Vies

« Il m'arrive souvent, du haut du ciel, d'observer

les hommes. J'aime prendre un morceau d'existence

en son cours, sans chercher ni le début, ni la fin,

sans chercher les causes, ni les conséquences.

Chaque fragment, pris en lui-même, a sa propre

valeur, porte en son sein son propre sens. Je m'amuse

à passer de l'un à l'autre, à savourer cette mosaïque

étrange qui se forme alors, donnant une couleur,

une saveur inattendue, surprenante, et souvent plus

signifiante qu'un tout cohérent. J'aime observer ces vies.

Voilà sans doute ce qui définit le mieux l'humanité.

Des vies. »

Mémoires de Gallach

Chapitre 1: Tour du monde

Du haut du palais céleste, Dendé observait le monde. C'était là une de ses occupations favorites. En tant que Dieu, il avait beaucoup de charges, parfois difficiles à porter. Mais ce matin, du moins c'était le matin du coté de la terre où il portait son regard, il avait envie de promener ses yeux divins pour prendre des nouvelles de ses amis. Il était rare pour un Dieu d'avoir autant d'amis, et il connaissait sa chance. Son prédécesseur, désormais en Piccolo, n'avait eu pour amis pendant la majeure partie de sa vie que Mister Popo et maître Karine. Mais les rencontres entre le Tout-Puissant, quel qu'il fût, et le Maître Chat n'avaient lieu qu'en de rares occasions, lorsque l'un ou l'autre franchissait l'espace qui séparait le sommet de la Tour Karine du Palais Céleste.

Depuis dix ans que Boo avait été éliminé, la Terre vivait en paix, hormis quelques conflits frontaliers, entre Terriens eux-mêmes, mais qui ne menaçaient pas l'équilibre de la planète. Dendé ne sentait aucun danger immédiat, qu'il vienne de l'espace ou de la Terre elle-même. Néanmoins, il le savait puisqu'il était Dieu, ses amis n'en avaient pas pour autant moins de problèmes. C'est pourquoi il observait du haut du monde la vie de ces gens si particuliers qui n'était pas devenue un long fleuve tranquille.

Son regard se tourna tout d'abord vers la Capitale de l'Ouest.


"Plus haut, Trunks, plus haut!"

"Hé, je fais c'que j'peux! Oh, et puis j'en ai marre, accroche la toi-même, cette fichue guirlande!"

"Oh, s'il te plait mon Trunkichou, essaye encore une fois"

Ah, non! Décidemment, il détestait quand elle faisait ça. Cette fichue expression avait à la fois le don de l'énerver et de le faire fondre. Il avait horreur du surnom qu'elle lui donnait, « Trunkichou », mais les yeux qu'elle lui faisait alors, ses grands yeux noirs pleins de tendresses et de promesses, là, impossible de résister.

"Ca va, ça va. Mais il n'y aurait pas autre chose qu'un tabouret? Je sais pas, un escabeau ou un truc comme ça. Quelque chose de plus haut, en tout cas. Parce que là, accrocher cette guirlande bras tendus sur la pointe des pieds et avec ce foutu fil qui me glisse entre les mains, c'est franchement pas facile."

Quelle idée, non mais quelle idée avait-il eu d'accepter de l'aider à organiser la Fête de l'Hiver pour le lycée. Mais voilà, depuis qu'il avait rencontré Pearl, en début d'année scolaire, il ne pouvait rien lui refuser. Et maintenant, lui, Trunks le Saiyen, un des guerrier les plus puissants de l'univers, qui avait combattu Boo, se retrouvait sur un tabouret posé sur un autre, un drôle d'édifice tremblant de toutes parts, obligé de se mettre sur une jambe pour assurer son équilibre, et tout ça pour accrocher une foutue guirlande qui lui retombait sans arrêt dans les yeux et qui lui glissait entre les mains.

"Ca va mieux comme ça?"

"Mggnnn...pfff...oui, oui," fit Trunks en repoussant d'un souffle la guirlande qui lui était encore tombée sur le visage.

Evidemment, Goten choisit ce moment pour entrer. Il dut s'agripper à la porte pour ne pas tomber à la renverse.

"Trunks! Mais qu'est-ce que... pffff... qu'est-ce que tu..." Sa question resta en suspens. Non, c'était trop, Sangoten ne put se retenir plus longtemps et éclata d'un fou rire plutôt nerveux. Trunks, malheureusement pour lui, se retourna un peu trop vivement, et l'édifice sommairement installé ne tint pas debout une minute de plus. Tout s'écroula dans un fracas infernal de craquement et de ferraille tordue, puis la guirlande se posa en douceur après avoir tranquillement plané quelques secondes.

"Trunks!" Le cri de Pearl avait fait autant de bruit que la chute de Trunks. Les quelques personnes qui aidaient à décorer la salle utilisée pour la fête s'étaient rapprochées, pour voir l'ampleur des dégâts. Goten, qui savait pertinemment que son ami n'avait rien, décida qu'il était plus sage de s'éclipser, s'il ne voulait pas passer un sale quart d'heure. De plus, il n'avait aucune envie de combattre, ce qui arriverait immanquablement, son ami ne supportant pas qu'on le rende ridicule devant Pearl.

Trunks se releva furieux, s'épousseta, puis voyant que tous avaient les yeux rivés sur lui dit: "C'est bon, c'est bon, j'ai rien de cassé!" Tous reprirent alors leurs activités normales, exceptée Pearl.

"Tu es sûr que ça va? Tu ne t'es pas fait mal?" lui demanda-t-elle, anxieuse.

"Non, non, je t'assure, je suis solide. Par contre, j'aimerais bien attraper Goten, j'ai deux ou trois petites choses à lui dire", dit-il, souriant sadiquement, et tournant la tête de tous les cotés. Mais il sentait l'énergie de Goten déjà au loin. Bah, il l'aurait bien demain. Pearl le sortit de ses pensées.

"Il est parti. Quand même, ça ne se fait pas."

"Oh, tu connais Goten, le tact, tout ça, c'est pas son fort."

Après un petit moment de silence entre eux, Trunks reprit la parole: "Bon, on l'accroche, cette guirlande?"


A quelques rues de là, Bulma rentrait tranquillement chez elle. Elle venait d'accompagner Bra à l'école, ce qu'elle n'avait pas fait depuis longtemps. Elle n'avait pas envie de travailler aujourd'hui, malgré la pile de projets qui l'attendaient. La fusion entre la Capsule Corporation et un grand laboratoire pharmaceutique, le projet spatial en vue d'un quelconque évènement astronomique qui excitait les scientifiques, la présentation du nouveau programme de sauvegarde des animaux initiés par son père, depuis sa confortable retraite…

Depuis quelques temps, elle se sentait fatiguée. Prendre cette journée de repos lui ferait le plus grand bien. Elle avait dit à Végéta qu'elle serait là toute la journée, mais elle doutait fort que son époux ait enregistré l'information, d'autant que quand elle s'était levé, il était déjà dans la salle de gravité. Il lui semblait ailleurs, ces temps-ci. Encore plus mystérieux que d'habitude. Elle ne le voyait quasiment pas. Le soir, elle dormait depuis plusieurs heures quand il la rejoignait, et le matin quand elle se levait, il n'était déjà plus là.

Un souffle de vent interrompit ses pensées. Elle se rendit alors compte qu'elle avait froid. Elle se frotta les épaules. Après tout, l'hiver allait bientôt arriver. Les rues étaient plutôt calme, d'ailleurs, même pour un hiver. Il n'était pas très tard. Elle n'avait pas l'habitude de sortir à cette heure. Elle arriva devant chez elle. Le système de sécurité l'identifia, et la porte s'ouvrit. Elle déposa son sac et son manteau, et se prépara à ne rien faire de la journée.


Enfin, il pouvait souffler. Il était fier de lui. Il venait de sauver une vie humaine. Il aimait faire ça. Il aimait son métier.

"Docteur!" Il n'eut pas plus de temps pour se reposer. "Un accidenté de la route en salle 24, docteur."

Il se leva. Juste le temps de changer de gants et de masque et il était reparti.


Un poing le cueillit sous le menton. Déstabilisé, il n'eut pas le temps de se redresser qu'un formidable coup de genou l'envoya s'écraser au sol. Il tenta de se relever, mais il sentit une puissante rafale d'énergie se diriger vers lui. Par réflexe, il se retourna, toujours allongé sur le sol. La vague déferlante fendait l'air à toute vitesse, et il sentait déjà la chaleur lui mordre le visage. Il savait qu'il ne pourrait pas l'encaisser. Il allait donc mourir. La chaleur et la lumière l'obligèrent à fermer les yeux. Il vit alors des images. Son maitre. Non, quelqu'un qui lui ressemblait. Emprisonné par des anneaux étranges. "Ca aussi c'est une technique à vous. Tu dois être content de te faire tuer comme ça." Instinctivement, il répéta les mouvements ancrés dans une partie profonde, mystérieuse et effrayante de son esprit.

"Quoi? Mais... quelle puissance!" Sangoku eut juste de le temps de se dégager. Oob avait repoussé son kaméha par un autre encore plus gigantesque. Goku avait été surpris par la puissance de l'énergie dégagée par son disciple, mais il savait qu'il allait repousser l'attaque. A chaque fois que Oob était acculé, il déployait une énergie formidable et insoupçonnée, un peu comme Sangohan enfant.

La plaine désertique était redevenue silencieuse. Le combat de titans semblait terminé, mais la terre était marquée par cet affrontement colossal. Dendé avait presque peur qu'un jour, ils détruisent la planète tant ils dégageaient d'énergie. Les yeux du Dieu de la Terre se promenèrent ensuite à la recherche de son compagnon, le seul autre Namek de cette planète.


Piccolo lévitait, près d'une cascade. Il était instinctivement attiré par l'eau. A chaque fois qu'il quittait le palais céleste, il s'arrêtait à un point d'eau. Il aimait le bruissement de la cascade, la lumière renvoyée par les ondes de la rivière. Mais ce qu'il aimait par dessus tout, c'était la méditation. Il savait que Dendé l'observait. Il avait, au fil des années, créé une complicité avec le jeune Dieu. Ils étaient les deux seuls Nameks de cette planète et ils se considéraient comme frères. Lui vivait la plupart de temps au palais, mais il ressentait quelque fois le besoin de communier avec la nature. En fusionnant avec Nail, sur la planète Namek, il avait compris le lien particulier que son peuple entretenait avec la nature. C'était depuis lors qu'il éprouvait ce besoin de méditer seul, entouré d'eau et de végétaux.

Il ouvrit soudain les yeux. Une grande puissance se déplaçait. Végéta.


Végéta volait depuis quelques minutes. Il devait être aux alentours de dix heures. La ville était en vue. Satancity. La ville de Satan. Quel crétin.

Pourtant, c'était bien lui que Végéta allait voir. Il se posa un peu à l'écart de la ville. Bulma lui avait répété des centaines de fois qu'il devait prendre des précautions. Bulma... elle lui avait parlé de quelque chose de spécial, hier, mais quoi? Tout en réfléchissant, Végéta s'aperçut qu'il arrivait devant la maison de Satan. Impossible de la rater. Elle était encore plus grande que la Capsule Corp. Il sonna. Un homme, sûrement un domestique, à voir son accoutrement ridicule, ouvrit la porte.

"Monsieur désire?"

"Voir Satan," fit Végéta d'un ton sec.

"Hum... monsieur Satan ne reçoit pas de visite et..." L'énervement commença à monter chez Végéta. Il saisit l'homme au col.

"Ecoute-moi bien, tu vas dire à Satan que je veux le voire sur le champ, et qu'il a interêt à rappliquer."

"B-b-bien, monsieur." Le domestique, visiblement apeuré, se précipita maladroitement vers l'escalier. Végéta entra. Une grande salle faisait office de hall. L'escalier par lequel était monté le domestique se situait au bout. A bien y réfléchir, il se dit qu'il avait peut-être été un peu brusque avec lui. Bulma risquait encore de lui faire la morale. Bulma... Mais qu'est-ce qu'elle avait bien pu lui dire?


On frappa à la porte. "Qu'est-ce que c'est?" Un domestique entra.

"Hum... Il y a un homme en bas qui désirerait vous voir. Il m'a -euh- fait comprendre que c'était très urgent." Satan remit son cigare dans sa bouche et appuya sur le bouton d'un moniteur en face de lui. L'écran s'alluma et il faillit perdre son cigare. Lui! Mais qu'est-ce qu'il faisait là? Il allait sans doute le tuer! Et Boo qui n'était pas là. Que faire, mais que faire? Soudain, il eut un éclair. Il brancha le haut-parleur.

"Ici Satan. Que veux-tu, mon cher ami?" Sa voix masquait mal sa crainte.

Végéta avait horreur de parler à quelqu'un qu'il ne voyait pas, et d'autant plus à quelqu'un qui se disait être son ami. Il décida de garder son calme. "C'est bien toi qui organise le tournoi d'art martiaux, non?" dit-il d'un ton neutre.

"Ou-oui, oui."

"Quand aura lieu le prochain?"

"Ben, dans trois ans." Trois ans. Il lui faudrait trois ans avant de se battre sérieusement contre Carot. A moins que cet imbécile ne s'enfuit encore, pensa-t-il en se dirigeant vers la sortie.

"Ah, une dernière chose," fit-il en se retournant. Il émit un petit rayon d'énergie qui alla exploser la caméra. "Ne m'appelle plus jamais ton ami." Sur ce, il sortit dans la rue, laissant Satan à son soulagement.

Il fit le point. Trunks était au lycée. Il n'avait pas cours mais il devait préparer une fête, ou quelque chose du genre. Végéta aurait nettement préféré qu'il reste s'entraîner avec lui. Tout comme Goten, Trunks ne s'entrainait pas sérieusement. La preuve, au dernier tournoi, Trunks n'avait pas tenu bien longtemps contre lui, et Goten s'était fait balayé par Boo. Ils allaient finir comme Sangohan, tous les deux. Ensuite, Bra elle aussi était à l'école. Ces derniers temps, elle lui avait demandé de lui apprendre à voler. Ils avaient déjà fait deux séances d'entraînement pour qu'elle apprenne à canaliser son énergie. Elle avait vite compris, mais elle ne la contrôlait pas encore très bien. Quant à Bulma, elle... mais oui, c'est ça, elle devait rester à la maison! Ils seraient seuls. A cette pensée, une foule d'idée agréable submergea Végéta. Il décolla et redoubla son allure.


Goten se baladait tranquillement en ville. Il devait être dix heures. Il n'avait pas cours de la journée. Trunks était parti aider à la préparation de la fête de l'hiver, à la demande de sa petite amie. Il lui avait demandé de passer, ce qu'il avait fait. Mais vu la tournure que les évènements avaient pris, il avait préféré s'en aller discrètement. Enfin, discrètement… façon de parler…

Il faisait froid, mais les rues du centre ville étaient animées, comme tout au long de l'année. Soudain, une voiture le dépassa, freina, puis recula pour s'arrêter à sa hauteur. La vitre s'ouvrit.

"Hey, Goten, comment vas-tu?" C'était Yamcha.

"Bien, et toi?" Il appréciait Yamcha pour sa décontraction naturelle.

"Ben, ma foi. Tu n'as pas cours?"

"Non, pas aujourd'hui."

"Tu veux prendre un café?"

"Pourquoi pas?"

"Allez, monte!"

La voiture de Yamcha était une voiture de sport rouge vif. Il savait que le vieil ami de son père, pour gagner un peu d'argent, s'était engagé dans une équipe de base-ball qui était assez bien cotée. Malgré ses cinquante ans passés, Yamcha faisait beaucoup plus jeune. C'était certainement dû aux arts martiaux. Quand Goten avait appris que Tortue Géniale avait plus de trois cent ans...

"On s'arrête là?"

"Comme tu veux."

Ils descendirent et entrèrent dans le bar. Ils prirent place à une table, l'un en face de l'autre. Yamcha engagea la conversation.

"Alors, comment ça va chez toi? Quand même, on s'est pas vu depuis le diner après le tournoi, ça doit bien faire six mois."

"Ouais, c'est vrai..." Goten soupira. "Ca va pas trop mal. Maman cuisine pour se remonter le moral, Videl essaie de la soutenir, Pan, tout ça, ça lui passe au-dessus de la tête, et Gohan part tôt le matin et rentre tard le soir." Yamcha sentit la pointe de tristesse dans la voix de Goten.

"Tu es le seul homme à la maison, quoi", sourit Yamcha. "Ta mère ne vit donc pas très bien le départ de ton père?"

"Ouais, c'est le moins qu'on puisse dire."

"Il n'a jamais été très adroit pour ce genre de choses. Il a un sens des priorités qui n'est pas celui du commun des mortels…" Un petit silence suivit. Yamcha avait nettement remarqué l'amertume de Sangoten.

"Bon, on va pas faire l'inventaire des problèmes familiaux", dit Goten, soudain enhardi. "Toi, ça va?"

"Ben, écoute. J'ai une occupation sympa, qui me permet en plus de gagner ma vie, une belle voiture et..." Yamcha baissa la tête. Ce fut autour de Goten de sentir la tristesse de Yamcha. "Et les filles, Goten? Ca marche?" demanda-t-il, relevant la tête, le sourire revenu.

Goten rougit imperceptiblement. "Ca va, ça vient." Il y eu un petit moment de silence, pendant lequel un serveur arriva et prit les commandes, avant que Goten ne reprenne la parole. "Au fait, Plume n'est pas avec toi?"

"Non, il a préféré rester à la maison ce matin. Je crois qu'il a chopé un rhume. Sinon, tu as des nouvelles des autres?"

"Ben, la petite famille de Bulma se porte bien. J'ai vu Krilin à la sortie du lycée, il y a à peu près une semaine, il avait l'air de se porter à merveille, et puis..." Il réfléchit. "Ben j'ai pas revu les autres depuis le tournoi." Le serveur apporta les deux tasses.

"Merci." Un nouveau silence suivit. Une petite voix s'éleva alors. "Sangoten?" L'interpelé se retourna. "Salut!"

C'était une fille de sa classe, une blonde assez fluette arrivée en début d'année. "Salut Ani! Qu'est-ce que tu fais là?" lui demanda-t-il.

"La même chose que toi. On n'a pas cours alors je flâne."

"Euh... Yamcha, j'te présente Ani, une fille de ma classe. Ani, Yamcha, un ami de la famille."

"Enchantée," fit Ani, inclinant la tête avec un sourire radieux.

"De même," sourit Yamcha.

"Heu... Je peux?" hésita Ani en montrant une chaise.

"Bien sûr," acquiesça Yamcha.

Une nouvelle conversation s'engagea alors, aux sujets classiques comme le temps ou l'école. Le courant passait très bien entre Ani et Yamcha, qui n'étaient pas du tout intimidés l'un ou l'autre. Puis ils se séparèrent, après que Yamcha ait insisté pour payer l'addition. Il reprit sa voiture et démarra après avoir fait un clin d'oeil à Goten, qui rougit une fois de plus.

"Il est sympa. Tu le connais d'où?" demanda Ani.

"Oh, c'est un ami de mon père. Ca doit bien faire quarante ans qu'ils se connaissent."

"Il ne fait pas si vieux." Goten inclina la tête. "Qu'est-ce que tu vas faire?" demanda Ani, le fixant de ses grands yeux bleus.

"Ben, je sais pas, il est quelle heure?"

"Onze heures dix," répondit Ani.

"Bah, rien de spécial. Faut juste que je rentre vers midi."

"On se balade ensemble?" demanda Ani pleine d'espoir.

"Si tu veux." Goten ne la connaissait pas très bien. Elle n'était dans sa classe que depuis cette année, et depuis que son père était parti, il lui fallait bien avouer qu'il n'avait pas trop le moral. Il était sorti avec deux ou trois filles depuis le mois de septembre, mais rien de très sérieux. Des filles superficielles, pour passer le temps. Des relations sans lendemain, qui avaient l'avantage non négligeables de n'apporter ni tracasserie ni responsabilité, à condition que les choses soient claires dès le début, pour lui comme pour sa partenaire. Ani, avec l'éternel optimisme qu'elle semblait trimballer, avec son air de petite fille sage et ses notes sans faille au lycée, ne correspondait pas vraiment à ce tableau, c'est pourquoi Goten, après un bref examen, l'avait rangé dans la catégorie « simples connaissances ».

Pendant qu'ils marchaient dans la rue et qu'Ani faisait à elle seule la conversation, Goten réfléchissait à sa discussion avec Yamcha. Elle lui avait fait du bien. Il avait senti autant d'amertume chez Yamcha que chez lui. Peut-être qu'ils devraient parler plus souvent. Perdu dans ses pensées, Goten ne remarqua même pas qu'Ani avait passé son bras autour du sien.


Les cartons s'empilaient dans une sorte d'énorme valise. Tortue Géniale, près de la porte, semblait essuyer une larme sous ses lunettes de soleil. Krilin se demandait s'il était sincère ou s'il simulait. Avec le vieux maître, impossible de savoir. Depuis que lui et C18 avaient décidé de déménager, Tortue Géniale semblait avoir le coeur brisé. Néanmoins, c'était bien lui la cause, quoiqu'indirecte, de ce déménagement. C18 trouvait qu'il s'approchait un peu trop de Maron, depuis quelques temps. Krilin avait bien du se rendre à l'évidence. Sa fille devenait une femme, et l'environnement ici n'était pas des plus sains.

Krilin lui aussi se sentait le coeur serré. Il avait vécu ici presque toute sa vie, depuis qu'il avait quitté son temple. Il avait connu de très bon moment, et il avait l'impression de laisser une partie de son passé ici. D'autant plus que, il s'en était rendu compte, en vieillissant, il devenait de plus en plus nostalgique. Les batailles aux cotés de Sangoku lui manquaient. Mais il fallait bien se rendre à l'évidence. L'ère des combats était terminé, il était désormais marié, et il avait une fille qui était presqu'une femme.

Les paquets étaient terminés. C18 appuya sur un petit bouton placé sur la valise, et le principe de miniaturisation fit son effet; tout ne tenait plus que dans une petite capsule. Après des adieux difficiles à Tortue Géniale qui jouait de plus en plus la comédie, c'était cette fois certain, et à la tortue et Oolon avec qui ils avaient habité durant des années, Krilin et C18 montèrent dans leur jet flyer, que Bulma avait conçu spécialement pour eux. C'était un véritable petit bijou de technologie, puisqu'il leur permettait de déposer Maron au lycée à la capitale de l'Ouest, à quelques centaines de kilomètres de là. Et dire qu'il y avait peu, il ne se déplaçait quasiment qu'en volant…

Krilin jeta un dernier regard à la maison et l'île où il avait tant vécu, puis sourit à son maître. "Allez, on passera vous voir régulièrement!"

Après le décollage, le vieux maitre, sa tortue et Oolon leur firent de grands signes jusqu'à ce qu'ils disparaissent à l'horizon. Puis Tortue Géniale prit la parole: "Bon, c'est l'heure de mon émission!"


Quand Végéta était arrivé, Bulma n'était pas là. Bizarre, pourtant elle lui avait bien dit qu'elle ne travaillerait pas de la journée. Il s'était concentré pour la retrouver, et l'avait localisé chez Carot. Il n'avait pas envie d'aller là-bas. Finalement, il s'entrainerait, tant pis pour elle.

Attrapant une pomme dans la coupelle, sur la table du salon, il prit la direction des escaliers. Croquant le fruit à pleines dents, il rejoignit sa salle spéciale d'entraînement, au dernier étage de la Capsule. Bulma et son père y avaient, au fil des années, ajouté de nombreuses innovations techniques, au gré de ses désidératas. Les derniers en date étaient tous orientés en vue d'une prochaine confrontation avec Carot.

Depuis Boo, les années s'étaient écoulées tranquillement. Pour la seconde fois, après avoir été tué par Freezer sur Namek et ressuscité sur Terre, Végéta avait connu l'expérience de la mort. La différence majeure avait été le sens de cette deuxième mort. Sur Namek, il avait été abattu par un ennemi surpuissant, mais aussi et surtout par son propre désespoir de ne pas être en mesure de devenir le Super Saiyen. Il avait appris, de cette douleur expérience, de nombreuses leçons qui avaient réorienté sa conception du combat. Il était devenir Super Saiyen à son tour, anéantissant l'idée mythique affirmant qu'il n'existait qu'un guerrier légendaire par millénaire. Cela n'avait été qu'une étape dans la longue et lente démythification de son peuple et de ce qu'il représentait.

Quelque part, il devait bien l'accepter, il était devenu Terrien. Pas tout à fait, il ne serait jamais comme tous ces paysans faiblards, ces citadins frêles qui ne savaient plus utiliser leurs propres capacités, mais comptaient sans cesse sur celles des autres. Pourtant, c'était pour eux qu'il était mort une seconde fois. Pour eux qu'il s'était sacrifié dans une tentative désespérée d'anéantir Boo. Et de racheter quelque chose. Il n'avait jamais vraiment su quoi. Son passé? Ses erreurs? Lui-même peinait à distinguer, dans son passé chaotique, ce qui relevait d'erreurs ou non.

En fait, ce sacrifice, il l'avait fait pour Trunks et pour Bulma. Pas parce que cette Terre avait de la valeur à ses yeux à lui, mais parce qu'elle y était attachée, profondément, par des liens qu'il ne comprenait pas encore tout à fait, mais dont il avait su, à mesure des années, reconnaître la puissance. Comme un étrange écho de ce qui, autrefois, le rattachait lui-même à son propre peuple, à sa propre culture…

Le sas s'ouvrit et se referma. Presque instantanément, la gravité choisie par Végéta se fit sentir. Jetant le trognon de pomme dans un coin, le Saiyen commença son entraînement. Carot lui devait un combat. Un vrai. C'était la seule motivation qui l'avait fait s'inscrire à ce stupide tournoi, quelques mois plutôt. Et cet imbécile de Carot s'était éclipsé avec ce gamin dont il jurait qu'il était plus puissant qu'eux tous réunis.

Ce qui restait à prouver, tant que Végéta ne l'avait pas affronté. Mais pour l'heure, ce gosse n'était qu'au second plan de ses pensées. Carot semblait ne plus vouloir se battre que lors de ces festivités terriennes fades et ridicules, bien loin des combats d'arènes de la planète Végéta. Fort bien. Alors il attendrait.

Il attendait ce combat depuis si longtemps. Trois années de plus ne serait pas bien difficiles à supporter…


Bulma avait finalement décidé d'aller rendre visite à Chichi. Son amie ne vivait pas très bien le départ de Sangoku, elle le savait. Quand elle était arrivée, Videl lui avait ouvert la porte de la maison voisine où elle vivait avec Sangohan. Elle lui avait expliqué que Chichi était allée faire des courses pour le seul Saiyen qui vivait encore avec elle, Sangoten. Videl, elle, avait déjà pris ses congés hivernaux.

Elle était donc depuis environ deux heures à discuter avec Videl devant un café, des enfants, du dernier tournoi et de leurs maris respectifs.

"Végéta a le don de m'énerver, parfois. Hier, je lui dis que je reste là toute la journée d'aujourd'hui. Quand je me lève, il est dans sa fichue salle d'entraînement, avec une gravité telle que, bien sûr, je ne peux pas entrer sous peine de me faire écraser au sol. Je fais déjeuner Bra, je l'emmène à l'école, et quand je reviens, il est parti en vadrouille je ne sais pas où!" Bulma fulminait littéralement. Videl ne l'avait pas vue ainsi depuis un certain temps. Végéta l'agaçait souvent, mais la plupart du temps, Videl ne pouvait s'empêcher de penser que c'était aussi ce qui plaisait à Bulma chez le Saiyen. Rien de tout cela cette fois ci. C'était une Bulma bouillonnante de rage qu'elle avait en face d'elle. Et les griefs contre les époux, elle connaissait…

"Oh, tu sais, ça doit être les Saiyens. Le mien passe ses journées à l'hôpital. Il y a toujours quelqu'un à sauver, parait-il. Et le pire, c'est que je ne peux pas lui en vouloir… Mais c'est vrai que parfois, j'aimerais que ce soit moi qu'il sauve, pour changer… Enfin, il s'occupe de Pan, c'est au moins ça de pris."

"Le mien aussi s'occupe de sa fille. Ca me surprend, d'ailleurs. Il a entrepris de lui apprendre à voler. Je ne sais pas trop si cette lubie vient d'elle ou de lui…" Videl ne put s'empêcher de sourire. Elle était bien placée pour savoir que leurs fills, les meilleures amies du monde, avaient parfois de drôles d'idées qui leur passaient pas la tête. "Et Goku? Vous avez des nouvelles?"

"Non. On ne sait même pas s'il va venir pour les fêtes."

"Il ne changera jamais." Elle soupira. "On ne les changera jamais."

"Oui, mais c'est comme ça qu'on les aime."

Bulma sourit. Oui, après tout c'était vrai. Videl voyait le bon coté de la chose. Elle appréciait beaucoup la belle fille de Chichi. Elle était courageuse, d'un soutien sans faille, quelle que soit la situation. Elle s'était naturellement rapprochée avec les années, leurs filles passant le plus clair de leur temps ensemble.


"Tu crois que c'est quoi?"

"J'en sais rien."

"Ils sont mignons. Qu'est-ce qu'on fait?"

"On peut pas les laisser là. Tu prends celui là, je prends l'autre."

"Super!"

"Il faut pas que les maîtresses les voit, sinon on va se les faire confisquer."

"D'accord." La sonnerie retentit. Les deux fillettes prirent délicatement les deux mystérieuses boules de poils qu'elles avaient trouvé, et les placèrent au fond de leur sac. Elles entrèrent tranquillement dans la salle de classe en se jetant des regards complices.


Voilà, Dendé avait fait le tour de ses amis. Pas tous, effectivement. Il n'avait jamais pu retrouver Ten Shin Han et son ami Chaozu. Chaque fois qu'il les recherchait, il se heurtait à une sorte de brouillard. Cela n'avait rien d'inquiétant, il n'y ressentait aucun danger. Un mystère qu'il lui faudrait éclaircir un jour, mais il sentait obscurément que rien ne pressait. Que chaque chose devait venir en son temps.