Prompt : Il ne pensait pas que cela finirait ainsi
Note : …Celui qui comprend d'où vient le titre, à un cookie.

Les rues étaient silencieuses, en ce dimanche soir. Tout le monde était couché, à attendre, non sans une crainte affirmée, que le lundi se lève, le retour du travail avec. Comme pour marquer le coup, l'air se faisait glacial, annonçant un hiver qui approchait à grands pas.
Sinon pour les chats miaulant, les rats des poubelles et les quelques âmes errantes se promenant, les rues se faisaient désertes, tant l'heure était petite, tant on était en cette période où on était autant la nuit que le jour.
Il était trois heures du matin et demi, approximativement. C'est en tout cas ce qu'indiquait l'horloge interne de l'ordinateur qui se tenait en face d'elle.

Elle, qui, tenait son carnet, son crayon, et qui semblait griffonner avec acharnement. Elle était comme possédée, elle ne semblait pas vouloir s'arrêter.
Petit à petit, les traits prenaient formes, donnant lieu à un dessin d'une qualité indéniable, mais à l'aspect que certains trouveraient inquiétant.
Une pause. Elle se devait de remettre une de ses mèches brunes derrière son oreille. Sinon, la vue était brouillée, et c'était plus compliqué pour donner quelque chose de bien.

Elle reprit son dessin.

Les rues restaient silencieuses, tandis qu'il rentrait chez lui. Il n'était qu'un homme ordinaire, père de famille. Il avait juste…Débordé un peu. Juste un peu, juste assez pour mettre son intimité dans celle d'une autre. Une autre qui ne ressemblait pas du tout à sa femme. Sauf peut-être pour les mèches blondes. Cela devait être son petit péché mignon.
Sortant de sa voiture, il n'était qu'à deux pas de la porte. Il ne se doutait pas, que, cette porte, il ne l'atteindrait jamais. Pour lui, si on omettait le petit plaisir coupable, tout allait bien, c'était une journée normale.

Il eut juste le temps d'entendre un son. Un bruit. Provenant des hauteurs. Levant la tête, il eut juste le temps de percevoir des éclats roses, avant de tomber au sol.
Le rose se mêla au rouge. Un chien hurla.

La jeune fille avait terminé son dessin. Satisfaite, elle souffla un bon coup, et songea enfin à se laisser tomber au sommeil.


Une bière à la main, alors qu'il était un peu trop tôt pour être surement l'heure pour ce genre de petit plaisir, Dean consultait le journal en face de lui. A ses côtés, son frère. Sam semblait bien frais pour quelqu'un qui n'avait sûrement pas tant dormi – les frères avaient cette habitude de ne pas tellement être amis avec le sommeil -.
Dean, quant à lui, rattrapait sa nuit, confondant l'alcool et le café au niveau des effets.

- Trois meurtres en l'espace d'un mois. Enfin, trois « accidents »
- Je vois ça.

Cette petite ville avait dû être chamboulée, mais selon les articles, ils ne semblaient pas faire le lien, entre un mort à coup de pot de fleur, un qui était tombé dans son bain et le dernier : un accident de tondeuse à gazon. Selon eux, les trois évènements n'avaient rien à voir, et ils n'avaient émis aucune théorie là-dessus.
Tous étaient à divers endroits de la ville. Tous étaient faits d'une différente façon. Tous étaient morts d'un accident « domestique », mais aucuns ne se ressemblaient. L'une étudiante, l'autre père de famille et le dernier, un petit papi qui n'avait semblé rien demandé à personne sinon de vivre sa vie tranquillement.

Dean termina sa bière, son regard vert se tournant vers son frère. Il était évident qu'ils allaient y aller. Ce n'était pas si loin en plus. A cinq heures de route tout au plus.
Mais les deux Winchester avait déjà vécu bien pire

- Je ne sais pas à quoi on va avoir à faire, mais mieux vaut s'y rendre.

Ils sortirent du bar, et se mirent en route, tandis que du AC/DC se mit à résonner dans le véhicule qui démarra sans attendre.


Toujours occupée à dessiner, elle laissait son imagination prendre forme sur le papier. Cela semblait bien l'amuser, vu le sourire qu'elle avait. Pourtant, faire un croquis d'un cimetière, n'avait rien d'amusant.
Mais la sonnette l'interrompit. Se levant, elle alla ouvrir. Se tenant devant elle, un ami. Ami à l'air plutôt atypique : un t-shirt d'une vague série obscure, une veste jaune pétante et des cheveux en bataille, comme s'il avait oublié de se les coiffer. Ses yeux marron noirs brillaient d'une joie intense, sûrement à l'idée de la revoir :

- Fanny !
- A….Arthur ? Mais qu'est-ce que tu fais là…

Reculant, Fanny laissa pourtant entrer cet ami de longue date, cette connaissance, cet ancien camarade. Ce garçon brillant, qui ne brillait pas forcément par ses notes, mais par la joie qu'il savait accumuler et diffuser un peu partout.
Fanny et Arthur avaient tous les deux étudiés le même domaine : l'art. L'art en général, l'apprenant sans relâche, dans une classe aux niveaux différents, mais à l'ambiance bordée d'un amour pour l'art sans mesure.
Et surtout, contenant un certain nombre de délire, donc de bonne humeur, donc…Rapprochant un peu tout ce petit monde ensemble.

- Je suis rentré…. J'ai pas vraiment… réussi ma carrière.

Sa carrière ? Fanny mis un peu de temps avant de se rappeler. Elle qui n'avait jamais quitté leur ville, elle qui n'avait jamais bougé, reclus, restant là, comptant sur l'argent de ses parents, elle avait fini par oublier qu'Arthur était parti, lui. Parti loin, faire ses preuves dans la peinture, ou la photographie. Il sembla à la jeune fille que le garçon aimait les deux. Que c'était pour cette raison, qu'ils ne se voyaient plus.

Alors qu'il semblait assez désespéré de ce constat, Fanny ressentit de la peine pour lui. Elle savait que de nos jours, les artistes n'étaient pas forcément du genre à gagner de l'argent.
Elle lui montra le canapé où elle se trouvait avant qu'il n'arrive, et le laissa s'installer.

- Tu veux en parler ? demanda-t-elle doucement, soucieuse de s'enquérir de l'état de son ami
- Hm….Ca ira, merci. C'est juste que du coup, mes vieux veulent que je trouve un « vrai » boulot, tout ça. Tu pourrais pas me dépanner en attendant que je trouve ? Genre…Je pensais….Faire un duo avec toi, une collaboration….Et aussi, mes vieux ne veulent plus que je rentre chez moi….

Fanny ne savait pas vraiment quoi répondre à cela, et fronça les sourcils, s'installant à son tour dans le canapé, attrapant machinalement son carnet, le serrant contre elle.

- Mais d'ailleurs ! Qu'est ce que tu deviens, toi ? Fini-il par demander à son tour
- Oh moi…Je…. Je dessine encore, oui. Mais je n'ai pas vraiment de succès, alors je ne pense pas pouvoir t'aider.

Arthur prit un air contrit. Sûrement devait-il se douter qu'il ne trouverait pas du travail aussi facilement.
Soudain quelque chose sembla l'interloquer. Fanny avait baissé ses gardes, se détendant, et son carnet devenait visible :

- Oh ! Tu dessinais ! Je peux voir ?!

Fanny regarda son ami. Après tout, pourquoi aurait-elle refusé de l'aider ? Elle lui tendit son carnet, dont il se saisit.
Ce qu'il vit le laissa stupéfait. Le dessin était d'une très bonne qualité – il voyait combien Fanny avait progressé -, mais il reflétait quelque chose de morbide.

Un homme, était allongé au sol, au milieu des tombes. Des nuages semblaient envahir le ciel, et ça n'avait rien de jovial.

- …Tu as des problèmes dans ta vie ? se retrouva t-il obligé de demander

La jeune fille haussa les épaules. A y réfléchir, elle vivait seule, en autarcie, elle ne voyait pas grand monde, sinon sa mère, mais ça ne comptait pas, puisqu'elle l'entendait surtout au téléphone.
Elle ne se rappelait même plus pour quelle raison elle vivait ainsi. C'était arrivé, c'est tout ce dont elle était sûre.
Ses seuls amis se trouvaient sur internet, avec qui elle discutait sur ses centres d'intérêts. Et encore, on ne pouvait pas tant appeler ça des amis, vu combien elle avait tendance à oublier qu'ils existaient.
Mais sinon…
Mais être seule pouvait-il brouiller les humeurs et rendre morose au point de dessiner un homme à l'air mort, dans un cimetière ?
Fanny n'en savait rien.

- Je ne sais pas…Depuis quelques temps, je fais cette série de dessins…

Fanny n'était pas sûre d'avoir envie de se confier, mais elle finit par le faire, tournant les quelques pages de son carnet, dévoilant d'autres dessins.
D'autres dessins du même gabarit. Aussi noirs. Aussi tristes. Aussi moroses.
Aussi…Horribles.

Arthur trouvait ça aussi fascinant qu'effrayant.
Relevant la tête, on pouvait lire dans ses yeux, des bribes d'inquiétude. Les artistes aimaient à créer quand ils se sentaient mal, et Fanny semblait se sentir mal…. Pour dessiner ça, non ?

Il s'attarda à nouveau sur le cimetière.

- On dirait le cimetière qui est un peu plus loin, au nord.
- Ah ? Je sais pas….J'aime pas vraiment le cimetière

Arthur fronça les sourcils, mais secoua la tête :

- Ok. …Ecoute Fanny…Si tu veux, je peux rester un peu chez toi ? Tu manques peut-être de compagnie et…Ca a donné ces dessins, et… Enfin si tu veux

L'hôte de la maison fronça les sourcils, s'emportant soudain, sans aucune raison. Elle serra son carnet contre elle, à nouveau, et s'exclama :

- Tu me penses folle ? Dépressive ?!

Elle n'avait aucune raison de crier, elle n'avait aucune raison d'agir ainsi. Surtout quand cette situation lui semblait plus normale qu'elle ne l'était.
Mais peut-être l'isolation la perturbait plus qu'elle ne le pensait.

- Non, non, mais disons que… Tu vois d'autres gens ? Je ne sais pas…Je suis désolé, balbutia Arthur qui tenait de se rattraper comme il pouvait

Se radoucissant, Fanny soupira. Non, en fait, peut-être qu'Arthur avait raison. Qu'à force de rester enfermée, dans sa bulle, dans son monde, de ne parler qu'à la caissière du supermarché du coin, elle n'allait pas très bien :

- …Tu peux rester, si tu veux….
- Chouette. J'en profiterais pour te faire un peu sortir

Il la taquinait, bien sûr. Fanny se laissa encore aller au soupir, pourtant. Mais sûrement que ça lui ferait du bien, aussi. Finissant par la laisser, Arthur suggéra qu'il aille chercher ses affaires.

Une fois sortit de l'appartement de son amie, il commença à se promener dans les rues, en direction de chez lui. En chemin, comme c'était une petite ville, et qu'il ne vivait pas loin, il s'arrêta devant le cimetière.
Celui-ci semblait bien agité. Des voitures de polices étaient garées devant, avec les pompiers en plus.
Seul élément étrange de ce décor, une impala noire, plantée dans un coin, comme un avertissement funèbre.
Arthur fronça les sourcils, et pris par une étrange curiosité, grimpa le mur du cimetière, en passant par un endroit où le mur devenait moins haut, entrant dans le cimetière par pure effraction.

Ne sachant pas d'où lui était venue cette idée, il se rendit compte de la bêtise de son action un peu trop tard.
Devant lui se tenait des tombes, mais aussi, au loin, un cortège de personnes, qui ne semblaient pas là pour un enterrement, mais pour un corps, posé au sol.
L'image du dessin de Fanny frappa immédiatement Arthur.
Seulement, quand il avait vu ce dessin, il ne pensait pas que ça finirait ainsi.

A suivre