard alors qu'on avait tenté de m'assassiner. Je m'étais retrouvé sur son territoire, dans la mesure où c'était elle qui était chargée de diriger l'enquête sur cette tentative d'assassinat. J'avais eu l'occasion d'en apprendre plus sur elle, malgré son professionnalisme et ses distinctions - en me renseignant sur elle j'avais appris qu'elle était un lieutenant très talentueux avec le meilleur taux de résolution de la ville - sa soif de vengeance la consumait. Et la frontière entre les deux était très fine. Comme on le disait parfois à propos de l'amour et de la haine, il s'agissait de réalités très proches. Et c'était certainement un si bon lieutenant car elle avait ceci en elle, cette marque que j'avais malgré moi ancré au fer rouge. Elle n'était pas un simple flic qui fait son travail, elle avait été de l'autre côté. Mais alors qu'elle avait selon moi volontairement manqué ses tirs lorsque le premier suspect tentait de s'échapper, elle m'avait finalement sauvé in extremis de l'explosion de ma voiture.

Depuis nos chemins ne s'étaient pas de nouveau croisés, mais les propos de Matthew avait fait émerger le danger de ce genre de cas. Il allait falloir que je trouve une solution au problème que me posait Kate Beckett. J'excluais d'emblée de missionner une nouvelle fois quelqu'un pour la tuer non seulement en raison des tentatives infructueuses mais aussi car elle n'était pas la seule ombre au tableau. Toute son équipe pouvait être aussi dangereuse, à commencer par son partenaire écrivain malgré les a prioris que je lui avais porté. Après l'explosion de ma voiture il m'avait avoué derrière la vitre sans tain de la salle d'interrogatoire qu'à la place de Beckett, lui ne m'aurait pas sauvé. Son regard glacial et ses yeux durs à cet instant m'avaient assuré de la sincérité de son message.

Non je n'allais pas une nouvelle fois ordonner l'assassinat du lieutenant. Il fallait tout simplement que je trouve un moyen efficace et intelligent de la mettre hors-jeu le temps que je me déclare. Restait encore à trouver comment? Etant plongé dans mes pensées je fus surpris lorsque la porte de mon bureau s'entrouvrit et je vis ma femme Victoria passer sa tête par l'entrebâillement tout en tapant trois légers coups à la porte :

- William je peux entrer? John m'a informé que ton visiteur était parti il y a quelques temps.

- Oui Victoria entre.

Elle entra dans mon bureau et pendant ce temps je lui servais un verre afin qu'elle m'accompagne, n'aimant pas par politesse boire seul lorsque j'avais un invité. Il n'était pas rare que le soir nous partagions un verre ainsi, le plus souvent sur notre terrasse mais parfois, comme ce soir, dans mon bureau lorsqu'elle me rendait visite. C'était toujours un instant très calme où nous échangions beaucoup. Et son arrivée était opportune car nous avions à discuter suite à mon entrevue avec Matthew. Je lui tendais son verre alors qu'elle avait pris place dans un des fauteuils club, croisant ses jambes fuselées pour être plus à l'aise. Une fois que je fus assis à mon tour, elle fit tinter son verre dans le mien alors que je ne l'avais pas encore récupéré.

- Alors cette séance de travail a été profitable ? Me demanda-t-elle.

- Oui tout à fait. Il a confirmé la bonne opinion que je me faisais de lui. Je trouve qu'il a une très bonne vue de l'échiquier politique et il n'est pas seulement de bon conseil dans son domaine, il a également un flair sur pas mal de plans. Il a déjà pris l'initiative de prendre rendez-vous avec la presse pour que je déclare ma candidature, alors que je m'attendais à ce que ce soit mon équipe de communication qui s'en charge.

Elle hocha la tête, satisfaite elle aussi par le travail de mon conseiller.

- Quand aura lieu l'interview ?

- D'ici deux semaines, répondis-je, car j'ai encore quelques détails internes à régler. D'ailleurs, j'aurai besoin de toi ce jour-là. Matthew me recommande que tu sois présente pendant que l'on m'interrogera.

- Très bien je le noterai dans mon agenda.

Elle porta le verre à ses fines lèvres et but une gorgée d'alcool.

- Et il y a plusieurs choses dont je voulais te parler, continuais-je.

Comme à son habitude lors de nos échanges j'avais toute son attention. Victoria me conseillait très souvent et j'écoutais toujours attentivement ses propositions, car je considérais que derrière chaque grand homme se cachait une femme. Et Victoria était pour moi ce que Michelle était à Barack Obama. Si parfois on pouvait penser que le serment d'engagement par le mariage était excessif, durant lequel les époux se promettaient aide et soutien envers et contre tout ; Victoria avait surpassé ce vœu fait il y a maintenant 19 ans.

- Oui dis-moi? Fit-elle m'invitant à poursuivre.

- Matthew jugerait bon que nous présentions une famille unie devant les caméras.

Elle se raidit aussitôt, fronçant les sourcils.

- William tu sais comme moi que la situation avec Nicole est très délicate...

- Oui je sais...dis-je quelque peu abattu.

Nicole était notre fille unique âgée de 17 ans et elle avait depuis trois ans de gros problèmes de drogue. Cela avait commencé par du tabagisme, mais elle fréquentait de mauvaises personnes, ce qui avait vite dégénéré. Comme quoi les meilleurs établissements sur le papier ne protègent pas du tout nos enfants. Au contraire, dans son lycée beaucoup d'enfants étaient issus de familles extrêmement aisées et il y avait un grand trafic de produits illicites et nous avions appris qu'ils circulaient très aisément. Nicole était interne quand elle avait commencé à se droguer.

Dans un premier temps, nous avions pensé avec Victoria que la retirer de l'internat suffirait. Mais rien n'avait changé. L'été nous l'avions même emmenée de force dans un centre de désintoxication. Dans un premier temps les choses avaient semblé s'arranger, ainsi pour la récompenser et car elle avait regagné notre confiance nous l'avions réinscrite dans son lycée en dépit de l'avis défavorable du psychologue qui la suivait depuis le début de ses frasques. Mais l'accalmie n'avait été que de façade et deux mois après la rentrée elle avait rechuté et s'était faite arrêter après avoir commis divers délits de délinquance (dégradations de bâtiments publics, altercations avec des représentants de son établissement,...).

Grâce à mes relations j'avais réussi à étouffer toutes ces affaires, mais elle était désormais assignée à résidence, suivant des cours par correspondance aidée d'un tuteur d'enseignement qui venait chez nous une fois par semaine. Certes depuis, elle ne se droguait plus mais nous vouait à sa mère et surtout à moi une haine sans nom et avait remplacé les produits illicites par de l'alcool, ce que nous avions du mal à contrôler. Mais avec mon deuxième mandat de sénateur et mes futures ambitions électorales il était inacceptable que cette information soit relayée dans les médias. Ainsi, pour continuer de faire bonne figure nous avions prétendu avec ma femme que notre fille était partie un an à l'étranger pour apprendre une langue étrangère et intégrer un groupe de bénévoles dans l'humanitaire.

Ma femme resta quelques secondes sans silence, nous n'en parlions pas beaucoup mais je la savais très affectée par la situation avec Nicole ; beaucoup plus que moi mais elle avait toujours été plus proche de notre fille alors que moi j'aurai aimé avoir un garçon qui puisse me suivre dès le début de ses études sur les voies de la politique.

- Mais j'essaierai de lui parler, me promit-elle alors que son regard avait perdu un peu de sa vivacité habituelle.

- Merci Victoria, mais c'est cause perdue. Nicole ne concédera jamais à faire un tel effort. De toute manière elle a décidé depuis longtemps de me pourrir l'existence, quel que soit le moyen. Parfois j'aurai préféré être stérile.

- William ne dis pas ça s'il te plait. Son ton était plus dur que précédemment.

- Pardon, fis-je sans le penser réellement.

Je m'excusais seulement car j'avais pu blesser mon épouse en tenant ce type de propos. Elle le savait parfaitement dans son fort intérieur, mais ne dirait rien une fois de plus.

- Qu'a t'il dit d'autre? me questionna-t-elle.

Elle avait préféré changer de sujet pour éviter que nous nous attardions sur la situation de notre fille ce qui n'amènerait à rien à part à une potentielle dispute.

- En effet, j'ai une autre préoccupation. Te rappelles-tu de Beckett?

- Oui la femme flic, la fille de cette avocate qui...

- Oui, répondis-je la coupant. Il était en effet inutile qu'elle aille plus loin dans sa phrase.

- Qu'est-ce qui te préoccupe à son sujet?

- Matthew m'a recommandé avant d'entrer dans la bataille électorale de m'assurer qu'il n'y ait pas de scandales trop faciles à déterrer.

- Or, elle possède toujours des informations qui pourraient te nuire, compléta-t-elle.

- Exactement, fis-je ravi de voir qu'elle suivait toujours aussi bien le cours de mes pensées.

- Penses-tu qu'elle irait jusqu'à te dénoncer en apprenant ta candidature?

Sa question était pertinente, je n'en étais pas totalement convaincu, mais j'avais une certitude que j'exposais à ma femme :

- C'est une éventualité, mais ma conviction repose sur l'idée que c'est lorsque l'on sous-estime un adversaire que l'on a le plus de chances de se faire battre.

- Commanditer son assassinat me paraît imprudent dans un tel contexte. Tu risques beaucoup plus gros si jamais on découvre que tu es mêlé à ce genre d'affaires alors que tu es déjà engagé dans ta campagne.

- Oui, d'autant plus que le danger ne s'éteindrait pas avec elle, bien au contraire. Elle possède une équipe très resserrée autour d'elle et ils pourraient venir vers moi si jamais je m'en prenais à elle. Non j'aimerai qu'elle soit en dehors du radar pendant quelques temps, mais pour l'instant je ne vois pas comment. Tenter de l'acheter est tout simplement illusoire, ce n'est pas après ça que cette fille court.

Malheureusement, pensais-je amèrement. C'aurait été beaucoup plus simple d'acheter son silence et cela nous aurait causé beaucoup moins de soucis.

- Et si tu l'achetais avec autre chose que de l'argent me suggéra ma femme, espiègle.

Je la connaissais suffisamment pour savoir qu'elle avait une idée bien plus précise derrière la tête. C'est pourquoi je lui demandais d'aller plus loin :

- C'est-à-dire Victoria?

- De ce que tu m'as dit, c'est une femme plutôt carriériste et attachée à son travail. Et si tu lui faisais miroiter mieux?

- Tu ne veux tout de même pas que je lui propose de rejoindre mon équipe? fis-je moqueur.

- Non imbécile. Je me disais que si par hasard elle recevait une offre d'emploi qu'elle considérerait comme une promotion en dehors de l'Etat, elle ne serait plus un problème pour toi...

Je la regardais un moment, admiratif. Une fois de plus Victoria venait de m'éclairer un chemin qui me paraissait sombre jusque-là.

- Vu ton air, mon idée semble te plaire Will.

- Elle est brillante Vic, tout comme toi. Je vais m'arranger pour qu'on lui fasse une proposition qu'elle ne pourra pas refuser. Et jamais elle ne saurait que cela venait de moi.

Elle semblait soucieuse cependant, aussi je m'en enquis.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? Demandais-je à son attention.

- Je me demandais ce qui se passerait si elle refusait le poste ? Tu as dit toi-même qu'elle avait une équipe très soudée, et qu'ils seraient capables de se tourner vers toi s'il lui arrivait quelque chose. Alors si Kate Beckett refuse le poste, comment vas-tu la convaincre ?

Je devais avouer que je n'avais pas pensé à cette possibilité-là. Bien sûr c'était une option comme une autre mais Kate était un bourreau de travail, elle avait un très bon dossier et étant à sa place je ne pourrais refuser une opportunité pareille. Seulement elle m'avait déjà surpris bien des fois, je devais considérer ce que ma femme avançait.

- Tu as raison. Si elle refuse, je n'aurai d'autres choix que la faire taire d'une manière beaucoup plus… définitive.

Cette phrase ne fit même pas frissonner Victoria qui se contenta de hocher la tête.

- Tu vas contacter qui ?

- Je pensais à Anthony Freedman, fis-je en me reconcentrant sur la possibilité que Kate accepte. C'est le vice-directeur du FBI. Cette fille est trop ambitieuse pour décliner une telle opportunité de carrière. Lieutenant de la police criminelle de New-York peut être, mais agent fédéral c'est tout de même une autre catégorie. Je dois avouer que ce plan a quelque chose de machiavélique.

- Oui c'est vrai, répondit ma femme.

- Mais j'aime, fis-je lui souriant.

Victoria venait de me trouver une issue parfaite à un problème d'envergure. Le seul fait de penser que bientôt Kate Beckett serait hors-jeu me procurait énormément de satisfaction et j'étais traversé d'un léger frisson généré par le souffle de cette victoire. Elle avait peut-être remporté les précédentes manches lors de nos deux rencontres, mais cette fois-ci j'allais prendre possession de son Roi. "Echec et mat Will" pensais-je intérieurement, buvant une nouvelle gorgée de brandy. Mon épouse porta également son verre à sa bouche, le finissant avant de le reposer sur la table. Elle se leva dans les secondes suivantes me disant :

- Je te laisse Will, je suppose que tu es pressé de passer un certain coup de fil.

- Tu lis en moi comme dans un livre ouvert Vic.

D'un ultime sourire complice elle quitta le bureau, refermant la porte derrière elle me laissant à nouveau dans la tranquillité totale. Je prenais quelques minutes avant de me saisir de mon téléphone. C'était un simple appel, mais il allait être déterminant et pourrait marquer à lui seul un tournant dans mon futur proche, aussi la préparation psychologique était importante. Après avoir pris une profonde inspiration, je composais presqu'avec hâte le numéro d'Anthony et m'impatientait qu'il décroche, ce qu'il fit au bout de quelques sonneries.

- Freedman.

- Tony, c'est Will.

Je tentais de calmer l'excitation dans ma voix. Anthony et moi étions amis de longues date. Nous nous étions connus sur les bancs d'un amphithéâtre à l'université et notre amitié ne s'était pas tarie depuis.

- Will ça fait un bail! Je ne t'ai pas trop vu au Capitole ces derniers temps.

- Oui j'ai été obligé de sécher la dernière assemblée du Sénat et la fois d'avant tu étais en déplacement. Mais on va programmer un déjeuner la prochaine fois pour rattraper le temps perdu. Comment se porte ta divine épouse?

- Elle trouve toujours que je travaille trop, mais tu sais comment sont les femmes! Il eut un rire. Et Vic?

- Elle va merveilleusement bien, nous venons justement de parler de toi.

- Je me disais bien que j'avais entendu mes oreilles siffler. Enfin que me vaut cet appel Will?

- Où en êtes-vous en termes de recrutement au bureau?

- Nous n'avons pas encore commencé notre campagne pour cette année. Tu as quelques noms à me suggérer?

- J'en ai un en réalité.

Un petit silence se fit au bout du fil, mais il me pressa de continuer.

- Vas-y je t'écoute.

- Katherine Beckett, lieutenant de la criminelle au 12ème à New-York, prononçais-je avec soin.

En bruit de fond je l'entendis taper sur son clavier, probablement pour faire une recherche avec le nom que je lui avais indiqué. Je l'entendis siffler à l'autre bout de la ligne.

- Si elle aussi talentueuse que charmante je te dis tout de suite oui. Dis-moi vieux bourgue comment connais-tu cette belle plante? Ne me dis pas qu'elle est dans ton livre noir ou alors je ne t'adresse plus la parole!

Je devais lui reconnaître que Beckett était une jeune femme très attirante, "et même si à cet instant j'avais toutes les raisons de la détester, je ne pouvais demeurer insensible à son charmeii".

- Tony tu sais bien que je n'ai d'yeux que pour Victoria...Non j'ai eu l'occasion de la rencontrer lorsque l'on a tenté de m'assassiner il y a quelques mois au moment de ma loi sur l'écologie. C'était elle qui avait dirigé l'investigation.

Malgré la profonde et sincère amitié qui me liait à Tony je jugeais préférable de ne pas l'informer de mes motivations réelles.

- Et elle a un sacré pédigrée pour un lieutenant de 33 ans. Je vois dans son dossier qu'en plus elle est allée à Stanford pour son droit, ce qui est un atout vu les affaires que nous traitons ici au bureau.

Derrière j'entendais une multitude de clics de souris m'indiquant qu'il parcourait son dossier.

- En tout cas Will ses états de service sont impressionnants. Sur le papier elle correspond tout à fait à ce que nous cherchons au bureau et vu que c'est toi qui m'en parle elle figure d'ores et déjà en tête de liste. Mais, tu connais le protocole ici Will. Je vais envoyer un de mes hommes sur le terrain pour qu'il fasse une évaluation rapide.

- C'est tout à fait normal. Je suis déjà content que tu réceptionnes aussi bien ma suggestion.

- Tu es mon ami Will et tu m'apportes la perle rare sur un plateau d'argent là. Je te tiendrai au courant dès que mon agent me fera son rapport.

A présent c'était lui qui semblait aussi excité qu'un enfant face à une tablette de chocolat, ce qui me tira un sourire.

- Tu es le meilleur Tony, fis-je enthousiaste.

- Je ne suis pas mauvais en effet!

J'entendis quelques coups frappés à la porte puis une voix dire "Monsieur Freedman, je suis désolée de vous interrompre mais vous avez un appel urgent sur l'autre ligne."

- Mon vieux bougre je vais te laisser, fit-il en s'adressant à moi. Le devoir m'appelle, mais je m'occupe de ton affaire et je te recontacte dès que possible. Et puis préviens-moi quand tu es de passage à Washington qu'on se prenne un café comme au bon vieux temps !

- Tu peux compter là-dessus. Bye Tony.

- Bye Will.

Sur ce, il raccrocha. Je me sentais à cet instant particulièrement bien. Comme si l'épée de Damoclès symbolisant Kate Beckett au-dessus de ma tête s'était avérée factice. Rien n'était encore fait, mais j'avais assez confiance en Tony pour penser que cette proposition de poste serait rapidement mise sur la table. Ensuite, je faisais confiance à mon ennemie pour accepter cette opportunité et sortir de mon horizon malgré elle. Cette journée de travail avait définitivement été profitable. Je finissais les dernières gouttes de mon brandy avant de me lever et d'aller rejoindre ma femme dans notre chambre. Elle était en train de lire un livre quand je la retrouvais. M'ayant aperçu, elle interrompit sa lecture en me murmurant, le sourire aux lèvres :

- A voir ton air satisfait, je pressens ton appel a été fructueux.

- Tony est l'homme de la situation.

- Voilà une bonne nouvelle.

Ce soir-là je m'endormais avec une facilité étonnante, ce qui n'était pourtant pas dans mes habitudes. Probablement était-ce dû à ce soulagement que je ressentais depuis quelques minutes.

1 mois plus tard...

Ma femme avait finalement obtenu de ma fille qu'elle fasse acte de présence le jour de l'interview au cours de laquelle j'allais déclarer mes prétentions électorales. Cela ne s'était pas fait sans concession de notre part, mais c'était un moindre mal. Nicole avait obtenu de nous que nous la laissions sortir une fois par semaine avec ses amis. Sans le dire à Victoria j'avais accepté cette condition tout en dépêchant un des hommes chargés de ma sécurité de filer Nicole car je n'avais à présent plus aucune confiance en elle. Et il était hors de question qu'elle mette en péril mes projets. Il me restait cinq jours avant cette rencontre avec la presse, j'appelais donc Matthew afin de l'inviter à une nouvelle séance de travail dans l'optique de préparer mon apparition télévisuelle. Il fut à mon domicile dans l'heure qui suivit. Alors qu'il était dans mon bureau depuis cinq minutes, mon cellulaire sonna. Voyant que mon correspondant était Tony, je prenais l'appel tout en m'excusant auprès de Stein.

- Bracken, dis-je souhaitant rester professionnel devant mon invité.

- Will, c'est Tony. Mon homme est allé à New-York pour évaluer Beckett et elle est définitivement en tête de liste. Je tenais à te le faire savoir. Il lui a donné sa carte en l'informant qu'un recrutement allait avoir lieu et qu'elle pourrait tout à fait figurer dans les prétendants.

- Quelles sont nos chances?

- Il m'a dit que, je cite, « tout son corps criait qu'elle envisageait de grandes choses pour elle ». Que c'était une excellente flic mais qu'elle était destinée à plus et qu'elle en avait conscience. Si tu veux mon avis c'est comme si c'était fait…

Son ton était enjoué et je devais dire que si je m'étais trouvé seul à cet instant j'aurais moi aussi souri de toutes mes dents.

- Très bien, le remerciais-je. Je suis en réunion là mais je te rappelle bientôt.

- Oui j'avais compris au ton sérieux de ta voix. A bientôt Will.

- A bientôt.

Raccrochant, je me tournais vers Matthew qui consultait avec assiduité un dossier qu'il avait sorti de sa sacoche pendant que j'étais en communication. Sentant certainement mon regard sur lui il leva les yeux et me demanda :

- Tout va bien Sénateur ?

D'un sourire épanoui cette fois je répondis :

- Tout va pour le mieux Matthew...


Références utilisées

i William Bracken, Castle S5E13

ii Michael Connelly, Le poète, p. 206