CHAPITRE 1
Si un jour quelqu'un m'avait dit : « Lauren, tu rencontreras Miss Croft », je lui aurais ris au nez. Mais évidemment, personne ne me l'a jamais dit, et ce qui s'est passé ce jour là, quelques semaines après l'enterrement de mes parents, je n'y aurais jamais pensé ! Mais laissez-moi vous expliquer la situation.
A cette époque, j'avais 24 ans. En plein dans mes études d'histoire. J'étais en fac d'histoire, passionnée par ce que le passé nous cachait, l'une des meilleurs élèves, et cela, grâce à des parents exceptionnels. Le couple Johannson était connu pour être de très bons archéologues, toujours prêts pour de nouvelles découvertes. Moi, leur seule et unique enfant, Lauren Johannson, était tout aussi passionnée qu'eux par l'histoire, mais je préférais rester dans des bibliothèques remplies de vieux livres en cuir plutôt que d'aller sur le terrain. Alors, souvent, comme jusqu'à ce funeste jour, je restais dans la grande bibliothèque de notre immense maison –presque un manoir- à travailler. Ce jour là, lorsque mes parents sont partis pour le Ghana chercher je ne sais quelle relique, j'eus la chance de leur faires des adieux dignes de ce nom. Je pus une dernière fois regarder ma mère, si belle, dont j'avais hérité le visage fin et les grands yeux terre de sienne, et mon père, dont j'avais pris ses raides cheveux auburn.
Ce ne fut que deux jours plus tard que je reçus un appel, m'apprenant que mes parents avaient péri lors d'une altercation avec des mercenaires, venus chercher la même relique. Ma mère avait était tuée sur le coup, et mon père s'était défendu, tant bien que mal, mais n'avait pas survécu face a une dizaine d'hommes armés. Quelques semaines plus tard, ils eurent des funérailles dignes d'eux, et je posai quelques jours de « congés » à ma fac, qui me les accorda car « j'étais une bonne élève ». Je m'enfermai chez moi, et décidai de faire mon deuil. Et je n'avais pas prévu que j'allais être dérangée par une bande de mercenaires …
Il devait être onze heures. J'avais décidé de me coucher tard ce soir là. J'étais dans l'immense salon, lisant un livre au coin du feu, lorsque j'entendis des crissements de pneus à l'extérieur.
- Qui est-ce donc ? chuchotai-je en posant mon livre sur la table basse.
Je me levais, quand soudain, la porte s'ouvrit dans un grand fracas. Et devant mes yeux ébahis, trois hommes masqués et armés de lourdes mitraillettes me fixèrent avant de tirer. J'eus le temps de m'écraser sur le sol pour éviter les coups de feu. Je rampais derrière le canapé jusqu'à la porte qui donnait dans la bibliothèque. Les hommes hurlaient entre eux. Je compris qu'ils venaient chercher une relique que détenaient mes parents -et maintenant moi- dont ils avaient besoin pour faire marcher celle qu'ils avaient volée à mes parents. Je me levai, rentrai dans la pièce et fermai la porte, qui trembla sous la rafale de balles que j'avais évité une nouvelle fois. Je courais pour atteindre une seconde porte, et réussis à pénétrer dans la remise remplie de cartons. Il me fallait me cacher derrière l'un d'eux et espérer qu'ils ne me trouvent pas. Des coups de feu retentirent.
- Ils se tirent dessus entre eux maintenant ? me murmurai-je, pour me rassurer.
Je ne cherchais plus à comprendre, et recroquevillée derrière un tas de cartons, je priais que tout cela cesse. D'autres coups de feu, des rafales. Puis le silence. Soudain, la porte s'ouvrit. Je retins ma respiration, prise d'une peur panique. Des pas dans ma direction. Je fermais les yeux. Soudain, le carton en face de moi vola, et je plaquai mes mains sur la tête. J'attendis, figée par la peur, quand une voix féminine s'éleva.
- Tu peux te relever, tu n'as plus rien à craindre.
Ouvrant les yeux et baissant les bras, je découvris, face à moi une femme aux formes généreuses, éclaboussée de sang, et rengainant des 9 mm.
- Qui … Et les hommes ... Vous êtes avec eux ? balbutiai-je, déboussolée.
- Je comprends, la peur, ça fait dire des idioties, mais à ce point.
Elle me tendit la main, et je compris la stupidité de mes paroles. M'accrochant à sa main, elle me souleva d'une force inimaginable. Elle me conduisit jusqu'à la bibliothèque, où je découvris avec effroi le corps des hommes qui avaient attaqué ma maison. Et enfin, à la lumière des lampes, j'identifiai la femme qui m'avait secourue, et me sentis encore plus ridicule.
- Lara Croft ! Mince ! Je suis désolée !
Elle rit et passa par-dessus le corps d'un des hommes.
- C'est moi qui suis désolée de ce carnage !
- Ne ... Ne soyez pas désolée, m'écriai-je brusquement. Vous m'avez sauvé la vie. Sans vous … Je serais probablement morte.
- Et sans tes parents, je n'aurais pas pu récupérer une relique essentielle pour moi. Donc nous sommes quittes. Et tutoie-moi s'il te plait, je me sens si vieille …
Je réussis à sourire, chose qui m'avait paru impossible ces dernières semaines.
- Bien. Euh … Et la relique, dites moi comment elle est, que je vous la donne.
- Bien volontiers !
Elle m'expliqua ce qu'elle cherchait, et je fus en mesure de la conduire dans le jardin, dans un cabanon, où ce qu'elle cherchait s'y trouvait. Alors qu'elle tenait, avec un sourire de satisfaction, l'objet, un craquement retentit, et je découvris, horrifiée, ma maison en proie aux flammes. Mes affaires, mes livres, mes recherches … Tout brûlait. Lara me prit par la main, me conduit jusqu'à un énorme 4x4 –certainement le sien- et me poussa à l'intérieur. Je me débattis.
- Non ! Non ! Ma maison, je ne peux pas partir !
- Idiote, hurla t-elle, si soudainement que je me tus. Tu crois que rester devant ta maison et brûler avec t'aidera ? Viens avec moi ! On réfléchira après de ce qu'on fera de toi, même si j'ai ma petite idée, rajouta t-elle avec un demi sourire.
Je hochai la tête et entrai dans le véhicule. Elle démarra en trombe, et doucement, je vis tout ce que j'avais vécu depuis ce jour partir en fumée.
Fatiguée, alors que nous arrivions chez elle, je n'arrivai même pas à exprimer ma surprise. L'immense manoir qui lui servait de domicile était bien plus imposant que sur les photos que j'avais pu voir. Je descendis, faisant crisser mes pas dans le gravier. Je la suivis, et pénétrai dans un immense salon. Un feu crépitait dans son antre, et je vis, au fond de la pièce, des parois en métal, et à l'intérieur de cette pièce sur mesure, des dizaines d'ordinateurs et autres outils informatiques. Un homme qui était devant un écran se retourna. Il était noir de peau et ses cheveux crépus étaient tressés en plusieurs petits épis. Il courut vers nous.
- Lara ! Enfin ! Comment ça s'est passé ? Et qui est cette jolie demoiselle ? ajouta t-il en me coulant un regard farceur.
Lara se débarrassa de ses armes.
- Zip, voici la jeune Lauren Johannson. La fille des archéologues morts il y a peu. Ceux qui détenaient la relique que je viens d'aller chercher. D'ailleurs, il y a eu des complications.
Tout en se débarrassant de ses affaires, elle expliqua au dénommé Zip ma petite histoire. Lorsqu'elle termina son court récit, il posa une main sur mon épaule.
- Dans la catégorie « je n'ai pas de chance » t'es pas loin de la première place ! Bienvenue, sinon !
J'éclatai de rire, et que ça faisait du bien ! Zip sourit, certainement content de voir que je pouvais encore rire. Il se tourna vers Lara.
- Et alors, cette petite, on en fait quoi ?
Je bougonnai. Je n'aimais pas vraiment qu'on me traite comme un objet. Mais lorsque Lara fit part de son projet à Zip, je m'écriai.
- QUOI ? Tu veux que je fasse partie de votre équipe ? Mais … mais … je n'ai aucune compétence pour, et puis …
- Veux-tu bien arrêter de dire des âneries ? Décidément, ce soir !
Elle me présenta alors Zip, et j'appris qu'il était son assistant informatique. Il l'aidait dans toutes ses missions, et lui était d'une grande utilité. Soudain, une porte du second étage s'ouvrit à la volée, et un homme descendit en vitesse les escaliers. Mon cœur rata un battement. Quel bel homme ! Agé d'une trentaine d'année, il avait des cheveux bruns courts, soigneusement coiffés, des grands yeux marron derrière des lunettes légèrement teintées et un visage aux traits saillants. Je m'attardais sur ses lèvres, sensuelles et pleines, entourées d'une barbe de trois jours. Il était habillé d'une chemise rouge et châtain, rayée, et d'un pantalon noir. Cet homme était d'une maturité et d'une classe incomparable. Je repris mes esprits.
- Lara ! Tu es enfin là ! Je me suis fait un sang d'encre, et …
Il se stoppa et me regarda, d'un air interloqué.
- Qui est-ce ?
Zip pouffa de rire et Lara lui tapota le front.
- Tu es fort poli, Alister ! Je te présente Lauren Johannson. Tu sais, la fille des archéologues Johannson….
Elle expliqua de nouveau mon histoire, et je levai les yeux au ciel, exaspérée d'entendre la même chose.
- … et elle va rester ici dorénavant. Je l'aime bien cette petite, et je veux qu'elle reste à nos côtés. Ah, et aussi, ajouta Lara, arrête de te faire un sang d'encre pour rien !
Elle m'ébouriffa les cheveux, comme une gamine. Je ne pus retenir un soupir que je regrettais en voyant son air contrarié.
- Ca ne te plait pas, sœurette ?
- Pardon ? demandai-je, ahurie.
- Oui, sœurette. Tu me ressembles, vous ne trouvez pas ? demanda t-elle aux deux hommes, qui acquiescèrent.
Je ne pus réprimer un sourire.
- C'est assez flatteur. Mais alors … je fais vraiment partie … de votre équipe maintenant ? Et mes études ?
- Que faisais-tu ? me demanda Alister, en s'asseyant sur un des canapés et en m'invitant à faire de même.
- J'n'étais pas loin de terminer mes études en histoire. Et je voulais exercer en tant qu'archiviste. Toujours pour l'histoire. J'adore le passé et les vieux bouquins !
Soudain, je vis une étincelle peu rassurante dans les yeux d'Alister, et Zip éclaira ma lanterne, en riant.
- Haha ! Tu viens d'éveiller l'intérêt d'Alister toi ! Ce gars là est un vrai puits de science, et il a fait des études d'histoire. Ces connaissances sont impressionnantes. Ah, et il adore les vieux bouquins, lui aussi !
Je ris d'une pareille coïncidence et Lara prit la parole, coupant l'élan d'Alister.
- Bien ! Alors tu pourras finir « tes études » avec lui ! Il sera certainement ravi de faire partager ses connaissances avec une passionnée comme lui !
- Oh oui ! s'empressa t-il d'ajouter. C'est merveilleux !
Je ne pus que sourire. Finir aux côtés de Lara Croft comme assistante dans ses missions, et élève d'un aussi beau professeur … Il avait bien fallu passer par le décès de mes parents et l'incendie de ma maison pour en arriver là. Soudainement minée par mes mauvais souvenirs, je demandai à ma « nouvelle famille » si je pouvais disposer.
- Bien sûr ! J'ai une chambre pareille à la mienne à côté de celle d'Alister. Tu seras juste à côté de la bibliothèque en plus, cela te convient ?
- Mais bien plus que ça, même ! Tu m'offres un nouveau toit, une … nouvelle famille, un job … Je suis… heureuse, concluai-je avec un sourire.
Les semaines qui suivirent furent remplies. Lara m'accompagna en ville, pour que je puisse acquérir une nouvelle garde robe. Tout avait brulé dans la maison. D'ailleurs, celle-ci était fichue, et j'avais donné l'ordre de laisser tel quel à l'assurance. Lara s'occupa des papiers pour toutes ces histoires. Quelques mois plus tard, j'avais débuté une nouvelle vie. Souvent, je passais du temps avec Alister. On aurait pu croire que cela n'était dû qu'au fait qu'il « finisse » mes études, mais pas du tout. Nous avions vite sympathisé. Il faut dire que ce n'était pas difficile : nous avions les mêmes centres d'intérêt. Mais au contraire, nous n'avions pas le même caractère. J'appris bien vite qu'Alister était quelqu'un de nerveux et susceptible, et qu'il se prenait un peu trop au sérieux. Oh, bien sûr, il savait rire, et fort heureusement car j'étais de nature plutôt espiègle, mais lorsque nous étudiions, pour nous ou pour Lara, il devenait un homme réfléchi et posé. Fort heureusement, dans ces moments là, j'allais rejoindre Zip, avec qui j'avais lié une amitié exceptionnelle. Nous pouvions jouer des heures et des heures sur les ordinateurs, discuter sans s'arrêter, blaguer sur tout et n'importe quoi sans que l'un de nous se lasse de l'autre. J'appris aussi, quand Lara n'était pas en mission ou autres, comment manier des armes. Pour elle –et moi après mes mésaventures- c'était très important, car avec tous les ennemis qu'elle se faisait, intégrer son équipe n'était pas sans risques. Puis je demandais à avoir un entrainement intensif dans sa salle de sport, pour acquérir, comme elle, agilité, souplesse, force et vitesse. Il va sans dire que les trois années qui passèrent ne furent pas de tout repos. De plus que, comme une adolescente, je tombais amoureuse de mon « professeur ». Plus les jours passaient, plus je me rendais compte a quel point il était mon homme idéal. Mon amour aurait pu paraître dérisoire aux yeux de certains : il était de dix ans mon aîné. Mais pour moi, cela n'avait aucune importance. Je l'aimais. Et je ne disais rien. Voila comment j'occupais mes jours, jusqu'au jour où, après un rendez vous au Pérou avec une ancienne camarade de fac, Lara avait fait ressurgir son passé. Suite à une visite à Tokyo où elle avait dû battre un yakuza armé d'un morceau d'épée aux pouvoirs inquiétants, qu'elle réussit à récupérer, Lara revint au manoir. Deux ans s'étaient donc écoulés.
