HELLOOOO me voici avec une petite histoire que j'ai écrit dans le train, je pense pas que y aura beaucoup de chapitres. C'est un K2 (Kyle x Kenny, perso j'appelle ça comme ça) première fic sur le fandom de South Park que je parcours depuis un ptit moment déjà. Bref, j'espère vous allez bien aimer

Disclaimer : South Park appartient à Trey Parker et Matt Stone


KENNY

Quand c'est l'heure, c'est l'heure.

Kenny le sait pertinemment parce que la Mort n'est jamais en retard. Elle vient avec sa faux, tout sourire, sa capuche sur la tête et tapote son poignet, indiquant une montre imaginaire.

Elle n'a pas besoin de parler parce que Kenny sait que c'est l'heure.

Alors Kenny la suit.

Il regarde derrière lui son corps sans vie, c'est toujours moche quand il meurt de toutes façons. Là ses bras et ses jambes sont éparpillés un peu partout et le sang décore les murs de la pièce. Parfois il se demande comment il fait pour en arriver là puis il se souvient qu'il est à South Park et que se demander pourquoi il en est là revient à se demander pourquoi South Park est une ville aussi bizarre. Il a bien sa petite théorie là-dessus.

Il entend Kyle crier sa phrase fétiche et Stan l'accompagner. Ça le fait doucement sourire parce qu'il ne sait plus comment pleurer. La boucle recommence, c'est un cycle infernal. Il meurt, les autres l'oublient puis il revient et tout est comme avant.

Jusqu'à la prochaine mort.

Il ne sait pas depuis combien de temps c'est comme ça. Il ne sait pas si toutes ses vies antérieures se sont passées de la même façons. Il ne sait même pas si un jour il est réellement mort ou si c'est sa destinée de vivre et mourir jusqu'à la fin des temps.

Il ne sait pas et maintenant il s'en fout.

C'est devenu habituel. Tellement habituel que maintenant, la Mort à un visage, elle ressemble à Karen.

Elle le conduit avec son sourire doux, sa faux trop grande pour elle et ses yeux bleus emplis d'amour.

Kenny l'aime autant que si c'était la vraie. Celle qu'il a protégé depuis qu'il sait survivre.

Il aime croire que c'est sa seule amie, la seule qui le guide paisiblement. Kenny oublie la violence de sa mort quand il la voit et il la trouve toujours plus belle et rayonnante. Quand il revit, il fait encore plus d'effort pour voir cet air doux et ce sourire sur le visage de sa petite soeur.

Et il finit souvent par en mourir.

La Mort le guide dans les abysses. Il y voit les âmes errantes à travers le temps, transcendants les époques. Puis ils passent devant le Paradis. Kenny n'y est allé qu'une seule fois et il n'avait jamais voulu en repartir.

Sa malédiction le reconduit une fois de plus parmis les vivants et dégoûté, il s'était suicidé pour y retourner.

Mais il est arrivé en Enfer.

À chaque fois Kenny arrive en Enfer. Il revoit ses morts, revoit ce qu'il a fait dans ses vies antérieures, et surtout la douleur de ses amis. C'est bien ça le plus insupportable, voir Kyle le pleurer et tomber dans les bras de Cartman, Stan se perdre un peu plus dans l'alcool et la violence et Cartman vivre sa meilleure vie, avoir des gosses et une femme et vivre une vie paisible. Ce fils de pute mérite tout sauf une belle vie après sa mort et parfois Kenny revient juste pour le buter.

Avant de mourir tué dans une course poursuite par la police et revenir pour voir que Cartman aussi est encore en vie.

Depuis le temps qu'il revient des morts il a eu le temps de tester pleins de choses. Il s'est suicidé plusieurs fois, il a déjà tué Cartman, fait des braquages, été un super héros… dans certaines de ses vies il essaye d'agir le mieux possible et dans d'autres il se dit que de toutes façons il va mourir alors ça ne sert à rien de faire le bien.

Et d'autres fois il se demande simplement si un jour tout ça s'arrêtera. Si un jour il mourra pour de vrai et oubliera sa vie antérieure pour se réveiller dans le corps d'une petite fille ou d'un petit garçon ou pourquoi pas un canard ?

Kenny et la Mort arrivent finalement en Enfer.

Elle lui avait déjà expliquer que chaque personne à son Enfer personnel qu'il vit pour l'éternité jusqu'à sa prochaine réincarnation sauf cas particulier. Tout le monde finit par se réincarner. Les démons se nourrissent de la souffrance et de la douleur des âmes damnés jusqu'à ce qu'ils ne restent plus une once de Mal en eux puis elles sont renvoyées sur Terre où elles se réincarnent. Sur Terre ces âmes sont les plus pures.

La Mort lui a expliqué que c'était un cycle aussi, les plus mauvaises âmes deviennent bonnes et les plus bonnes deviennent mauvaises et ainsi de suite.

Kenny suppose que l'Univers ou Dieu fait en sorte que les âmes pures deviennent mauvaises en les confrontant à des épreuves insurmontables.

Il n'a jamais vu Dieu. Il aimerait bien lui poser quelques questions sur le pourquoi du comment de sa condition actuelle.

L'Enfer de Kenny est souvent le même. Il est à South Park, ses amis le voient mourir et s'en fichent complètement tout en continuant leurs vies comme si de rien n'était.

Sauf que contrairement à la réalité, il est réellement en train de mourir, sentant la vie s'échapper de lui avant de faire face au vide effrayant qui suit la mort. Puis il se réveille dans son lit, à South Park, sa mère mettant l'un de ses nombreux cordons ombilicaux dans une boite et il sait qu'il est vivant.

Son Enfer n'est jamais aussi horrible que ce qu'il vit réellement à South Park.

Parfois Kenny se demande s'il n'est pas en Enfer tout le temps et South Park est son Enfer éternel.

Ils arrivent devant une porte.

-Est ce qu'un jour ça s'arrêtera ? demande Kenny à la Mort.

Il n'y a pas d'espoir dans sa voix, c'est une simple question. Il a juste envie de savoir.

La Mort le regarde puis lui sourit.

-C'est à toi de me le dire.

Et sur ces mots mystérieux, Kenny entra dans son Enfer.


-Je suis désolé vieux...dit Kyle en pleurant. Il tient un pistolet dans la main gauche.

Ses joues sont humides et il y a du sang sur le sol.

Stan est assis dans un coin de la pièce, la tête entre les mains. Kenny croit se tromper quand il voit qu'elles sont rouges.

Il veut bouger mais il a mal. Il comprend qu'il est blessé, il a dû se prendre une balle dans la jambe.

Cartman est allongé au milieu de la pièce, mort, le sang s'écoulant doucement des multiples blessures qu'il a. Par terre il y a des couteaux.

Pas difficile de comprendre la situation pour Kenny : Stan et Kyle ont tué Cartman, il vient d'arriver et Kyle lui a tiré dessus dans la panique.

Ce n'est même pas original. Kenny a fini par comprendre que les Enfer étaient des réalités qu'il vivra peut-être alors il s'en détache avec froideur. De toutes façons c'est bientôt fini. Pas besoin de s'attarder là-dessus.

Les Enfer sont censés le faire souffrir alors à part cette balle dans la jambe, qu'est ce qui est censé lui faire si mal ?

-Stan… Stan s'te plaît reprend toi… allez bébé, reprend toi…lui dit Kyle.

Mais Stan reste dans un coin en train de pleurer.

Kenny comprend qu'il est différent des autres quand il se rend compte que c'est un souvenir.

Il a l'impression d'avoir déjà vécu ça.

Il ressent de la tristesse quand il voit Kyle essayer de relever Stan, de le secouer. Il sait d'avance que Kyle va le tuer. C'est triste parce qu'il sait que c'est son ami. Il sait aussi que c'est le plus lucide d'eux tous. Kenny lui a déjà perdu la raison depuis bien longtemps.

Stan ne veut pas bouger alors Kyle vient vers lui, les larmes aux yeux, le corps tremblant.

-Kenny… je suis tellement désolé, dit-il.

Kenny sourit.

-Pourquoi tu m'as tiré dessus enfoiré ? dit il même si les larmes de Kyle lui font beaucoup plus de mal que ce qu'il aurait pensé. Peut-être que c'est parce qu'il est en Enfer alors il ressent tout beaucoup plus fort ?

-On pensait pas… on pensait pas que ça allait se finir comme ça. Je suis désolé… je dois le faire pour nous Kenny. Si je veux qu'on survive, je dois le faire. Pardonne moi…

Kenny sait que si Kyle le dit, c'est que c'est vrai, Kyle ne se met jamais dans la merde. Il ne fait jamais de mauvais choix (à par ses amis) il est intelligent. Si ile dit c'est que c'est vrai. Mais il ressent de la colère et une sorte d'indignation. C'est complètement injuste ce qu'il lui arrive. C'est injuste que Kyle lui fasse ça à lui, il n'a jamais mérité toute cette souffrance.

Kyle pose le canon du pistolet sur son front, tremblant.

-Adieu Kenny.

Au moment où Kenny allait répondre, il voit une lame se poser avec rapidité sur la gorge de son ami et le sang jaillir sur lui.

Kyle veut parler en posant ses mains sur sa gorge suintante, il essaye de parler laissant échapper des gargouillis effrayants puis s'écroule sur le lui.

Kenny sens son sang sur lui, son corps secoué par des spasmes et des râles d'agonie.

Derrière lui apparaît Stan, le visage plus froid qu'il ne l'a jamais été et Kenny sait à ce moment-là que c'est Craig. Pas Stan.

La colère envahi son corps sans qu'il ne puisse faire quoi que ce soit, il a envie de le tuer, d'aller réveiller Cartman pour qu'il fasse quelque chose. Il a envie de tout détruire. Mais le désespoir lui rappel cruellement qu'il ne peut rien faire. Il ne peut rien faire parce que Kyle est déjà mort et quelque part lui aussi. Il ne peut rien faire parce que Kyle lui a mis une putain de balle dans la jambe. Il ne peut rien faire et c'est horrible de se voir mourir, d'être aussi impuissant.

-Fils de pute…souffle-t-il.

Craig sourit en le pointant avec son pistolet.

-Je sais.

Et la balle part.


Quand Kenny se réveille, il est énervé.

Cet Enfer était un souvenir d'une de ses vies antérieures, il le savait mais laquelle ? Comment est-ce que ça s'est fini dans cette vie-là ? Est-ce que Kyle a longtemps souffert avant de mourir ? Et où était Stan à ce moment ?

Il se lève brusquement et cherche parmi les bocaux de cordon ombilical que sa mère a découpé. Sur chacun d'eux il y a des dates et des années.

-Qu'est-ce' tu cherches gamin ? questionne sa mère en le voyant faire.

Elle buvait encore, assise sur sa chaise qui se balance, l'air fatigué.

-Ta gueule, dit Kenny.

Kenny savait que c'était à cause de ses parents qu'il en était là aujourd'hui. Il savait aussi qu'ils n'étaient que deux ivrognes et que même si au fond sa mère l'aimait, la situation compliquée dans laquelle il se trouvait n'aidait en rien leur relation.

-Montre toi un peu reconnaissant, j'te fais naître toutes les fois où tu crèves, dit-elle.

-J'ai pas envie d'être reconnaissant envers une folle qui a condamné son fils à l'immortalité, cracha Kenny déjà sur les nerfs.

-Kenneth, combien de fois devrais je te le répéter ? C'est un don. Un don que tu n'apprécies pas à sa juste valeur.

Décidant qu'il n'avait pas envie de se lancer dans ce débat stupide, Kenny continua à chercher le bon bocal. Les plus vieux remontaient à ses 11 ans, malgré ça, sa mère lui certifiait qu'il avait commencé à mourir bien plus tôt de manière plus maladroite les unes que les autres.

Personne n'avait jamais eu l'intelligence de questionner la raison pour laquelle sa mère possédait autant de cordons. Pour son père c'était une obsession morbide, pour Karen sa mère était une sorcière et pour son grand frère eh bien… il n'en avait tout simplement rien à faire.

Sa mère aimait dire qu'elle ressentait le lien qui les unissait quand il était dans son ventre. Kenny trouvait ça glauque. Pourtant aussi glauque que cela puisse être, toucher ses propres cordons selon les dates l'aidait à se souvenir de ses anciennes vies.

-Au lieux de chercher tes conneries va à l'école. Ton frère a pas écoulé son stock de coke habituel alors tu vas le faire à sa place, déclara tranquillement sa mère.

Kenny lui lança un regard noir.

Il détestait dealer et elle le savait. Elle éclata de rire quand elle vit le regard que lui lançait Kenny.

-C'est bon mon canard, c'est pas la mer à boire. Et puis c'est bien payé, tu pourras acheter les médicaments de Karen comme ça.

Mon canard. C'est le surnom affectueux que lui donne sa mère quand elle est en "état" et Kenny déteste ce surnom (même s'il adore les canards).

La colère est réelle quand sa mère prononce le nom de sa sœur.

-Karen est encore malade et personne ne lui a acheté ses médicaments ? gronde-t-il.

Sa mère prend le temps de boire une longue gorgée de whisky avant de répondre. Kenny a envie de la tuer mais la dernière fois qu'il l'a fait, Karen lui en a voulu.

-C'est à toi de le faire Kenny, dit-elle.

-Mais c'est ta fille aussi !crie-t-il et sa voix fait des trémolos.

Il hésite entre pleurer ou hurler alors il sourit.

-J'ai pas la force en ce moment...

Kenny repose les bocaux puis enfile son anorak orange avant de sortir de la pièce.

Karen est sa raison de vivre.

C'est sa petite sœur de 13 ans (il en a maintenant 18 ) qui essaye désespérément de se sortir de la merde de South Park. Kenny sait qu'il y mourra (jusqu'à la fin des temps) alors essayer de partir semble plutôt stupide comme idée mais Karen, elle est déterminée.

Karen est une boule d'amour. Karen l'empêche de faire des conneries. Karen lui rappelle chaque fois par son sourire pur pourquoi il devrait faire le bien et pourquoi il devrait se donner un peu plus dans cette vie que dans les autres.

Alors il fait tout pour Karen. Il s'est prostitué pour Karen, il a volé pour Karen, il a supplié pour Karen et aujourd'hui il va dealer pour elle.

Il sait qu'elle est comme lui. Karen préférerait mourir plutôt qu'utiliser de l'argent sale pour quoi que ce soit. Mais Karen n'est pas comme lui, elle n'a qu'une vie et la sienne est précieuse.

Alors il ne lui dit pas où il trouve de l'argent. Il lui dit qu'il travaille, il lui dit qu'il mendie parfois mais jamais qu'il deal ou qu'il vole.

Kenny a eu beaucoup de clients ce soir. La coke part toujours vite.

Il s'est fait une centaine de dollars en une soirée et parfois, la solution de facilité s'impose à son esprit. Ce serait tellement plus simple de vivre comme ça.

Son dernier client arrive, capuche sur la tête et Kenny fume tranquillement sa clope en l'attendant.

-C'est 50 le gramme non négociable, dit-il.

Il préfère quand les choses sont claires dès le début.

La capuche en face de lui se soulève brusquement et soudain lui apparaît le visage blême et cerné de Kyle.

Ce qui le choque autant soit que Kyle, ce Kyle qui n'a jamais touché à 1 gramme de drogue vienne acheter de la coke.

-Kenny ? Putain, c'est vraiment toi ? s'exclame-t-il ahuris.

Kenny détourne le regard. Gêné. Il n'aimait pas particulièrement correspondre à l'image que l'on se faisait de lui. Celle du type paumé dans sa vie qui vit dans les quartiers défavorisés. Il n'aimait pas sentir le mépris et la pitié dans le regard des gens.

-Ouais mais Kyle qu'est-ce que tu fous-commençait-il quand Kyle le serra dans ses bras.

Kyle était plus petit que lui, ses cheveux roux bouclés sentaient bons et son odeur lui avait manqué. Il le serrait de toutes ses forces, comme s'il ne voulait pas le voir partir tout de suite.

-Putain vieux ! C'était horrible personne me croyait, personne ne voulait me croire ! Mais j'en étais sûr, je savais que j'avais raison merde !

Il pleurait et Kenny n'arrivait pas à comprendre de quoi son ami parlait.

Il sentait juste son corps contre le sien, ses larmes, ses hoquets désordonnés et ce désespoir mêlé à du soulagement.

Kenny y avait été face au désespoir un nombre incalculable de fois. Et là contre lui pleurait Kyle qui évacuait tout ce qu'il semblait avoir retenu en lui.

Kyle finit par se calmer, essuyant les larmes de son visage rouge. Un silence gênant se posa entre eux réalisant alors ce qu'ils faisaient et où ils étaient.

-Mais de quoi tu parles Kyle ? questionna Kenny.

Kyle le fixa et sembla réfléchir.

-Ok Kenny c'est bizarre dit comme ça mais ne panique pas ok ? J'ai pas l'explication logique et rationnelle à ça mais j'te jure que y en a une ! Y en a toujours !

Kyle aimait beaucoup trop parler pour son propre bien.

-Kyle…

-T'es mort y a deux semaines.

Il y eu un long silence durant lequel Kenny fixa Kyle. C'était censé être impossible, personne ne se souvenait jamais de sa mort. Personne.

-C'est une blague ?dit-il plus par automatisme que comme une véritable question.

Ce n'était pas normal, ce n'était pas censé fonctionner de cette manière. D'habitude il mourrait puis tout le monde l'oubliait. Pas de retour en arrière qui prouverait subitement le contraire, non rien de tout ça. Et puis deux semaines c'était long. D'habitude il revenait beaucoup plus vite. Trois, quatre jours tout au plus mais jamais deux semaines entières.

-Non je te jure que c'est vrai ! Kenny je t'en supplie, crois-moi je t'ai vu mourir, j'ai vu ton corps et… et… c'était horrible ! T'étais mort !

Maintenant Kyle le secoue, comme s'il n'arrivait pas tout à fait à croire qu'il soit réel et vivant bien en face de lui. Oh, ça lui avait fait ça à Kenny les premières fois, se toucher partout pour voir qu'effectivement il ne manquait rien et que tout était à sa place. C'était perturbant quand on se souvenait avec exactitude dans quel état avait été réduit son corps.

Les yeux de Kyle sont emplis de larmes et Kenny se pose sincèrement la question de s'il doit lui dire la vérité ou pas. Il a attendu ce moment pendant longtemps, une éternité peut être. Il ne semble plus invisible, Kyle se souvient de sa mort. Il se souvient de lui et ça vaut plus que tout au monde.

Mais Kyle n'est pas comme lui à errer entre le monde des vivants et l'Enfer, il n'a pas conscience du poids que pèse son existence, il ne sait pas.

Et il ne doit pas savoir. Quelque chose lui dit que s'il lui dit, si Kyle comprend, rien ne sera pareil. Ça perturbera le peu d'équilibre que Kenny pense avoir. Plus rien ne sera comme avant et même s'il a rêvé de ce jour béni (Dieu entend donc encore ses prières ?) maintenant qu'il y est, il a peur. Ouais, ça parait con comme ça, pour quelqu'un qui est mort un nombre incalculable de fois, la peur ça semble être insignifiant. Mais il est terrifié par l'inconnu, comme beaucoup de monde mais contrairement aux autres pour qui l'inconnu a un nom (la Mort) lui ne sait même pas à quoi il ressemble. D'habitude il ne prend pas de décisions aussi importantes parce qu'au pire il meurt et agonise longtemps et au mieux il meurt rapidement. Là, il ne sait pas ce qu'il se passera si Kyle sait. Peut-être que lui aussi sera maudit ? Ou peut-être qu'il mourra ? Ou peut-être qu'il ne le croira pas et oubliera instantanément tout ce qu'il s'est passé ?

Il ne sait pas.

Alors il décide de faire ce qu'il a toujours fait de mieux, mentir.

Prétendre que tout va bien alors qu'en vrai c'est la fin du monde.


KYLE

Le rire de Kenny sonne faux dans ses oreilles.

Comme toute cette situation à vrai dire. Ils sont là tous les deux, près de leur ancienne école fermée, lui vendant de la coke alors qu'il devrait être mort et lui qui vient en acheter pour soulager sa peine. Cette simple situation sonne tellement faux, tellement improbable que Kyle se demande si tout ce qu'il se passe est réel, si tout ce qu'il vit à un sens.

Il touche Kenny qui rit encore plus fort et ça lui fait du bien à Kyle de l'entendre rire, même si c'est pour se moquer de lui et le prendre pour un fou, même si son rire est décousu, ressemble à un mélange de crise d'asthme et de hurlements de loups, même si Kenny rit tellement qu'il en pleure, ça lui fait du bien.

Kenny est encore en vie.

Il ne le croit pas, c'est normal, c'est pas grave maintenant Kyle a tout simplement l'habitude.

Et puis sincèrement, à quoi s'attendait il ? À ce que Kenny le croit ? À ce qu'il lui dise qu'il était en réalité un mort vivant ? Mince, il est à South Park, cette ville est désespérée par définition, sérieusement qu'espérait il ?

-Kyle je sais pas qu'est-ce que t'as pris mais c'est génial, ça te fait dire un tas de conneries, rit-il.

Kyle a envie de rire avec lui comme ils le faisaient à une certaine époque, mais une voix au fond de lui hurle qu'il n'est pas fou, qu'il n'a rien pris et que c'est la vérité, il l'a vu mourir merde !

-Kenny, c'est pas…

-C'est une des histoires de Cartman et tu l'as écouté c'est ça ?

-Non, mais…

-Ou alors tu délires complètement. Tu sais où t'es j'espère ?

-Oui mais…

-Franchement Kyle, moi mort ? Tu penses pas que tout le monde s'en serait souvenu ? Et puis comment je serais mort d'abord ?

Kyle se fige à ce souvenir traumatisant.

Il avait essayé d'oublier ce moment qui revenait le hanter même dans ses nuits agitées.

Il revoyait sans cesse le corps de Kenny, ses bras détachés de son corps, ses jambes en bouillie et le sang partout, sur les murs, le sol même au plafond et-

-Kyle ?

Son corps entier est en train de trembler, son cœur bat fort et vite, il n'arrive plus à respirer. Il étouffe.

-Kyle ça va pas ?

-T'étais… souffle-t-il difficilement. Parler est un effort considérable qu'il fait laborieusement.

Ses jambes ne le tiennent plus. Il s'écroule sur le sol, à genoux. Des larmes coulent sur ses joues et il ne s'en rend même pas compte. Il s'y voit encore. Il s'entend crier qu'ils ont tués Kenny et Stan suivre sa réplique, il sent l'odeur étouffante du sang et l'envie de vomir le saisit plus puissante que jamais.

Il étouffe encore plus.

Il se met à tousser, tentant de retenir le haut le cœur qui le saisit mais ça semble presque impossible.

Le peu qu'il avait dans le ventre finit sur le sol tandis que sa vision se brouille. Kenny lui tapote le dos dans le but de l'apaiser mais ça ne marche pas. Il lui parle, Kyle l'entend mais il ne l'écoute pas. Il ne fait que voir la scène horrible d'il y a deux semaines et que tout le monde a soudainement oublié.

Kenny était mort. En morceaux massacré à cause d'une de leur énième connerie et personne ne s'en souvient. Personne ne s'en souvient sauf lui, il est le seul à être rongé par le poids de la culpabilité et l'horreur de la situation. Il est le seul à supporter tout ça.

-Kyle respire… respire ça va aller.

Mais non ça ne va pas. Rien ne va.

Kenny est mort. Kenny est mort.

Tout devient noir autour de lui.

Quand Kyle se réveille, il sent une main jouer avec ses boucles rousses.

Il est tout à coup nostalgique de cette période lointaine où sa mère avait encore le temps de s'occuper de lui et de son frère et il profite de la caresse aérienne.

Puis la sérénité semble se briser quand le bruit d'une porte qui claque brutalement le fait sursauter. La main dans ses cheveux s'arrête momentanément, figée.

-T'en a pas marre de faire autant de bruit quand t'arrive enculé ? hurle une voix.

-La ferme grognasse ! Elle est où ma bière ? crie une autre.

-La grognasse elle t'emmerde connard ! Va te faire foutre !

-Répète un peu ?

Kyle fixe Kenny qui est immobile et qui écoute simplement ce qu'il se passe.

Les cris s'intensifient, suivis de bruits de choses que l'on casse et Kyle se redresse brusquement, paniqué.

-Kenny ? souffla-t-il.

-T'en fais pas. Ils se battent juste un peu c'est normal. Désolé que tu assistes à ça, dit Kenny en lui souriant de manière rassurante.

Le sourire de Kenny avait beau être rassurant, Kyle s'inquiétait quand même de ce qu'il se passait.

En y repensant c'était la première fois qu'il allait chez Kenny. Il se doutait que sa situation familiale était compliquée, tout le monde le savait, mais pas à ce point. Et Kenny ne semblait pas atteint le moins du monde. Comme si c'était normal.

-Viens je te ramène chez toi. Ça va mieux ?

Kyle acquiesça doucement.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

-Tu t'es évanouis.

Ça y est, il s'en souvenait. Il avait dû faire une crise d'angoisse ou quelque chose comme ça.

Kenny se leva et Kyle le suivit. Ils quittèrent la pièce et se dirigèrent vers la sortie de la petite maison.

Kyle tenta d'ignorer le plus possible les cris des deux adultes qui se disputaient en suivant Kenny et rapidement ils furent dans la rue.

Il fait toujours nuit. Kyle ne sort pas souvent la nuit, même si ça fait deux semaines qu'il va régulièrement chercher sa dose, il préfère y aller le jour. Il n'est jamais bon de trainer à South Park la nuit et encore moins quand on est dans les quartiers où vit Kenny. Celui-ci ne semble pas plus gêné que ça, la capuche sur la tête, comme toujours, le regard bleu indéchiffrable et toujours ce petit sourire, celui dont on ne sait pas s'il est moqueur ou si il est gentil. Kyle ne sait jamais à quoi Kenny pense. Si Cartman s'est toujours servit des situations étranges de South Park pour ses conneries, Stan s'est toujours plus ou moins adapté à ces évènements, lui Kenny semble toujours prendre les choses comme si c'était normal. Kyle ne sait pas si ce n'est qu'une façade ou sa manière d'être. À vrai dire, il ne sait pas réellement grand-chose de Kenny. C'est triste à dire mais il a fallu qu'il meurt pour qu'il s'en rende compte. Kenny est ce pote, toujours là, à sourire de loin, qui est là mais quand il part, on ne sait pas ce qu'il va faire.

-Tu sais Kyle, tu peux en parler, dit-il subitement.

-Hein ? répond Kyle, sortant de ses pensées.

-Bah… tu sais ce que tu prends, dit Kenny l'air gêné et Kyle l'est autant que lui si ce n'est plus. Oui, il se drogue, il ne devrait pas mais personne ne le sait et parfois, Kyle aimerait respirer l'air merdique de South Park sans en sentir les relents fétides.

-Je sais que je suis pas le mieux placé pour dire ça mais tu vois t'es un mec bien, ton avenir n'est pas aussi merdique qu'une bonne partie des gens d'ici. Alors tombe pas dans ces conneries Kyle. En plus ça te fait voir des trucs qui existent pas.

Kyle a beau être d'accord avec Kenny, il est certain que ce qu'il a vu était bien réel. Kenny est mort. Il s'en souviendra toujours.

Ils sont déjà devant sa maison.

-Kenny je… merci vieux. J'essayerais d'arrêter.

Et ils sont là, comme deux idiots, face à face devant chez Kyle. La nuit est silencieuse et Kyle se demande alors si tout ça n'est pas qu'un rêve, que Kenny qui est bien en face de lui n'est jamais mort.

Il tend ses mains tremblantes et touche son visage. Sa peau est chaude sous ses doigts gelés par le froid de l'hiver Kenny le fixe et Kyle peut presque lire de la tristesse dans son regard. Il semble irréel.

Il sent les larmes lui monter aux yeux et l'envie de se blottir contre lui, de le sentir en vie devient insupportable.

-T'étais… t'étais mort et…

Il est presque surpris quand Kenny entoure son corps de ses bras et le serre contre lui.

Il est chaud. Vivant.

Peut-être que tout ça n'était qu'un mauvais rêve alors ?

-C'est fini Kyle. Je suis là maintenant.

Kenny le console comme un gamin et Kyle à l'impression d'en avoir toujours été un. Perdu, désespéré dans l'Enfer qu'est South Park.

Il ne sait pas combien de temps il met avant de se calmer. Il ne sait pas combien de temps ils passent, dans les bras l'un de l'autre devant chez Kyle. Mais quand Kyle s'est calmé, il se rend compte de l'étrangeté de la situation.

Ça fait tellement gay en plus.

Il s'écarte de Kenny, gêné, les yeux bouffis, le visage rouge.

-Je… je vais vraiment arrêter tout ça c'est… enfin ça me rend bizarre, lâche-t-il, le regard fuyant.

Il voit Kenny sourire l'air et ça lui donne encore plus envie de se cacher dans un trou.

-Ouais, je comprends.

Un silence gênant se pose gentiment entre eux.

-On se voit demain ? En cours ?

-Heu ouais. Bonne nuit Kyle.

-Bonne nuit Kenny.

Et il s'en va, son anorak orange sur le dos, sa capuche sur la tête, s'enfonçant seul dans la nuit.

Kyle se demande s'il ne se sent pas seul puis il se souvient qu'on l'est tous un peu à South Park.