Le prince et la chauve-souris
Ce qui était un simple documentaire animalier est en train de prendre de l'ampleur. Rien ne sera sérieux ici bien entendu. C'est que pour rire LOL. Ceci dit, passé le très court acte 1, il y a une vraie histoire de Batman. Si si, j'vous l'jure !
Acte I - Scène 1 : Le début de la fin
Dans la forêt qui s'étend derrière le manoir Wayne, une masse sombre fuie l'aube et ondule vers les ténèbres rassurantes. Dans les profondeurs des cavernes, les chauves-souris épuisées mais repues s'endorment à peine leurs griffes fixées à leur habituel point d'ancrage. Toutes? Non. Pour une étrange raison, deux conversent. Une discussion hautement philosophique entre chien et loup et deux nettoyages d'ailes à coup de langue râpeuse.
« Tu ne dors pas? » dit une grande velue longiligne.
« Non. Et toi? » répond la petite.
« De toute évidence... » soupire la grande.
« C'est quoi ta raison? » demande la petite.
« Sans doute la même que la tienne, » suggère la grande.
« Ah. Tu m'en vois navrée, » déplore la petite.
« Vraiment? C'est gentil de ta part, » s'étonne la grande.
« Y a pas de quoi, » ricane la petite.
Le sol se met à trembler et interrompt l'échange. Un grondement familier s'amplifie et quelques secondes plus tard, les parois granitiques ruisselantes d'eau de pluie se mettent à scintiller de mille feux sous les phares de la culbuteuse.
Clac. Clac.
Deux petits coups secs éclatent. Un bruit d'étoffe qu'on froisse, puis qu'on déchire tel un vulgaire tissu. Un cri suraigu – inaudible – résonne. Il accompagne la chute rapide d'une petite masse noire. L'impact, dur, expurge tout l'air de ses poumons. La douleur brûle. Sonnée par le choc, la grande bête rebondit, roule sur le granite râpeux et froid avant de s'immobiliser, à moitié immergée dans une flaque d'eau saumâtre. Le liquide qui s'infiltre dans ses narines déclenche instantanément un réflexe de survie. Dans un dernier sursaut, elle tente de se redresser sur ses pattes broyées, prenant appui sur ses avant-bras. Avec effroi, elle découvre alors ses ailes en lambeaux. Une douleur aiguë lui transperce autant le corps que l'âme. Elle s'effondre. À l'agonie, elle lève une dernière fois ses yeux noirs terrifiés vers les cieux alors qu'une étrange lueur blanche illumine les fines gouttelettes d'eau en suspension au-dessus d'elle.
Squitch.
La culbuteuse s'immobilise, un mélange de viscères et de poils sanguinolents incrustés dans les larges sillons en forme de Y du pneu avant droit.
La portière s'ouvre et l'imposante silhouette de Batman apparaît.
Dans l'air humide et frigorifiant, la diabolique se laisse planer d'extase, retenant avec peine un petit rire sadique. Faisant claquer ses ailes, elle se met à virevolter au-dessus de sa tête avant de se poser tout en douceur sur son épaule.
Son coeur bat à la chamade : il vient de lui offrir son doigt ! À elle ! ELLE !
La chauve-souris y grimpe immédiatement. Ses pupilles exultent d'une joie viscérale et sanguinaire lorsqu'elle sent ses petites griffes s'enfoncer dans le kevlar.
« Tient, c'est curieux. J'aurai juré que tu étais plus grande hier... »
« C'est pas la taille qui compte, » réplique l'imposteur, en se laissant balancer la tête vers le bas.
Elle jette alors un coup d'oeil aussi tranchant qu'un silex à ses congénères endormies.
"Il est à moi ! À MOI ! S'il y en a une qui tente de l'approcher, je lui lacère le patagium* et la broie comme un vulgaire rat**!" hurle-t-elle alors que Batman lui gratte affectueusement la tête.
* La membrane des ailes. Une chauve-souris aussi savante que celle-ci ne peut qu'utiliser le vrai mot LOL.
** C'est bien connu, les chauve-souris n'éprouvent que le plus grand mépris pour ces minables mammifères nocturnes incapables de voler.
NdA: Tenez-vous vraiment à connaître la suite ?
