Bonjour/bonsoir à vous tous! Me revoilà avec une nouvelle histoire sur laquelle je bosse depuis un certain moment (très long moment, je dirai-même, fallait juste que je trouve le temps de l'écrire...). Vous vous trouvez en présence de mon vrai style d'écriture (Pour ceux qui me connaissent de par ma première fiction "Que cela t'atteigne, sachez que le genre de l'un se trouve de l'autre côté d'un grand fossé par rapport à l'autre, je vous le dit tout de suite. "Que cela t'atteigne" n'a que pour simple but de "m'entraîner" à écrire de la romance, car je ne suis pas du tout douée avec cette dernière.).

L'histoire que je vous propose ici est beaucoup plus lourde au niveau de contenu et plus "mature", dirait-on. J'espère qu'elle vous plaira malgré tout, car j'ai vraiment beaucoup apprécié de l'écrire. Je pense qu'à partir de maintenant, je vais rester sur ce style d'écrit pour mes futures histoires :3 (bah ouais, j'ai trop d'idées en tête pour ne pas les faire aboutir x))

Bonne lecture! Et n'hésitez pas à me faire part de vos impressions, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, je prend! ça me permettra de m'améliorer ^^.

A très bientôt!

(Et mille merci à tous ceux qui me suivent quotidiennement! Car je ne vous le dirai sans doute jamais assez pour pouvoir exprimer tout le courage que ça me procure *petite larmichette*.)


Souviens-toi de nous

Chapitre 1

Le monde de Lovino Vargas, salarié dans une grande entreprise de renom en vente automobile, venait de s'écrouler devant ses yeux.

Il venait de passer toute une nuit, une longue et abominable nuit blanche, dans l'avion qui l'avait ramené chez lui, dans sa ville natale du sud de l'Italie. Il avait dû entreprendre un voyage d'affaire en France mais avait tout balancé du jour au lendemain pour revenir. Et voilà qu'il était à présent en route pour l'hôpital, assit sur le siège passager à l'avant de la voiture du fiancé de son jeune frère jumeau, Ludwig. C'était un jeune adulte allemand blond à l'allure stricte, aux épaules robustes et carrées, aux traits droits et aux yeux d'un bleu glacial. Lovino était incapable de contenir son anxiété, il ne cessait de taper des talons sur le sol de la voiture, de gesticuler dans tous les sens sur son siège sans jamais trouver une position qui lui paraîtrait finalement convenable. Il soupirait bruyamment et bougonnait des insultes dans sa langue, injuriait parfois des passants qui traversaient en trombe la rue pour enfin trouver abri sous lequel s'abriter le temps que la pluie ne s'estompe, et tout cela, sans même en avoir pleine conscience.

La tension était palpable dans la voiture. La pluie torrentielle s'écrasait avec férocité sur le pare-brise, le ciel était couvert d'épais nuages noirs et menaçants, le vent s'engouffrait entre les arbres et soufflait de puissantes rafales de pluie. Tout ça accentuait encore et toujours la moue maussade de l'italien. Il aurait pu tuer quelqu'un dans la seconde avec un simple regard. Des questions qu'il aurait d'ordinaire trouvées idiotes tournaient en boucle dans son esprit : Pourquoi fallait-il qu'il pleuve ? Pourquoi tout le monde devait-il être aussi agaçant ? Et pourquoi aujourd'hui, en particulier, alors qu'il devait se dépêcher ? Il aurait pu croire que le ciel avait décidé de s'acharner contre lui…

Lovino pouvait sentir les regards inquiets et emplis de malaise que lui lançait inlassablement son voisin de gauche. Mais il s'en fichait pas mal. Oui, il se fichait de tout ce qu'il y avait autour de lui, plus rien n'avait de réelle importance. Dès lors, plus rien ne comptait dans ce qu'il se trouvait autour de lui. Il avait autre chose en tête, autre chose de plus préoccupant, de déchirant, d'oppressant ; Antonio avait eu un accident.

Il l'avait appris avant-hier, alors qu'il venait de rentrer dans l'appartement qu'il louait pour son court séjour de deux semaines en France. Même si ces petits jours dans un autre pays n'étaient, à première vue, pas grand-chose, pour lui, ça lui avait paru être d'une éternité morbide. Et puis, alors qu'il venait juste de finir une harassante journée qui l'avait rendu d'humeur massacrante, il s'était installé devant son ordinateur portable et avait lu ses mails, comme à son habitude. C'était là qu'il l'avait vu : ce mail… ce mail qui l'avait chamboulé. Et son cœur avait sombré…

Il se souvenait encore de ce qu'il avait ressenti à cet instant, il se rappelait encore de cette sensation d'étouffement qui s'était emparée de sa poitrine au moment où il avait lu les mots de son frère, Feliciano. Tout était encore très clair dans son esprit ; il avait un net souvenir de chaque mot, de chaque syllabe, de chaque lettre qu'il avait parcourus plusieurs fois des yeux, le souffle court et le cœur battant à tout rompre. Il voulait s'assurer que ce n'était qu'une mauvaise blague… Mais non. C'était bel et bien réel.

« Antonio a eu un accident. Il est dans le coma. Tout le monde est sous le choc. S'il te plait grand-frère, reviens vite.

Feliciano. »

Sans attendre, il avait annulé les deux derniers jours de son voyage d'affaire et avait sauté dans le premier avion pour l'Italie. Arrivé à l'aéroport, il avait téléphoné à son frère pour venir le chercher mais ce dernier avait, contre toute attente, envoyé Ludwig à sa place. Feliciano aurait été incapable de conduire dans une telle situation, Lovino aurait dû s'en douter. Feliciano aurait éclaté en sanglots à la simple vue de son frère. Et pourtant, c'était Lovino, le plus à plaindre dans l'histoire. Mais il retenait ses larmes. Il n'avait pas la force de les laisser couler. Il était encore très choqué, c'était arrivé trop soudainement. Il ne voulait pas flancher. Pas maintenant. Pas déjà, alors qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de le voir de ses propres yeux. Pas alors qu'il peinait toujours à voir la réalité des choses en face. Les évènements qu'il se ressassait continuellement ressemblaient trop à un sombre brouillard qui enveloppait son être pour qu'il n'en décode la réelle moitié.

En réalité, Lovino préférait que ça se soit déroulé de cette manière. Il n'aurait pas réussi à soutenir les larmes de son frère, pas dans l'état d'angoisse pesante et permanente dans lequel il était en ce moment.

Ludwig gara la voiture sur une place libre du parking, en dessous d'un des arbres faisant office de pourtour, et Lovino en sortit en trombe, claquant violemment la porte de la voiture pour marcher à grandes enjambées vers la double porte vitrée menant au hall de l'hôpital. Ludwig appela plusieurs fois son nom sans obtenir de réponse. Le torrent d'eau masquait presqu'entièrement sa voix pourtant très portante. Lovino entra en fracas, trempé, et accosta une des femmes de l'accueil, ne se préoccupant guère des regards emplis de reproches que lui lançaient les autres personnes qu'il venait de dépasser. Certains, mécontents, protestèrent même mais Lovino ne s'en préoccupa même pas.

- Le numéro de la chambre d'Antonio Fernandez !

La femme sursauta et chercha précipitamment dans les dossiers de son ordinateur, bafouillant des mots d'excuses.

- Vite ! hurla-t-il à bouts de nerfs.

- Lovino ! Calme-toi ! le réprimanda strictement Ludwig qui l'avait enfin rejoins.

L'allemand s'excusa auprès de la gérante de l'accueil qui lui fit un signe de tête compréhensif pour toute réponse, ainsi qu'à toutes les autres personnes derrière eux qui témoignaient d'une réelle animosité envers le brin.

- Je connais le numéro de la chambre.

- T'aurais pas pu le dire plus tôt ? s'emporta-t-il.

- J'ai essayé, figure-toi !

Ludwig soupira, l'attrapa fermement par l'épaule et le força à le suivre. Lovino se laissa faire, incapable d'en placer une de plus. Il était énervé, déboussolé, décontenancé, mais surtout, il était terrifié à l'idée du spectacle qui l'attendait. Terrifié à l'idée d'affronter une vision qu'il ne pourrait de toute façon pas soutenir. Cette nouvelle lui avait fait perdre toutes ses dernières réserves de forces, ses jambes flageolaient, ses mains devenaient affreusement moites, sa tête semblait lui peser une tonne et un grand vide avait maintenant prit la place de son cœur.

Ils marchèrent près de deux minutes avant de se retrouver devant une cage d'ascenseur. Ils descendirent dans un silence pesant et arrivèrent enfin aux soins intensifs. À la simple vue de la plaque lumineuse, le cœur de Lovino se creusa de tristesse et sa lèvre inférieure trembla. Ludwig le conduisit à travers le dédale de couloirs sans que Lovino ne pipe un seul mot, il se contentait de le suivre avec le cœur au bord des lèvres, son estomac se tordait et lui filait d'horribles nausées. Il déglutit dans l'espoir de faire passer son malaise, sa tête tambourinait et résonnait jusque dans ses tempes. Au coin d'un couloir, son cœur rata un nouveau battement. Feliciano était debout devant une grande vitre, le regard perdu dans le vide. Dès qu'il perçut que des pas résonnaient sur le sol du couloir, il détourna lentement la tête dans leur direction.

Il se figea l'espace d'un instant, les yeux écarquillés, hoqueta et courut vers eux. Il tomba lourdement dans les bras de son frère, secoué de gros sanglots qu'il avait trop longtemps contenus, enfuyant sa tête toujours plus loin sur l'épaule d'un Lovino tremblant qui s'efforçait de lui rendre son étreinte. Ses mains n'arrivaient pas à le rassurer, elles ne faisaient que le toucher du bout des doigts.

- Je suis désolé, grand-frère ! Je suis tellement désolé ! lui répétait sans arrêt Feliciano.

Lovino ne put rien répondre. Ses yeux glissèrent malgré lui vers la vitre. Il en eut le souffle coupé pendant de longues secondes. La vision qui s'offrait à lui était encore plus éprouvante pour son esprit que toutes ces interminables heures qu'il venait de passer dans l'avion.

Antonio était sous respiration artificielle, de nombreux tuyaux lui étaient reliés partout sur le corps, des électrodes parcouraient son torse, une machine pour vérifier son rythme cardiaque provoquait un « bip » continuel et témoignait de son seule signe de vie et, pour finir, sa tête était entourée de bandages. Il était étendu là, dans un lit blanc, dans une chambre aux parois blanches, entouré de part et d'autre d'un rideau tout aussi blanc. Il se serait cru face à un cadavre…

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda-t-il, la voix tremblante d'émotion.

- C'est- C'est de ma faute ! renifla Feliciano en déliant son étreinte du cou de frère ainé.

- Ce n'est pas vrai… essaya de le rassurer Ludwig en lui effleurant avec tendresse l'épaule pour enfin poser une main rassurante dans son dos.

- Si ! renchérit Feliciano, fondant une nouvelle fois en larmes. J'ai remarqué que le toit de la maison laissait passer l'eau depuis quelques jours et Ludwig était débordé de travail avec l'entrainement des troupes de l'armée, seul Antonio avait du temps de libre. Je ne sais pas le faire, moi, je ne suis pas doué avec les outils ! Alors… hésita-t-il, déglutissant avec difficulté. Alors je lui ai demandé de passer dans la semaine pour voir s'il savait m'aider. Il a accepté avec un grand sourire, j'en étais très heureux. Il est monté sur le toit et moi j'ai voulu lui apporter à boire, il faisait plus chaud que les autres jours, cette après-midi-là. J'ai déposé le plateau sur la table du jardin et lui, il a voulu descendre de l'échelle… et c'est là que- hoqueta-t-il de plus bel alors qu'un sanglot s'emparait encore de lui. C'est là que son pied a glissé d'une des marches et qu'il est tombé dans un grand bruit sur le sol, près des escaliers. Il a perdu connaissance un bref instant. J'ai réussi à le faire revenir à lui mais il se plaignait d'un horrible mal de tête, j'ai remarqué qu'il saignait beaucoup à l'arrière du crâne, la dernière marche de l'escalier était recouverte de sang. Il avait le teint vraiment pâle et il avait du mal à garder les yeux ouverts. Alors je l'ai obligé à aller à l'hôpital. L'ambulance mettrait plusieurs minutes donc j'ai décidé de l'emmener moi-même et j'ai téléphoné à Ludwig pour le prévenir de me rejoindre aussi vite que possible. Avant que l'on arrive sur le parking, il avait perdu connaissance. Je n'ai rien pu faire pour le réveiller ! J'étais en panique ! J'ai cru qu'il était mort !

Rien que ce simple mot glaça l'échine de Lovino jusqu'à la moelle. Comment pourrait-il un jour imaginer que ça lui arrive ? Et à lui, parmi tous?

- Les médecins attendent de voir une amélioration dans les prochains jours… Je suis tellement désolé, grand-frère !

Feliciano se sépara des bras de son frère pour entourer Ludwig par la taille, hoquetant et reniflant bruyamment. Le blond l'enserra de ses bras musculeux et lui caressa doucement la tête.

Lovino n'avait su que répondre pour rassurer son jeune frère. Feliciano était très émotif de nature, tous ses sentiments paraissaient sur son visage, seul Ludwig avait les bons gestes dans ces cas-là. Lui… lui n'aurait rien pu faire…

En aucun cas il ne lui en aurait voulu, il ne le pourrait jamais, de toute manière. Feliciano restait son précieux petit frère.

Il resta longtemps le regard perdu sur le visage endormi de son amant. Oui, Antonio était son amant et son premier amour depuis maintenant plus de trois mois. Ils s'étaient connus très jeunes, Antonio avait toujours veillé sur lui quand son grand-père partait. Ils avaient commencés à devenir très proches au fil du temps. Et c'était tout naturellement que Lovino avait commencé, malgré lui, à développer de profonds sentiments amoureux pour son ainé. Antonio avait fini par le remarquer et avait été le premier à se déclarer. Après cela, les moments qu'ils avaient passés ensemble avaient été les plus beaux que Lovino eut jamais connus.

Repenser à tout ça lui sapait encore plus le moral, il avait réellement envie d'aller près d'Antonio et de le serrer dans ses bras, de le savoir toujours là, toujours présent… toujours conscient

Il n'entendait même plus les excuses que son jeune frère répétait dans les bras de son fiancé.

La nuit qui s'ensuivit lui parut être la plus longue de toute sa vie. Il avait forcé Ludwig à ramener Feliciano malgré le refus catégorique de ce dernier. Il lui avait promis qu'il allait rentrer chez lui un peu plus tard, vu que les visites n'étaient plus autorisées après une certaine heure, mais il n'en fut rien. À son grand étonnement, aucun médecin de garde ne vint lui dire qu'il devait partir. Il eut bien entendu droit à des coups d'œil curieux mais rien de plus. Il passa toute la nuit sur les chaises du couloir des soins intensifs, le regard perdu sur ce qu'il se passait de l'autre côté de la vitre. Il marchait de temps à autre pour se dégourdir les jambes, s'étendait les muscles pour s'éviter de douloureuses courbatures, buvait à petite gorgées le café qu'il s'était acheté au distributeur pas loin, soupirait beaucoup.

Lovino n'avait pas la force de voir son frère pleurer toute la nuit. Il ne voulait pas non plus que ce dernier le voit dans un état aussi déplorable. Il ne réussit pas à réellement fermer l'œil, il s'était assoupi l'espace d'un bref quart d'heure mais avait fini par se réveiller en sursaut, et, alors qu'il s'était dit qu'il avait dû rêver cette douloureuse journée, la réalité lui était revenue de plein fouet quand il avait regardé autour de lui, l'esprit toujours embrumé, et lui avait fait l'effet d'un grand coup de poing dans le ventre. Il avait déjà l'estomac tellement retourné qu'il ne prit même pas la peine d'aller se chercher un déjeuner. Il n'aurait de toute manière pas pu l'avaler, il n'avait pas faim. Il ne compta même pas le nombre d'heures qui défila. L'état d'Antonio était tout ce qui le préoccupait, tout ce à quoi il pensait. Les couloirs étaient lugubres, le désinfectant emplissait l'air ambiant, le « bip » constant des machines lui donnait la nausée, les infirmières se relayaient par ronde…

Dans toute sa vie, c'était tout ce que Lovino avait un jour pu voir de plus morbide…

Il secoua la tête, il voulait chasser au plus loin de lui toutes ses pensées beaucoup trop sombres et déprimantes. Il ne voulait pas flancher, pas encore, pas déjà.

Feliciano et Ludwig arrivèrent tous deux vers la fin de matinée, accompagnés de Francis, un français aux cheveux bouclés et aux yeux clairs, et de Gilbert, le grand frère de Ludwig, un albinos aux yeux aussi flamboyants qu'un rubis et au sourire tantôt carnassier, tantôt taquin. Ils étaient, tous deux, les meilleurs amis d'Antonio. Les discussions se faisaient à voix basse. Lovino ne chercha même pas à écouter ce que chacun disait à l'autre. Il en avait vraiment assez.

Lovino décida d'aller prendre l'air, évitant ainsi les regards désolés et dégoulinants de pitié de la part des autres. En passant par la double porte en verre, la lumière du jour lui attaqua méchamment les yeux. Il mit de longues minutes à battre des paupières avant de pouvoir enfin entièrement les ouvrir. Une légère bise soufflait, il respira à plein poumon. De nombreuses personnes ne cessaient de s'agglutiner toujours plus devant l'entrée, leur visage ne souriait pas, pour la plupart d'entre eux. D'autres encore, promenaient des patients sur des chaises roulantes et entamaient des discussions qui se perdaient tel des cendres dans le vent pour les oreilles de Lovino. Il regarda attentivement les alentours et vit qu'un des bancs près du parking était libre. Il décida d'aller s'y poster pour souffler un peu et éviter à ses jambes de continuer de flageoler plus qu'elles ne faisaient déjà. Il plaça l'un de ses bras sur l'accoudoir et soupira un grand coup. L'air frais lui faisait un bien fou !

- Tu as une sale mine, retentit soudain une douce voix derrière lui, lui arrachant un sursaut.

Lovino ne prit même pas la peine de basculer les yeux par-dessus son épaule, il avait reconnu Francis. Il ne répondit pas, il attendit juste que le blond ne daigne s'assoir à sa gauche.

- Tu devrais aller dormir un peu, reprit-il avec un ton toujours empreint d'inquiétude. Ce n'est pas bon de te surmener comme ça, Lovino.

Toujours aucune réponse de la part de l'italien.

- Lovi…

Lovino se redressa et dégagea son bras de l'accoudoir pour lier ses doigts entre eux. Il gardait les yeux fermés,

- Et je devrais faire quoi alors ? Le laisser tout seul ?

- Lovi, il n'est pas tout seul.

- Arrête de m'appeler comme ça !

- Nous sommes tous là. Nous attendons tous qu'il se réveille.

Un silence s'éternisa un instant entre les deux hommes. Lovino gardait les yeux rivés sur ses mains maintenant jointes. Ses jambes s'agitaient nerveusement.

- Je sais que c'est dur pour toi mais-

- Non, putain ! Non ! Tu ne le sais pas, compris ? Tu n'es pas à ma place alors ne me sors pas ta morale à deux balles ! Ça m'exaspère !

S'en était trop pour lui, il ne voulait pas qu'on le console. Il ne voulait pas qu'on ait pitié de lui. Il voulait juste qu'Antonio se réveille. Il voulait juste se dire que tout ce qu'il s'était passé n'était en réalité qu'un mauvais rêve et qu'il allait bientôt pouvoir s'en réveiller. Il espérait pouvoir se dire que, demain, lorsqu'il ouvrirait les yeux, il trouverait une nouvelle fois Antonio auprès de lui, l'enserrant de ses bras halés et musclés, lui souriant de son éternel sourire qui avait le don de lui faire perdre tous ses moyens, de sentir qu'il le dévorait de son regard brulant, d'entendre sa voix mielleuse prononcer son nom et sentir son contact chaud. Il voulait simplement Antonio, ni plus, ni moins.

Francis ne répondit rien en retour, il savait qu'une fois que Lovino s'énervait, il ne pourrait plus avoir une conversation calme, sans qu'il ne lui balance des insultes à tout bout de champs.

- Je n'étais pas là, d'accord ? continua faiblement Lovino.

Les mots peinaient à se frayer un chemin par-delà ses lèvres tremblantes. Il venait de parler sans même le réaliser. Sa voix était rauque, ses mains moites, son cœur meurtri. Francis le regardait toujours sans mot dire.

- J'aurai dû être là… reprit-il, sentant un sanglot lui remonter dans la gorge.

- Tu n'aurais rien pu faire, Lovi…

- Si ! Si, justement ! J'aurai pu faire quelque chose ! Si j'étais resté, si je n'étais pas parti pour ce putain de voyage d'affaire, je serais monté là-haut à sa place ! C'est moi qui aurais accepté de réparer le toit de la maison de Feli ! J'aurai réussi- … Je lui aurais évité de finir comme ça. Conclut-il d'un ton amer.

- Et tu penses que si ça t'était arrivé à toi, 'Tonio aurait été soulagé ? lui répondit le français avec un regard empli de reproches.

- Et tu crois que moi je voulais qu'il soit dans cet état, peut-être ?

- Non, bien sûr que non. Je n'ai jamais pensé ça, Lovi.

Lovino espérait qu'on lui fiche enfin la paix. Il était justement sorti pour se changer les idées, pas pour recevoir des mots d'excuses ou un semblant de réconfort de la part d'autrui.

- Il est mon ami. Moi aussi, ça me choque ce qui lui est arrivé, Lovi. Mais l'on ne peut qu'attendre.

Sur ces mots, le français plaça une main amicale et qui se voulait sans doute réconfortante sur l'épaule du brun. Après un moment, il se remit finalement debout et prit la direction inverse de par laquelle il était venu quelques minutes plus tôt, les mains dans les poches et d'une démarche qui avait perdu de sa nonchalance habituelle.

Les jours passèrent pour devenir des semaines, de longues et abominables semaines qui s'écoulaient trop lentement pour notre jeune italien. Lovino dû retourner travailler et ne pouvait, de ce fait, plus venir à l'hôpital que durant la soirée. La condition d'Antonio n'avait pas bougé depuis plus de deux mois. Les médecins restaient septiques à son sujet. Ils avaient de nombreuses fois essayé de prévenir Lovino qu'il ne pourrait sans doute plus jamais sortir de son coma, rien ne laissait présager qu'il le pourrait. Son traumatisme avait été trop important pour qu'il ne s'en sorte clairement indemne. Aucun signe n'était assez distinctif pour qu'il ne soit considéré comme « sur le point de se réveiller ». Lovino le savait. Il le savait très bien… pourtant il continuait d'espérer. C'était tout ce qui lui restait.

Quand Lovino arrivait, Feliciano le serrait toujours dans ses bras. Les autres lui souriaient gentiment, mais leur mine ne faisait que se détériorer au fil du temps, ils avaient perdu une grande partie de leur joyeuseté.

Ses journées ne se résumaient qu'à se lever le matin, s'habiller, partir au travail, manger, retourner travailler, rentrer chez lui, se changer, partir en direction de l'hôpital pour y rester jusque très tard et enfin retourner chez lui, occasionnellement. Le lendemain, il recommençait la même routine. Il ne dormait que très peu et s'efforçait, malgré lui, d'avaler le stricte minimum pour tenir debout. Tout le monde voyait qu'il n'était plus que l'ombre de lui-même. Ses nerfs étaient à bout. Le Lovino d'antan commençait tout doucement à s'effriter et perdait peu à peu de sa vigueur.

Le temps continua de s'écouler, il perdait notion des heures, des jours et des semaines. Seul le cliquetis de l'horloge sur le haut du mur blanc de l'hôpital témoignait des minutes qui s'écoulaient à flot mais pour autant pas assez vite pour lui. Il se vit bientôt obligé de prendre un congé indéterminé auprès de son entreprise à cause du stress permanent qu'il subissait. Son patron, un vieil ami de son grand père, avait entendu parler de l'histoire et l'avait un jour appelé dans son bureau – évidemment, il n'avait aucune idée de la relation que Lovino entretenait depuis peu avec Antonio, peu de gens le savaient, à vrai dire. Ils avaient toujours été très discrets sur la nature de leur relation car Lovino, bien qu'il l'assumait, restait des plus timides –. Lovino était un employé digne de ce nom, il travaillait toujours d'arrachepied pour négocier et obtenir l'accord d'un client qu'il avait défini comme « potentiel acheteur », une baisse de performances de sa part était complètement inhabituelle et prouvait, de par sa vélocité, de la condition dans laquelle il stagnait depuis quelques temps. Ils avaient eu une longue discussion et ça s'était terminé sur un commun accord ; Lovino devait à tout prix se soigner avant de revenir. Ces interminables heures de travail supplémentaire qu'il s'infligeait chez lui dans l'espoir d'oublier les évènements lui avaient fait perdre quelques kilos et continuaient d'empirer sa santé. Il savait qu'il devait à tout prix se reprendre en main.

Et puis un jour, alors qu'il continuait sa routine inlassablement, Lovino reçu un coup de fil de l'hôpital. D'après ce qu'il avait compris, ils avaient décidé d'emmener Antonio dans une chambre de réveil. D'après eux, il témoignait enfin d'un mouvement dans son système nerveux.

« Il ne tardera sans doute pas à se réveiller d'ici peu. » lui avait certifié l'infirmière de garde qui prenait continuellement soin de lui. Lovino l'avait souvent vu à son chevet, vérifiant ses constantes et prenant note sur son dossier.

Il n'avait alors jamais couru aussi vite de toute sa vie. Il ne gardait qu'un vague souvenir du chemin qu'il avait parcouru. Ses jambes l'avaient conduites d'elles-mêmes devant la chambre que lui avait indiquée l'infirmière un peu plus tôt. Tout le trajet ne s'était défini que par des silhouettes floues de personnes se baladant par-ci par-là dans les rues. Des paroles à peine prononcées lui parvenaient aux oreilles, il n'aurait plus réussi à dire ce qu'il avait entendu durant tout le temps où il courait à perdre haleine. Il ne prit aucunement attention aux regards interrogateurs que lui lançaient les passants quand il les dépassait à grandes foulées et aux jurons que certains lui hurlaient quand il les bousculait sans pour autant s'excuser. Ses poumons lui brûlaient, le vent lui fouettait le visage, la chaleur ambiante le faisait suer à grosses gouttes, tous ses membres l'élançaient. Mais il courait. Il courait comme si sa vie en dépendait. Comme si la gravité qui le ralentissait n'était plus qu'une vaste connerie. Il courait car Antonio l'attendait peut-être déjà. Il courait car, lui aussi, il voulait le voir à tout prix.

Quand il fut enfin arrivé, personne n'était présent. Le couloir était entièrement vide. Il n'avait pas pensé à téléphoner à Feliciano, il avait juste pensé à accourir auprès d'Antonio, de le serrer dans ses bras quand il ouvrirait enfin les yeux et qu'il lui sourirait. Tant pis ! Il le ferait juste après.

Sa respiration se faisait rauque. Il mit un bon moment avant d'enfin retrouver un souffle plus ou moins normal. Son esprit carburait à cent à l'heure, sa tête lui tournait, son estomac se tordait violemment sous l'inquiétude mélangée au stress.

Il réalisa enfin, il était debout devant la porte qui le gardait coupé d'un Antonio dès lors en phase de réveil. Maintenant qu'il y pensait, Antonio était toujours endormi, pas vrai ? Personne ne lui avait dit qu'il s'était déjà réveillé, en fait. Il était juste en bonne voie.

Il tenta désespérément de calmer les battements douloureux de son cœur se fracassant dans sa cage thoracique. Il inspira un grand coup et ouvrit doucement la porte, une partie de lui était toujours réticente. Antonio était toujours étendu dans son lit avec la tête bandée de blanc. Ses yeux étaient toujours clos. Ses mains ne bougeaient pas. Les mêmes machines l'entouraient. La même odeur de désinfectant lui grattait affreusement le nez. Rien n'avait changé…

Il tituba dans la pièce, le cœur battant, et réussit enfin à atteindre une des chaises sur laquelle il prit place, les jambes tremblantes. Il observait le visage devant lui, le trouvant si parfait. Mais il manquait indéniablement quelque chose ; il ne le regardait pas, il ne lui souriait pas, il ne l'appelait pas, il ne faisait que respirer, les yeux fermement clos.

Il ne prit, une fois de plus, pas attention au temps qui s'écoulait. Les autres finirent par arriver. Feliciano lui sauta dans les bras.

- Pourquoi tu ne m'as pas répondu quand je t'ai appelé ? le gronda-t-il.

- Désolé, j'ai mis mon téléphone portable sur silencieux.

Il regarda l'écran de son téléphone et vit qu'il affichait effectivement trois appels manqués.

Ils restèrent toute la journée, Lovino toujours au chevet d'Antonio. Il lui serrait tendrement la main dans les siennes.

Deux jours passèrent.

Lovino avait chargé son frère et Ludwig de rester auprès d'Antonio pendant il partait se chercher à manger dans un magasin du coin, n'ayant pas vraiment la force de cuisiner de lui-même. Alors qu'il arrivait enfin chez lui et qu'il rangeait les courses dans son frigo, son téléphone sonna. Il décrocha :

- Allo ?

- Grand-frère !

La voix à l'autre bout paraissait alarmée.

- Feli' ? Qu'est-ce que se passe ?

- Il faut que tu viennes à l'hôpital ! Vite !

- À L'hôpital ? Feli', dis-moi ce qu'il se passe ! Il t'est arrivé quelque chose ?

- Non, rien ! Rien du tout, je te rassure ! Mais à Antonio oui !

- Explique-moi-

- Il s'est réveillé !

Le cœur de Lovino bondit dans sa poitrine. Antonio s'était réveillé ! Enfin !

- J'arrive tout de suite !

Il raccrocha sans en écouter plus, rangea le reste des courses en hâte et courut à perdre haleine jusqu'à l'hôpital. Il fondit à travers la masse de gens qui commençaient tout doucement à se noircir et prit les escaliers, l'ascenseur étant trop bondé. En débouchant sur le couloir de la chambre, il cogna dans Feliciano. Il remarqua Ludwig en pleine conversation téléphonique, un peu plus loin dans le couloir.

- Comment va-t-il ? fit-il à bout de souffle.

- I-Il va bien, mais-

Lovino ouvrit la porte.

- Attends, grand frère ! Il faut que je te dise quelque chose-

Il entra en trombe dans la chambre. Antonio était là, assit sur son siège, entouré de médecins. Son regard semblait vide.

- Antonio !

L'intéressé détourna la tête dans sa direction sans lui répondre, de même que toutes les personnes présentes, médecins et infirmières.

- Monsieur Vargas ?

- Que se passe-t-il ? Antonio, tu vas bien ?

Antonio le regarda longuement sans mot dire. Ses lèvres s'entrouvrirent, ses sourcils se froncèrent.

- Qui êtes-vous ?

Ces trois mots prononcés par une voix brisée firent l'effet d'une bombe dans le cœur du jeune italien.

Non… Ça ne pouvait pas être possible…