L'année n'avait pas repris depuis une semaine que déjà, Harry, Ron et Hermione étaient harcelés par les Serpentards, ravis d'avoir leurs victimes préférées à nouveau sous la main. Drago Malefoy, surnommé le Prince de Serpentard, était plus particulièrement hargneux en ce mois de septembre. À croire que son cher ennemi Potty-Potter lui avait manqué durant ces deux mois d'été !

Le dîner dans la Grande Salle venait de se terminer, et la première semaine de cours également. Il était neuf heures du soir et c'était dimanche. Les élèves se dispersaient en vue de retourner dans leurs Salles Communes respectives, mis à part les Préfets-en-Chef qui prenaient, eux, le chemin de leur Salle Commune à eux.

Cette année, sa dernière à passer dans ce collège, Hermione avait hérité de la lourde et contraignante tâche de Préfète-en-Chef. Son collègue était, à son grand désarroi, Drago Malefoy en personne, ancien Préfet de Serpentard, tout comme Hermione était une ancienne Préfète de Gryffondor. Tout aurait pu être pour le mieux alors, mis à part que miss Granger et monsieur Malefoy s'entendaient comme chien et chat, autant dire que cette cohabitation allait être dure...

Ce soir-là, Hermione s'enferma à double tour dans sa chambre, attenante à celle de Malefoy, afin d'être tranquille pour finir ses devoirs. De l'autre côté du mur, le Serpentard ne s'occupait pas de la Gryffondor, de la Sang-de-Bourbe, telle qu'il l'appelait souvent.

Affalé sur son lit, Malefoy lisait le journal apporté le matin-même par la chouette d'Hermione et que la jeune femme avait oublié sur la table de leur Salle Commune.

Il n'y avait pas grand-chose d'intéressant dans la Gazette aujourd'hui, mais le Serpentard n'avait rien d'autre à faire, aussi lisait-il les faits divers, au cas où un truc hors du commun se serait passé.

Au bout d'un moment, le Serpentard regarda sa montre puis soupira. Il était dix heures passé et il s'ennuyait ferme. Pliant le journal, il se leva et quitta sa chambre. Il tomba nez à nez avec Hermione qui retournait dans la sienne, un casse-croûte dans la main. Ils se toisèrent sans s'adresser un mot, mais le regard qu'ils échangèrent valut tous les mots du monde. Peu après, la porte de la chambre d'Hermione se referma et Malefoy quittait la Salle Commune des Préfets-en-Chef pour aller faire un tour malgré l'heure tardive.

Il faisait frais ce soir, et le Serpentard regretta de ne pas avoir pris sa cape en partant. Il était simplement vêtu de sa chemise blanche, normalement recouverte par un pull gris portant le blason de Serpentard, mais il avait posé ledit pull après dîner et n'avait pas pensé le remettre.

Arrivant sur une coursive en plein vent, il s'accouda à la rambarde et regarda dehors pensivement. La vue sur la vallée au fond de laquelle se trouvait Pré-au-Lard, éclairée par la lune, était superbe et, malgré son cœur de Serpentard, le blond se laissa aller à un petit sourire. D'un naturel romantique, même s'il ne le montrait pas, il aimait bien les belles choses, aussi bien vivantes que figées, et cela, de nombreuses filles s'en étaient aperçues.

Un coup de vent le fit soudain frissonner et il croisa les bras. Soudain, une cape se posa sur son dos et, se retournant, il tomba nez à nez avec Harry.

— Tu vas attraper la mort, dit-il.
— Potter ? dit-il. Qu'est-ce que tu fous ici à cette heure ?
— Je te retourne la question, Malefoy, répondit Harry en s'accoudant à la rambarde. La nuit est belle ce soir... ajouta-t-il.

Malefoy considéra la cape posée sur ses épaules puis la retira et la rendit alors à Harry.

— Garde-la, j'allais rentrer.

Harry le regarda puis reprit la cape et le Serpentard s'éloigna.

— Merci quand même, Potter, dit-il sans s'arrêter de marche. Bonsoir.
— Bonsoir, Malefoy, répondit Harry.

Il remit la cape sur ses épaules et ferma l'attache autour de son cou. Il regarda ensuite la pleine lune et soupira. Ce soir, quelque part dans le monde, le professeur Remus Lupin semait la terreur parmi les nocturnes, animaux ou humains. Demain, il redeviendrait lui-même et serait tranquille jusqu'à la pleine lune suivante.

Soupirant, Harry croisa les bras sous les larges pans de sa cape. Cela faisait déjà une bonne poignée de minutes qu'il était là, caché dans l'ombre du mur de la coursive, à regarder Malefoy perdu dans ses pensées. Le visage pâle du Serpentard rendu encore plus blafard par la lumière de la lune semblait détendu. Il n'y avait alors pas ce pli sournois sur son front, ni ce petit sourire moqueur étirant un coin de sa bouche.

— Tu devrais retirer ton masque plus souvent, Malefoy, ça te va mieux... dit Harry en se retournant.

Il resserra sa cape autour de lui puis rentra dans le château sombre. Il n'avait cependant aucune envie de retourner à Gryffondor, tout comme Malefoy n'avait aucune envie de retourner à la Salle Commune des Préfets-en-Chef et c'est pas hasard qu'ils se retrouvèrent tous les deux dans la Grande Salle, déserte à cette heure tardive.

— Je croyais que tu rentrais, dit Harry en voyant le blond assit à la table des Serpentards.

Malefoy se tourna vers lui, mais ne répondit pas. Harry alla alors s'asseoir en face de lui et Malefoy soupira.

— T'es à la table des Serpentards, là... dit-il.
— Et alors ? Ce n'est pas marqué dessus, répondit Harry en posant ses coudes sur la table de chêne brun. Tu fais quoi dehors à cette heure-ci ?
— Et toi ?
— Je n'arrive pas à dormir.
— Moi, je m'ennuie, dit Malefoy. Avec Granger, ce n'est pas la joie dans notre Salle Commune, on ne discute même pas, on est chacun dans notre chambre, alors bon, c'est pas l'idéal pour passer la soirée.
— J'imagine, dit Harry.

Un silence passa puis un petit sourire s'étira sur les lèvres du blond.

— Je n'aurais jamais cru qu'on pourrait avoir une discussion civilisée, tous les deux... dit-il alors en se redressant.
— Et pourtant, dit Harry avec un petit sourire. Tu vois, ça marche...

Malefoy l'observa et Harry le regarda dans les yeux un moment.

— On t'a déjà dit que t'avais des yeux à renverser un troll ? dit-il.

Le Serpentard haussa les sourcils, surpris.

— Je dois le prendre comment ? demanda-t-il.
— Comme tu veux, répondit Harry avec un sourire.
— Comme un compliment alors, parce que j'en ai plus rarement que des reproches... soupira le blond.

Harry pencha la tête sur le côté.

— Toi, des reproches ?
— Hé oui, que veux-tu, personne n'est parfait, dit Malefoy en croisant les bras sur la table et en y posant son menton. Je reçois bien plus de reproches que de compliments, mais j'ai arrêté de compter...

Harry se mordit la joue. Il tendit alors le bras et repoussa une mèche blonde qui s'était échappée de la petite queue de cheval du blond. Malefoy le regarda et Harry retira sa main.

— Désolé... dit le brun.
— Pas de quoi, répondit le Serpentard en remettant ladite mèche derrière son oreille. C'était un geste inconscient, j'imagine.
— Totalement. Je n'ai même pas pensé à ta réaction...

Harry regarda alors le plafond magique et une étoile filante passa au même moment.

— Une étoile filante, dit-il. Il faut faire un vœu...
— Tu crois en ça, toi ? demanda Malefoy. C'est que des conneries...
— Si j'y croyais, il y a longtemps que je n'aurais plus cette vie, Malefoy, dit Harry en le regardant. Mes parents seraient revenus d'entre les morts, et je ne serais pas ici.

Le blond se redressa et enfonça son poing dans sa joue.

— Au fait. Merci pour la cape, tout à l'heure... dit-il.
— Oh ! Ce n'est rien... Je t'ai vu tout seul, dans le froid, avec juste cette chemise et comme moi, j'avais froid avec mes trois couches de vêtements, je me suis dit que tu devais te les geler...
— Je n'avais pas chaud, en effet, mais je ne suis pas quelqu'un qui a besoin de la pitié des autres pour survivre.
— Qui te parle de pitié ? demanda Harry. Je n'ai absolument pas eu pitié de toi, c'était simplement un geste...
— Impulsif ?
— Non, de bon sens. Si tu avais chopé froid, je m'en serais senti coupable.
— Bien sûr... On n'est pas amis, toi et moi, tu te souviens ?

Harry hocha la tête puis Malefoy renifla dédaigneusement.

— T'es bien un Gryffondor, toi. Naïf, mais toujours prêt à rendre service ! dit-il avec un sourire en coin.
— Hé ! dit Harry avec un haussement d'épaules. Il en faut bien !

Il sourit puis Malefoy regarda à son tour le ciel. Une seconde étoile filante passa et soudain, Harry se leva.

— Tu rentres déjà à Gryffondor ? demanda le blond.
— Non, j'ai envie de bouger, tu bouges avec moi ?
— Pourquoi pas, si on croise Rusard, on n'aura rien à se reprocher, le couvre-feu n'est pas encore passé, dit Malefoy en se levant.

Harry le regarda sortir ses jambes de sous la table puis s'approcher de lui. Il défit alors sa cape et la lui balança sur le dos.

— Mets-la, dit-il sur le ton auquel on ne répond pas.

Malefoy regarda le Gryffondor. Il sentit alors quelque chose d'étrange se briser dans sa poitrine et il ferma l'attache de la cape frappée au blason de Gryffondor. Harry glissa ses mains dans les larges manches de sa robe de sorcier puis ils sortirent dans le parc et s'assirent sur le perron du château, dans le plus grand des silences.

Comme ils l'attendaient, Rusard passa dans le hall une demi-heure plus tard et lorsqu'il les vit tous les deux, assis sur le perron du château, il soupçonna aussitôt un coup monté. Les deux garçons ne démentirent pas, mais n'affirmèrent pas non plus et chacun retourna dans sa Salle Commune sans un mot.