I thought I could get over the whole Twilight Princess thing. I can't. This is kind of an attempt to find why.
Also it's in French for some reason...
Golden Harvest arpentait les rues de Ponyville, elle se rendait à la bibliothèque de Twilight où elle savait trouver Twinkleshine. Son amie était là, tapie dans un buisson avec une paire de jumelles pour concurrencer les télescopes braqués sur le ciel.
« Eh Twinkleshine ! » appela Golden Harvest.
Son amie sursauta et braqua les jumelles sur elles : « Oh, salut Golden Harvest ! Je ne t'avais pas vue venir ! »
Twinkleshine avait sa manière bien à elle de s'exprimer, et dans sa voix pouvait s'entendre l'arrière-pensée de transformer son amie en paillasson.
Elle était de toute manière retournée à son observation.
« Je cherche Derpy, tu l'aurais vue ? »
« Encore ? » Soupira Twinkleshine.
« C'est que, elle avait promis de venir voir ma nouvelle robe » et Golden Harvest rougit un peu.
« Tu as essayé à la poste ? » Lui sourit aimablement Twinkleshine, trop occupée à contenter son obsession pour ne pas vouloir faire manger ses jumelles à Golden si elle continuait à l'en distraire.
« À la poste, chez elle... » continua néanmoins la poney terrestre. « Mais si tu ne l'as pas vue, ce n'est pas grave. »
Puis elle tapa le sol du sabot.
Twinkleshine était retournée toute à son observation, fit « mh mh » puis tressaillit, la porte allait s'ouvrir ! Et s'ouvrit, et le sourire de Twinkleshine devint sauvage quand apparut sur le pas de la porte la licorne lavande.
Twilight Sparkle raccompagnait une pégase, grise, à la crinière d'un jaune vif et rebelle, avec pour marque de beauté à la hanche une série de bulles.
« Bon, je ne vais pas te déranger » soupira Golden Harvest. « Merci pour ton aide. »
Et elle s'éloigna à petits pas, un peu déçue de ne pas avoir trouvé Derpy.
« Au revoir Derpy ! » Lança Twilight à la pégase qui s'en allait.
« Derpy ? »
Golden Harvest releva la tête, se tourna et d'un bond, revint à la charge. C'était bien son amie Hooves qui s'en allait trottant gaiement sur l'herbe avec son petit air innocent. Comment Twinkleshine avait pu ne pas... la poney terrestre oublia ça et se dépêcha de rejoindre son amie.
« Eh, Derpy ! »
« Salut Golden Harvest ! » Lança Derpy joyeusement.
Soudain Golden Harvest remarqua quelque chose. Les yeux de Derpy étaient normaux !
« Derpy, tes yeux ! Ils sont normaux ! »
« Je sais ! » S'exclama de joie la ponette. « ça me rend un peu triste. Et puis très joyeuse aussi ! » Et elle tapa des sabots ensemble.
« Mais comment c'est possible ? C'est Twilight ? Raconte-moi ! »
L'innocente petite ponette s'apprêtait à répondre quand un rien l'arrêta, et fronçant le museau Derpy secoua simplement la tête, fit battre sa courte crinière sur sa nuque. Elle resta ensuite silencieuse, quelques instants, comme elle savait le faire rêveuse et qui la faisait croire simplette.
Mais pour son amie ce bref, ce très bref silence, ces si brefs instants la plongèrent dans le doute. Elle avait senti que la pégase lui cachait quelque chose, aiguillant sa curiosité, et elle sentait plus encore dans ce silence l'envie de tout lui dire, une retenue qui plus encore enflammait son imagination. Et Golden Harvest aurait pu demander, sur le coup, ce qui se passait. Ce qui la retint, ce fut une sorte de besoin de faire confiance à sa candide comparse. Alors elle se contenta d'étirer le cou, un peu, pour forcer une réponse.
Cela avait duré une seconde, deux à peine et au plus avant qu'un clignement ne tire Derpy de sa rêverie. Elle répondit un « je n'en ai aucune idée ! » d'un sourire si désarmant que la mâchoire d'Harvest tomba sous le choc.
« Mais mais mais ça n'a pas pu arriver comme ça ! D'un coup ?! »
« Je ne sais pas ! » Chantonna presque la pégase en sautillant les yeux fermés, et il était impossible de dire si elle mentait.
Golden Harvest allait insister quand elle nota que Derpy s'éloignait. Elle partit au galop, la rejoignit juste sur la rue et demanda :
« Mais tu vas venir voir ma robe quand même ? »
« Désolé Golden Harvest » la petite lui offrit un grand sourire navré, « j'ai quelque chose à faire et c'est très très important ! »
Comme avec Twinkleshine, son sourire aussi disait quelque chose comme, à quel point elle était vraiment désolée, et qu'elle essaierait de réparer ça.
« Je comprends » répondit la terrestre. « On trouvera une autre occasion. »
Elles se dirent au revoir et Golden Harvest s'en retourna de son côté, sans savoir si elle devait être heureuse ou déçue dans le tourbillon de ses pensées.
Elle décida de se rendre au moins à la poste, lever l'alarme qu'elle avait pu y jeter. En chemin elle vit Bonbon assise seule à une table de restaurant et décida d'aller la saluer.
« Eh Bonbon ! Qu'est-ce que tu fais toute seule, où est Lyra ? »
Les yeux de Bonbon mimèrent la course du ciel. « À un récital ou quelque chose » et à nouveau souriante : « tu allais quelque part ? »
« À la poste, c'est une longue histoire ! Je t'en parlerai une autre fois ! »
Elles se séparèrent là-dessus, Golden Harvest un peu plus pressée à présent d'arriver et sans même savoir pourquoi, elle poussa son pas presque au trot en voyant approcher le bureau de poste.
« Salut ! » Lança-t-elle aux employés. « C'est encore moi, j'ai trouvé Derpy. »
« Excellente nouvelle » lui répondit monsieur Zippy en rajustant ses énormes lunettes. « Elle a fini sa tournée comme prévu ? »
« Oui, et maintenant elle a des yeux normaux ! »
« Ah ben ça ! » S'exclama le vieux poney. « Je n'avais pas remarqué. » Puis après réflexion : « Il faut dire que je n'y prête pas grande attention. »
« Non non, c'est normal, c'est Twilight Sparkle, vous savez, la princesse, qui lui a lancé un sort ou quelque chose... je crois... »
Elle n'y croyait pas, ou pas vraiment, c'était quand même bizarre tout ça. Quelque chose la dérangeait mais la ponette n'aurait pas su dire quoi, malgré tous ses efforts. Elle continuait de fixer le vieux poney dans son uniforme, jusqu'à ce que celui-ci tousse.
« Oh, excusez-moi, je vais y aller ! »
Dit Golden Harvest avant de s'en retourner chez elle, et elle se dit encore qu'elle avait d'autres amies à qui montrer sa robe, rougit un peu et abandonna l'idée.
Le lendemain le jour était un peu plus parfait que le jour passé.
À peine réveillée Golden Harvest tomba du lit, se jeta à la fenêtre les yeux écarquillés, prête à hurler devant la matinée presque finie. Il y avait des crimes à ne pas commettre quand on s'occupait de plantations, par exemple, se lever tard. Le coeur battant la ponette courut à travers la ville pour gagner les champs, s'arrêta interloquée. Les champs étaient faits, les plants alignés, arrosés. Elle ne put s'empêcher de reconnaître le travail de la famille Apple. Sacré voisinage.
À présent rassérénée Golden s'en retourna au village, à petit pas pour ne pas trop tacher ses sabots. Elle arrivait au pont, passa dessus et croisa Derpy Hooves qui allait dans l'autre sens.
« Eh Derpy ! »
« Oh, salut Golden Harvest ! »
Cette dernière se surprit à ressentir un malaise, encore peu habituée au regard normal de son amie. Ce regard semblait un peu plus sévère que d'habitude.
« Toujours très occupée ? » Demanda Golden.
« Plus que jamais ! » S'exclama joyeusement la pégase grise. « Je vais chercher une pelle ! »
Et elle continua son chemin, laissant là son amie bouche bée.
Il y avait définitivement quelque chose qu'elle ne comprenait pas, et cette fois la curiosité fut la plus forte. Une fois son amie éloignée la jument partit au trot rejoindre la poste, prit à peine le temps de saluer Rainbowshine au passage.
« Monsieur Zippy ! » Appela-t-elle avant de se rendre compte qu'elle avait trop élevé le ton, et elle mit un sabot devant le museau.
Le vieux poney approcha : « Eh bien, qu'est-ce qui vous arrive ? »
« J'ai besoin de savoir exactement ce qui s'est passé hier. »
« Vous pourriez demander directement à votre amie, non ? » Dit le facteur d'un ton complice.
Elle hésita un peu : « S'il vous plait, c'est important. »
« Bien, bien, voyons ce que le secret professionnel me permet de vous dire. »
Le vieil étalon alla jusqu'au registre, vérifia la liste puis d'un « ah ah » victorieux déchiffra la minuscule écriture filamenteuse. Golden commença à soupçonner que monsieur Zippy prenait plaisir à la voir anxieuse.
« Alors ? » Demanda-t-elle.
« Derpy Hooves, hier après-midi, elle ramenait des lettres de Canterlot pour Ponyville. » Puis voyant le regard insistant de la terrestre : « Vous savez le reste mieux que moi ! Elle les a livrées sans même les faire trier ici. »
Il y eut un petit trépignement dans les sabots et l'esprit de Golden Harvest. Elle se sentit soudain comme une détective, grisée par l'enquête.
« S'il vous plait, vous ne pouvez rien me dire de plus ? » Insista-t-elle avec ce sourire gêné.
Monsieur Zippy retira sa casquette pour se frotter la crinière. « Bien, bien... ah ! Nous avons reçu le contrôle de Canterlot ce matin ! Voyons ça... » Et il tira un autre papier parmi toute la paperasse du local. « Voilà ! Trois lettres et un colis. »
Il fallut que Golden se morde la lèvre, et la langue par accident, pour ne pas réagir.
« Merci monsieur Zippy ! »
Et elle bondit pour s'en aller, l'envie d'embrasser le vieil étalon mais elle se dit que ça aurait été déplacé, et lui, que ça aurait été sympathique.
Sa logique était imparable. Quelque chose s'était passé entre le moment où Derpy Hooves n'était pas arrivée à la poste et le moment où elle ressortait de la bibliothèque, et Golden Harvest voulait savoir quoi. Trois lettres et un colis, il lui suffisait de trouver les destinataires. Un jeu d'enfants.
« Non Golden, je ne t'aiderai pas à fouiller le village entier. »
Lui lança Minuette d'un ton tranchant.
Le regard désolé de la jument au crin d'or et à la chevelure des Tartares n'y changea rien. Peut-être qu'elle trouvait la tâche ingrate, songea la jument aux carottes. Elle demanda si elle dérangeait et Minuette de hocher la tête, de sourire comme jamais soudain :
« Je n'ai pas le temps de t'aider parce que je vais ouvrir ma boutique ! »
« Quoi ? » Souffla Golden Harvest, prise de court.
« Filthy Rich m'a avancé l'argent qui me manquait, un local s'est libéré et j'ai de la clientèle avant même d'avoir ouvert ! » dut déchiffrer la jument entre les dents serrées d'excitation de son amie. « C'est le rêve d'une vie qui s'accomplit ! »
« Devenir dentiste ? »
« Hier encore ce n'était qu'un rêve, et voilà qu'on me l'offre sur un plateau d'ivoire ! Alors je suis navrée Golden Harvest, mais je n'ai vraiment pas le temps de t'aider toi ou Twinkleshine avec vos lubies. »
« Eh ! »
La jument n'appréciait pas vraiment qu'on compare sa curiosité de détective improvisée et la passion quelque peu emportée de Twinkleshine. Mais la joie de Minuette lui suffit à étouffer tout reproche.
Son pas était à nouveau calme dans la rue, alors qu'elle regardait les portes des chaumières Golden Harvest songeait qu'elle perdait son temps, qu'elle s'entêtait pour rien. Derpy avait beaucoup de chance, et Minuette aussi, si elle ne s'inquiétait pas pour la seconde pourquoi s'inquiétait-elle pour la première ? Elle décida d'être raisonnable et de mettre fin à l'enquête en allant directement demander à la source. Et aussi parce que la bibliothèque était tout prêt.
« Qu'est-ce qu'il y a enc- » s'interrompit la princesse de Ponyville en voyant qu'elle se trompait de poney. « Bonjour ! Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? »
Il y eut un peu de gêne de la part de la fermière carottière face à l'alicorne, mais elle se força à passer outre.
« C'est à propos de Derpy Hooves. »
Twilight Sparkle se renfrogna : « Elle vient de partir. »
« Oh. » Réagit la jument. « Attendez, qu'est-ce qu'elle venait faire ? »
« Creuser des trous. Elle cherchait quelque chose dans ma cave. »
Les longs clignements d'yeux de Golden en dirent long sur son hébètement. Elle se reprit, secoua la tête au risque de défaire sa chevelure bouclée puis :
« En fait, je voulais savoir si c'était vous qui aviez rendu ses yeux normaux. »
Ce fut au tour de Twilight de cligner des yeux.
« Normaux ? » Et ce fut comme une révélation : « Mais oui ! Vous avez raison ! Comment j'ai pu pu ne pas le remarquer ?! »
La princesse trépignait à présent, complètement excitée par sa découverte. Golden Harvest voulut ajouter quelque chose mais la jeune alicorne était trop occupée à se parler à elle-même pour l'écouter.
Alors elle s'en alla.
Elle avait eu sa réponse, ou la moitié de sa réponse. Ce n'était pas Twilight Sparkle qui avait changé les yeux de Derpy. Peut-être que ça s'était fait naturellement ? Elle agita la tête dans tous les sens comme pour chasser toutes ces sortes d'idées qui s'entrechoquaient.
Pourquoi s'entêtait-elle ?
Pourquoi.
Ponyville était radieuse dans le jour plus parfait que hier, les chaumières riantes s'alignaient des deux côtés de sa marche et devant elle la foule des habitantes se mêlait de cris de joie et de discussions.
« Golden Harvest ! Tu es là ! » S'écria une voix un peu plus loin.
Avant qu'elle ne comprenne la jument était serrée entre deux sabots amicaux, étouffée presque et vaguement étourdie par l'étreinte de Vinyl Scratch.
« Tu croiras jamais ce qui m'arrive ! » Lança la ponette dans son élan : « Je sais pas comment, les club de truc de musique de Canterlot s'est procuré des disques de ma collection perso' ! Ils ont adoré et ils veulent distribuer ma musique dans tout Equestria ! »
« J'en ai... le souffle... coupé... »
« Je crois qu'Octavia est passée par trois couleurs différentes, elle refuse de me parler désormais ! Mais c'est cool, elle va s'en remettre, et puis je la pistonnerai ! »
Disant cela l'artiste emporta raffermit le sabot puis lâcha l'étreinte et Golden Harvest se mit à respirer bruyamment.
« Bon, 'faut que j'y aille ! J'ai une tonne de musique à faire ! »
« C'était... sympa... » la jument inspira un bon coup, « de te rencontrer ! »
Et elle repartit au pas chez elle.
Elle s'affala sur son lit, sans bouger, les idées bouillonnant dans sa tête. Puis elle se releva, fit les cent pas dans sa pièce avant de retomber tête la première sur le matelas, enfonça son museau dans le coussin.
La voix de Twinkleshine la surprit, venant de la fenêtre, en bas dans la cour :
« Golden Harvest, tu es là ? »
Ce ton guilleret disait que dans deux secondes s'il n'y avait pas de réponse Twinkleshine retournerait faire des choses plus importantes comme, par exemple, aller espionner Twilight. Golden Harvest se dépêcha de rejoindre la fenêtre :
« Qu'est-ce qu'il y a ? »
« Tu avais demandé un service à Minuette, une histoire de lettre, c'est ça ? »
« Oui ? » Le coeur de Golden se mit à battre plus fort.
« Bon, alors il y en avait une pour Sugarberry et deux pour Rarity. »
Les lèvres de la jument dorée étaient comme sèches : « Et le colis ? »
« Aucune trace, et elles ne se souviennent pas que Derpy en ait eu un dans sa sacoche. »
Le jour défila devant les yeux de la terrestre, d'abord parce qu'elle savait derrière le sourire aimable de Twinkleshine à quel point elle avait empiété sur sa passion pour rendre ce service mais surtout parce qu'elle avait enfin des réponses à quelques-unes de ses questions.
« Merci Twinkleshine. » Parvint-elle seulement à dire, et le tremblement dans sa voix dut en dire bien plus.
« Oh » ajouta Twinkleshine, avce ce tressaillement de joie chez elle qui signifiait le désintérêt : « Toutes deux se rappellent que les yeux de Derpy étaient normaux. »
« Normaux, comme avant, ou normaux normaux ? »
« Normaux normaux » confirma la licorne avec un petit rire qui fit rire Golden aussi, et elle se sentit un peu bête.
Tout ce qu'elle savait, désormais, c'était qu'il s'était bien passé quelque chose. Quoi, la jument n'aurait pas su répondre. Mais elle le sentait à présent, elle le sentait presque, quelque part quelque chose qui n'allait pas, ou qui n'allait plus, elle chassa ces nuances de sa tête après avoir parcouru encore sa chambre quelques minutes, follement, ressortit dans les rues pour le pavillon de la pégase grise.
La demeure de Derpy était au calme. Pour un peu Golden aurait cru qu'il n'y avait personne, voire, que personne n'y habitait. Le paillasson familier n'était plus sur le pas de la porte. Elle frappa, tourna le regard comme d'habitude en attendant qu'on vienne lui ouvrir, pour regarder par la fenêtre le petit salon au tapis de Saddle où aurait dû brûler une bonne flambée. Le jour était parfait, le jour parfait la fit frissonner. Elle frappa encore, impatiemment, jeta un regard dans son dos et s'apprêta à frapper à nouveau avant d'entendre les pas approcher.
Quand la porte s'ouvrit elle sentit toute son assurance, toutes ses questions, tout son jeu de détective s'effondrer. Derpy apparut, ce même petit sourire désarmant de surprise de la voir puis la jument se réjouit et d'un grand cri : « Golden Harvest ! » Et dans toute son innocence la pégase l'invitait à entrer.
Mais même alors, et ce fut ce qui évita à Golden Harvest de repartit aussitôt, elle sentit presque une infime différence dans le ton, et derrière ces yeux clos de joie le regard normal, tout à fait normal de son amie.
Elle entra, laissa la porte se refermer derrière elle comme un piège. Elle ne pouvait empêcher son crin de se hérisser un peu, sa chevelure peignée à la hâte ce matin de se défaire. Elle devait sembler emportée, nerveuse. Elle l'était.
Comme à leur habitude toutes deux allèrent au salon, s'étendre sur le tapis pour causer. Elles n'avaient rien à dire, alors elles parlaient de n'importe quoi, simplement pour s'écouter et être ensemble quelques instants. Il y avait, chez Golden Harvest, ce besoin d'évitement, de repousser le moment de ses questions comme une échappatoire. Il y avait, chez Derpy Hooves, cet empressement, d'en finir avec la visite dès que possible comme si quelque chose continuellement retenait son attention.
« Dis, Golden. » Demanda la pégase d'un ton un peu moins enjoué. Et puis elle ne sut pas quoi ajouter, et son museau resta bas, comme navré.
Elle avait essayé de lui dire quelque chose, elle le voulait sans y parvenir. Alors ce fut son amie et sa crinière bouclée qui prit l'initiative :
« J'ai rencontré Minuette. Et Vinyl Scratch. »
La jeune jument grise tapota le sol de son sabot, de gêne, releva un regard peiné à son amie et dans ce regard il y avait ces yeux normaux, si normaux, comme étrangers. Une sorte d'encouragement à continuer. Et le petit coeur de Golden n'arrivait pas à continuer, pas à avouer l'enquête qu'elle avait mené. La crainte de blesser son amie. Aussi choisit-elle d'aborder le sujet autrement :
« Tu ne te souviens vraiment pas comment tes yeux ont changé ? »
Pour toute réponse le regard peiné persista, renforcé encore, qui ne disait rien précisément sinon, d'insister encore, d'insister toujours plus. Et c'était destabilisant, pour Golden Harvest, de voir son amie ainsi la supplier silencieusement, et si loin de son enjouement habituel, cette sorte de sérieux qu'elle ne lui connaissait pas.
Elle demanda, plutôt que comment, quand cela s'était produit. Et comme son amie ne pouvait toujours pas répondre, elle se résolut à demander, abruptement, ce qu'il était advenu du paquet. Sans rien préciser de plus, sans expliquer comment elle savait, et la jument aux carottes ne savait même pas quelle réponse espérer.
« Je l'ai perdu ! » Répondit joyeusement son amie.
« Perdu ? »
Et son amie de hocher la tête, candide, elle avait lâché le paquet par accident sur la route de Ponyville. Elle pouvait donner le lieu et le moment exact, et puis c'était tout. Perdu. Et ce n'était, de loin, pas la première fois.
« Donc tu l'as juste perdu ? »
« Oui ! »
Le sabot de Golden était suspendu.
« Et c'est tout ? »
« C'est tout ! »
Enfin la jument soupira, sans savoir si c'était du soulagement ou de la déception. Une fausse piste, bien sûr.
Elle aurait dû demander plein de choses encore mais à présent la jument s'en voulait presque d'avoir dérangé son amie, et se sentant stupide, s'excusa pour laisser la pégase à ses tâches.
Elles retournèrent à la porte, Derpy l'accompagnant jusque dehors et sur le pas les deux se saluèrent. À cet instant la jument crut saisir, sur le visage de son amie, comme une expression indéchiffrable qu'elle attribua à son manque d'habitude de la voir avec ce regard normal.
Une fois éloignée elle eut la certitude que Derpy lui avait menti. Elle eut la certitude que son amie lui avait menti sciemment et supplié de percer le mensonge. Elle s'en persuada si fermement que, se mettant à galopper, la ponette n'eut plus d'yeux que pour les environs de Ponyville, sur ce sentier de terre à l'écart des chemins et le petit bosquet où devait être le colis perdu. Plus rien, absolument plus rien ne la préoccupait désormais que cela.
Quand elle arriva sur place le jour était déjà bien avancé, elle craignit que le soir ne tombe trop vite et ne jette son voile de ténèbres sur le secret de Derpy. Golden Harvest se mit à fouiller, buisson par buisson, chercha parmi les feuillages des arbres une trouée ou une branche cassée. À mesure qu'elle soulevait les rochers et fouillait dans les troncs la jument sentit à quel point sa démarche était désespérée, mais elle insista.
Soudain elle perçut un petit cri, releva la tête. Sur une pierre se trouvait un petit écureuil qui la regardait fixement. Elle s'approcha, le vit s'affoler et s'enfuir d'un bond, disparaître dans les herbes. Un peu offusquée la ponette s'approcher du lieu où était le rongeur, regarda la pierre. Elle songea, peut-être que l'animal avait voulu lui montrer où était le colis. Et elle se dit, il aurait pu tomber sous cette pierre pleine de mousse.
Elle souleva la pierre.
Le colis était là.
Du moins le papier déchiré avec, dessus, le sceau de la bibliothèque de Canterlot. La poitrine de Golden Harvest était un brasier, presque douloureux dans son emportement. Elle pouvait, à présent, revoir ce qui s'était passé, Derpy dans les nuages laissant glisser le colis. Ce dernier se déchirant sur les branchages. Derpy plongeant pour le chercher. Et ensuite... Le paquet était vide, rien dedans. Alors la jument savait exactement ce qui s'était passé ensuite.
Ponyville voyait la nuit tomber sur ses toits de chaume, opposait au voile d'obscurité ses lueurs des lanternes et des lucioles. Elle approchait de sa maison, épuisée, la tête bourdonnante de plus de questions encore, la poitrine serrée. Elle aurait voulu, mais qu'est-ce qu'elle aurait voulu, qu'il n'y ait rien. Qu'elle se soit trompée. Elle voulait une excuse pour ne plus avoir à réfléchir à tout cela, retourner à la vie simple et sans histoire qu'elle avait toujours connu.
Devant la porte se trouvait un étalon, qu'elle ne reconnut pas tout de suite, trop fatiguée, avant de noter cette crinière courte et brossée à grands coups, la corne mondaine et la robe de gris poudré.
« Written Script ? » Elle s'approcha, le vit un peu gêné. « Tu m'attendais ? »
L'étalon avait l'air troublé. Une fois assez proche Golden Harvest nota sur ses joues le ton cramoisi et ne put s'empêcher à son tour de rougir. Elle détourna le regard, s'approcha un peu plus. Elle avait tous ces petits réflexes un peu bêtes et la peur de déplaire à cause d'eux.
« Golden, je... » il s'avança d'un pas, tremblant. « On m'a proposé un poste à la cour de la princesse Cadance. »
Il serait la Raven de l'Empire de Cristal, le sabot droit de la princesse et cela malgré son jeune âge et son manque d'expérience. La maire Mare avait soutenu sa candidature. Enfin, il répéta dans un souffle à une Golden éprouvée : « C'est une chance qui ne se présentera qu'une fois. » Il devait se rendre, le lendemain à la première heure, pour l'Empire de Cristal. Tous deux savaient ce que cela signifiait.
Ce n'était pas si loin, se dit Golden. Elle pourrait faire des voyages, le revoir, et lui de même si ses occupations n'étaient pas trop écrasantes. Et en même temps quelque chose se brisait qu'elle n'osait pas s'avouer, comme une part de sa vie.
« Viens avec moi » supplia Written Script.
Et ils étaient à présent si proche que leurs deux museaux se frôlaient. Son regard disait, si elle ne venait pas il n'irait pas, il était prêt à laisser passer cette occasion pour rester avec elle. Et son regard à elle scintillait d'angoisse et d'émerveillement. Elle songea, ses champs, elle les laisserait aux Apple. Elle songea, ses amies, elle les reverrait à l'occasion. Elle songea, elle voulait être avec lui. Elle songea, elle allait dire oui.
Soudain, elle songea à Derpy.
Ce fut comme un vertige, comme un éveil brutal et un terrible rêve, si parfait, qui la glaçait, l'empêchait de réagir. En même temps, manière d'une noyée refaisant surface, l'envie de ses membres engourdis, de replonger, de se laisser emporter, face à cet effort effrayant et pourtant, le souffle fort, ses pupilles s'étaient réduites à rien. Elle avait peur. Elle était transie de peur, elle ne savait déjà plus pourquoi. Les larmes lui vinrent.
« Golden, qu'est-ce qu'il y a ? » Demanda bêtement l'étalon. Il était inquiet, paniqué à son tour.
« C'est horrible. Written Script c'est horrible ! »
Elle se jeta dans ses bras, se mit à pleurer sans pouvoir dire pourquoi, sans chercher à l'expliquer, et déjà l'étalon sentait son coeur se briser, le sentiment trop certain de ce qui se passait vraiment. Il lui caressa la crinière, lui souffla dans l'oreille que ça irait. Il n'avait pas la force d'argumenter. Il se résignait, et elle souffrait de le sentir se résigner.
Golden Harvest ne désirait rien plus que de dire oui. Golden Harvest avait rêvé de cela depuis des mois.
« J'ai une robe. À l'étage. » Elle se forçait à parler, entre les sanglots. « Je voulais te la montrer. »
« Elle doit être magnifique » sa propre voix s'étranglait.
Elle lutta pour sourire, pour lui sourire quand ils se délacèrent et la jument, frottant encore ses yeux un instant, lui ouvrit la porte. Chacun de ses gestes était dur, tremblant, non. Chacun de ses gestes lui était étranger et elle les voyait se faire sans elle, et elle tremblait pour chacun d'eux. Tous les instants, si parfaits, trop parfaits, l'étourdissaient. Ce n'était pas ça. Non. C'était quelque chose de si simple pourtant. Mais la porte se refermait.
Derpy Hooves referma une nouvelle fois la couverture du livre, cette couverture de cuivre sur laquelle la ponette grise se mit à pleurer. Sa chambre était silencieuse, dehors Ponyville silencieuse s'éveillait à peine. Les premières lueurs de l'aube venaient de percer, tout doucement, pour l'arracher à son lit. Elle gardait ses deux sabots sur le cuivre pour le garder fermé, et elle sentait sa tristesse s'éloigner, s'étouffer derrière ce sourire qui défiait le malheur par la simplicité. La jeune jument faisait face au jour sur ces espoirs brisés, avec courage.
Elle descendit dans la rue, alla trotter à ailes reposées écouter les premières rumeurs de la ville en éveil. Ponyville rayonnait de ce jour plus parfait que le jour passé, Ponyville ouvrait sa place centrale sur les ponts de la rivière et, à quelques distances du parc, sur l'office postal. Elle y arriva dans un souffle, se glissa par la porte dans le local vide pour revêtir sa tenue, fixer la casquette puis vérifier les listes de courrier.
« Derpy Hooves ! » Lança monsieur Zippy dans son dos. « Tu aurais dû faire plus de bruit, j'ai failli te manquer ! »
« Désolé » répondit la pégase sans comprendre son trait d'humour. « Je peux m'occuper des tournées pour Ponyville ? »
« Ah, c'est pour ça ! » S'exclama le vieil étalon. Il voulait dire, qu'elle était venue si tôt. « Fais donc ! »
Elle hocha la tête, signa le registre puis remplit les sacoches du courrier avant de sortir et, dans un battement d'ailes, de s'élancer dans les airs. À cette heure les nuages vagabondaient encore, vaguement libres, et elle pouvait se glisser parmi eux sans peine. La pégase fila au-dessus des chaumières, parmi les artères assoupies avant de tourner en arc au-dessus du Golden Oak, le grand chêne comme isolé de ce côté de Ponyville. Elle se posa sur une cheminée, en équilibre sur trois sabots pour le regarder, avant de repartir.
Sa première lettre était pour Berry Frost.
À l'instant où Derpy glissait la lettre dans la boîte aux lettres, la porte de Berry s'ouvrit et cette dernière s'approcha pour la saluer.
« Tu as entendu les rumeurs ? »
« Non ? » Se défendit Derpy un peu brusquement.
« Rainbow Dash vient d'approuver Sugarberry dans la patrouille du temps ! Sugarberry ! Elle n'a même pas d'ailes ! »
Derpy aurait voulu répondre quelque chose. Elle aurait voulu, vraiment, donner une réponse insouciante. Au lieu de cela elle garda le silence, sourit au sourire un peu moqueur et enjoué de Berry Frost. C'était douloureux, et quand elle plongea les yeux dans les yeux de son amie celle-ci sembla tressaillir, involontairement.
« Mais je parle, je parle ! Tu as encore ta tournée à faire ! »
La pégase grise hocha la tête, soulagée, laissa Berry rentrer chez elle pour se rendre compte qu'elle avait toujours la lettre pour cette dernière. Alors elle la mit dans la boîte aux lettres, soupira et s'apprêta à s'envoler quand un cri l'arrêta.
On l'appelait, du bout de la rue une jument qui galopait pour la rejoindre. Golden Harvest, et soudain l'expression de Derpy vacilla. Elle eut ce réflexe, alors que son amie était presque à côté d'elle, de demander pourquoi elle n'était pas avec Written Script.
« Comment le sais-tu ? »
La question de Golden était une accusation. Derpy recula d'un pas, balbutiant, les rumeurs allaient vite dans un village. Et elle recula encore quand la jument dorée se rapprocha, quand leurs deux regards fixés l'un sur l'autre se forçèrent.
« Derpy- » mais cette dernière s'empressa de dire qu'elle avait pris du retard, et d'un coup d'aile fila haut dans le ciel, loin de toutes ces questions. Dans la rue Golden Harvest frappa le sol d'exaspération, hurla le nom de son amie pour qu'elle revienne mais n'obtint qu'un grognement d'une des maisons aux volets fermés. Alors elle continua de contempler ce ciel où la pégase s'en était allée, et elle sentit son coeur se serrer un peu plus. Elle était restée pour ça, rien que pour ça ?
Elle s'éloignait déjà, la terrestre déçue tête basse arpentait les rues en direction de la bibliothèque. C'était sa destination depuis le départ, ce n'était qu'un accident qu'elle ait croisé Derpy. Alors elle ne devait pas se laisser abattre.
En approchant la jument ne put s'empêcher d'observer les buissons alentours, en quête d'une crinière rose et d'un crin blanc, d'un éclat de jumelles. Rien, alors elle approcha de la porte pour frapper. Il était tôt, sans doute qu'on ne la laisserait pas entrer. À la place la porte s'ouvrit d'emblée et elle tomba museau à museau avec Twinkleshine qui, la seconde de surprise passée, lui sauta au cou :
« Golden tu ne croiras jamais ce qui vient de se passer ! »
Elle le savait parfaitement. Chaque mot que son amie disait ne fit que la confirmer, comment Twilight avait abordée la licorne excentrique, comment elles s'étaient entendues puis, comment elle avait passé la nuit à la bibliothèque, à discuter livres et à regarder les étoiles, à jouer aux devinettes. Elles étaient meilleures amies désormais, et à présent elles jouaient aux échecs.
« Twinkleshine ? » Appela la voix de Twilight, curieuse.
« J'arrive ! » Et à Golden Harvest : « Au fait, tu voulais quelque chose ? »
Non, rien, murmura la jument avant de laisser la porte se refermer sur elle. Puis, la porte refermée, au contraire elle eut envie de hurler que oui, elle devait dire quelque chose, elle aurait dû tambouriner à la porte. Mais c'était trop tard et désormais cette porte lui semblait verrouillée, comme infranchissable. C'était si stupide, si stupide et pourtant, depuis le départ elle avait parfaitement compris ce qui se passait.
Et face à cette porte fermée, elle se sentit sans force.
Face à cette porte fermée elle se demanda s'il fallait arrêter ce qui se passait.
Face à cette porte fermée elle envisagea de laisser faire.
Derpy Hooves rentrée chez elle se dépêcha de remonter dans la chambre, jusqu'à son lit où, sous le coussin, se trouvait le livre à la couverture de cuivre. En le voyant son sourire s'effaça, s'effaçait, elle pesait de son sabot dessus et hésitait, longuement, à le rouvrir. Et puis les premiers mots de l'ouvrage lui revenaient, tels qu'elle les avait lus la première fois, et cela la décidait. Déjà son ongle soulevait les pages jusqu'au petit pli de sa lecture en cours. Le chapitre s'intitulait Lyra, et commençait par ce rappel.
« Ponyville était ce village joyeux où le jour plus parfait se succédait à un jour parfait. Pour la jument prisonnière, ces rumeurs de joie et de bonheur étaient terribles. En les entendant elle ne pouvait s'empêcher de les appeler à l'aide, pour qu'on la libère, et les rumeurs passaient en même temps que les sabots.
Pourquoi ne venait-on pas la délivrer ?
L'eau qui gouttait de la fente ne servait qu'à lui brûler la langue, et lui donner la force de supplier. Son ventre la tenaillait. Elle était épuisée. Et elle suppliait quand même, tant qu'il lui restait un souffle, pour que quelqu'un la trouve. »
