Une petite UA centrée sur Jisbon, alors que toute la bande est au lycée. J'espère que vous apprécierez :3

Bonne lecture !


Les Meilleurs Ennemis

1.

Virgil Minelli n'était pas un homme difficile. Il n'avait pas besoin d'aventures extraordinaires pour pimenter son quotidien. Tant que son lycée marchait, tant que sa femme ne l'ennuyait pas de trop, tant que ses enfants se tenaient à peu près tranquille et tant qu'il avait son fauteuil, il était satisfait.

Mais voilà. Trois ans auparavant, la source de ses récents maux de tête s'était inscrite dans son lycée. Au moment même où Patrick Jane et Teresa Lisbon avaient franchi le portail de l'établissement, il avait su que ses jours paisibles allaient s'envoler. La preuve en était que, dès le lendemain, il eut le droit à un petit aperçu de ce qu'il aurait à gérer les années à venir.

Les deux adolescents s'étaient disputés à propos de bonnes manières, en utilisant un langage très…coloré. Et cela s'était terminé en échange de coups de poings, juste sous sa fenêtre.

Ce type d'incident ne lui était jamais arrivé depuis…jamais !

Bien sûr, lorsque le principal du collège avait appris que le couple infernal s'inscrivait dans son lycée, il l'avait averti de leur tempérament et entêtement respectifs immédiatement et du fait que les deux se détestaient; pourtant, Minelli ne s'était pas attendu à…ça. Leurs altercations ne se limitaient pas à un simple mépris mutuel ; ils se haïssaient ! Pas un jour ne passait sans que malheureusement, il n'entende de plaintes sur leur comportement, ou une semaine sans qu'ils ne fassent un saut dans son bureau.

Comme maintenant.

Devant lui, un blond aux cheveux bouclés de dix-sept ans et une brune du même âge étaient assis côte à côte derrière son bureau, les bras croisés et apparemment très agacés. Agacés surtout d'être assis à côté de leur meilleur ennemi. En particulier quand le garçon avait un œil au beurre noir et la fille, un doigt maintenu dans un bandage.

Minelli aurait laissé passer une agression verbale mais cette fois, ils s'étaient blessés physiquement et il ne pouvait l'ignorer.

S'ils ne se haïssaient pas autant, ils auraient été des élèves modèles. Malgré leurs difficultés évidentes à se supporter, les deux adolescents se comportaient agréablement avec le corps enseignant ainsi que leur camarades, et obtenaient des notes excellentes dans chaque classe. Patrick était un jeune homme tout à fait charmant, enjoué et débordant d'assurance. Teresa était une jeune femme sérieuse et sur laquelle on pouvait se reposer en toute confiance. Minelli savait également que leur vie personnelle n'avait pas été de la tarte.

Patrick vivait avec son père, un ancien forain, jusqu'au jour où un policier se rendit compte qu'Alex Jane maltraitait son fils. Depuis, une vieille tante très sévère l'avait pris sous son aile et veillait de très près sur son éducation. La mère de Teresa avait été renversée par un chauffard ivre, ce qui avait complètement bouleversé son père. L'adolescente avait dû assurer le rôle de substitut de mère jusqu'à ce que Peter Lisbon rencontre Christie Wagner trois ans auparavant, devenue depuis sa belle-mère.

Pour faire court, ils étaient des élèves exemplaires en dépit de leur histoire personnelle, si l'on omettait la tension omniprésente lorsqu'ils se retrouvaient dans la même pièce.

« Que s'est-il passé cette fois ? » demanda-t-il en conservant son sang-froid.

« Rien, monsieur » répondirent-ils à l'unisson.

Autre chose que Minelli n'appréciait guère chez ces deux là, et qui les rendait tout à fait unique même s'ils n'avaient aucun scrupule à blesser l'autre, ils défendaient leur partenaire bec et ongles lorsque celui-ci était menacé par quelqu'un d'autre. Seul Patrick avait le droit de faire du mal à Teresa, et l'inverse se vérifiait également. Ce ne serait qu'en sortant du bureau qu'ils blâmeraient l'autre, mais pas devant lui.

« Bon, si vous refusez de parler, je vais devoir vous mettre en retenue. »

Les deux adolescents hochèrent la tête à l'unisson, s'attendant à ce verdict. Cela déprimait Minelli encore plus. Il aurait pu les expulser quelques jours, mais cela ne changerait rien et ces deux là étaient les meilleurs élèves du lycée après tout. Sans oublier le fait que l'ensemble des élèves protesteraient contre de quelconques mesures à l'encontre de leurs idoles. Minelli soupira à nouveau.

« Vous savez quoi, ça ne changera rien. Oubliez la retenue, vous pouvez disposer » grogna-t-il, irrité. « Faites juste en sorte de vous blesser en dehors de l'école la prochaine fois. »

Son brusque changement d'avis ne parut pas les surprendre. A son grand agacement, les deux conservèrent leur expression impassible et qui trahissait rarement le fond de leur pensée devant les autres. Des masques. Ils portaient des masques en permanence. Sauf lorsqu'ils étaient face à face. Leurs disputes les faisaient s'effriter en un rien de temps.

« Au revoir monsieur » firent-ils en se levant et en se dirigeant vers la sortie.

« Ouais, c'est ça, au revoir » grommela-t-il en réponse, secouant sa tête désespérément.

-ME-

Minelli eut raison, puisque dès qu'ils furent suffisamment éloignés du bureau du directeur, les deux adolescents s'échangèrent un regard glacial et furieux.

« Tout ça, c'est ta faute » siffla Teresa entre ses dents. « Tu n'aurais pas dû fermer cette porte si vite. »

« Pardon de n'avoir pas vu que ton doigt était encore dans l'ouverture » répliqua Patrick en plissant les yeux. « Et arrête de couiner, ton doigt ira mieux en un rien de temps. Moi, je n'ai pas mérité ce coup de poing. »

« Tu savais que j'étais juste derrière toi, abruti » grogna-t-elle en serrant son poing. « Et si t'es pas content, je peux te cogner encore une fois. »

« Ouais, c'est ça comme si t'allais me toucher cette fois. Pour info, ça ne m'a même pas fait mal. Tu frappes comme une fille après tout. »

À ses mots, la jeune femme montra ses crocs.

« Attention à ce que tu dis blondinet… »

Elle fut interrompue par un professeur qui, dérangé par leur dispute, était sorti réclamer du silence. Après un regard accusatif réciproque, les deux adolescents se séparèrent en prenant des chemins différents.

-ME-

Patrick se hâta vers la bibliothèque, où il savait que son meilleur ami, Kimball Cho se serait réfugié. Après une salutation polie à la libraire, Mme Higthower, il se dirigea au fond du bâtiment. Comme il s'y attendait, l'adolescent asiatique était assis dans l'un des rares fauteuils, intensément plongé dans sa lecture.

« Salut vieux » fit le jeune homme pour annoncer son arrivée. Son ami hocha la tête en guise de réponse et reprit sa lecture. Patrick se posa à la table la plus proche, sortit ses affaires et se mit à travailler sur la dissertation qu'il était supposé rendre le lendemain à son professeur de littérature. Une quinzaine de minutes s'étaient à peine écoulées qu'une jeune femme aux cheveux châtains s'approcha de sa table.

« Salut Patrick, comment vas-tu ? » fit-elle d'un ton mielleux.

L'adolescent ne lui accorda pas un regard.

« Bonjour Kristina » répliqua-t-il sèchement. Sa réponse amusa la fille.

« Tu es si froid Patrick. Il n'y a pas si longtemps, tu n'aurais jamais osé me parler sur ce ton. »

« Il n'y a pas si longtemps, tu me trompais avec John et je ne sors pas avec des gamines frivoles. Trouve quelqu'un d'autre pour t'emmener au bal de promo. »

Kristina se mit à jouer avec une mèche de ses cheveux et fit la moue :

« Vraiment, c'était juste une bêtise, Patty. Je te jure que je ne le referais plus. Et puis tu me manques… »

Cette fois, il leva la tête et lui lança un regard furieux.

« Tu n'es qu'une vipère Kristine. Et nous ? N'insiste pas, c'est fini ! Va chercher un autre crétin et fiche-moi la paix ! »

La fille haussa les épaules, désintéressée.

« A ta guise. Et pour ton info » ajouta-t-elle avant de partir « John baise mieux que toi. Bye bye Patrick. »

L'adolescent marmonna quelques insultes entre ses dents avant de reporter son attention sur son devoir. Une fois que Kristina fut suffisamment loin, Cho fit :

« Ne te prends pas la tête pour elle. C'est juste une salope. »

Patrick ricana.

« T'inquiète, je sais. »

« Pourquoi t'es sorti avec elle déjà ? »

« J'en ai franchement aucune idée » répondit le blond. « Mais je suis bien content de l'avoir larguée. »

Rien ne fut dit pendant quelques instants. La tranquillité de la bibliothèque de l'école était l'une des choses que Patrick aimait retrouver dans cet endroit. Seuls des élèves sérieux qui voulaient travailler venaient ici. L'attitude sévère de Mme Hightower effrayait suffisamment pour tenir à carreau d'éventuels fans ou parasites venus troubler la quiétude de l'endroit. C'était le seul endroit où il pouvait parler librement avec ses amis –en particulier Cho, surtout depuis que ce dernier était devenu un running-back populaire dans l'équipe de football américain. Il n'y avait qu'ici que ce dernier pouvait laisser libre cours à sa passion des livres.

Patrick posa soudainement son stylo.

« J'ai un gros problème Cho. »

L'adolescent asiatique tourna une page de son livre.

« Tu as toujours des problèmes » fit-il remarquer d'un ton impassible. « Tu sors à peine de chez Minelli. »

« Je crois que je suis amoureux d'une fille. »

Son ami lui lança un regard perplexe.

« Ah ouais ? »

« Ouais » répondit-il d'un ton inquiet. « Et ça craint. »

Cho retourna à sa lecture.

« T'es amoureux d'une fille, et alors ? T'as peur que ton fan club la décapite ? Ou que Kristina lui fasse la peau ? Ou encore que Teresa la frappe ? »

Patrick secoua la tête.

« Non, tu n'as pas compris. Je crois que je suis amoureux de Teresa. »

Cette fois, Cho s'arrêta dans sa lecture et dévisagea son ami d'un air incrédule.

« Tu rigoles ? Vous vous tirez les cheveux depuis que vous êtes en maternelle. »

« Je sais ! » répliqua sèchement Patrick. « Je la déteste c'est sûr, mais depuis quelques temps je n'arrête pas de mater son cul et sa poitrine et ses yeux magnifiques…et j'ai juste envie de cogner les gars qui la reluquent et de tuer Sam parce non seulement il sortait avec cette imbécile mais il sautait Mandy dans son dos et malgré qu'elle soit une fille trop sensible, super grognon, et qu'elle ait un balais dans le cul, elle est toujours géniale et…oh grand Dieu, je l'ai encore fait. »

« Je croyais que tu étais athéiste » coupa Cho d'un ton impassible.

« Je suis athée » rétorqua le blondinet. « Mais je l'ai complimentée deux fois dans une même phrase… »

« Et insultée tout autant. »

« Mais ce n'est pas le pire » continua Patrick en ignorant l'interruption momentanée de son ami. « Depuis quelques temps je fais de ces rêves avec elle… »

« Comme le font la moitié des mecs à l'école et quelques filles aussi. »

« Et je sais qu'elle m'attire depuis la seconde –putain j'ai même failli coucher avec elle il y a deux ans… »

« Tu as –quoi t'es sérieux ? » Cho n'en revenait pas. « Comment est-ce que ça a pu arriver ? »

Patrick se frotta le visage, fatigué, et soupira :

« Tu te souviens de la présentation sur Macbeth de Shakespeare ? Celle sur laquelle Miss Scott a essayé de nous faire travailler par deux, elle et moi, en seconde. » Il attendit que son ami acquiesce pour continuer : « On était dans sa chambre en train de se disputer, comme d'habitude, à propos de ce fichu truc quand elle a tout à coup trébuché sur un bouquin ou quelque chose et elle est tombée sur moi…crois-moi ou non, mais pour une raison x on a commencé à s'embrasser. » Il se tut un instant, se remémorant la scène. « Elle était si…sexy dans ce débardeur et cette jupe et elle sentait si bon…tu savais qu'elle utilisait une crème pour le corps senteur citronnelle ? »

Cho secoua la tête, un peu mal-à-l'aise.

« Non je ne savais pas et sérieux, je peux me passer des détails. »

« Ouais, désolé » répondit Patrick d'un air absent. « Enfin, une chose en a entrainé une autre, et on avait presque fini de se déshabiller que son paternel a ouvert la porte de sa chambre et nous a surpris, et je te jure que j'ai jamais couru aussi vite pour sortir d'une maison parce que son père, il a un fusil énorme dans le placard à balais… » Patrick se racla la gorge tout à coup, embarrassé par le souvenir. « Bon, où en étais-je ? »

« Tu décrivais ta presque partie de jambes-en-l'air avec la fille contre qui tu es en compétition depuis treize ans. »

Patrick sourit, amusé par ces mots, avant de soupirer profondément.

« Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Je n'arrive pas à la croiser dans le couloir sans avoir envie de la coincer contre le mur et la faire mienne. »

« C'est du désir Patrick, rien à voir avec de l'amour » l'informa Cho, encore impassible.

Le blondinet secoua la tête en défiance.

« Il n'y a pas que ça…Quand j'ai botté les fesses de John il y a deux mois, ce n'était pas à cause de Kristina. Je m'en fichais pas mal dans le fond, qu'elle fricote avec lui…Mais il a fait pleurer Teresa. Il lui a dit que Sam s'envoyait en l'air avec Mandy –et j'en suis content parce qu'elle ne me croyait pas- mais il l'a aussi taquiné méchamment là-dessus après qu'elle l'ait plaqué. Elle a suffisamment pleuré tout au long de sa vie. Elle n'avait pas besoin que ce salaud en remette une couche. »

Cho secoua la tête à son tour et fit :

« Je te rappelle que tu l'as pas mal fait pleurer aussi. »

« Faux » protesta le blondinet. « Pas de cette façon-là. Je l'ai mise en colère, je l'ai fait hurler et on s'est brisé quelques os au passage, mais je ne l'ai jamais fait pleurer de cette façon. Et merde » grommela-t-il en reposant son front sur ses mains. « Qu'est-ce que je vais faire maintenant ? »

Cho se mordit la lèvre inférieure. Il ne savait pas comment réagir face à cette situation pour le moins inhabituelle. Depuis la maternelle, là où il avait rencontré le blondinet, Cho avait vu Patrick et Teresa se tirer dans les pattes jour après jour. Quelques rares fois seulement, une sorte de paix s'installait entre les deux, mais jamais pour bien longtemps. Pendant ces quelques moments, il était évident qu'ils pourraient certainement être…amis, malgré leurs différents. L'idée restait cependant extrêmement…étrange. Si Patrick et Teresa s'amenaient un jour à l'école en se tenant par la main, certains auraient une crise cardiaque à coup sûr.

« Je sais ! » s'exclama soudainement Patrick, s'attirant quelques foudres des élèves environnants. Quand l'adolescent asiatique lui jeta un regard intrigué, se demandant ce que son ami avait inventé cette fois, il continua : « J'ai un plan. Je vais l'inviter au bal de promo, ce sera la pire soirée de notre vie de lycéens et ça la fera sourire un peu. C'est génial non ? »

Et Cho soupira. Bien que la logique du raisonnement lui échappait, il sentait juste que rien de bon ne sortirait de ce 'plan'. Non seulement, il allait certainement ennuyer la pauvre fille jusqu'à ce qu'elle accepte, mais ce faisant il allait aussi l'agacer et récolter quelques bleus au passage. Comment tout ceci égaierait la petite brune et comment cela l'aiderait à gérer ces soi-disant nouveaux sentiments, il l'ignorait. Une chose était certaine, aucun des deux ne sortiraient indemnes de ce nouveau délire.

« T'es mort mon vieux » se contenta de répondre Cho avant do tourner une nouvelle page de son livre.


Vous avez aimé ? détesté ? dites moi donc :3