Certaines légendes resteront à jamais dans les mémoires. Comme celle d'Elessari Telcontar, reine du Gondor et Pierre Elfique de la maison d'Elendil. Mais avant la reine Elessari, il y avait Araniel fille d'Arathorn. Ceci est son histoire.

...

Elle naquit une nuit d'orage. Comme si déjà la nature se déchaînait contre elle. Son premier cri fut couvert par le fracas du tonnerre. Et déjà, pour la première fois de son existence, peut-être sans en avoir conscience, elle eut l'impression qu'on ne voulait pas d'elle.

Araniel fille d'Arathorn, de la lignée d'Elendil.

Gilraen et Arathorn espéraient un mâle. Un héritier fort et vigoureux. La déception est de taille devant cette créature minuscule, frêle et fripée. Et de sexe féminin. Mais Gilraen et Arathorn ont désiré tout simplement un enfant. Donc ils passèrent outre. Mais Arathorn ne pourra jamais regarder sa fille sans un léger pincement au cœur.

Araniel était une étrange enfant. A 5 ans, elle prit conscience du fait qu'elle était une fille et que quelque chose n'allait pas avec cet état de fait. Aussi mit-elle un point d'honneur à pallier ce léger handicap en ne se comportant pas tout à fait comme une fille était sensée le faire.
Sa mère avait eu, à sa naissance, à défaut de pouvoir en faire un prince, l'ambition d'en faire une véritable princesse, dame des Dunedains, douce, calme, cultivée, délicate, etc.
Nouvelle déception. La petite Araniel maniait l'aiguille comme un sabre, dédaignait les poupées, et n'aimait rien tant que courir, se battre et monter à cheval.
Ce qui, secrètement, ravissait Arathorn. Cette enfant était bien de son sang.
Elle avait pour inséparable compagnon de jeu son cousin Halbarad, de 4 ans son aîné. Ils se battaient. Tout le temps. Et elle lui mettait des raclées monumentales. Car cette enfant trop maigre, aux cheveux courts en bataille, aux grands yeux interrogateurs, ne voulait perdre à aucun prix. Contre quiconque.
Et Araniel se battait. Courait. Sautait. Avec toute l'innocence de ses 5 ans. Et Gilraen soupirait en la voyant rentrer crottée et échevelée, suivie d'un Halbarad en tout aussi piteux état. Et Arathorn souriait. Il était fier de sa fille. Même si c'était une fille.

Arathorn mourut. Et sa fille le vécut comme un abandon. Parce qu'elle aimait son père, de toute la force de ses 6 ans. Et qu'elle ne comprenait pas. Il lui faudra du temps pour comprendre ce qu'est la mort.

- Sois forte, ma fille. Sois digne de ton sang.

Et Araniel ne pleura pas. Elle ne pleura pas quand son père lui ébouriffe les cheveux d'une main faible. Elle ne pleura pas quand sa mère s'effondra en sanglotant. Elle ne pleura pas quand Arathorn lui confia l'anneau de Barahir. Elle ne pleura pas quand Halbarad lui entoura les épaules de ses bras et se dégagea d'un mouvement brusque. Elle ne pleura pas quand Arathorn ferma les yeux. Ni quand on brûla son cadavre. Elle ne pleura pas quand elle quitta le village où elle avait toujours vécu, pour s'en aller chez les Elfes. Elle ne pleura pas. Parce qu'à l'intérieur d'elle-même, elle était glacée. Son père l'avait abandonnée.

A Rivendell, Araniel devint Estel. Juste Estel. Mais cela ne changea fondamentalement rien. Elle se sentait toujours en trop. Le regard des gens sur elle était sans équivoque. Une fille. L'héritier d'Isildur était une fille. Et Estel était blessée par ce regard qu'elle voyait partout, Même chez les Elfes, ces si parfaites créatures.
Alors elle se renferma sur elle-même. Elle devint sauvage et sa mère ne sut plus comment s'y prendre avec elle.

Cela dura pendant presque 5 ans. Et puis un jour, Estel craqua. Et toutes les larmes qu'elle retenait sortirent d'un seul coup.
C'est à Elrond qu'elle se confia. Parce qu'elle avait appris à lui faire confiance. Parce qu'il était bon et attentif. Parce que, dans une certaine mesure, il avait remplacé son père et comblé un peu ce vide béant en elle. Et qu'elle ne voulait pas parler à sa mère.

-Ada...sanglota-t-elle.

Elle parla et il écouta. Estel allait avoir 12 ans.

- Nana...

Gilraen posa son livre et regarda sa fille, étonnée de ce ton geignard. Elle ne l'avait pas entendue arriver. Estel était au bord des larmes, les bras ballants. Une tache rouge sombre s'élargissait sur son pantalon.

- Qu'est-ce qui m'arrive, Nana?

Gilraen se leva précipitamment et s'empara d'une serviette. Elle eut envie de pleurer. Trop absorbée par son chagrin, elle n'avait pas vu sa fille grandir.

- Est-ce que je vais mourir?

Et Gilraen sourit.

- Ma petite fille est devenue une femme.

Lorsque sa mère lui expliqua qu'elle saignera désormais tous les mois, Estel eut envie de hurler. Encore une fois, son corps la ramenait à sa condition de fille. Faible par définition. Et plus que jamais, elle regretta de ne pas être un garçon. Mais elle ne le dira jamais à sa mère. Sa mère qui continuait de vouloir en faire une princesse.
Mais Estel était têtue. Elle apprit à se battre avec les jumeaux Peredhel, Elladan et Elrohir.
Même s'ils étaient adultes aux yeux de leur peuple, ils continuaient d'enchaîner les mauvais tours et coups foireux. Auxquels Estel apportait parfois une généreuse contribution.
Elle venait d'avoir 13 ans. Ce n'était plus une enfant.

Arwen était sa meilleure amie. Sa confidente. Son alter ego. Sa presque sœur. Lorsqu'elle rencontra l'Elfe, Estel avait 16 ans. Dès qu'elle l'aperçut, elle se sent plus laide, gauche et maigre que jamais. Arwen était si belle... Mais Arwen comprit immédiatement son malaise. Et Arwen sourit. alors Estel sourit aussi.

...

- Estel?

L'adolescente était nue devant son miroir et s'observait méticuleusement. C'était fête ce soir, à Rivendell. La dame Galadriel était présente, et Estel ne savait absolument pas comment paraître à son avantage. Elle se mordit les lèvres en voyant arriver l'Elfe. Arwen était la perfection et l'harmonie incarnée.
Elle soupira de découragement. Rien à faire. Elle était beaucoup trop anguleuse, trop maigre, trop étroite de hanches et de poitrine, trop larges d'épaules et ses jambes était interminables.

- Je suis pitoyable, Arwen.

- Ce n'est pas vrai. Je t'interdis de dire cela.

Estel s'assit lourdement sur le lit.

- Tout aurait été tellement plus simple si j'avais été un garçon.

- Pourquoi?

-Je ressemble à un garçon. Je ne serais jamais une fille convenable. Ou alors juste une fille laide.

- Tu n'es pas laide. Tu le penses juste parce que tu vis avec des Elfes.

- Même pour une Humaine, je ne suis pas belle, Arwen.

L'Elfe lui caressa les cheveux.

- Tu as des yeux magnifiques, une jolie bouche et de beaux cheveux. Peu de femmes peuvent s'en vanter, tu sais.

Estel se regarda dans le miroir.

Ses yeux, sûrement. Elle avait de grands yeux en amande d'un bleu tirant sur le gris, frangés de noir.

Sa bouche? Ses dents étaient blanches et bien alignées. Mais à part ça?

Ses cheveux? Noirs et ondulés, perpétuellement ébouriffés et en bataille. Elle avait cessé de les couper depuis un moment pour ressembler un peu plus à une femme, et ils lui descendaient en dessous des épaules, mais ils étaient loin d'avoir le brillant et le soyeux de ceux d'Arwen.

Estel baissa les yeux sur sa poitrine étroite d'adolescente.

- Je ne suis pas une beauté.

- Pas une beauté elfique, nuance.

L'Elfe prit un ton faussement accusateur.

- Du reste, il me semble que tu ne fais pas beaucoup d'efforts.

Elle se leva et sortit de la pièce d'un pas décidé, plantant là Estel.

- Enfile ça, ordonna-t-elle quand elle revint quelques instants plus tard, en lui tendant une robe. C'est une de mes robes, mais je pense qu'elle devrait t'aller.

Et Estel obéit. Et en se regardant dans le miroir, pour la première fois de sa vie, elle fut heureuse d'être une femme.

...

Lorsqu'Estel eut 20 ans, Elrond lui rappela qu'elle était l'héritière d'Isildur, et qu'elle était destinée à régner. Qu'elle ne pouvait pas rester dans l'identité si confortable d'Estel, et devait redevenir Araniel fille d'Arathorn. Mais Estel n'était pas prête. Elle ne voulait pas de ce destin. Elle ne voulait pas être reine. Alors elle quitta Rivendell. Elle coupa ses cheveux, embrassa sa mère et Arwen, et partit rejoindre le monde des Hommes et les rangers du Nord. Ceux qui autrefois s'appelaient les Dunedains.
Mais même là-bas elle comprit qu'elle ne pouvait rester Estel. Alors Estel devint Strider.

Elle découvrit un jour subitement qu'elle attirait le regard des hommes. A Rivendell, elle n'intéressait pas les Elfes, mais il en allait autrement avec les Humains. Elle comprit aussi qu'elle pouvait se servir de cette attirance. Son premier amant fut un ranger de passage dont elle ne se rappela jamais du nom et qu'elle ne devait jamais revoir. Il y en eut d'autres. Mais relativement peu.

Strider retrouva par hasard son cousin Halbarad. Le garçon espiègle aux grands yeux rieurs était devenu un ranger robuste et séduisant. Mais ce n'était plus le compagnon de jeu qu'elle a connu enfant. Elle a 21 ans, lui 25. C'était un homme et elle une femme. Et il la regardait différemment. Pas comme les autres hommes, non. Il y avait une chaleur qu'il n'y avait pas chez les autres dans ses yeux.
La première fois qu'il l'embrassa fut aussi la seule.
Strider partit. Parce qu'elle savait qu'elle ne l'aimait pas. Pas de cette façon. Mais aussi parce que c'était la première fois qu'un homme la regardait comme ça. Et Strider avait peur. Elle n'était pas prête. Alors elle partit. Strider fuit.

Elle décida de combattre Sauron. Par tous les moyens. D'abord avec les ranger, ensuite dans l'armée régulière. Elle savait qu'Elrond aurait désapprouvé qu'elle s'expose ainsi. Mais Elrond n'était pas là pour lui dire quoi faire.
Elle ne pouvait cependant rester Strider. Ni rester une femme. Alors, temporairement, Strider devint Thorongil. Un homme. Et au grand désarroi de son orgueil féminin, personne ne devina jamais la supercherie. Elle servit d'abord sous Thengel de Rohan, nouant une amitié avec son jeune fils Theoden, puis dans l'armée du Gondor.

La première fois qu'elle contempla Minas Tirith, la Cité Blanche, SA cité, Thorongil ne put que s'émerveiller de sa beauté. Une beauté éclipsée par l'arrogance de l'intendant Denethor. Thorongil le détesta immédiatement, à commencer par la manière dont il traitait ceux qui lui étaient inférieurs hiérarchiquement. Thorongil plaignait intérieurement sa fiancée, la douce Finduilas de Dol Amroth.

Un beau jour, Thorongil décida de redevenir Strider. Elle démissionna de l'armée, à la grande incompréhension de certains qui lui prédisaient une carrière plus qu'honorable, et revint dans le Nord. Redevenir une femme fut pour elle un soulagement certain. Plus qu'elle ne l'aurait cru. Strider reprit la route. Ce fut lors d'un de ces voyages qu'elle fit la connaissance du magicien gris. Gandalf. Un être étrange qui avait en commun avec elle ses multiples identités. Un homme qui pouvait la comprendre mieux que quiconque.

Lorsque Strider revint à Rivendell pour la première fois, elle avait presque 50 ans et en paraissait à peine la moitié. Elle se sentait fatiguée et découragée. Elle se sentait vieille. Et puis elle revit Elladan et son monde s'en trouva bouleversé. Jusqu'à ce jour, elle ne l'avait jamais regardé qu'à travers des yeux d'enfants. Sauf qu'elle était femme désormais.
La première fois qu'elle l'embrassa, l'Elfe fut un peu surpris, et elle crut bien mourir de honte. Mais il referma ses bras sur elle pour l'empêcher de partir.

- Melleth nîn, murmura-t-il. Et Strider se sentit enfin heureuse et à sa place, pour la première fois de sa vie. Dans les bras d'Elladan.
Une telle relation ne pouvait qu'être discrète, évidemment. Mais Strider était heureuse. Et lorsqu'elle repartit, elle sut qu'elle allait le trouver sur son chemin régulièrement.

Strider erra en Terre du Milieu pendant des années. Sans attaches ni domicile fixe. Mais toujours elle voyait Elladan.
Elle ne revint à Rivendell que pour voir sa mère mourir.

- Je suis fière de toi, ma fille.

Et ce fut tout.

- Elle croyait en toi, Estel, dit Elrond.

Strider aurait aimé redevenir Estel et se réfugier en pleurant dans les bras d'Elrond. Mais ce temps-là était révolu. Elle ne put que hocher la tête avec raideur.

Quelques temps plus tard, Gandalf la chargea de retrouver Gollum. Strider reprit la route avec un mauvais pressentiment. Elle le traqua avec acharnement pendant des mois et des mois, jusqu'à le capturer.
Le voyage de retour fut sans doute le pire. Supporter le voisinage de cette créature schizophrène et puante était une véritable épreuve physique et mentale. Ce fut avec un soulagement sans nom pour elle lorsqu'elle s'en débarrassa en la confiant aux Elfes de Mirkwood. Non sans avoir appris que le "précieux" dont parlait sans cesse Gollum (ou Smeagol) était sans doute l'Anneau Unique.

Sur les indications de Gandalf, Strider rencontra Frodo Baggins et ses compagnons Hobbits à Bree, et les escorta jusqu'à Rivendell, les protégeant au passage de l'assaut des Nazguls. Elle avait déjà été confrontée à eux par le passé, et savait comment les faire fuir. Lorsque Frodo fut blessé par une lame de Morgul, elle s'en voulut. C'était de sa faute. Elle devait protéger le porteur de l'Anneau. Elle ne fut jamais aussi heureuse de sa vie que lorsqu'Arwen arriva pour lui venir en aide. Bien que son amie mette sa vie en danger, les Esprits Servants de l'Anneau étant toujours à leurs trousses. Arwen emmena Frodo, permettant à Strider et aux 3 Hobbits restants de continuer leur route sans encombre jusqu'à Rivendell. Où Strider espérait retrouver Elladan.
Strider avait 87 ans. Sa légende pouvait commencer.

pfiouuu! très très long prologue. j'ai entièrement résumé la vie d'aragorn avec quelques petits changements notamment chronologiques. les prochains chapitres seront plus courts et ce ne seront pas des résumés. je reprends pas mal de répliques du film. pour le physique d'araniel, je pense à katie mc grath (elle fait un assez bon aragorn féminin, regardez la dans merlin).

merci à zvezdanayapyl (j'ai orthographié correctement?) pour son aide et ses conseils (je t'adore zveda^^)

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