Au Manoir Kamelott, malgré tout ce que l'on pourrait penser, la vie est très calme. Terriblement calme, même. Mais tout a évolué depuis l'arrivée de la jeune Eve Campbell, simple domestique, et absolument pas issue de ce monde. Qui aurait pu penser qu'une simple humaine puisse autant se lier avec de Noahs ?

Famille

Tricia sentait un changement dans l'air depuis quelques temps. Le Manoir et ses occupants semblaient… différents. Pas d'une mauvaise façon, non ! Mais quelque chose… de nouveau. Comme une brise nouvelle qui amène un air pur.

Il y avait une semaine à peine, le 3 janvier 1885, elle était sortie accueillir son mari et sa fille à l'entrée du Manoir, l'un et l'autre revenant du travail et de l'école. Cela ne semblait pas une si grande tâche en soit, mais avec sa santé fragile, tout devenait plus difficile. Le parc était complètement blanc, les branches des arbres lourdes sous le poids de la neige, et chacun de ses pas était ralenti par cette froidure brillante. Le Manoir, derrière elle, disparut entre les arbres alors qu'elle savait se rapprocher de plus en plus de l'entrée du Domaine.

Imaginer le sourire de Road, la tendresse dans le regard de Sheryl, la joie rayonnant des membres de sa famille… vraiment, c'est tout ce que Tricia souhaitait jamais jusqu'à sa mort.

Le froid de l'hiver rendait chaque respiration comme un feu glacé dans sa gorge, mais rien qui ne puisse la dissuader dans son projet. Heureusement, sa cape de fourrure blanche, bien chaude, empêchait tout autre outrage que la température d'hiver aurait pu faire.

Tricia arriva dans une clairière, assez large pour voir le ciel bleu pâle de janvier, mais assez petite pour qu'un des arbres à l'orée, en tombant, ait rejoint le centre. Puis elle réalisa avec surprise son souffle rendu court par tant d'efforts, et décida de s'arrêter pendant quelques instants afin de récupérer.

Certes, son mari et sa fille seront contents de la voir au portail à leur arrivée, mais ce n'était pas une raison pour les inquiéter en la voyant si épuisée.

S'asseyant sur le tronc renversé devenu humide par ce temps froid, Tricia s'appliqua à calmer sa respiration. Mais plus les minutes passèrent, plus son souffle devenait laborieux, envoyant dans l'atmosphère des petits nuages de buée. Une quinte de toux la prit, empirant encore le rythme de ses inspirations, et bientôt Tricia ne put plus s'arrêter, recherchant désespérant de l'air entre chaque expiration forcée.

Toute idée de son projet avait disparu : juste la pensée de l'inquiétude de sa famille à son retour suffisait à la dissuader de vouloir aller jusqu'à l'entrée. Mais avant ça, il fallait vraiment que cette crise passe.

Tricia sentit une main se poser dans son dos et frotter doucement, comme pour la calmer. Entre ses lourdes inspirations, elle releva la tête pour découvrir la propriétaire de cette main. La jeune fille lui renvoya un regard inquiet, tout en continuant ses mouvements dans son dos. Après quelques minutes passées à tousser et se calmer, la crise sembla enfin s'apaiser, et Tricia inspira calmement. Elle releva enfin la tête en direction de la jeune blonde, et lui adressa un timide sourire de remerciement.

« Vous allez mieux ?

-Oui, merci » dit Tricia en se redressant, s'accrochant à la main de la jeune fille pour ne pas retomber sous le coup de la fatigue. « Je m'excuse, je semble avoir eu une crise, je pensais pourtant pouvoir au moins aller jusqu'à l'entrée… »

Elle soupira avec tristesse. Il ne fallait pas se faire d'illusions : tenter d'aller jusqu'au portail, avec sa santé vacillante et surtout maintenant après une crise, était peine perdue. Comme elle le disait, il valait mieux ne pas inquiéter sa famille. Tricia ferait tout pour rendre sa famille heureuse après tout.

« Il n'y a pas de problèmes. Vous voulez que je vous accompagne au Manoir ? » demanda la jeune fille, avec un soupçon d'espoir dans la voix.

Tricia fut surprise quelques instants, ne s'attendant pas à une telle offre, puis acquiesça en souriant.

-oOo-

Et c'est ainsi que, une semaine après, Tricia se fit réveiller par cette même jeune fille, Eve Campbell. Le court moment passé sur le chemin du retour au Manoir avait été très agréable. Tout en discutant, Tricia avait été intriguée par cette jeune dont l'anglais maladroit était accompagné d'un bel accent français, et bien que ses paroles étaient loin de faire preuve d'une grammaire parfaite, les pensées derrière étaient dotées d'une sincérité presque enfantine.

Elle en avait parlé à son mari, qui, voyant son intérêt, lui avait tout simplement proposé d'en faire sa dame de compagnie.

Et c'est ainsi que durant cette semaine, elle avait découvert bien des choses sur la jeune fille, étranges pour la plupart, mais purement « Eve ». Eve lui avait raconté avoir perdu la mémoire, mais qu'elle savait quelques petites choses par-ci par-là, elle lui avait aussi parlé de son origine française, ainsi que quelques anecdotes et références parfois incompréhensibles, mais tout de même amusantes. En résumé, Eve était une personne de contradictions. Elle savait mal les règles de bienséance mais savait tout de même se tenir et bien parler. Elle était aussi assez impudique, mais elle savait tout de même montrer son respect aux personnes plus âgées et expérimentées.

Mais quoi qu'il en soit, il y avait une chose dont Eve ne parlait jamais : sa famille. Tricia ne savait pas si c'était à cause de son amnésie, ou pour une autre raison. Peut-être que ça faisait trop mal d'y penser.

« Eve ? »

Elles étaient toutes deux dans le salon à se réchauffer au coin du feu. La jeune fille lisait calmement un livre tandis que la maitresse de maison buvait une tisane tout en fixant des yeux le bois se faire consumer.

« Te souviens-tu de ta famille ? »

Eve releva la tête de son roman et regarda le profil de Tricia, rendu légèrement rougeoyant par les flammes. Elle baissa les yeux, semblant réfléchir, puis ferma lentement son livre, ainsi que ses yeux.

« Oui. »

Elle les rouvrit pour fixer à son tour les braises.

« J'ai un frère et une sœur, plus vieux que moi. J'ai mes parents, aussi, bien entendu. Enfin… j'avais. » finit-elle avec une voix faible et triste.

Eve avait l'air incapable de détacher son regard du petit brasier devant elle, peut-être un moyen pour ne pas se laisser aller aux émotions.

« Je… je n'ai pas envie d'en parler. »

Tricia afficha un sourire triste. Évidemment que c'était difficile. Il en était de même pour elle : sa famille était toute sa vie ! Que serait-elle sans Road et Sheryl ? Avec sa santé fragile, elle était souvent cloîtrée à l'intérieur, et que seraient ses journées, si elles n'avaient aucun but ? Se lever tous les matins dans les bras de son époux, observer la mine joyeuse de sa fille adoptive alors qu'elle se préparait pour aller à l'école, attendre toute la journée à fixer la pendule, espérant que le soir viendra plus vite, pour qu'elle puisse les voir…

Non, une vie sans sa famille ne serait pas une vie.

« Sheryl et Road sont toute ma vie. Je ne saurai pas quoi faire sans eux. »

La jeune fille à ses côtés lui jeta un regard surpris, ne s'étant sûrement pas attendue à ce qu'elle se mette à parler.

« Juste imaginer les voir disparaître un jour… je ne sais même pas si mon cœur tiendrait. Liés par le sang ou non, une famille… c'est comme un gigantesque tissage. Il y a tous ces liens qui nous unissent, des liens plus ou moins épais, plus ou moins forts, mais des liens tout de même. La famille, c'est les gens dont nous avons envie de tirer sur les liens, juste pour les rapprocher de nous et qu'ils ne nous quittent plus jamais. Mais quand ils s'éloignent… le lien n'est pas défait pour autant. »

Tricia croisa le regard captivé de sa jeune dame de compagnie. Les pupilles bleu-grises brillaient de tristesse, de mélancolie, de réconfort et de soulagement, mélangés tous à la fois.

« La corde est juste devenue plus longue, mais elle n'en est pas moins forte. Et aucune personne sur Terre n'atteindra la limite de liens. Tu peux avoir autant de liens qu'il y a de place dans ton cœur. Et qui sait ? Peut-être qu'un jour, tu retrouveras ta famille. Ou tu trouveras quelqu'un de spécial, pour qui tu seras prête à tisser un lien plus fort que tous. »

Eve lui adressa un pâle sourire, mais remplit de reconnaissance.

« Merci… »

Tricia se fit un sourire rayonnant, et saisissant la main de la jeune fille dans la sienne, elle la serra dans un geste chaleureux.

« Et puis, je suis une mère qui n'a rien à faire en journée ! Pourquoi ne pas en profiter tant que mon mari et ma fille ne sont pas là ? Je t'assure que je ne suis pas une mauvaise mère ! »

Deux rires retentirent dans le salon. Oui, une famille n'est pas seulement de sang, elle peut être aussi de cœur.

Hello, tout le monde, ici Elogane aux commandes ! Ceci est ma participation au fabuleux (hum hum) concours d'Ennael ! Pour ceux qui ne savent pas, Ennael est une auteure de FFnet qui écrit en ce moment 2 belles fics sur Dgm : Une Année Pour Vivre (crossover Dgm x HP), et Nuancer le Noir ! Et évidemment, vous avez tous compris que cet OS à chapitre (très contradictoire toute cette histoire... appelons plutôt ça un recueil d'OS) est dédié à Nuancer le Noir, et centré sur le personnage d'Eve ! Mais du point de vue des autres, ça serait pas drôle après tout... Bref, attendez-vous prochainement à rencontrer Sheryl, Road, les Jasdebi, Allen et Tyki ! Et peut-être encore d'autres à l'avenir...

À Ennael : je t'autorise à me taper. Parce que je suis trèèèèès en retard, c'est inexcusable. Je ne sais pas si on te l'a dit sur Discord, mais ça devait être un moment où je n'étais pas là, mais bref... JOYEUX ANNIVERSAIIIIIIRE ! J'en profite pour faire de ces OS mon cadeau d'anniv et j'espère que tu en es heureuse ! (surtout que ça fait 2 participations à ton projet de fanart du coup...)

Voili-voilou ! Rendez-vous... je sais pas quand en fait, mais plus tard ! Bye !