Résumé : (extrait) ¤ Ils gardaient leurs distances et pourtant, on aurait dit qu'ils étaient si proches. Les yeux rivés l'un vers l'autre sans qu'ils n'échangent un mot. Il se sentait mal à l'aise, comme si les regarder échanger leurs adieux avait quelque chose de malsain. Sa présence semblait de trop dans un moment si intime, un moment qui aurait dû n'être rien qu'à eux. Au bout d'un moment qu'il lui semblait être une éternité, l'Uchiha se détourna. « Itachi, » le rappela Sakura avant qu'il ne parte. Il poursuivit son chemin en lui tournant le dos mais ils savaient tous les trois qu'il l'avait entendu. « Merci, » murmura-t-elle avec sincérité. Il se raidit brusquement, comme s'il pensait ne plus jamais entendre ce mot. La seconde d'après, il avait disparu. ¤


Prologue

Pour beaucoup, le ninjutsu médical était considéré comme une branche inutile de la voie du ninja. Les ninjas étaient des armes, chaque fibre de leur être avait été conçue pour tuer. C'était la première règle du code ninja. Devenir un parfait outil pour servir les intérêts de son village. Les émotions étaient une faiblesse, l'excuse parfaite pour susciter l'indolence lorsque vint le moment où le meurtre paraissait injuste. Cette connaissance inculquée dès le berceau était à la base même du malaise évident qui divisait les ninjas depuis des années. La mort était une étape inévitable, pourquoi porter un quelconque intérêt à un combat entre la vie et la mort alors que la dernière finissait toujours par l'emporter. Quand le moment venait, les ninjas acceptaient leur propre défaite, résignés à abandonner parce qu'ils savaient que cela devait arriver, ils étaient nés pour ça et que rien ne pouvait changer ça. Ils méprisaient les autres, ceux qui, plutôt que de se soumettre, préféraient encore combattre de toutes leurs forces comme si leur art pouvait faire la différence.

Contrairement à ce que les autres pensaient, pour Sakura être ninja médecin ne signifiait pas seulement aider les autres, mais également s'aider soi-même. Kakashi lui avait assuré que tout irait bien, que tout allait redevenir comme avant, qu'il fallait juste du temps. Alors elle s'était assise sur le sol, sentant la terre s'adoucir et espérait de toutes ses forces que sa vie s'apaiserait elle aussi. Si les autres savaient ce qui les attendait lorsqu'ils étaient sur le point de perdre tout ce qu'ils aimaient, ils se battraient aussi pour ne pas le perdre. Le temps ne cicatrisait pas l'immense chagrin de perdre un être cher, il ne l'apaisait pas non plus. Alors elle avait continué d'errer, sa peur passant pour du courage. Et dans l'attente, elle avait réalisé qu'elle survivait. Quand elle l'avait réalisé, elle s'était demandé pourquoi.

Ses mots l'avaient aidé, en quelques sortes. Mais Sasuke continuait de la tourmenter même lorsqu'il ne lui restait aucune force pour souffrir. Peut-être que comme elle, Kakashi pensait pouvoir les sortir de ce cauchemar. Au lieu de cela, il l'y avait plongée. Il aurait dû lui dire la vérité, Sasuke n'avait qu'un but dans la vie et que leurs liens étaient oubliés depuis longtemps. Elle s'était installée sur ce banc, où elle savait que personne ne se préoccuperait de venir la chercher. Elle était venue à cet endroit qui, à ses yeux, ressemblait au feu de l'enfer, le malheur tombé sur Terre. Elle était venue ici, en fait, pour mourir. Le processus qui consistait à s'égarer pouvait sembler long et complexe à première vue, mais la plupart du temps ce n'était pas le cas. Deux pas hors du chemin, puis deux autres et tout à coup avoir l'air aussi perdu que si l'on avait été transporté dans un désert.

Le travail du ninja médecin consistait dans un premier temps à analyser les symptômes et en retrouver l'origine. Le travail du ninja médecin consistait à retrouver ces deux premiers pas, cette première erreur, ce détour fatal. Elle supposait que traquer une maladie ou une blessure, c'était la même chose que de traquer quelqu'un. Il fallait tout reprendre depuis le début, depuis le dernier repère. Mais cet endroit n'était pas vraiment idéal pour la première leçon d'une débutante. Les empreintes étaient bien trop légères pour être facilement décelée et les branchages cassées net, au milieu d'un cercle de traces très confuses décrivait à quel point ses espoirs étaient brisés. L'endroit où elle s'était assise, désespérée, où elle avait été prise de vertige, et où elle avait fini par se relever en titubant. « Merci », lui avait dit Sasuke avant de la laisser là.

On dit qu'il valait mieux avoir aimé et avoir tout perdu que de ne jamais avoir aimé. Mais pour Sakura, on pouvait dire aussi l'opposé. Lorsque ça s'applique à l'espoir et qu'on le perd. Elle avait découvert qu'avoir perdu espoir été pire que de ne jamais avoir eu d'espoir. C'est ainsi qu'elle avait commencé à se laisser mourir. La perte de Sasuke l'avait dévoré, le chagrin l'étranglait et parfois elle ne pouvait plus déglutir tant que ça faisait mal. Enfin, elle avait décidé que s'il fallait mourir, mieux valait le faire en se battant que de rester silencieuse, assise sur un banc.

Sakura était devenue ninja médecin pour être seule. Toutes ces heures de recherche, ces observations très précises, les efforts physiques, la douleur mentale très intense. Elle n'avait besoin de personne, personne ne pouvait l'aider. Ce fut une période de grande solitude, aucune distraction, aucune interruption, pas de visite. Des centaines d'heures face à elle-même, cherchant à découvrir des traces, des pistes quelconques et essayant de les suivre, dans n'importe quelles conditions, en plein jour ou dans l'obscurité. Elle avait suivi ses sujets de test, des rats, des chats, des moutons, des serpents et des cochons. Elle les suivait jusqu'à leur maison ou leur point d'eau, leur refuge, elle avait appris à reconnaitre les marques qu'ils laissaient sur le sol lorsqu'ils passaient, le goût de leur sang lorsqu'ils se blessaient.

Elle avait appris seule à suivre une piste, avant même que Tsunade ne le lui enseigne. Il n'y avait personne à cette époque et elle n'avait de toute façon rien d'autre à faire. Elle s'était de nouveau rendue sur le banc, puis elle avait lu un bouquin sur les bases de la médecine. L'enseignement nécessitait une approche approfondie des herbes en plus de l'anatomie. Sur le terrain parfois, il fallait se contenter de son environnement pour créer des remèdes, d'où l'intérêt de savoir où chercher. Il n'y a rien de magique ou d'instinctif lorsqu'on suit une piste, tout ce qu'il faut c'est de la patience, porter attention au moindre détail et accepter de passer beaucoup de temps dans la nature. En ce qui la concernait, la nature ne lui posait aucun problème, elle avait grandi en se cachant des regards dans une petite grotte concoctée par ses soins à l'aide de branchages et de feuilles. Pour la patience, elle avait d'avantage de difficulté.

Elle avait piétiné de l'herbe, mémorisé certains endroits puis revenait chaque jour pour observer les changements au fil des semaines.

Attacher de l'importance au moindre détail, ça c'était une qualité qu'on lui avait fait entrer de force dans la tête. Parfois une simple fièvre pouvait cacher un empoisonnement, un saignement de nez pouvait signifier une artère bouchée, une paralysie d'un membre masquait peut-être un parasite agissant contre le flux énergétique. Les interventions étaient longues et rigoureuses, les blessures pouvaient être superficielles comme fatales, des plaies sanguinolentes, des membres arrachés ou encore des corps dont la moitié des cellules étaient détruites et irremplaçables. C'était parfois des civils atteints de cette petite grippe qui traînait et qui mourraient de pneumonie, parfois des ninjas enchaînés par le code et qui, pour réussir leur mission, allaient jusqu'à se vider de leur sang. Rien ne pouvait garantir ce qui allait arriver, le plus petit détail pouvait être fatal. Aucun mot ne pouvait décrire ce qu'elle avait vu, mais elle l'avait vu et elle s'en souvenait.

Lorsqu'on est à la recherche de quelque chose, une maladie ou quelqu'un, le plus difficile est de trouver des signes de vie, on avance à l'aveuglette mais il est évident que si ce quelque chose ne se trouve pas là où il devrait être, ça veut dire qu'il a disparu et qu'il est parti, mais a forcément laissé des traces. En suivant ses traces, théoriquement on devrait croiser son chemin. Cependant, le problème c'est que même une trace parfaitement visible pouvait être difficile à identifier lorsqu'on tombait dessus et rien ne garantissait que cette trace soit la bonne mais l'on ne devait pas passé à côté. Il fallait parfois du temps avant de trouver ces traces. Le moindre accident, de la poussière éparpillé par exemple et on pouvait manquer la trace. Alors à partir de cet endroit, on s'éloignait d'elle et elle restait quelque part derrière, disparue à jamais, entraînant souvent la mort d'un patient. Sakura avait raté un jour la bonne trace et aujourd'hui c'était trop tard pour la retrouver.

En s'acharnant dans son apprentissage pour échapper aux gens, elle avait réalisé qu'en fait, elle les cherchait, qu'elle les recherchait de la façon la plus inimaginable. Elle suivait leurs traces, mais il y avait toujours cette arrière-pensée. Elle avait espoir qu'un jour, ces traces qu'elle suivait la mèneraient à Sasuke. Et qu'ils seraient de nouveau ensemble, réunis.

Etre ninja médecin signifiait pour elle appréhender d'autres gens, essayer de faire de son mieux pour les aider. Mais sans la moindre garantie qu'elle y arriverait, sans la moindre de chance de savoir s'ils vivront ou mourront, malgré tous ses efforts. Etre ninja médecin signifiait être prête à les aider, ça signifiait par-dessus tout pour elle s'asseoir tranquillement et observer sa propre existence, essayer de comprendre la signification de ses traces que nous laissons derrière nous en avançant dans la vie, regarder les souvenirs en face, affronter les craintes de plein fouet, admettre qu'il n'y a plus d'espoir et cependant continuer à vivre. En d'autres termes, apprendre à vivre avec soi-même. Etre ninja médecin l'aidait aussi à surmonter ce vide que ses compagnons avaient laissé en elle.

Le ninjutsu médical n'était pas une branche inutile. Cet art avait fait d'elle la personne qu'elle était aujourd'hui, une femme forte et talentueuse, gardant son sang-froid en toutes circonstances même lorsqu'elle tenait la vie d'un proche entre ses mains. Quand elle échouait, elle ne s'attardait pas sur son échec et continuait à s'entraîner jusqu'à ne plus la reproduire. Elle ne pouvait pas sauver tout le monde, elle n'était qu'humaine mais elle essayait et elle faisait de son mieux pour y parvenir. C'était la raison pour laquelle on la respectait. La raison pour laquelle, elle était la seule capable d'effectuer cette mission. Parce qu'elle n'abandonnait jamais.