Le générique défilait lentement à l'écran. Ianto était blotti dans les bras de Jack, les yeux encore embrumés. Ils s'étaient accordé une petite journée « off », profitant du fait que la faille n'avait pas montré de signe d'activité depuis quelques jours. Le jeune homme se redressa pour rallumer la lampe qui se trouvait à droite du canapé et Jack en profita pour essuyer rapidement la larme qui coulait sur sa joue. Son gallois lui avait concocté une "petite" soirée romantique avec une sélection de films savamment étudiée. Ils avaient commencé avec « Moulin Rouge », suivi de « Quand Harry rencontre Sally » pour achever en beauté par « Titanic ».

Jack n'était pas vraiment friand de ce type de film, mais il n'avait pas osé refuser la proposition de Ianto. Ils étaient passés par des moments éprouvants ces derniers temps et cette petite récréation « fleur bleue » s'avérait nécessaire.

A sa grande surprise, le capitaine avait été particulièrement bouleversé par le dernier film. Cette histoire d'amour impossible l'avait profondément touché. Mais sa mâle fierté ne voulait pas le laisser transparaître. Il avait donc tout fait pour que Ianto ne s'en rende pas compte. A commencer par effacer le plus rapidement possible les traces de son émotion. Son regard s'attarda sur le dos de son gallois tandis qu'il était en train de ranger le DVD du film. Il avait envie de poursuivre cette soirée et il savait parfaitement comment. Ianto se tourna, se releva et s'approcha du capitaine. Il s'assit face à lui, lui sourit tendrement en passant sa main sur sa joue.

I – ça va ?

J – Hum… oui et toi ?

I – Tu es sûr ? Tu as les yeux rouges.

J – Tu sais, rester comme ça, dans le noir, à fixer un écran, ça n'est pas forcément très recommandé et mes yeux ont du mal.

I – Mouais. Tu veux un café ?

J – ça ne sera pas de refus.

Ianto se leva et se dirigea vers la cuisine. Il n'était pas vraiment dupe. Il était plutôt heureux de voir que son capitaine n'était pas aussi insensible qu'il pouvait le laisser croire et c'est avec un petit sourire de satisfaction qu'il entreprit de préparer son fameux breuvage magique.
Il revint un instant après, tenant deux tasses fumantes dans les mains et ils savourèrent leur boisson, les yeux dans les yeux.

J – Et si on prenait un petit bain de réconfort ?

Ianto, surpris par la demande, eut un léger mouvement de recul. Jack avait le regard qui pétillait d'envie, laissant supposer qu'il avait plus qu'une envie de bain de réconfort en tête.

I – Avec des sels ?

J – Oui.

I – Et les bougies parfumées ?

Jack leva les yeux au ciel. Ianto pouvait être très midinette parfois.

J – Oui, avec les bougies parfumées.

I – Ouah ! Je suis gâté alors. Bon, je vais aller faire couler l'eau.

Le jeune homme se dirigea cette fois vers la salle de bain mais une sonnerie l'interrompit. Elle venait du bracelet d'agent du temps de Jack. L'alerte d'activité de la faille s'était manifestée pour son plus grand malheur.

J – Et merde ! On ne peut pas avoir 5 minutes de tranquillité dans ce monde ?

I – Laisse. Je suis sûr que ça n'est rien du tout. Je vais aller vérifier ça, ça ne me prendra pas longtemps. Si jamais c'est plus grave, je te contacte immédiatement.

J – Tu es sûr ?

I – Affirmatif. Je peux te confier l'appartement ? Tu ne vas pas provoquer de catastrophe ?

J – Roooh, tout de même. J'ai plus 8 ans.

I – Parfois, je me pose la question.

J – Ah, ah, ah. Allez, tu ferais mieux de filer, je prépare tout en t'attendant.

Ianto regarda Jack, interloqué. Le capitaine lui adressa un clin d'œil appuyé censé le rassurer, ce qui n'eut qu'un effet relatif. Le gallois attrapa son manteau et comme il ouvrait la porte, il se tourna vers son amant.

I – Jack ?

J – Oui ?

I - 5 minutes seulement ?

J – Idiot va ! Allez, dépêche-toi. Tout sera prêt à ton retour.

Une fois seul, Jack débarrassa la table et rapporta les tasses à la cuisine. Ensuite, il se dirigea vers la salle de bain. Il sortit le flacon de sels parfumés au bois de santal et le posa sur le rebord de la baignoire d'angle puis il ouvrit le robinet et régla la température. Une fois qu'il eut trouvé le réglage idéal, il boucha la baignoire, laissa l'eau couler et versa le sel de manière à en répartir un peu partout. Il sortit ensuite les bougies, les disposa dans la pièce puis les alluma. Il éteignit le plafonnier pour donner à l'endroit un aspect plus « intime ». Enfin, il retira ses vêtements qu'il plia soigneusement. Il les posa sur la chaise qui se trouvait dans un angle de la pièce. Il ne voulait pas gâcher la fin de la soirée par une scène de son compagnon pour des habits semés en vrac. Avant de retirer son bracelet, Jack regarda l'heure. Il ne put s'empêcher de vérifier les informations qui lui provenaient du hub.

J – Il ne devrait plus trop tarder. Je vais m'installer en l'attendant.

L'homme pénétra dans l'eau et s'allongea. Ianto avait vraiment eu une bonne idée en faisant installer cette grande baignoire et Jack appréciait de pouvoir s'y étendre de tout son long. La semaine avait vraiment été éprouvante et le capitaine sentait bien que ses muscles avaient été mis à rude épreuve. Que c'était agréable. Les effluves de santal chatouillaient délicieusement les narines de Jack. Bercé par le bruit de l'eau, il ferma les yeux un instant.

-

? – Attention, ce petit joujou vaut une petite fortune.

? – Pas de panique professeur, je pourrais le poser sur un timbre poste.

? – En attendant, essayez de ne pas le perdre. Sinon, je vous envoie le récupérer vous-même. Compris ?

? – Déstresse Tosh, je ne vais pas le perdre ton joujou.

T – J'espère bien Owen. Mais j'apprécierais que dans le cadre professionnel, tu m'appelles comme le reste de l'équipe.

O – Ok, Professeur Sato.

Le jeune homme ravala sa fierté et s'enfonça dans son siège. Il plaça ses mains sur les commandes.

O – Et c'est parti.

Nous étions quelque part au sud de Terre-Neuve et le Vaillant s'était stationné dans ce coin isolé de l'atlantique Nord où l'épave avait été localisée. Toute l'équipe du professeur Sato était à pied d'œuvre pour exhumer les vestiges de ce qui fut jadis l'un des plus prestigieux fleurons de la marine anglaise.

O – Costello, tu me reçois ? Costello ? Oh ! Suzie, tu m'entends ?

S – Bien sûr que je te reçois.

O – Tu as le plan sous les yeux ?

S – Parée au guidage.

Toshiko Sato était concentrée. Elle fixait attentivement l'écran sur lequel on pouvait voir la progression du Nautile, petit sous-marin télécommandé, bijou technologique qui leur permettait de fouiller la légendaire épave sans risquer la vie du moindre plongeur.

S – Là, tu prends la coursive et tu arrives à l'accès des cabines de première classe. Tu as vu, l'escalier semble presque intact. C'est… impressionnant. Hum… pardon, continue sur 100 mètres, tournes à gauche. Voilà. C'est la suite qu'on recherche. Dégage le passage. Tu devrais, si mes calculs et les données que j'ai sont exacts, trouver ce que l'on cherche.
Avec d'infinies précautions, Owen actionna le Nautile pour dégager les débris de bois qui lui barraient le passage.

T – Doucement Owen, ça brouille l'image. Il ne faudrait pas provoquer en plus un effondrement de la structure. Après quasiment un siècle au fond de l'océan, je doute de la solidité des matériaux.

O – Du calme To… Professeur… Je vais l'avoir. Je sens que je touche au but… Encore cette planche… Et voilà.

Un immense sourire barra le visage de la jeune femme tandis qu'elle voyait l'objet de ses recherches apparaître enfin à l'image. Elle attrapa son talkie et donna l'ordre à l'équipe de récupération d'intervenir. Deux heures plus tard, elle était sur le pont du Vaillant, entourée d'Owen et Suzie, à regarder l'immense grue se baisser pour y déposer…

O – Ce fichu coffre-fort ! On en a bavé pour le trouver celui-là. J'espère que ça va payer.

T - Du calme Owen. Si tout ce qu'on a comme données des assureurs de l'époque est juste, ça devrait être Noël avant l'heure. Attrape-ça !

O – Cigare ? Merci !

T – C'est l'occasion tu ne crois pas ? Tu te rends compte ? La larme du temps, la plus célèbre montre à gousset de l'ère victorienne. Elle a été fabriquée par le grand horloger royal, cadeau de mariage de sa Majesté la Reine Victoria à son époux. Mais on devrait être rapidement fixés. Rhys ? Tu peux ?

Un homme s'avança, armé d'un pied-de-biche qu'il inséra entre la porte et le bord du coffre. Après quelques minutes à appuyer, la porte céda et le coffre s'ouvrit, laissant s'écouler ce qu'il contenait encore d'eau salée.

Toshiko se baissa, enfila ses gants en plastique et commença à fouiller à l'intérieur. Elle y trouva des vestiges de billets de banque, une pochette en cuir détrempée, mais aucune trace de montre. Le sourire qui se trouvait sur le visage de la jeune femme s'effaça. Elle se releva et fit un signe de la main à Suzie, lui demandant de récupérer ce qui se trouvait dans le coffre pour le porter dans le labo. Ils trouveraient peut-être une piste.

O – Bon, je suppose qu'on ne va pas le fumer tout de suite.

T – Non, tu peux le ranger. Qui sait, peut-être bientôt.

La jeune femme se rendit en cuisine pour se servir un café réconfortant. Elle était là, depuis 20 minutes, à réfléchir aux derniers événements et à sa motivation dans cette histoire lorsque son talkie la ramena à la réalité.

S – Professeur ?

T – Oui ?

S – Vous devriez venir voir. On a fait une découverte surprenante. On vous attend au labo.
Toshiko sortit de la cuisine au pas de course et se rendit au laboratoire. Suzie était penchée au-dessus d'un bassin de nettoyage, un tuyau à la main.

T – Qu'est-ce que tu as à me montrer ?

S – La pochette de cuir. Celle qui était dans le coffre.

T – Oui ?

T – Elle contenait une feuille. Après un premier scan, j'ai eu l'impression que quelque chose d'important se trouvait sur cette feuille. J'ai l'impression que je ne me suis pas trompée. Regardez…

Sous les yeux ébahis de Toshiko, Suzie était en train de dégager une portion de dessin. Portion sur laquelle on pouvait voir… une montre ! LA montre !

T – Elle était donc bien là ! Tu peux dégager le reste du dessin ?

Au fur et à mesure que Suzie passait le jet sur la feuille, avec mille précautions, le dessin apparaissait et les yeux de Toshiko s'écarquillaient. Un jeune homme, simplement vêtu de… en fait, seule la montre couvrait une partie de ce qui faisait de lui un homme. Il y avait quelque chose d'indéfinissable sur son visage. C'était un dessin d'une finesse fascinante. Le professeur se dit qu'avec ce dessin, ils arriveraient peut-être à obtenir des réponses supplémentaires qui les rapprocheraient de La larme du temps.

-

Quelques jours plus tard, à des centaines de kilomètres de là, une jeune femme était en train d'éplucher des légumes dans la cuisine tout en regardant les informations d'un air distrait. Mais son attention fut attirée par le reportage qui venait de démarrer.

« L'équipe du Professeur Sato progresse dans ses recherches sur l'épave. De nombreuses découvertes ont été faites et un nombre considérable d'objets divers a été remonté à la surface. La scientifique espère que tout ceci permettra d'en savoir plus encore sur la véritable histoire de cette terrible tragédie qui a fait plus de 1800 victimes. Ses recherches se portent tout précisément sur un objet mythique, la célèbre montre La larme du temps.

T – Regardez ce dessin. C'est la preuve irréfutable que l'objet était à son bord si on se fie à la date qui figure au bas de la feuille : 14 avril 1912. Il a été fait le jour même du naufrage. Il n'y a aucun doute là-dessus. La datation est formelle, le dessin est authentique. Si jamais quelqu'un sait quoique ce soit au sujet de ce dessin, ou de la personne figurant sur l'image, qu'il nous contacte dès que possible. »

? – Ouah ! Grand-père ? Viens voir !

? – Oui ? Qu'y-a-t'il ?

? – Ils parlent de ton bateau aux infos. Ils ont fait une découverte dans l'épave. Tu devrais voir ça. C'est… surprenant.

L'homme âgé qui se trouvait dans le salon se dirigea vers la cuisine et regarda l'écran. Il poussa un petit cri de surprise.

? – Qu'est-ce qu'il y a grand-père ?

? – Ça par exemple ! Je ne pensais pas le revoir un jour.

? – Le revoir ? Tu le connais ce beau jeune homme ?

? – Oui ma chérie. Ce beau jeune homme sur le dessin, c'est moi.